Lancée fin octobre avec le soutien de la force française Barkhane, l’opération Haw Bi, la première menée par la Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S) avec des unités maliennes, nigériennes et burkinabè, dans la zone dite des « trois frontières » a marqué une étape, selon le compte-rendu hebdomadaire de l’État-major des armées (EMA).
« Le premier objectif a été atteint avec la capacité à monter une opération coordonnée multinationale en peu de temps », affirme en effet l’EMA. « Il constitue un succès en soi dans la mesure où il y a quatre mois, au moment du sommet de Bamako […], les postes de
commandement de Niamey et de Sévaré n’existaient pas et la Force Conjointe ne disposait d’aucune unité », ajoute-t-il.
La manoeuvre a consisté à mettre en place un dispositif de bouclage de zone avec 750 soldats, puis de mener des reconnaissances simultanées « de part et d’autre de la frontière burkinabé et malienne. » Aucun élément jihadiste n’a été neutralisé lors de cette phase.
Ainsi, selon l’EMA, « la capacité de la Force Conjointe à concevoir,
commander et conduire une opération a été validée, démontrant qu’elle dispose de cadres formés capables de mettre en œuvre des procédures communes » et la « la phase initiale de déploiement a permis le rodage des procédures entre PC [postes de commandement, l’un étant à Sévaré, l’autre, à Niamey].
Seulement, tout n’a visiblement pas été aussi parfait. D’ailleurs, a relevé l’EMA, il y a des « des progrès à poursuivre » pour que la FC-G5S soit pleinement opérationnelle, notamment au niveau des transmissions entre les unités sur le terrain et le commandement.
Le général malien Didier Dacko, le chef de cette force conjointe, ne semble pas satisfait de cette première opération. Et son bilan est plus contrasté que celui dressé par l’EMA. « Il y a beaucoup de difficultés qui sont apparues. Des difficultés de coordination, des moyens de communication à parfaire et les délais de mise en place à revoir pour que la prochaine opération soit mieux conduite », a-t-il confié au Studio Tamani, un média malien financé par l’Union européenne.
En outre, le colonel nigérien Mahamadou Mounkaila, qui commande le PC de Niamey (qui correspond à la région « centre » du G5 Sahel), a fait état de « problèmes logistiques ». « C’est une première mission, nous avons beaucoup de leçons à tirer mais je ne pense pas que ce soit insurmontable », a-t-il assuré auprès de TV5.
Aussi, l’on peut considérer le bilan de cette première opération comme étant encourageant car le pari de faire manoeuvrer ensemble trois forces différentes était loin d’être gagné en juillet dernier. Mais il reste encore beaucoup de travail à accomplir pour que les unités du G5 Sahel soient suffisamment autonomes pour permettre à Barkhane, comme l’a dit, non sans optimisme, le général Bruno Guibert, son chef, de « disparaître progressivement du paysage ».
Qui plus est, la question des capacités se pose, notamment dans les domaines de l’appui aérien, du renseignement ou encore de l’évacuation sanitaire.
À terme, la FC-G5S doit compter 5.000 hommes, soit l’équivalent de 7 bataillons, fournis par le Tchad, la Mauritanie, le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Son financement (plus de 420 millions d’euros de budget de fonctionnement) n’est toujours pas bouclé.
Selon des sources diplomatiques citées par le quotidien La Croix, cette force conjointe risque de se frotter à d’autres problèmes. « Entre les discours officiels et la réalité du terrain, il y a un monde. Le président malien, par exemple, se méfie de son armée. Il la traite mal : d’ailleurs, on peut s’attendre à des remous graves à l’approche de l’élection présidentielle, en 2018 », a expliqué l’une d’elles, estimant qu’il valait mieux parler de G4+ puisque la Mauritanie serait « sortie du jeu ».