Le 30 juillet, la ministre des Armées, Florence Parly, a félicité le général Bruno Guibert, le commandant « sortant » de la Force Barkhane, pour les « résultats remarquables obtenus au cours de cette année et l’évolution positive de la situation telle qu’elle a pu le mesurer au cours de ses déplacements » dans la bande sahélo-saharienne [BSS], notamment grâce à une « stratégie renouvelée, sachant s’adapter avec courage et lucidité aux évolutions du terrain. »
Au cours de ces 12 derniers mois, la Force Barkhane a neutralisé 230 terroristes, en particulier lors d’opérations menées contre l’État islamique dans le grand Sahara [EIGS] dans la région dite des trois frontières, c’est dire aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso. En outre, des coups sévères ont été portés contre l’encadrement du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM ou JNIM] ainsi qu’à la Katiba Al-Furqan, active dans le secteur de Tombouctou. Dans le même temps, des actions civilo-militaires ont été menées au profit des populations.
Ces résultats ont été obtenus dans le cadre d’un changement de stratégie. Désormais, la Force Barkhane ne fait plus de « contrôle de zone » mais privilégie les opérations longues sur le terrain, tout en réduisant le plus possible son empreinte logistique et en mettant l’accent sur le renseignement (notamment d’origine humaine). Enfin, le général Guibert a pu s’appuyer ponctuellement sur des groupes armés pro-Bamako pour traquer des éléments jihadistes, en particulier ceux de l’EIGS.
Toutefois, si les organisations terroristes ont été déstabilisées par les actions de Barkhane, elles font preuve, du moins est-ce vrai pour certaines, de résilience. Pour le général Guibert, les attaques récentes qu’elles ont revendiquées (à Ouagadougou en mars, à Tombouctou en avril et à Sévaré, contre le quartier général de la Force conjointe du G5 Sahel en juin et à Gao en juillet) sont certes « très violentes » mais « épisodiques » et leur « portée est limitée ».
Mais un facteur – plutôt inquiétant – est à prendre en considération. Depuis quelques mois, les tensions communautaires dans le centre du Mali se font jour. Elles opposent les Peuls, traditionnellement nomades, aux bambaras et aux dogons, dont sont issus les dozos, qui sont des « chasseurs traditionnels ». Et les groupes jihadistes sont évidemment à l’affût, prêts à exploiter ces violences interethniques…
« Toute la zone centre [où Barkhane n’intervient pas, conformément au souhait des autorités maliennes, ndlr] a subi une très forte pression des jihadistes, au point que l’insécurité s’y est enkystée. Le terrorisme vient surinfecter des fractures communautaires souvent très anciennes. La situation est préoccupante. Aujourd’hui, l’État malien cherche légitimement à reprendre position », a ainsi expliqué le général Guibert, dans un récent entretien donné au quotidien Le Monde. En outre, le centre du Mali a été celle où il a été constaté le plus d’incidents lors de l’élection présidentielle organisée le 29 juillet.
Et telle est l’un des aspects de la situation qu’aura à appréhender le général Frédéric Blachon, le nouveau commandant de la Force Barkhane, qui a pris ses fonctions le week-end dernier.
Outre les tensions communautaires dans le centre du Mali, les blocages dans la mise en oeuvre des accords d’Alger, censés mettre un terme au conflit relatif au statut du nord du Mali, ne sont pas faits pour apaiser les tensions. Cela étant, certaines factions, touareg en particulier, y trouvent leur compte étant attendu que tout leur est bon pour continuer leurs trafics.
Un autre dossier qui attend le général Blachon est la montée en puissance de la Force conjointe du G5 Sahel, qui doit compter 5.000 soldats fournis par le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Tchad et la Mauritanie. Même si elle a été déployée sur le terrain à plusieurs reprise, cette dernière n’a pas encore été déclarée pleinement opérationnelle… Alors qu’elle aurait dû l’être en mars dernier. Les difficultés pour réunir les fonds nécessaires à son fonctionnement en sont une raison. Mais pas seulement.
« Il est difficile d’opérationnaliser une force à partir d’armées qui souffrent de problèmes structurels majeurs », a admis le général Guibert dans son entretien donné au Monde. Mais il faut aussi faire avec les déficits capacitaires, surtout dans les domaines de la logistique et des équipements.
Saint-cyrien [promotion MONCLAR 1984-1987], le général Blachon, 54 ans, a entamé sa carrière opérationnelle au 1er Régiment de chasseurs parachutistes [RCP]. Après avoir été comme chef de section et chef du commando de recherche et d’action dans la profondeur au sein de cette unité, il a occupé les fonctions de chef de l’antenne de préparation militaire de Nantes entre 1995 et 1997.
Diplômé de l’École supérieure des sciences économiques et commerciales [ESSEC] en 1999, stagiaire au Collège interarmées de défense [CID, l’appellation de l’École de Guerre à l’époque], Frédéric Blachon a été successivement affecté au Secrétariat général du gouvernement, au 1er RCP en tant que chef de Bureau Opérations Instruction [BOI] puis aux Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, en tant que commandant de la promotion de l’ESM « Lieutenant Brunbrouck ».
Chef de corps du 1er RCP entre 2007 et 2009, il devient chargé de mission la Mission pour la coordination de la réforme [MCR], puis chef de cabinet du général inspecteur général des armées – Terre. Après avoir obtenu ses étoiles de général est occupé la fonction de sous-directeur recrutement à la direction des ressources humaines de l’armée de Terre, il prend le commandant des Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan et de la base de défense de Vannes-Coëtquidan. Avant d’être nommé à la tête de l’opération Barkhane, il commandait la 1ere Division.
Photo : armée de Terre