Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Lun Avr 21 2014, 09:29
Le 21 AVRIL 1954
La nuit a été relativement calme, les Viêts ont bien lancé une attaque vers HUGUETTE 1 mais assez mollement .
Devant ELIANE 1 le 2/1 RCP a lancé un coup de main .
70 hommes ont été largués sur le camp retranché .
Le gros problème du jour est le ravitaillement d’HUGUETTE 1 .
Le PA est maintenant complètement investi , appuyée par deux chars, une compagnie de la 13° DBLE quelques section du REI et du BEP , tentent toute la journée de desserrer l’étreinte .
Depuis la fin de leur deuxième offensive et plus précisément de leur double échec devant HUGUETTE 1 , les viêts ont renoncé aux assauts en force.
Ils creusent tranchées après tranchées , faisant un réseau tentaculaire par où ils s’infiltrent , enserrant, étouffant la position .
Sur HUGUETTE 1 le capitaine CHEVALIER tient toujours, il rend compte par radio .
« j’ai dépensé 3000 grenades à main et plus de la moitié de la dotation en munition ! je peux tenir encore une nuit , deux peut-être ……….. »
Au PC on s’efforce de le réconforter, mais on ne peut rien lui promettre, tous et CHEVALIER le premier savent que le combat est sans espoir .
D’ailleurs où prendre des hommes pour contre attaquer ou relever CHEVALIER ? où sont les Paras et les Légionnaires ? tous les bataillons de Paras et de Légion sont exsangues, à bout de force .
Le docteur GRAUWIN a déjà parlé de soldats relevés sur leur point d’appuis qui se sont écroulés, sans blessure apparente, ils n’ont rien, ils sont morts .
L’agonie d’HUGUETTE 1 continue , CHEVALIER a regroupé ses 60 légionnaires restants dans le réduit central du point d’appui .
Il sait que la fin est proche , au soir du 22 avril les bo-doïs déboucheront de leurs galeries souterraines, CHEVALIER demandera un matraquage des tubes de 120 sur sa propre position.
A suivre
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Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Mar Avr 22 2014, 12:03
Les 22 ET 23 AVRIL 1954
HUGUETTE 1 tombe
Les rescapés ne peuvent que raconter la dernière image qu’ils ont conservé, celle du capitaine CHEVALLIER debout sur le toit de son PC tirant ses ultimes cartouches, puis disparaissant sous une nuée d’hommes en noir ………..
Le point d'appui Huguette 1 est investi de toutes parts. A 1 heure du matin, CHEVALLIER ne répond plus.
De CASTRIES décide la reprise de ce PA perdu.
A 11 heures, le 2° B.E.P reçoit l'ordre d'attaquer.
Deux compagnies (PETRE - de BIRE ) venant du sud (Huguette 2) deux compagnies venant de l'ouest (Opéra). A 16 heures, échec de la contre-attaque.
LA MORT DU 2° B.E.P
Dès qu’il a appris la tragédie d’HUGUETTE 1 de CASTRIES a convoqué LANGLAIS et BIGEARD et leur a dit !
Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser HUGUETTE 1 aux mains de l’ennemi, il ferait un bon en avant de 300 mètres en avant et les PC seraient désormais à portée immédiate des armes d’infanterie
Il a commandé la reprise de la position
En dépit de la réticence de ses adjoints qui mettent en avant le peu de moyens et d’hommes dont ils disposent, de CASTRIES maintient sa décision leur laissant le soin de la mettre en œuvre .
Pour BIGEARD et LANGLAIS le décompte est simple
Il n’y a à DIEN BIEN PHU qu’une seule unité à peu près complète, susceptible de mener l’attaque .
Il s’agit du 2° B.E.P. du commandant LIESENFELT
Convoqué à l’aube, ce dernier demande des délais, le rassemblement de son bataillon demandera de longues heures, il met en jeu pas moins de 14 mouvements d’unités qui doivent assurer la relève de ses compagnies .
BIGEARD qui est fatigué dit que le 2° BEP a l’habitude de ce genre de manœuvres et décrète « il n’a pas besoin de moi »
( Note particulière )
Il y a polémique sur ce sujet , certains disent que BIGEARD fatigué est parti se coucher, ce qui aurait contribué à l’échec de la contre-attaque, d’autres comme le commandant LIESENFELT disent au contraire que BIGEARD est resté près de lui . sur 4 ouvrages consultés, j’ai constaté qu’aucun ne disait la même chose sur le sujet
Tout ce que LIESENFELT arrive à arracher c’est deux heures de délais, initialement prévue à 14 heures l’opération débute à 16 heures .
MALHEUREUSEMENT , ni l’aviation ni l’artillerie n’ont été averties de ce décalage et, selon les ordres les tirs de 105 et de 120 ainsi que le bombardement aérien ( préparation d’artillerie avant l’assaut ) débutent à 14 heures .
Ecrasés sous les obus , les torpilles et le bombes, la garnison ennemie de HUGUETTE 1 serait incapable d’opposer une résistance sérieuse si elle était attaquée
Mais elle ne l’est pas, cette préparation d’artillerie intervient bien trop tôt, LIESENFELT a bien sûr fait arrêter le matraquage d’artillerie, mais il ne peut interrompre le travail des avions
C’est dramatique , l’artillerie et les mortiers ont déjà dépensé en pure perte la moitié de la dotation d’obus accordée .
Pire, les Viêts se sont ressaisis et sont maintenant prêt à contenir l’assaut des légionnaires parachutistes
Et quand enfin, deux des quatre compagnies du B.E.P. arrivent sur leurs bases de départ, il est trop tard, l’ennemi est en état de riposter, appuyé par toutes les pièces qui tirent à vue depuis « DOMINIQUE 2 » et les mortiers amenés jusqu’aux anciennes positions françaises HUGUETTE 6 et 7 .
Et pourtant les compagnies des lieutenants PETRE et LECOUR-GRANDMAISON s’élancent depuis les tranchées de la position OPERA à l’est de la piste .
Elles sont aussitôt clouées au sol par un effroyable barrage d’artillerie et prises à partie par des mitrailleuses installées comme sur un stand de foire dans le nez du CURTISS COMMANDO .
C’est l’ hécatombe !
De la même façon, les deux autres compagnies qui devaient s’élancer à partir des lisières nord d’HUGUETTE 3 ne progressent pas d’un mètre, accueillies par un déluge de fer et de feu .
Comble de malchance, brouillé par l’effet de fading provoqué par la masse métallique de la piste d’aviation, le poste radio du commandant LIESENFELT ne peut capter les appels au secours de ses unités .
A 15h45 , inquiet de n’avoir aucune nouvelle le général de CASTRIES fait réveiller BIGEARD .
J’ai l’impression que l’attaque piétine, va voir cela de près ……..
BIGEARD s’équipe rapidement et fonce jusqu’à l’emplacement occupé par LIESENFELT .
Le poste fonctionne et, maintenant la situation apparaît clairement aux deux officiers .
Elle est désespérée
BIGEARD n’est pas homme à s’acharner et il obtient du général de CASTRIES l’autorisation de repli .
Je les connais dit-il, si ils n’ont pas réussis personne n’aurait pu réussir !
Attaquer face à des mitrailleuses est déjà suicidaire, se replier devant elles est peut-être pire encore .
C’est au moment du décrochage que les pertes vont êtres considérables.
Les compagnies BOULINGUIES et DE BIRE mettront près d’une heure à revenir sur leurs bases de départ .
Le lieutenant DE BIRE est touché gravement aux jambes, il avance en utilisant des pelles de tranchées .
Sur la piste d’aviation c’est le massacre, les lieutenant PETRE et LECOUR-GRANDMAISON sont blessés à leur tour .
Leurs compagnies ont perdu 80 pour cent de leurs effectifs, c’est YZQUIERDO, un jeune lieutenant qui parvient à ramener les survivants jusqu'à OPERA , il ne reste qu’une petite section .
Au soir le 2° B.E.P. est dissous, les rescapés iront rejoindre les rangs du 1° B.E.P. qui prendra la dénomination de BATAILLON DE MARCHE ETRANGER PARACHUTISTE .
La bataille des 3 HUGHETTE du nord est désormais terminée, une page d’histoire de DIEN BIEN PHU est désormais tournée .
Si du coté français elle a coûtée très cher, environ 700 hommes
Elle a été encore plus meurtrière pour l’ennemi, GIAP lui même reconnaîtra que ces 3 semaines de combat ont porté un coup sévère à son potentiel , comme au moral de ses troupes .
A suivre
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Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Mar Avr 22 2014, 12:23
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Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Mar Avr 22 2014, 18:51
De notre Ami Christian
Le colonel Sassi (1954) Guerre dIndochine Vidéo à la mémoire du colonel Jean Sassi (1917-2009). Né au protectorat français de Tunisie d'une famille corse (d'où l'accent), ancien commando Jedburgh du BCRA il est volontaire pour l'Indochine en 1945 (Force 136).
Après 4 ans au 11e Choc du SDECE en métropole, Jean Sassi retourne au Laos où il recrute plusieurs maquis d'autochtones. Avec l'aide de 2 000 partisans Méos (Hmongs) et Laotiens (tous volontaires, le Laos est indépendant depuis 1953), il met sur pied l'Opération D (D pour Desperado, alias "Opération Condor"), une colonne de secours, destinée à évacuer la garnison assiégée de Dien Bien Phu.
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Sujet: Dien Bien Phu, le Verdun indochinois ??????? Mer Avr 23 2014, 15:22
Dien Bien Phu, le Verdun indochinois
C'est à Paris que la bataille de Dien Bien Phu a été perdue. (...)
Les années 1950-1954 ont été pour notre armée un long chemin de croix jusqu'au calvaire de Dien Bien Phu et de la captivité qui suivit notre défaite. Il y eut d'excellents chefs, mais aussi d'autres qui, à l'image du régime, s'avérèrent des incapables et provoquèrent des catastrophes. (...) En face, le camp vietminh poursuivait avec détermination la réalisation de son plan de guerre. La France de l'après-guerre n'avait plus cette foi qui fait gagner les batailles et sauve les empires. Pourquoi ?
CAO BANG, LA PREMIÈRE DÉFAITE
Situation géographique de Cao bang
En septembre 1950, influencés par le rapport du général Revers et soumis à la demande instante du président Auriol, le haut-commissaire Pignon et le nouveau commandant en chef, le général Carpentier, décident l'évacuation de Cao Bang, ville isolée de quelques milliers d'habitants, au nord-ouest du Tonkin, tout près de la frontière chinoise. Grave décision, car abandonner cette position, c'était ouvrir toutes grandes les " Portes de la Chine " et permettre au Vietminh de raccorder son réseau routier au réseau chinois afin d'en recevoir tout le matériel.
Pour effectuer cette opération, le général Carpentier avait le choix entre deux projets : descendre par la RC 3, directe jusqu'à Hanoï, dégagée et propice à un appui aérien, ou par la RC 4, plus courte, avec des postes avancés comme Dong Khé et That Khé menant à Langson, mais qui serpente au milieu de hauteurs boisées et accidentées. Plusieurs convois étaient déjà tombés dans de sanglantes embuscades.
C'est la RC 4 que Carpentier choisit d'emprunter. « Sa manœuvre était montée a priori comme si l'adversaire n'existait pas. » (Général Gras, Histoire de la guerre d'Indochine, Plon 1979, p. 329) Quelques jours plus tard, lorsque le poste de Dong Khé tomba aux mains des Viets, et qu'il fut averti qu'un corps de bataille viet se formait en Chine, capable d'aligner une vingtaine de bataillons, Carpentier maintint ses ordres. Son subordonné, le général Alessandri, commandant les forces du Tonkin, qui désapprouvait l'opération, la confia au colonel Constans, commandant la base de Langson, tenue par les légionnaires du 3e REI. Constans, officier brillant et ambitieux, affichait un mépris profond pour l'adversaire qu'il n'estimait pas à sa mesure. Il se bornera à donner ses ordres... par radio, depuis son PC de Langson. (...)
Le Lieutenant-colonel Charton
Constans décida l'envoi d'une colonne, commandée par le lieutenant-colonel Lepage, avec mission de recueillir les troupes évacuant Cao Bang, commandées par le lieutenant-colonel Charton. Le 30 septembre, Lepage se mit en route mais, à mi-chemin, il se heurta à l'obstacle de Dong Khé, tenu par les Viets. Ne parvenant pas à s'en rendre maître, il décida de contourner la position par l'ouest, en pleine jungle, afin de faire sa jonction avec Charton.
Trois jours plus tard, Constans donnait à Charton l'ordre de quitter Cao Bang. Celui-ci (...) paya cher l'impéritie de ses chefs. Sa colonne était composée de 2 500 hommes, accompagnés de centaines de civils qui ne voulaient pour rien au monde tomber entre les mains des Viets. Après une journée de marche, Charton reçut l'ordre du colonel Constans d'abandonner la RC 4 pour éviter Dong Khé. Il s'engagea donc lui aussi dans la jungle. C'était une folie ! Les deux colonnes tentèrent d'effectuer leur jonction dans la vallée, alors que trente mille soldats viets occupaient les hauteurs... (...) Pendant cinq jours, les deux colonnes furent harcelées et hachées menu sous le feu meurtrier de l'ennemi. (...)
À l'annonce du désastre, Hanoï et Saïgon furent pris de panique. Le général Carpentier donna l'ordre d'évacuer tous les postes de la RC 4. Seul le commandant de la 2e compagnie du 1er bataillon du 3e REI (capitaine Mattei) tiendra son poste de Na Cham pour recueillir les éléments en déroute des colonnes Lepage et Charton. Pendant quatre jours et trois nuits, les bataillons viets furent contenus par cette compagnie de légionnaires. Le soir du quatrième jour, les légionnaires, exténués, n'avaient même plus la force de porter leurs armes. Alors un missionnaire, le Père Mangin, (...) s'approcha de Mattei : « Je vous propose de remettre notre sort à tous entre les mains de Dieu. À minuit, ce sera la Sainte-Thérèse. Autorisez-moi à illuminer la chapelle en son honneur. » Le capitaine y consentit et, tandis que les légionnaires dormaient comme des masses inertes, seul dans sa chapelle, au milieu d'étincelants flambeaux, le Père Mangin priait pour eux. Durant toute la nuit, il ne se passa rien. Le lendemain, la compagnie se repliait en bon ordre (raconté par Père Bonnecarrère, Par le sang versé. La Légion étrangère en Indochine, p. 420 sq.).
Mais partout ailleurs, c'était un désordre désolant. À That Khé, un bataillon entier, le 3e BCCP, était livré à lui-même, sans ordre. Les Viets lui tombèrent dessus. Il n'y eut que cinq survivants sur les 700 hommes que comptait le bataillon. Quand Constans apprit la nouvelle, il s'affola et évacua Langson le 18 octobre sans avoir détruit les énormes dépôts de matériel dont il avait la charge : de quoi équiper cinq bataillons viets ! Le bilan de l'opération dite de " rétraction " fut catastrophique : 4 800 tués et disparus, 10 000 armes perdues. Le moral des troupes, surtout, en fut profondément affecté. Il fallait, pour le remonter à l'heure du plus grand péril, un électrochoc. Ce fut de Lattre.
DE LATTRE DE TASSIGNY
Le général de Lattre de Tassigny
Le général de Lattre de Tassigny fut nommé en décembre 1950 à la fois haut-commissaire et commandant en chef. C'était une première ! Ses premières mesures redonnèrent foi et confiance aux troupes.
De Lattre décida d'appliquer au Delta une stratégie défensive et ordonna la construction d'une sorte de ligne Maginot, « la ligne de Lattre », qui engloutit des crédits considérables et qui immobilisa des unités de valeur.
Pensant avoir rétabli la situation, le commandant en chef décidait, à l'automne 1951, de reprendre l'offensive, avec l'espoir ambitieux de détruire le corps de bataille ennemi. Pour le contraindre à se fixer, de Lattre mit la main sur une région d'importance : Hoa Binh, au sud-ouest de Hanoï. Ce fut une dure bataille qui ne devait se terminer qu'après sa mort, en février 1952, sans qu'aucun résultat décisif ne soit obtenu, sinon qu'il permit à l'ennemi de s'infiltrer en masse dans le Delta. C'était le début du « pourrissement » : soumises à la terreur, les populations se ralliaient au Vietminh. Il aurait été encore temps de contrer cette guerre révolutionnaire et de reconquérir les populations. Mais la politique que nous suivions, et que de Lattre lui-même mettait en œuvre, était désastreuse.
Cette politique se résume dans les mots de " liberté, indépendance, autonomie ", grands mots qui préparent l'esclavage. Quelques semaines avant de mourir, de Lattre fit un voyage très médiatique aux USA pour y chercher de l'aide. Partout, il affirma avec éclat que notre but était « l'indépendance du Vietnam » et que « la protection de nos armes n'avait de sens que parce qu'elle donnait au Vietnam qui grandit dans l'indépendance le temps et les moyens de devenir assez fort pour se sauver lui-même ». Ainsi nos soldats ne devaient plus se battre pour une communauté historique, vivante, concrète, à sauver du péril communiste, mais pour un idéal démocratique, le même qui, en France, permettait aux communistes de trahir la Patrie !
SALAN À NASAN
Letourneau et le général Salan
De Lattre disparu, s'ouvrit une nouvelle phase de la guerre. Pendant que Letourneau, ministre des États associés, prenait les fonctions de haut-commissaire, le général Salan devenait commandant en chef. Les pouvoirs étaient de nouveau partagés. Bientôt le corps de bataille viet se manifesta au nord-ouest, dans le pays Thaï. Il révélait sa volonté d'envahir le Laos qui avait été jusque-là notre fidèle allié. Salan décida de leur barrer la route en transformant deux postes, Laïchau et Nasan, en camps retranchés.
Le piège fonctionna. À la fin de novembre 1952, les Viets se concentrèrent autour de Nasan. L'intention de Giap était d'y anéantir les forces françaises. Mais il se heurta à la détermination et au savoir-faire d'excellents chefs : Salan, dont la compétence était reconnue de tous, parfaitement secondé par le général de Linarès, et surtout par le colonel Gilles, nommé chef du camp de Nasan. Pendant un mois, ce parachutiste solide et tenace s'attacha à construire dans les moindres détails une enceinte fortifiée, comportant dix points d'appui sur des collines autour de la piste d'aviation, cœur du dispositif. Rien ne devait surprendre ce chef dont la circonspection, aussi légendaire que son œil unique, devait lui permettre de se révéler, en Indochine, sur le plan militaire, le parfait émule... du maréchal Pétain.
Le colonel Gilles et le général Salan
Sa tactique, il l'avait conçue et mise en œuvre lors d'opérations sur la RC 6 : « Appâter le Viet en lui tendant le petit doigt. Le retirer vivement pour qu'il ne saisisse pas le bras. Lui donner de l'autre main un bon coup de marteau sur la tête » par une puissante artillerie (Gras, p. 441) Gilles sût imprimer à la défense de Nasan ce caractère dynamique. Attaqué par des forces de quatre à huit fois supérieures, le camp retranché tint bon. Chaque attaque viet était immédiatement suivie d'une contre-attaque française. En trois jours, Giap perdit sept mille hommes ! contre seulement quelques dizaines de notre côté.
Ce revers ne fit pas abandonner au Vietminh son projet d'envahir le Haut-Mékong, mais il permit à Salan de développer la technique du camp retranché, dite " en hérisson ", le ravitaillement se faisant par la voie des airs. Technique qui sera appliquée à Dien Bien Phu, mais dans d'autres circonstances, et par d'autres chefs...
LE GÉNÉRAL NAVARRE
Le général Navarre
Pendant que nos troupes infligeaient à l'ennemi des pertes sévères, l'opinion publique, en France, se laissait gagner par l'idée d'abandonner l'Indochine. Depuis Cao Bang, Mendès-France s'était fait le hérot de la paix à tout prix. Le gouvernement avait déjà, lui aussi, renoncé à poursuivre la lutte. René Mayer, président du Conseil, décidait en mai 1953 de remplacer Salan, jugé « trop passionné de l'Indochine », par le général Henri Navarre. Celui-ci protesta qu'il ne connaissait rien à l'Indochine, ayant fait toute sa carrière en métropole et en Centre-Europe. « Raison de plus de vous envoyer en Indochine, lui répondit Mayer, vous aurez ainsi un regard neuf sur la situation. » (sic !)
Le général Navarre n'en prit pas moins sa mission à cœur. Il décida de réorganiser le Corps expéditionnaire, de façon à livrer une bataille décisive en 1954 ou 1955. En deux ans, il se faisait fort de pacifier le sud et les régions du centre. Durant l'été 1953, il monta une série de raids de destruction sur des objectifs précis, suivis de replis rapides avant que l'ennemi ait eu le temps de réagir. C'est ainsi qu'à l'aube du 17 juillet, deux bataillons parachutistes sautèrent sur Langson en plein territoire viet. Le premier devait occuper la ville, tandis que le second s'attaquait aux dépôts. À 16 heures, les paras se repliaient, mission accomplie. À Lao Kay, sur la frontière chinoise, même opération en liaison avec les six cents maquisards Méo : le succès fut complet.
En août, le général Cogny, chef des troupes du Tonkin, insista et obtint la permission d'évacuer Nasan. Cette évacuation aura de graves conséquences, mais techniquement, ce fut encore un succès. Pendant que les maquisards attiraient le Vietminh sur une ville voisine, la garnison du camp retranché fut enlevée par voie aérienne en quatre jours.
Toutes ces opérations avaient pour but de déstabiliser l'ennemi sur ses arrières et lui faire sentir que l'Armée française frappait où et quand elle voulait. Le moral de nos troupes remonta en flèche. En septembre et en octobre, le Vietminh prépara une attaque dans le Delta avec l'intention de couper l'axe Hanoï-Haïphong. Averti, le général Navarre décida de prendre les devants et lança l'opération " Mouette " contre la division viet 320. Là encore, l'ennemi essuya de lourdes pertes : 1 200 morts, 1 800 blessés. Son projet d'attaque dans le Delta était cassé.
Giap se retourna alors de nouveau vers le Laos. Pourquoi une telle insistance sur le Laos ?
LE CHOIX DE DIEN BIEN PHU
Essuyant sur le terrain échec sur échec, Hô Chi Minh cherchait par des voies politiques une solution rapide du conflit. Pour cela, il lui fallait être en position de force. Or, le 30 juillet 1953, l'hebdomadaire France-Observateur publiait un article signé du journaliste Roger Stéphane, révélant les craintes du général Navarre, exposées lors d'un comité de Défense à Paris, au sujet du Laos. Nouvelle trahison au sein du gouvernement relayée par la presse ! Hô Chi Minh savait maintenant qu'il pourrait obtenir au Laos un succès militaire spectaculaire. Comment prévenir son offensive ?
Situation géographique de Dien bien phu
Avant son départ, Salan avait souligné l'importance stratégique de Dien Bien Phu. Cette cuvette se situe sur la frontière laotienne. D'une longueur de 16 kilomètres et d'une largeur de 9 kilomètres, elle est coupée en deux par une rivière, la Nam Youn. Au centre, s'élèvent de petites collines de vingt mètres de haut. À deux ou trois kilomètres, d'autres les dominent d'une centaine de mètres. Plus loin, des crêtes de mille mètres forment une muraille sombre qui enserre la plaine.
Si Dien Bien Phu avait l'avantage de fermer la porte du Laos, la position présentait de sérieux inconvénients : l'éloignement, à 350 kilomètres d'Hanoï, rendait précaire l'appui de l'aviation, d'autant que nous manquions d'avions et de mécaniciens. Mais l'ennemi ne disposant pas de DCA, le ciel nous appartenait. Du point de vue tactique, les conditions de défense étaient très défavorables. Nous étions en plaine, à découvert, et l'ennemi nous dominait, camouflé. Mais nos positions étaient à une distance supérieure à la portée de l'artillerie adverse, et il était impossible que leurs batteries prennent position sur les versants intérieurs des crêtes, parce qu'elles essuieraient nos tirs de contre-batterie.
Tous ces éléments étant analysés et acceptés, Navarre décida d'occuper Dien Bien Phu en novembre et en chargea le général Cogny, commandant les forces du Tonkin. Le désaccord entre les deux généraux ne se faisait pas encore sentir, mais il aura par la suite de lourdes conséquences. Cogny, géant massif, polytechnicien, soignait son image auprès des médias et des politiciens. Jules Roy écrira : « Pour Cogny, l'ennemi est moins le Viet que le commandant en chef » ! Ce dernier avait une vue de la bataille et de ses enjeux que ne possédait pas son subordonné. D'un caractère plus affirmé aussi, il avait gardé pour le maréchal Pétain, son ancien chef, une admiration sans faille.
L'OCCUPATION DE LA CUVETTE
Le général Gilles fut chargé de prendre possession de la cuvette de Dien Bien Phu. Il commandait alors les meilleurs bataillons paras. Le 20 novembre 1953, le 6e bataillon de parachutistes coloniaux (B.P.C.) de Bigeard et le 2e bataillon du 1er régiment de chasseurs parachutistes (II/1er R.C.P.) de Bréchignac sautaient sur Dien Bien Phu, surprenant un bataillon viet à l'exercice.
Les généraux Cogny et Navarre
Dans la soirée, à Hanoï, au milieu d'une cour de journalistes, Cogny ne contenait pas sa joie : « Si j'avais pu, j'aurais transporté d'un bloc Nasan à Dien Bien Phu. » Il parlait trop ! Par cette seule phrase, Giap apprit que le commandement français avait l'intention de se concentrer sur Dien Bien Phu.
Le 5 décembre, le Vietminh lançait en conséquence une de ses divisions sur Laïchau, pendant de Nasan au nord de Dien Bien Phu. Laïchau dut être évacué précipitamment. Seulement 200 combattants sur les 2 800 de la garnison réussiront à rallier Dien Bien Phu.
La mission catholique en pays Thaï dirigée par les PP. Guerry et Guidon dut elle aussi rejoindre la cuvette transformée en centre de résistance. (...)
Dans le même temps, Giap ordonnait à ses meilleures divisions 301, 312 et 351, de se concentrer sur Dien Bien Phu. Bien renseigné sur les mouvements de l'ennemi, Navarre, pressentant la bataille décisive, adressait au gouvernement, le 1er janvier 1954, une demande pressante de renforts aériens. Il ne reçut aucune réponse. Que faire ? Évacuer Dien Bien Phu, au risque de découvrir le Laos et de le perdre ? Il ne pouvait plus reculer. Il décida d'accepter la bataille.
DÉFENSIVE OU OFFENSIVE ?
Carte des combats de Dien Bien Phu
Le commandant en chef ordonna à Cogny de réaliser un ensemble fortifié pouvant résister aux assauts d'un ennemi dont on connaissait parfaitement les capacités. Dans la conception de ce camp retranché, deux erreurs graves furent commises, dont André Galabru, dans son livre La victoire avortée : Dien Bien Phu, printemps 1954 (Atlante Éditions, 2004), attribue la responsabilité à Cogny. Sa démonstration est décisive.
1° En insistant pour que Nasan soit abandonné et en perdant Laïchau, Cogny trahissait le plan de Salan qui, certes, avait conseillé l'occupation de Dien Bien Phu, mais en gardant Nasan et Laïchau, dans la pensée que les trois camps se soutiendraient l'un l'autre. Isolé et focalisant tout le corps de bataille ennemi, Dien Bien Phu prenait une importance stratégique démesurée.
2° Cogny voulut faire de Dien Bien Phu non pas un camp retranché défensif, mais un centre à partir duquel on allait " rayonner " par des actions offensives. Il remplaça Gilles à la tête du camp retranché par le colonel de Castries, cavalier habitué aux grandes manœuvres dans le Delta. « [Vous aurez à] battre l'estrade dans les vastes espaces de la Haute-Région », lui confia Cogny. Consigne absurde, parce que ces " vastes espaces " n'existent pas... La région est constituée de collines couvertes de jungle. Castries, mi-altier, mi-désabusé, anéanti dès le début d'une bataille strictement défensive, s'enterrera dans son bunker.
Cogny avait donc introduit une équivoque dans l'ordre de mission de Navarre qui était de « barrer la route du Laos au Vietminh ». Pas besoin d'abris solides, de camouflage et de passages discrets, puisqu'on allait " rayonner ". Pire, il épuisa les troupes en multipliant les reconnaissances meurtrières autour du camp. En un mot, il négligea la défense au profit de coûteuses offensives. Comme en 1914 ! L'histoire se répète.
Et cependant, en dépit de ces erreurs graves, l'opération de Dien Bien Phu aurait pu être couronnée de succès si la République n'avait poignardé l'Armée en cette fin du mois de janvier.
L'ANNONCE D'UNE CONFÉRENCE INTERNATIONALE
Georges Bidault
Le 20 janvier, on apprenait par le Deuxième Bureau que l'attaque viet sur Dien Bien Phu était imminente. « Nous étions certains d'y faire échec mais elle n'eut pas lieu, écrit Navarre. Le motif principal de contrordre fut la réunion de la conférence de Berlin qui s'ouvrait le 25 janvier. Or, à l'occasion de cette conférence, le gouvernement français de G. Bidault prit la décision de provoquer une conférence internationale où serait discutée l'affaire indochinoise. » (Témoignage du général Navarre, in La guerre d'Indochine, Ph. Héduy, p. 176)
Cette conférence de Berlin a toujours été considérée par le Vietminh comme capitale et a déterminé ses grands alliés, Urss et Chine, à faire tous leurs efforts pour lui permettre de se présenter, dans les meilleures conditions, aux négociations annoncées. La Chine expédia alors un matériel de guerre considérable : des canons de 105, des centaines de camions, des milliers de tonnes de munitions et de riz. En outre, les états-majors chinois et russes furent représentés au QG viet. Les meilleures troupes viets furent envoyées à Dien Bien Phu, ainsi que 200 000 coolies. Tandis que le Vietminh intensifiait sa propagande pour provoquer parmi nos supplétifs des désertions.
Le 18 février, les Quatre Grands (États-Unis, Urss, Royaume-Uni, France) annoncèrent que la conférence se tiendrait à Genève, fin avril. À cette nouvelle, le haut-commandement vietminh ne se sentit plus de joie et les ordres fusèrent : Offensive générale sur tous les fronts à partir du 15 mars avec effort principal sur Dien Bien Phu. Acceptation des pertes les plus lourdes. Dispositions en vue d'une prolongation de la lutte bien au-delà de la saison des pluies (juin-juillet), contrairement à l'habitude. Demandes d'intensification massive de l'aide chinoise.
On décela à la frontière l'arrivée d'armements nouveaux et notamment de 64 pièces antiaériennes (DCA).
Dans le même temps, nos politiques ne donnaient aucun ordre, aucune consigne nouvelle à nos chefs militaires. Navarre et le haut-commissaire n'apprirent que début mars la tenue d'une conférence à Genève ! En France, tous les ressorts de la propagande et de la trahison étaient tendus pour susciter dans l'opinion l'idée que, de Genève, devait sortir nécessairement la paix. Des contacts préliminaires se nouèrent à Paris et en Suisse entre les émissaires du Vietminh et le camp français de la paix à tout prix, conduit par Mendès-France et Paul Reynaud, encore lui ! vice-président du Conseil. Tandis qu'une campagne de défaitisme, s'alimentant aux journaux d'Hanoï (dont la source principale était Cogny lui-même !) conjuguait ses effets dévastateurs avec ceux de la propagande ennemie.
LE VERDUN INDOCHINOIS
Transport de canons par les Viets
Tandis que, sur les fronts secondaires, chacun cherchait à fixer l'adversaire de façon à l'empêcher d'alimenter le front de Dien Bien Phu, une formidable puissance vietminh se mettait en place depuis la Chine jusque sur les contre-pentes des crêtes boisées à quatre kilomètres de nos positions. En raison de leur réseau de transport habilement agencé, notre aviation ne parvint jamais à couper leur route de ravitaillement par des bombardements. L'artillerie viet était camouflée et protégée dans des échancrures creusées sur les pentes. Le Vietminh avait rassemblé quarante pièces d'artillerie et quatre-vingts de DCA. Giap lui-même commandait les soixante mille Bo-doïs qui encerclaient maintenant le camp.
Du côté français, Cogny ne fixa ni l'effort principal de défense ni les points à conserver à tout prix. Il en résulta des faiblesses dans le dispositif du camp : pas de coordination entre les points d'appui et absence presque totale de camouflage, tous les arbres ayant été abattus afin de servir à la consolidation des abris souterrains. Fin février, Navarre demanda aux artilleurs, Cogny en était, un rapport sur l'artillerie ennemie. La conclusion était unanime : elle serait détruite. Aussi tous avaient-ils hâte d'en découdre.
À partir de fin février, l'ennemi resserra le contact par une occupation de plus en plus dense des pentes nord et nord-est de la cuvette et commença à harceler nos positions par pièces isolées. Il détruisit des chasseurs et des canons et notre artillerie se montra incapable d'effectuer sa mission de contre-batterie. La conception de défense du camp retranché s'écroulait.
Le premier assaut viet fut dirigé contre Béatrice, le 13 mars, dans la soirée. L'artillerie viet se déchaîna sur la position. Dès le début, un obus de 105 éclata dans l'abri du PC du bataillon de Légion tuant le chef et tous ses adjoints. Quelques instants après, le lieutenant-colonel Gaucher, commandant le secteur, était touché aussi dans son abri. À minuit et demi, les 450 légionnaires lâchaient prise. Le colonel de Castries fut tellement stupéfait de la prise de Béatrice que, contre toute attente, il ne commanda pas de reprendre la position.
Le lendemain, dans les mêmes conditions, Gabrielle fut attaquée en force. Les Algériens du 7e régiment de tirailleurs algériens brisèrent les premières vagues d'assaut. À 3 h 30 du matin, même coup du sort : un obus tombait sur le PC et mettait les officiers hors de combat. Mais, au petit matin, les Algériens tenaient toujours. (...)
Le capitaine Botella
Laissons le capitaine Botella, chef du 5e bataillon de parachutistes vietnamiens (5e Bawoan), catholiques vietnamiens très valeureux, raconter la mêlée. (...)
« (...) En fond de tableau, Gabrielle émerge de la brume matinale, noire de fumée. Ses armes se sont tues, après une magnifique résistance. Les Algériens des commandants Kah et de Mecquenem se sont montrés les égaux des meilleurs paras.
« Affectés sur Éliane, les paras creusent à flanc de colline des terriers qui se révéleront plus efficaces contre les coups d'artillerie que les triples épaisseurs de rondins. (...)
« Le 16 mars, c'est l'allégresse : Bigeard arrive avec son fameux 6e B.C.P. Avec eux, ça ne peut pas mal tourner. Le 6e s'installe également sur Éliane. Les Viets l'ont aussitôt repéré et il reçoit une formidable dégelée de mortiers. Pendant une demi-heure, c'est l'enfer. (...) »
De Castries, anéanti, réarticule son commandement. Langlais, désordonné mais déterminé, dirigera les opérations ; Bigeard, les contre-attaques, et le colonel Lalande, sur Isabelle, l'appui feux avec ses canons. (...)
« Jusqu'à la fin mars, les viets reprennent leur souffle. Béatrice et Gabrielle leur ont coûté cher. Ils vont maintenant creuser des tranchées, au plus près des points d'appui, pour mettre à l'abri leurs troupes d'assaut. Ils creusent la nuit. On les asperge de grenades à fusil, mais ils continuent inlassablement leur travail de termites. Dans la journée, le 5e, comme les autres bataillons de paras, rebouche les tranchées sous un déluge d'obus de mortiers. Leur réserve de munitions est inépuisable. Ils grignotent peu à peu du terrain. Leur DCA s'est rapprochée et coiffe les approches du terrain d'aviation. Les avions ne peuvent plus se poser et parachutent à haute altitude, où ils peuvent. » Jusqu'à 40 % des parachutages tombèrent en zone viet.
LA BATAILLE DES CINQ COLLINES
Le 30 mars, Giap lança son deuxième assaut. « À 17 h 30 précises, les crêtes à l'est s'embrasent. La bataille des cinq collines vient de commencer. Dominique 1, Dominique 2, Éliane 1 et 2, sont écrasées par les obus de 105. Ça tombe un peu moins dru sur Éliane 4. D'où les Viets sortent-ils ces milliers d'obus ?
« Sur Dominique 1, l'assaut viet débouche en pleine relève des Algériens par Martinais. Les tirailleurs sont pris de panique. Martinais fait tirer sur les fuyards mais est submergé. Les Bo-doïs, sans arrêter leur élan, dévalent les pentes sud de Dominique 1 et prennent de flanc la compagnie Phu, du nom du capitaine vietnamien, fidèle aux Français, qui commande ce détachement. Les Viets hurlent : " Où est Phu ? Trouvez Phu ! Prenez Phu ! Prenez-le vivant ! "
« Sur Dominique 2, c'est la débandade. Les Algériens dégringolent vers la Nam Youn et entraînent la compagnie Phu dans leur fuite. Sur Éliane 1, même scénario. Les Marocains n'ont pas mieux tenu que les Algériens. (...) Est-ce la fin ? »
Heureusement, il y a Langlais qui (...) reste calme et lucide. Mais que faire ? Les petits hommes aux casques de latanier bordent déjà la rive gauche de la Nam Youn. Ils arrivent au pont, dernier trait d'union vers le cœur de la défense.
Langlais
« (...) Toute la nuit, Langlais animera la bataille et la portera à bout de bras. (...) On se bat toujours sur Éliane 2. Le combat est devenu une mêlée furieuse sur des monceaux de cadavres, où l'on ne reconnaît plus amis ou ennemis. (...) À ce rythme, les unités fondent. Heureusement que, le 3 avril, les Viets, eux-mêmes épuisés, cessent leurs attaques à l'est. Ils assaillent maintenant la face ouest. La bataille des Huguette va commencer...
« Le mois d'avril est très rude. La saison des pluies a commencé. Éliane se liquéfie comme un camembert avancé, découvrant les cadavres enterrés au petit bonheur sur le point d'appui. En contrebas, les tranchées sont inondées jusqu'à hauteur de poitrine et grouillent d'énormes asticots. Les hommes n'ont pas le moindre répit. (...)
« Le largage du II/1er R.C.P. de Bréchignac commence le 2 avril, mais le réseau des tranchées viets se resserre et les Huguette sont intenables. Langlais continue à s'engueuler avec Hanoï qui décidément ne comprend rien à notre situation. (...) Le 10 avril, Bigeard orchestre une nouvelle attaque pour reprendre Éliane 1. (...) »
Près du PC, l'antenne chirurgicale ne désemplit pas durant toute la bataille. C'est jusqu'à mille opérations que le médecin-commandant Grauwin effectua. (...)
AUX AVANT-POSTES DE LA CHRÉTIENTÉ
Père HeinrichIls étaient cinq aumôniers à Dien Bien Phu, et les cinq témoigneront que Notre-Seigneur Jésus-Christ était sur le champ de bataille au milieu de ses soldats qui se battaient en héros et qui revenaient à Lui par les sacrements. (...) L'abbé Trinquand raconte :
« (...) Dans ce champ de carnage où seules régnaient l'angoisse et la mort, l'espérance continua de fleurir par la grâce du Christ, qui, cloué à la Croix, donnait un sens à tant de souffrances et de courage. » (...)
Père Heinrich
À l'antenne chirurgicale, le Père Heinrich célébrait la messe du dimanche dans la salle d'opération même. La Sainte Eucharistie renforçait surnaturellement l'esprit de corps de l'Armée. (...)
L'ASSAUT FINAL
Du côté viet, le moral s'effondra durant la deuxième quinzaine d'avril. L'interrogatoire des prisonniers viets révélait qu'ils allaient abandonner. Leurs pertes atteignaient 6 600 tués et 12 000 blessés. Un ultime effort et la victoire était aux Français ! Mais, le 26 avril, s'ouvrit la conférence de Genève et Bidault annonçait au nom de la France l'ouverture des négociations. (...) Conséquence : Giap lançait « une campagne de mobilisation morale » et raclait ses fonds de tiroirs pour constituer une masse d'assaut de 15 000 hommes. Dans les bataillons du camp retranché, comprenant que la France allait lâcher l'Indochine, les Thaïs désertèrent par compagnies entières.
Le capitaine Botella poursuit : « Une nouvelle bataille des Éliane est donc imminente. Elle débutera le 1er mai à la tombée de la nuit par une violente préparation d'artillerie. Cette fois, c'est l'assaut général, mené à neuf contre un. (...) » À Hanoï, on demande 600 volontaires pour sauter sur Dien Bien Phu : plus de 1 800 soldats se proposent sachant très bien qu'ils ne reviendront pas ; parmi eux, des centaines, non brevetés, sauteront pour la première fois de nuit.
« (...) Dans l'aube naissante, on voit les Viets descendre en rangs serrés d'Éliane 1. Ils avancent calmement, sans presque tirer, et submergent les dernières défenses. »
Nous sommes le 7 mai, à 17 h 30. Dien Bien Phu est tombé.
L'INDOCHINE ABANDONNÉE
« La chute de Dien Bien Phu provoqua à Paris, dans les hautes sphères politiques et militaires, un affolement que la presse répercuta dans le public, mais que la situation en Indochine ne justifiait absolument pas », écrit Navarre. L'origine de ce battage médiatique se situe à Hanoï dans l'entourage immédiat de Cogny. Ce dernier, voyant la chute de Dien Bien Phu proche, chercha à se disculper devant les journalistes en affirmant qu'il n'avait jamais voulu aller là-bas !
Quelle fut, jusqu'à l'armistice, la situation militaire ? Navarre nous en fait le tableau objectif : « Le 7 mai 1954, après 57 jours de combat acharnés, Dien Bien Phu tombait. Nous avions subi un très grave revers tactique, mais nullement une défaite irrémédiable. Nos pertes étaient lourdes [16 000 hommes, dont 1 000 tués et 4 000 blessés], mais ne représentaient qu'une faible proportion de nos effectifs (3,5 %). Elles portaient, c'est vrai, sur nos meilleures troupes. Mais le Vietminh en avait subi d'encore plus fortes [le chiffre minimum évalué est de 25 000 hommes hors de combat dont 12 000 tués]. Il avait fait détruire la majeure partie de ses divisions de choc et avait perdu ses meilleurs cadres. Par ailleurs, Dien Bien Phu avait eu une très importante contrepartie : le Laos avait été sauvé, le delta tonkinois et le centre indochinois préservés. Ses pertes rendaient l'ennemi incapable avant plusieurs mois d'entreprendre de grandes opérations. »
Et Navarre ajoutait dans une lettre adressée au gouvernement : « Si une paix parfaitement honorable ne peut être obtenue à Genève, la guerre peut et doit être poursuivie. La chute d'une forteresse ne justifie pas l'abandon de la lutte. »
Le général Ély
Or Bidault le pacifiste ne voulait pas discuter avec les délégués vietminh tant qu'un cessez-le-feu ne serait pas établi. Il demanda aux généraux Ély et Salan quelles mesures il fallait prendre. Salan, mal conseillé, se déclara pour le partage du Vietnam en deux parties. Le nord reviendrait au Vietminh. Navarre s'opposait absolument à toute évacuation, et a fortiori des zones sud et ouest du Delta, les plus catholiques et les plus fidèles. Ignorant la situation réelle, Ély et Salan passèrent outre, estimant que Navarre n'était plus objectif. Bidault ordonna donc le retrait de nos troupes. Les conséquences furent tragiques.
Le 4 juin, Navarre apprit son remplacement, ainsi que celui du haut-commissaire Dejean, par le général Ély qui réunissait entre ses mains pouvoirs civil et militaire. Malade, Ély retourna à Paris et laissa Salan, son adjoint, commander sur place. On s'appliqua donc à effectuer les " rétractions " de troupes. Obnubilé par l'idée d'un nouveau Dien Bien Phu, Raoul Salan ordonna, le 1er juillet, l'abandon du sud du Delta et progressivement de tout le Tonkin, l'axe Haïphong-Hanoï exclu. Toutes ces opérations entraînèrent la désagrégation de nombreuses unités vietnamiennes, et l'exode, dans d'effroyables conditions, des populations catholiques des évêchés du Delta.
Il faut souligner que, même s'il y eut un changement de gouvernement à la mi-juin, Salan fut directement responsable de ces opérations qu'aucun ordre ne le contraignait à effectuer. LA TRAHISON CONSOMMÉE
Retournons en Suisse où se déroulent les débats. La conférence de Genève, ouverte fin avril, rassemblait autour de la table les délégués français, cambodgiens, vietnamiens, cochinchinois, américains, russes et vietminh. Dès le début, s'instaura un dialogue de sourds.
Bidault ne voyait que son « cessez-le-feu ». (...) Le délégué vietminh Phan Van Dong proposait, lui, un plan précis : un calendrier d'évacuation des forces françaises, un projet d'élections libres, une adhésion éventuelle de la République démocratique du Vietnam à l'Union française et un cessez-le-feu. Une fois de plus Hô Chi Minh joua, par ses délégués, sur la relative modération de ses demandes en se faisant passer pour un démocrate soucieux de la liberté de son peuple.
La négociation directe était bloquée par l'attribution de zones de regroupement. L'imbrication des forces vietminhs et françaises ne permettait pas de garder un statu quo, et le partage de l'Indochine en deux zones ne satisfaisait ni les Vietnamiens légalistes ni les rebelles car c'était abandonner l'idée d'unité. La négociation officielle était donc au point mort.
C'est alors que Molotov, le Russe, jusque-là très conciliant, manifesta une violente agressivité contre Bidault. À la sortie de la séance, comme un coup préparé d'avance, les délégués pouvaient lire en gros caractères sur les journaux suisses : « Molotov attaque M. Bidault à Genève, et demain M. Mendès-France l'attaquera à Paris. » On ne pouvait manifester de manière plus officielle la complicité de Mendès-France avec le PCF, sous direction moscovite. Bidault quitta donc la conférence pour faire face à son opposition de Paris.
L'adjoint de Bidault, Frédéric-Dupont, prit alors, le 10 juin, l'initiative d'amorcer secrètement de véritables négociations avec le Vietminh. Le ministre de la Défense, Te Quang Buu déclara : « Pour le Vietminh, le Tonkin est la région essentielle et vitale, et il faut s'orienter sur deux grandes zones de regroupement, l'une au nord pour le Vietminh, l'autre au sud pour l'Union française. » Le Vietminh mentionnait « les portes d'Annam » pour ligne de démarcation. Sa délégation fit savoir qu'elle s'attendait à ce qu'on lui demande des « compensations » en échange. En dépit des promesses de secret, le lendemain après-midi, l'agence US United-Press publiait une dépêche annonçant qu'une négociation secrète entre experts militaires avait eu lieu.
À Paris, les débats du 12 juin à l'Assemblée nationale furent très violents. Deux députés, dont François Mitterrand, demandèrent qu'on fit part des propos tenus pendant la négociation. Le gouvernement Laniel garda le silence pour ne pas la compromettre. Irritée, l'Assemblée renversa Laniel. Le président Coty désigna le 18 juin Mendès-France pour former un gouvernement. Une fois de plus, l'orchestration des événements est trop claire pour ne pas voir le lien direct entre le Kremlin et Mendès-France.
Avec la nouvelle équipe, les partisans de la paix à tout prix arrivaient au pouvoir. Mendès-France se rendit chez Frédéric-Dupont pour être renseigné sur la négociation en cours. Ce dernier lui fit une narration complète des faits.
Mendès-France
Le surlendemain, il était facile au président du Conseil de faire le pari qu'avant le 20 juillet la guerre d'Indochine serait terminée ou bien qu'il démissionnerait. Cet engagement lui permit de capter l'attention de l'Assemblée et de l'opinion publique, mais n'impressionna nullement l'adversaire. Celui-ci « savait fort bien que, des deux termes de l'alternative, le premier seul comptait. Le fameux " pari " ne pouvait donc qu'inciter l'adversaire à durcir son attitude. »
Pendant toute la durée des négociations, Mendès-France valorisa l'enjeu du pari. Il se posa en sauveur d'une situation largement compromise. Il lui fallait présenter la situation militaire comme désespérée. (...) Enfin, cinq minutes avant la date prévue dans le " pari ", l'accord était signé. Le contraire eût été étonnant ! En réalité, Mendès-France livrait l'Indochine sans rien exiger en échange :
La ligne de partage était le 17e parallèle, à l'avantage du Vietminh, sans aucune indemnisation des biens considérables que nous abandonnions au Nord. Rien n'était prévu non plus en ce qui concernait Haïphong, qu'on espérait garder, et les évêchés catholiques. Des élections libres étaient programmées au Vietnam pour le 1er juillet 1956. Enfin, la France ne demandait aucune compensation, mais s'engageait à verser 357 millions de francs aux Viets !
Une chose surprend : pourquoi Mendès-France a-t-il proposé le 17e parallèle comme ligne de partage, au lieu de s'en tenir à celle suggérée par le Vietminh, plus au nord au niveau de la porte d'Annam ? La différence entre ces deux lignes est de trois millions d'électeurs, de quoi donner la majorité absolue au Vietminh aux élections de 1956. C'était donc bien la volonté de Mendès-France de tout lâcher au profit des communistes. (...)
Navarre ajoute : « L'étendue des concessions faites par la France à Genève fut une profonde surprise pour nos adversaires et nous en avons eu maintes preuves. Un commissaire politique vietminh a, par exemple, déclaré peu après l'armistice : " Les milieux dirigeants vietminh pensent que le cessez-le-feu est une magnifique victoire de leur diplomatie. Les conditions obtenues étaient inespérées et sans rapport avec la situation militaire. " Ce jugement a été confirmé plusieurs années après par Khrouchtchev qui, parlant dans ses Mémoires des concessions françaises, a écrit : " J'avoue que la nouvelle, quand elle nous parvint, nous laissa bouche bée de satisfaction et de plaisir. Nous n'avions rien espéré de tel ! " À Dien Bien Phu, une bataille avait été perdue. À Genève a été perdue la " première guerre d'Indochine " et ont été créées les conditions pour que s'ouvre inéluctablement la suivante. » (Héduy, op. cit., p. 176)
LES CAMPS VIETMINH
Les accords de Genève exigeaient un échange de tous les prisonniers. 63 000 prisonniers vietminh traités selon les règles de la convention de Genève furent rendus aux autorités. « On put alors mesurer ce que fut le sort des prisonniers franco-vietnamiens dans les camps du Vietminh. Sur les 36 979 hommes portés disparus depuis 1945, 10 754 furent rendus, soit 28 % de l'effectif. Sur ce total 6 132 durent être hospitalisés dans un état physique qui rappelait celui des survivants de Buchenwald. » (Gras, p. 580)
Cela n'a rien d'étonnant quand on connaît les effrayantes conditions de vie dans les camps vietminh. (...)
Le pire est qu'un Français, Léo Figuières, délégué du parti communiste français et rédacteur en chef du journal communiste L'Avant-Garde, avait donné aux Viets l'idée de l'instruction politique de leurs prisonniers. Des militants communistes se proposèrent aux Viets comme commissaires politiques, tel le professeur Boudarel, commissaire au camp 113, qui détint le record de un à huit décès par jour ! À la fin de la guerre, il obtint une chaire de professeur d'histoire à l'université Paris-VII et ne fut jamais inquiété. (...)
Prisonnier
Au milieu de cette détresse inimaginable, des prisonniers catholiques se soumirent avec ferveur à la Volonté de leur Père du ciel. (...) Le lieutenant Rondot témoignera cinquante ans plus tard : « Je dois d'avoir supporté ma captivité à la Sainte Vierge. » Acceptation héroïque quand on sait qu'il fut amputé de ses deux jambes.
Les aumôniers prisonniers, eux, furent accusés d'être des « commissaires politiques à la solde des colonialistes. » Un aumônier militaire définit ainsi leur exercice en captivité : « Le prêtre était essentiellement l'homme de la charité, il devait maintenir cette charité entre tous ceux qui l'entouraient [...]. L'aumônier essayait d'assurer quatre grands principes : l'espérance, la confiance des prisonniers dans leurs familles et leurs amis, la fidélité à leur Patrie, et la Foi en leur religion. »
Prisonnier
Terminons ce chapitre en évoquant la figure absolument exemplaire du chef de bataillon Édouard de Cointet de Fillain. Fait prisonnier en août 1948, il en imposa très vite aux soldats vietminh par la dignité de sa vie et la noblesse de ses sentiments. (...) Il assistait toujours les agonisants et priait pour les morts. Par l'exercice de la charité, Cointet voulait s'attacher tous les prisonniers du camp afin qu'ils restent fidèles à leurs officiers, et à travers eux à la France. Il trouvait sa force dans le chapelet. (...) Cet officier héroïque fut fusillé en août 1951. (...)
L'EXODE DES RÉFUGIÉS NORD-VIETNAMIENS
Sans attendre les résultats de la conférence de Genève, la population du Tonkin, pour ne pas tomber sous le contrôle du Vietminh, commença à descendre vers le sud. Après la signature des accords en juillet, ce fut un véritable déferlement. Les Vietnamiens disposant de trois cents jours pour « choisir » leur lieu de résidence, en l'espace de dix mois, ils furent plus de 850 000 à fuir le régime communiste qu'ils connaissaient d'expérience depuis plusieurs années et dont ils ne voulaient pas.
Carte de l'exode
Pour empêcher cet exode massif, le Vietminh eut recours à la force, cernant les villages, déportant les populations, plaçant des sentinelles devant les maisons des catholiques pour leur interdire de sortir...
Ho Chi Minh révélait enfin ce qu'était, depuis 1945, sa sournoise politique de la " main tendue " aux catholiques. Il avait promis la liberté de " croyance et de culte ", et toute une partie du clergé, par orgueil, s'était laissée prendre au piège et avait soutenu le rebelle contre le missionnaire et le colonisateur français. Maintenant, elle payait sa révolte. (...)
Exode
Les soldats, marins et administrateurs français firent ce qu'ils purent pour recueillir et sauver les réfugiés, passant outre les directives du gouvernement et risquant parfois leur vie, mais les besoins étaient immenses. (...)
Cependant, l'enlisement général de la situation française en Indochine se faisait cruellement sentir. Vint ce jour de septembre 1957 où le petit groupe de Français restés sur place dut, lui aussi, quitter l'Indochine et rentrer en France... Seuls quelques saints pasteurs demeurèrent au milieu de leur troupeau. Atteint de la lèpre, Mgr Cassaigne offrira à Dieu, pour le Vietnam, les dix-huit années qu'il lui restait à vivre, remplies d'indicibles souffrances qu'il cachera sous un perpétuel sourire. Il vivra assez longtemps pour prévoir avec angoisse l'emprise du communisme sur l'ensemble du Vietnam.
LE SANG DES MARTYRS
La France, ayant « trahi sa mission et menti à son histoire » (amiral Decoux, 1949), a été châtiée par la main de ses propres iniquités. En décembre 1956, le général Navarre, lucide sur ce péché de la France, prévoyait la perte prochaine de l'Algérie. La lutte armée est inutile, expliquait-il, si on laisse les communistes libres de poursuivre leur œuvre de subversion en France même. « L'effort à demander à la France doit donc être total et prolongé. Il exige une véritable mobilisation militaire, économique, politique, morale [et surtout religieuse]. Il suppose un climat de Révolution nationale. Nous en sommes, hélas ! fort loin. » (Henri Navarre, Agonie de l'Indochine, Plon 1956, p. 333)
Extrait de Il est ressuscité ! n° 46, mai 2006, p. 21-32
Dernière édition par cocoye1er le Mer Avr 23 2014, 16:37, édité 1 fois
Invité Invité
Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Mer Avr 23 2014, 16:16
Vraiment poignant ! Apéritif pour la future beuverie islamique orchestrée par le pouvoir socialo-mélenchiste
artificier
Nombre de messages : 1240 Age : 60 Date d'inscription : 25/02/2014
Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Mer Avr 23 2014, 18:21
Merci JP
Invité Invité
Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Jeu Avr 24 2014, 12:44
Le 24 AVRIL 1954
72 volontaires ont été largués avant le jour .
L’échec de la contre-attaque devant HUGUETTE 1 oblige le commandement à remanier le dispositif du camp retranché .
Le PA OPERA est trop avancé, il sera évacué la nuit prochaine et détruit par le génie .
Le DRAIN , devient un Point d’Appui avancé .
Les orages transforment le drain en torrent boueux qui emporte tout sur son passage .
Les 130 tonnes larguées aujourd’hui maintiennent les niveaux des dépôts à deux jours de vivres et à cinq unités de feu .
Ce qui reste du 2° BEP se joint au rescapés du 1° pour former un seul bataillon à quatre compagnies .
Le soir, BIGEARD qui commande les interventions fait le bilan des moyens .
Sur EPERVIER le CNE TOURRET commande ce qui reste de son bataillon, le 8° BPC , soit 400 hommes valides , la 1° compagnie du 5° BPVN et 2 compagnies du BT 2 pour un total de 530 combattants .
Sur les HUGUETTES , le commandant GUIRAUD dispose de 500 hommes des deux BEP regroupés et d’une compagnie de marocains soit 140 hommes commandés par le CNE NICOD , soit 640 combattants .
A LILY le commandant NICOLAS a regroupé le reste du 1/4 RTM , soit 250 hommes .
CLAUDINE est tenue par le commandant CLEMENCON et le REI , soit un peu moins de 400 hommes .
JUNON est occupé pat les Thaïs Blancs du CNE DULUAT auxquels sont venus se joindre les 30 aviateurs du CNE CHARNOD .
Les ELIANE 1 , 2 , 3 et 4 sont commandés par BRECHIGNAC . il a avec lui les 400 hommes restants du 2/1 RCP , deux compagnies du 5° BPVN commandées par BOTELLA , le 1° bataillon de la 13° DBLE du CNE COUTANT , et deux compagnies du 6° BPC et 200 hommes en réserve, soit 1150 combattants .
DOMINIQUE 3 et ELIANE 10 ( ELIANE bas ) sont commandées par le commandant CHENEL qui compte encore 350 tirailleurs Thaïs , il a avec lui la dernière compagnie du 3/3 RTA et une compagnie du 6° BPC en réserve, soit 650 hommes .
A ISABELLE le colonel LALANDE signale qui lui reste 400 légionnaires du 3/3 REI , 490 algériens du 2/1 RTA , 200 Thaïs du CNE DESIRE , et 140 hommes du 5/7 RTA rescapés de GABRIELLE . soit environ 1250 combattants .
Dans la position centrale, BIGEARD compte 3620 fantassins auxquels viennent s’ajouter les artilleurs et les cavaliers des chars .
En face, chez l’ennemi, les divisions Viêts-minh ont été recomplétées par 25.000 recrues.
Elles totalisent 30 bataillons environs, 35.000 combattants auxquels il faut ajouter l’effectif de la division lourde et environ 50.000 travailleurs .
A quelques jours du début de la troisième offensive Viêt, le rapport des forces est donc de 1 contre dix .
A Paris, une réunion gouvernementale porte essentiellement sur la préparation de la conférence de Genève et une nouvelle demande d’aide aux américains .
A Dien Bien Phu les orages continuent de tourner, ce qui contribue à gêner ou interdire les parachutages , l’eau ruisselle dans les tranchées et les abris ………….
La colonne CREVECOEUR se fraie dit-on un passage vers la vallée à partir du LAOS d’où elle est partie
Mais les vieux PARAS , ceux du BEP ou du 8° Choc qui ont participé à Noël 1953 à l’opération REGATES , savent bien les problèmes qui assaillerons le colonel GODARD, responsable en titre de la colonne ALBATROS , au fur et à mesure de son avance
Avance dont les Viêts qui écoutent la radio, n’ignorent rien .
Invité Invité
Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Ven Avr 25 2014, 11:40
Le 25 avril 1954
Entre OPERA et DOMINIQUE, les Viêts lance une reconnaissance en force qui se dissout aux premières réactions de notre artillerie .
Les travaux de siège qui ont réussi à l’ennemi pour HUGUETTE 6 et 1 se poursuivent , ils visent maintenant HUGETTE 5 et 4 .
Le 1/13 DBLE du commandant COUTANT va s’installer sur ELIANE 2 où il relève le 2/1 RCP qui se regroupe avec BRECHIGNAC sur ELIANE 4 .
Le harcèlement du camp retranché se poursuit au même rythme que les jours précédents.
77 tonnes seulement sont larguées .
Au LAOS
Le colonel GODARD a lancé le 1° Bataillon de parachutistes Laotiens en direction de Muong-Koua et de Dien Bien Phu .
A LONDRES
Réunion à Downing Street pour examiner la demande d’aide française .
A PARIS
A Orly en fin d’après midi BIDAULT vient saluer EDEN en transit pour Genève, EDEN est très clair, l’Angleterre n’est pas prête avant la conférence de Genève, à prendre le moindre engagement au sujet d’un engagement militaire en Indochine .
A suivre
Invité Invité
Sujet: L'indochine dans la tourmente (1940-1950) Ven Avr 25 2014, 20:09
. L'Indochine dans la tourmente (1940-1950)
GARDER LA SOUVERAINETÉ DE LA FRANCE
L'amiral Decoux
L’amiral Decoux, commandant des forces navales d’Extrême-Orient, fut investi par le Maréchal le 20 juillet 1940 des pouvoirs de Gouverneur général de l’Indochine. La situation était alors des moins confortables. L’Empire du Soleil levant aurait occupé sans état d’âme nos protectorats et colonies, si l’Amiral n’y avait mis obstacle en négociant un accord avec Tokyo, le 30 août 1940, par lequel le Japon s’engageait à respecter la souveraineté française et l’intégrité territoriale de l’Indochine, moyennant quelques compensations, somme toute assez légères.
L’arrêt des barbares nippons aux portes de l’Indochine est incompréhensible si l’on ne tient pas compte du sacrifice sauveur du maréchal Pétain en France. Un gaulliste, Claude de Boisanger, conseiller diplomatique du Gouverneur général dès novembre 1941, admet que « la tâche [de l’amiral Decoux] était de maintenir la souveraineté française sur l’Indochine et qu’il ne pouvait y parvenir qu’en demeurant ouvertement, publiquement fidèle au gouvernement du maréchal Pétain ». Cette fidélité était, aux yeux des Japonais, la garantie « de la neutralité du Gouvernement général dans la guerre du Pacifique ». Si l’amiral avait adopté un ton nettement plus réservé vis-à-vis de Vichy, plus mesuré vis-à-vis des Alliés et de la “ France libre ”, « les Japonais, le soupçonnant de mener un double jeu, n’auraient pas, devant la perspective d’une rupture, tergiversé pendant quatre ans » (On pouvait éviter la guerre d’Indochine, Souvenirs 1941-1945, Paris 1977, p. 34).
Localisation de Koh-Chang À Koh-Chang, la Royale a remporté sa seule victoire du 20e siècle.
La Péninsule indochinoise conserva pendant toute la durée de la guerre une paix relative. Et lorsque le Siam, l’actuelle Thaïlande, ambitionna de nous rafler quelque portion de territoire, la marine française s’offrit le luxe d’envoyer sa flotte par le fond. C’était à Koh-Chang, le 17 janvier 1941. (...)
Comment se faire le bouclier protecteur de 24 millions d’Indochinois et de 40 000 Européens, quand on ne dispose que d’une petite armée mal équipée, face à 90 000 soldats japonais aguerris et déterminés, sinon par des négociations ? L’amiral Decoux les mena avec une prudence et une détermination remarquables, dans l’allégeance au Maréchal, son chef légitime, reconnu comme tel par le monde entier. En agissant ainsi, jamais il ne perdit la face, ce qui est essentiel en Extrême-Orient, et conserva ce que les Indochinois appelaient “ le mandat du ciel ”. Perdre la face ou le mandat du ciel, c’eût été perdre toute légitimité.
UNE RÉVOLUTION NATIONALE ET COLONIALE
L’allégeance au gouvernement de Vichy ne fut pas seulement une nécessité diplomatique du moment. Elle exprimait l’adhésion de toute une communauté historique, Annamites et Européens liés par un même destin, à un programme d’unité et de civilisation, « pour qu’au jour de la défaite du Japon, la France ne perdît pas l’Indochine » (Grandjean, p. 70).
Indochine
Au plan politique, l’amiral consolida l’unité de la Péninsule. Il créa la “ Fédération indochinoise ”, mettant l’accent sur le rôle fédérateur que la France avait à remplir entre les cinq États formant cette Fédération (Cochinchine, Annam, Tonkin, Laos, Cambodge), fortifiant les patriotismes locaux de façon à évincer tout “ nationalisme ” antifrançais. Les Français d’Indochine avaient en outre le devoir d’oublier leurs préférences personnelles pour opposer aux Japonais un bloc sans fissure. La Légion des anciens combattants était le signe de leur discipline, de leur cohésion.
L’amiral s’appliqua aussi à renouveler le système colonial. Il imposa l’égalité de traitement et de considération pour les fonctionnaires français et indochinois. De 1940 à 1944, le nombre des Vietnamiens occupant des emplois dans l’administration française passa du simple au double. Le climat des relations entre Français et Indochinois s’améliora singulièrement. Les Français étaient tenus à être exemplaires dans l’exercice de leurs fonctions. On écarta les fonctionnaires trop âgés, malhonnêtes ou incapables. On interdit les vexations comme l’emploi du mot “ indigène ”. C’est ainsi que la Garde indigène, composée d’autochtones chargés de la sécurité du territoire, devint la Garde Indochinoise.
Composée d’une vingtaine de milliers de gardes civils, encadrée par des officiers français et placée sous le commandement de l’amiral gouverneur, elle se montra très efficace, en particulier contre les communistes, les “ vietminhs ”, qui se comportaient en véritables barbares. (...)
Revue des troupes par l’amiral Decoux L’amiral Decoux (photo Archives MEP)
Dans sa Revue indochinoise, qui parut tous les mois, de 1940 à 1945, on retrouve les principes d’une vraie colonisation française, débarrassée de tout anticléricalisme, ouvertement favorable à l’Église catholique.
Oui, seule la politique coloniale du Maréchal, relayée par l’amiral Decoux, pouvait non seulement tenir tête à l’occupant japonais mais aussi venir à bout du péril communiste. Encore fallait-il pour cela « tenir bon » jusqu’à la victoire des Alliés, en restant unis contre les ennemis de l’extérieur et de l’intérieur.
LE CRIME GAULLISTE
Tous les historiens sérieux admettent que la politique suivie par l’amiral Decoux était de loin la plus réaliste. Or, cette politique n’était autre que celle du Maréchal. Preuve que c’était la seule efficace.
Dans sa paranoïa, de Gaulle refusa cette politique réaliste. « Il était essentiel, écrit-il dans ses Mémoires, que le conflit ne s’achevât pas sans que nous fussions, là aussi, devenus des belligérants. Si nous prenions part à la lutte, fût-elle près de son terme, le sang versé sur le sol de l’Indochine nous serait un titre imposant. » (...)
Comité Français de Libération nationale de De gaulle
À Alger, en 1943, le CFLN bâtit le mythe d’une guérilla de résistants qui, en Indochine, accueilleraient les Forces expéditionnaires françaises. 65 000 hommes dont 15 000, disait-on, seraient prêts dès l’automne 44, interviendraient dans le cadre d’un débarquement massif sur la Péninsule indochinoise, avec l’appui aérien de la 14e US Air Force basée à Kunming dans le Yunnan (Chine). La “ Résistance ” indochinoise devait appliquer le même schéma qu’en métropole : un Service Action pour collecter du renseignement et créer un climat d’insécurité sur les arrières de l’adversaire, par destructions, sabotages, coups de main, embuscades, à partir de zones refuge en Annam ou des régions montagneuses laotiennes et chinoises. Il fallut pour équiper nos apprentis “ résistants ” parachuter postes radio, armes, munitions, explosifs, mais aussi des instructeurs, opérateurs radio, cadres... La section Indochine FFL, forte de cinq cents hommes, basée à Ceylan sous les ordres du commandant de Langlade, en liaison avec les Britanniques de Calcutta, devait constituer le “ fer de lance de la Résistance en Asie ”. Voilà comment s’édifiait sur du sable le mythe d’une “ résistance indochinoise ”.
À partir du dernier trimestre 1944, les largages de matériel se multiplièrent. Au 4 mars 1945, ils s’élevaient à plus de deux cent vingt. Tout le monde était au courant, à commencer par les Japonais... Des résistants venus de l’extérieur tentèrent de rallier des militaires. Plusieurs se laissèrent prendre, en particulier des officiers de renseignements en poste à la frontière chinoise, qui communiquèrent des informations aux Alliés, en désobéissance formelle aux ordres de Decoux.
Les résistants déployèrent une active propagande dans le milieu civil, en particulier chez les lycéens et les étudiants. (...) Sur les deux mille volontaires, seulement trois cents s’engagèrent...
Des émissions en langue française de la BBC ou d’All India Radio exaltaient la résistance. (...) Cette même radio annonça l’imminence d’un débarquement US, ce qui acheva d’affoler les esprits.
MISES EN GARDE JUSTIFIÉES
Amiral Decoux en grande tenue
Decoux, craignant la remise en cause du statu quo dont jouissait l’Indochine, sévit durement jusqu’à l’été 1944 contre les gaullistes qui furent poursuivis pour trahison, excitation à la désertion et atteinte à la sûreté de l’État. Mais, après le 25 août 1944, quand de Gaulle prit le pouvoir à Paris, l’amiral se vit contraint de faire une déclaration publique pour affirmer « sa volonté de maintenir, en toutes circonstances, l’état d’allégeance de la Fédération indochinoise à la France ». Façon discrète de reconnaître le nouveau gouvernement de la France sans éveiller les soupçons du Japon, contre lequel de Gaulle et sa “ France libre ” étaient entrés en guerre dès 1941.
Le 31 août, l’amiral Decoux, Roland de Margerie, notre chargé d’affaires à Pékin, et Henri Cosme, ambassadeur de France à Tokyo, adressaient au Gouvernement provisoire un télégramme, dit “ télégramme à trois ”, dans lequel ils rappelaient que l’Indochine n’était pas à reconquérir, la souveraineté française y étant respectée. Ils insistaient sur les graves périls que toute absence, même provisoire, d’autorité risquait de soulever, principalement au Tonkin, en cas d’immixtion chinoise. Ce télégramme ne reçut jamais de réponse. Mais le délégué du GPRF en Chine tenait les propos suivants : « Nous ne pouvons accepter la politique du Gouverneur général telle qu’elle est définie par le télégramme à trois. La conception toute vichyssoise suivant laquelle l’évacuation de l’Indochine pourra être négociée pacifiquement avec les Japonais est un mythe. D’ailleurs, même si elle ne l’était pas, étant donné les conditions dans lesquelles l’Union a été occupée, nous devons reconquérir son territoire sur l’ennemi [...]. (...) »
De Gaulle, sans même prévenir Decoux, nomma le général Mordant délégué général du GPRF. Or, il était de notoriété publique que ce Mordant était un incapable. L’amiral Decoux, voulant éviter tout affaiblissement de l’autorité française face à l’ennemi, prit le parti de couvrir Mordant en le nommant inspecteur général des forces de terre, de mer et de l’air. Ces remaniements ne contribuèrent pas à apaiser les Japonais, qui devinrent de plus en plus nerveux.
LE COUP DE FORCE DU 9 MARS 1945
Le 9 mars 1945, à 21 heures 15, les Japonais déclenchaient un sauvage coup de force, qui abattit l’administration française en quelques heures. L’amiral gouverneur et son entourage furent emprisonnés ou consignés sur place. Du Nord au Sud, tous nos postes, casernes, services administratifs furent attaqués par surprise par 65 000 Nippons. La plupart de nos troupes ne purent tenir plus de vingt-quatre heures. Le fort Brière-de-l’Isle par exemple, près de Langson au Tonkin, se rendait le 10 mars. Le lendemain, ses défenseurs étaient attachés les uns aux autres par le poignet avec la drisse du pavillon, puis conduits sur les superstructures du fort, où ils furent sauvagement massacrés. Le général Lemonnier, commandant la place, fut décapité au sabre.
Genéral Alessandri
D’autres groupements réussirent à s’échapper dans la forêt, telle la brigade Alessandri, et tentèrent de résister en liaison avec le Vietminh, comme l’avait ordonné de Gaulle, mais l’attitude des communistes devenant rapidement hostile, ils n’eurent que la ressource de se réfugier en Chine après avoir été dépouillés et désarmés aux postes frontières, à la demande du commandement américain !
Sur les deux mille “ résistants ” civils, seules quelques dizaines participèrent aux combats. Les autres se débarrassèrent de leurs armes dans les quatre lacs d’Hanoï. « Il n’est pas surprenant que l’armée nippone ait écrasé l’armée d’Indochine, écrit Grandjean. Car c’est justement l’évidence de sa supériorité qui avait déterminé la politique indochinoise de la France depuis cinq ans. Tous les soldats étaient conscients de cette situation. Leurs chefs [pas tous ! ] ont cru naïvement qu’au jour du choc avec les Japonais, les Alliés allaient débarquer des troupes, en tout cas, écraser l’ennemi de leur supériorité aérienne. » La désillusion fut cruelle.
Pour la colonie française, ce fut tragique. Tout ce qui détenait une autorité, au Gouvernement général, dans l’administration, l’armée, la police, l’Église, fut arrêté, interné ou exécuté. Ce jour-là, les premiers martyrs de la guerre d’Indochine versèrent leur sang. Au Laos, Mgr Ange Gouin, un Breton, fut massacré avec tous les Français de Thakhek. À Langson, au Tonkin, Mgr Hedde était jeté en prison. Dans cette même ville, mère Marie de sainte Jeanne d’Arc, ses sœurs et d’autres femmes qui s’étaient réfugiées auprès d’elles, échappèrent au viol grâce à une protection miraculeuse de la Sainte Vierge. (...)
En 1947, l’état-major du Corps expéditionnaire français dressera le bilan des victimes du coup de force du 9 mars 1945 : 2 119 tués sur 12 000 militaires, soit 20 % de l’effectif engagé, sans compter les blessés, les réfugiés en Chine, les prisonniers des camps de la mort, ainsi que les centaines de civils qui tombèrent entre les mains de la féroce Kempetaï, la “ Gestapo japonaise ”.
De Gaulle pouvait être satisfait, le sang avait coulé en Indochine... et ne devait plus cesser.
LES VRAIS RESPONSABLES
Comment expliquer un tel revirement de la part de l’état-major impérial nippon ? Les travaux de deux universitaires japonais (cités par Grandjean, p. 240) permettent d’analyser les étapes de la décision japonaise :
1° De 1941 à 1944, les Japonais sont favorables au statu quo. Écartons l’interprétation primaire des gaullistes selon laquelle ce statu quo, servant les intérêts du Japon, trahissait par le fait même les intérêts français.
2° Le 14 septembre 1944, de Gaulle ayant pris le pouvoir à Paris le mois précédent, Tokyo continue à envisager le statu quo, mais à condition que les Français le respectent loyalement. Sinon, l’Indochine sera placée sous administration militaire nippone.
3° En décembre 44 et janvier 45, les Japonais sont défaits aux Philippines par les Américains. Dans le même temps, en Indochine, parachutages et messages radiophoniques s’intensifient ; enfin, le 12 janvier, quarante navires japonais sont détruits par l’aviation US, guidée par des officiers de renseignements ralliés à de Gaulle. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
4° Le 1er février 1945, la Conférence suprême, à Tokyo, décide le coup de force, pour le 9 mars suivant.
Il résulte de ce calendrier que l’état-major japonais n’a cru que très tardivement à l’éventualité d’un débarquement allié sur la Péninsule indochinoise. La thèse gaulliste selon laquelle c’est l’approche des Alliés qui a déclenché le coup de force est fausse. « Il suffit à un profane, écrit Grandjean, de regarder la carte du Pacifique pour comprendre que, maître des Philippines au début de 1945, Mac Arthur, commandant en chef des forces US dans le Pacifique, n’a que faire de diversions vers l’Ouest et qu’il ne peut que foncer, droit au Nord, sur le Japon pour y régler directement le sort de la guerre. On sait que, dans la réalité, c’est bien ce qu’il a fait, sans jamais penser à l’Indochine. » (p. 245)
Il a fallu toute l’agitation suscitée par de Gaulle en Indochine pour faire croire aux Japonais, de plus en plus fébriles, que les Américains allaient débarquer. En réalité, ni de Gaulle ni son gouvernement n’ont jamais rien su des intentions stratégiques des Alliés dans le Pacifique : dans quel secteur, chinois ou américain, avait été placée l’Indochine et, par conséquent, à qui il fallait s’adresser pour préparer un débarquement. Quand de Gaulle se rendit à Washington, en juillet 1944, il aurait cru déchoir en interrogeant sur ce point les Américains. On a donc fait des plans à Paris à partir d’une hypothèse fausse.
Si le sacrifice de nos soldats était tellement nécessaire pour les négociations futures, pourquoi la France ne fut-elle pas conviée à la Conférence de Potsdam en juillet 1945, où la question d’Extrême-Orient fut traitée par les trois “ grands ”, Staline, Truman et Churchill ?
De Gaulle
L’entrevue que le général Sabattier, de retour d’Indochine, eut en juin 1945 avec de Gaulle est révélatrice de l’état d’esprit de ce dernier : « Le chef du GPRF fume cigarette sur cigarette. Il écoute le récit de ce qui s’est passé en Indochine sans manifester la moindre réaction [...]. Demandant des détails sur les pogroms de l’agression du 9 mars, de Gaulle dit négligemment qu’il avait été prévenu de l’attaque. Sur le coup, Sabattier n’y prête pas attention. Mais, un peu plus tard, en vieil officier de renseignements qu’il est, il fera le recoupement : le 5 mars, les écoutes radio de l’état-major australien captent un message japonais annonçant l’attaque. L’attaché militaire français en Australie, le colonel Renucci, transmet aussitôt l’information à Paris, qui ne la retransmettra pas. Pourtant le général Juin dit avoir transmis le message “ à qui de droit ”. Ainsi de Gaulle savait !
« Quand Sabattier s’étend sur les erreurs de la résistance en Indochine, le chef du GPRF l’invite en souriant d’un petit geste de la main à glisser sur ces “ détails ”. Il n’a pas un mot de gratitude pour les hommes qui ont combattu et souffert, ni pour ceux qui sont morts massacrés ou tués par les Nippons... » (cité par Pierre Quatrepoint, De Gaulle face à l’Indochine, Perrin, 2004, p. 57)
De Gaulle est coupable non seulement d’avoir excité les esprits pour imposer son mythe de la résistance, mais aussi d’avoir provoqué un sanglant coup de force, entraînant la mort de milliers d’hommes, et d’avoir ainsi fait le lit de la Révolution.
Cela aurait dû suffire à le conduire en Haute Cour pour trahison et complot contre la sûreté de l’État et l’intégrité du territoire !
LE CONFLIT S’ENVENIME
De Gaulle, auquel la situation en Indochine échappait totalement, n’en resta malheureusement pas là. Le 24 mars 1945 à Paris, il lançait son projet d’Union française qui devait remplacer ce qui existait déjà sous le nom d’Empire français. Cette “ déclaration du 24 mars ” ne sera jamais remise en cause. Contradictoire dans les termes, – on ne peut d’un côté exalter le principe des “ libertés démocratiques ” et de l’autre maintenir l’autorité française –, elle ne fera qu’aggraver l’incapacité du régime à traiter de manière française la question coloniale.
De Gaulle était acquis à l’idée d’indépendance des peuples. Porté par le mythe de la “ Libération ”, il voulait s’en faire le guide éclairé. (...)
Hô Chi Minh ne s’y trompait pas. Le 3 septembre 1945, il déclarait à un gaulliste, François Missoffe : « Vous êtes les nouveaux Français, des Français qui nous comprennent, et puis vous êtes des gaullistes, et il y a eu Brazzaville. »
LE VIETMINH PREND LE POUVOIR
Qui était Hô Chi Minh ? Né en 1890 dans le Nord-Annam, de son vrai nom Nguyen Ai Quoc, cet ouvrier imprimeur avait appris les idées communistes en France. En 1941, poursuivi par la Sûreté, il créait en Chine une “ Ligue pour l’indépendance du Vietnam ”, Vietnam Doc Lap Dong Minh, en abrégé Vietminh, dont le programme était de chasser la France impérialiste et d’instaurer une démocratie de type stalinien.
Le parcours d'Hô Chi Minh
Après le 9 mars 1945, la France ayant perdu la face, l’Indochine se trouva tout à coup dégagée de toute tutelle française. Il y avait là une opportunité formidable pour le Vietminh. Les Japonais tentèrent de confier le pouvoir à Bao-Daï, l’empereur d’Annam, mais l’autorité de ce dernier sur son peuple était quasi nulle. Comprenant que le Japon capitulerait bientôt, Hô Chi Minh voulut imposer à ses compatriotes l’idée d’indépendance, par la persuasion ou par la terreur. Il fit récupérer les armes des Français pour équiper “ l’armée de salut national ” commandée par son lieutenant, Vô Nguyen Giap. Puis, se tournant vers les Américains, il se présenta comme le seul homme capable de réaliser l’unité de son pays. Très peu de gens comprirent sur le moment quels étaient les véritables desseins d’Hô Chi Minh. (...)
Au printemps 1945, Hô Chi Minh s’installa à Hanoï et proclama la fin de la période française. À ses côtés, grenouillaient des agents de l’OSS (Office of Strategic Service), le service de renseignements US. Roosevelt, qui appelait de ses vœux l’indépendance de l’Indochine, lui fournit des conseillers, des mitraillettes, des postes radio, moyens qu’il refusait dans le même temps à l’armée française ! Le Vietminh profitait aussi de l’aide nippone qui laissait s’instaurer le désordre, en fournissant aux rebelles les armes prises aux Français.
Hô Chi Minh et Giap En compagnie des agents américains de l’OSS, en juin 1945
Rusé, Hô Chi Minh fit même parvenir à Sainteny, délégué sur place par de Gaulle, un memorandum sur “ l’Indochine française future ”, préconisant l’élection d’un parlement et la constitution d’un cabinet dirigé jusqu’à l’indépendance par un gouverneur français.
Quand le Japon, mis à genoux par le bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki, capitula le 14 août 1945, Hô Chi Minh comprit que l’heure était venue pour lui d’agir. Le 17 août, le Vietminh rassemblait vingt mille manifestants sur la place du théâtre d’Hanoï. Avec la complicité de la Kempetaï japonaise et des officiers américains, les chefs vietminhs apparaissaient au balcon, hissant le drapeau rouge à étoile d’or. En dix jours, ils s’emparèrent de tous les leviers de commande.
Le 2 septembre, jour de la commémoration des martyrs d’Annam, – Hô Chi Minh avait choisi cette date pour rallier les catholiques à sa cause –, le chef vietminh proclamait à Hanoï l’indépendance du Vietnam, avec, à ses côtés, toujours le même major Patti. (...)
Dernière édition par cocoye1er le Sam Avr 26 2014, 12:07, édité 2 fois
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Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Ven Avr 25 2014, 20:49
L'Indochine dans la tourmente (1940-1950)
Suite et fin
L’ÉPURATION DES “ TRAÎTRES ”
Hô Chi Minh
L’épuration suivit de peu la “ libération ”. En Indochine, vietminhs et gaullistes rivalisèrent pour épurer leurs concitoyens. Hô Chi Minh, sans négliger les villes, agit surtout dans les “ communautés villageoises ”. Ordre fut donné d’éliminer les Indochinois francophiles et d’exterminer tous les notables des villages, coopérateurs irremplaçables des Français. Au cours de la seule année 1948, plus de douze mille assassinats furent ainsi perpétrés. Le 21 août 1949, les ondes viets félicitaient leurs soldats d’avoir supprimé 95 % des notables du pays ! Terrorisé, le reste de la population se rallia au Vietminh, tout en gardant le secret espoir que les Français se montreraient plus forts que les forts.
En septembre 1945, débarquaient à Saïgon des Français de Métropole. Ces “ nouveaux Français ”, hautains et intolérants, ignoraient tout du pays. Ils ne savaient pas mais, en débarquant, ils apprirent que la conférence de Potsdam, tenue au mois de juillet précédent, avait confié le désarmement des Japonais aux Britanniques au Sud et aux Chinois au Nord. Dans ces conditions, comment rétablir la souveraineté de la France sur l’Indochine ?
Autre difficulté majeure : pour ces “ résistants ” venus de France, explique Rodolphe-André Benon, lieutenant en Indochine de 1941 à 1946, « le problème indochinois s’identifie au concept métropolitain “ collaboration-résistance ” et s’interprète comme la lutte du peuple contre le fascisme et l’oppression. (...) Les représentants du peuple indochinois (...) ne peuvent qu’accueillir comme des frères les “ résistants ” venant de France pour les “ libérer ”. Tel est le raisonnement ! » Tel est le mensonge importé de métropole.
À Saïgon, le commissaire de la République Cédile laisse consignés dans leurs casernes les 5 000 soldats français, jugés trop vichystes. Mais, le 23 septembre 1945, il fait libérer les 1 200 criminels annamites arrêtés par la Sûreté, sous le gouvernement de l’amiral Decoux. La suite était prévisible : il y eut, dans la nuit du 24 au 25 septembre, un massacre atroce de 276 Français dans la cité-Héraud... La “ libération ”, c’est cela : la mise en liberté des criminels !
Le général Leclerc et l’amiral Thierry d’Argenlieu
Dans ce climat épouvantable, les “ anciens Français ” n’attendaient qu’une chose : l’arrivée d’une armée qui remettrait de l’ordre. Elle débarqua enfin, commandée par le général Leclerc, accompagné de l’amiral Thierry d’Argenlieu, nommé Haut-Commissaire par le chef du gouvernement provisoire. De Gaulle avait déclaré : « Il faut faire du neuf. » D’Argenlieu et Leclerc appliquèrent la consigne à la lettre et épurèrent à tour de bras.
Le lieutenant Benon en constata l’effet immédiat sur les populations : « (...) Les cadres et employés administratifs, les militaires autochtones qui ont servi loyalement sous le régime Decoux comprennent qu’on ne peut pas faire confiance à la France. Ils seront désormais sensibles à la propagande vietminh. » Voilà le beau travail des “ épurateurs ” !
Le renvoi honteux de l’amiral Decoux en Métropole fut considéré par la population indochinoise comme un désaveu de la confiance qu’elle lui avait témoignée. Après passage devant une commission d’épuration, des Français d’Indochine furent rapatriés, de façon souvent brutale et humiliante, par avions et bateaux entiers. Tous nos réseaux d’amitiés furent détruits ; nous n’avions plus de contacts avec la population, donc plus de renseignements pour identifier les terroristes. Hô Chi Minh pouvait agir sans difficulté. La cause militaire de notre échec à venir est dans cette épuration.
L’ÉGLISE SE RALLIE À HÔ CHI MINH
Hô Chi Minh tenta de tuer l’âme de la Chrétienté indochinoise en jouant un double jeu. Officiellement, c’était la politique de la main tendue, mais les consignes données à ses agents de propagande étaient claires :
« L’ennemi numéro 1 du communisme, c’est le christianisme ; mais il faut faire preuve de beaucoup d’adresse. D’abord, séparer les missionnaires étrangers du clergé vietnamien, ce n’est pas difficile : colonialisme, espionnage. Il faudra ensuite séparer les chrétiens du clergé vietnamien, en représentant ce dernier comme l’agent de l’étranger. Enfin, assimilation des chrétiens, ce qui sera alors tout simple. »
On vit le drapeau rouge flotter sur les tours de la cathédrale d’Hanoï. Dans certaines églises, on enleva les statues des “ saints français ” : sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, sainte Jeanne d’Arc... Toutes les vieilles calomnies du temps des persécutions ressortirent perfidement. Les églises furent détruites, des hosties répandues à terre et souillées, des crucifix percés de flèches, des religieuses chassées de leurs écoles ou de leurs hôpitaux, avec interdiction de porter l’habit religieux...
À Nam Dinh, le Père Vacquier vit ses collaborateurs se retourner haineusement contre lui. Comme il avait été aumônier d’un régiment de tirailleurs tonkinois, on l’accusa d’avoir fait « de la politique » ; on parla de « déportation » à propos des coolies déplacés avec leurs familles. Il fut arrêté en septembre 1945, et disparut. On ne retrouva que son bréviaire, où il avait souligné la phrase de saint Paul aux Colossiens : « Souvenez-vous de mes chaînes… »
Mgr Cassaigne Entouré de ses anciens Montagnards en 1941
À Saïgon, Mgr Cassaigne dut affronter lui aussi la Kempetaï, la terrible police japonaise, puis le Vietminh. Sa tête fut mise à prix, une première fois 5 000 piastres, quelques jours plus tard 20 000 : « Les enchères montent », remarquait-il en souriant, sans rien changer à ses habitudes. Plusieurs de ses collaborateurs furent assassinés, dont le vicaire de la cathédrale de Saïgon, le Père Tricoire. Mais le plus douloureux pour Mgr Cassaigne fut de voir certains membres du clergé vietnamien et de nombreux dirigeants d’Action catholique profiter du désordre politique pour prendre avec passion le parti de l’indépendance et soutenir le Vietminh ! Les jeunes gens s’engageaient dans les rangs du Vietminh, au seul mot magique de Dôc lâp, indépendance ! Un groupe de prêtres se réunit même autour d’Hô Chi Minh, avec la caution de l’inquiétant évêque de Phat-Diem, Mgr Lê Hüu Tü, qui se prenait pour le saint Remi des temps nouveaux « passant aux barbares », l’évêque fondateur d’un Vietnam « débarrassé du joug des affreux Français colonialistes ».
Cette déplorable désorientation des esprits, qui divisait les Chrétientés du Tonkin, d’Annam et de Cochinchine, était le fruit empoisonné du nouvel esprit missionnaire imposé par Benoît XV et de l’Action catholique de Pie XI, qui avaient voulu dissocier, à l’encontre de la tradition séculaire de l’Église, mission et colonisation. Pie XII lui-même suivait la doctrine de ses immédiats prédécesseurs. (...)
À ce stade de la guerre, qui n’est pas encore officiellement déclarée, mais que Hô Chi Minh est décidé à mener, le chef vietminh a moralement vaincu la France car les piliers de la Chrétienté d’Indochine sont sapés : plus d’administration coloniale traditionnelle mais des “ nouveaux Français ” acquis à la libération des peuples, plus de missionnaires français pour rappeler les intérêts et la doctrine de l’Église mais un clergé autochtone qui aspire à l’indépendance nationale.
RECONNAISSANCE DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU VIETNAM
À Paris, le drame indochinois était loin d’être la préoccupation essentielle du gouvernement. Le 20 janvier 1946, de Gaulle démissionnait à l’occasion d’une dispute autour de la Constitution et livrait ainsi la France au tripartisme, le parti communiste étant majoritaire.
Thierry d’Argenlieu, ne recevant aucune instruction du gouvernement, resta alors figé sur la Déclaration du 24 mars prescrivant l’Union française. Pendant ce temps, Leclerc enrageait de ne pouvoir aller de l’avant, afin de libérer Hanoï et d’en finir avec cette Indochine qu’il n’aimait pas. Profitant d’une absence de son rival, il signa en février 1946 de sa propre initiative un accord avec l’armée chinoise. Puis, estimant qu’il ne pourrait débarquer au Tonkin qu’avec l’assentiment d’Hô Chi Minh, il le prit comme “ interlocuteur valable ” et conclut avec lui le 6 mars un nouvel accord : en échange d’un débarquement de nos troupes à Haïphong, la France reconnaissait la “ République démocratique du Vietnam ” et promettait de se retirer dans les cinq ans !
Ce jour-là, Hô Chi Minh avait atteint l’un de ses principaux objectifs : la reconnaissance officielle de son propre gouvernement par la France républicaine, ce qu’aucun pays jusqu’alors n’avait encore fait, même pas l’urss. C’était la légitimation a posteriori de sa révolte.
L'oncle Ho sous les drapeaux français
À son retour, d’Argenlieu voulut orienter cet accord insensé dans la ligne de la “ Déclaration du 24 mars ”. Il offrit le 25 mars à Hô Chi Minh une entrevue sur le croiseur Émile-Bertin en baie d’Along. Après avoir quitté son hôte, le chef du Vietminh confiait en aparté à Leclerc : « Il a essayé de m’avoir, je l’aurai ! » Comprenant qu’il lui fallait agir maintenant depuis Paris, celui qu’on appelait “ l’oncle Hô ” accepta l’invitation de son vieil ami Marius Moutet, ministre socialiste de la France d’Outre-Mer et vieux militant anticolonial (!), afin de négocier directement avec le gouvernement français.
Reçu en France avec tous les honneurs en juin 1946, il surveilla de près les travaux de la conférence réunie à Fontainebleau pour régler la question de l’Indochine. Nos missionnaires s’indignaient d’une telle confiance accordée au chef communiste. (...)
La conférence de Fontainebleau fut un échec, bien que Moutet réussît à faire signer par le chef du Vietminh un modus vivendi qui laissait à ce dernier un certain répit. En Indochine, les plus lucides s’attendaient au pire. Le 19 décembre 1946, à 20 heures, Hanoï fut brusquement plongée dans l’obscurité. Bientôt, on entendit le crépitement des armes et des cris de personnes qu’on égorge. Cette nuit sanglante marquait le début officiel de la guerre d’Indochine...
L’INCAPACITÉ DU RÉGIME
Grâce à l’armée française, le Vietminh échoua à prendre le pouvoir en décembre 1946, et se dispersa alors dans tout le pays, principalement dans les campagnes. Le Delta du Tonkin, correspondant au triangle Hanoï-Haïphong-Nam Dinh, était pour lui une source inépuisable de recrutement en hommes et d’approvisionnement en riz. C’était là aussi qu’étaient regroupées les missions catholiques les plus florissantes d’Indochine. Par leur organisation et leur grande force morale, ces missions constituaient un fer de lance puissant contre le communisme, à condition que le clergé le veuille... Hô Chi Minh décida de s’attaquer en priorité à elles. Quand elles seraient ralliées ou anéanties, le terrain serait libre.
Le Père Seitz (1906-1984)
Le Père Seitz (1906-1984), surnommé le “ Don Bosco ” de la ville d’Hanoï, fonda en 1943 un centre d’accueil pour les enfants abandonnés qu’il plaça sous le patronage de sainte Thérèse. En 1945, les réquisitions japonaises et le blocus américain ayant provoqué une famine qui fit près de deux millions de victimes au Nord et au Centre Vietnam, les orphelins affluèrent par centaines à l’orphelinat du Père Seitz. Celui-ci révéla alors sa pleine mesure d’apôtre et d’organisateur. (...) Beaucoup de ces adolescents sans religion demandèrent le baptême. À plusieurs reprises, il fallut faire appel à l’Armée française pour protéger l’orphelinat (photo Archives MEP).
Les années 1947, 1948 et 1949 furent marquées par trois tentatives successives du commandement français pour prendre l’avantage sur le Vietminh. « Cette entreprise aurait pu être couronnée de succès,écrit le général Navarre, si une ligne politique nette avait été suivie, si la stabilité et l’unité de commandement avaient été assurées, et surtout si des moyens militaires suffisants avaient été mis en œuvre d’entrée de jeu. Aucune de ces conditions ne fut remplie, car l’atmosphère politique française s’y opposait absolument. Juridiquement, nous n’étions pas en guerre et les communistes, qui avaient dès lors pris fait et cause pour le Vietminh, étaient un parti de gouvernement, auquel il ne fallait faire nulle peine. » (L’Agonie de l’Indochine, Plon, 1956, p. 17)
1947. Le général Valluy commande en chef : forte personnalité, proche de ses hommes dont il est très aimé, il fait partie des officiers débarqués avec Leclerc. Il comprend dès les premiers mois qu’il faut « frapper à la tête », c’est-à-dire abattre Hô Chi Minh sans rien lui concéder. Il donne donc l’ordre à Salan, commandant les forces du Tonkin et excellent connaisseur du pays, de préparer un plan pour le mois d’octobre. Salan propose d’encercler les unités vietminh basées dans les montagnes du nord-est tonkinois et de les réduire en lançant sur elles des troupes aéroportées.
Bollaërt, nouveau Haut-Commissaire, approuve ce plan, mais ce radical-socialiste inclinerait plutôt à négocier avec Hô Chi Minh. Sans même en informer Valluy, il se prépare à faire au Vietminh une proposition officielle d’indépendance ! Averti à temps, le commandant en chef prend l’avion pour Paris, afin d’en référer au nouveau président de la République, Vincent Auriol. Comme d’habitude, une demi-mesure est adoptée par l’État : Bollaërt pourra prononcer son discours, dans lequel il invitera « toutes les familles politiques, spirituelles et sociales » à conclure une trêve et à s’entendre pour la construction d’un nouveau Vietnam ; de leur côté, les militaires pourront monter leurs opérations, mais, dans le même temps « le gouvernement diminuait son effort militaire et ne proposait plus aucun objectif stratégique au corps expéditionnaire » (général Y. Gras, Histoire de la guerre d’Indochine, Plon, 1979, p. 213).
Le résultat de ces opérations fut décevant. Hô Chi Minh réussit à se glisser hors du dispositif. C’était la première occasion perdue pour l’armée française.
1948. En remplacement de Valluy et de Salan, désavoués pour s’être plaints au gouvernement du manque d’effectifs, le général Blaizot est nommé commandant en chef. Comme ses prédécesseurs, il considère que le nœud du problème se trouve au Tonkin.
Une nouvelle opération est conçue, qui consiste à s’étendre vers l’ouest et au sud-ouest du Delta, de façon à couper les liaisons que le Vietminh entretient avec le sud du pays. Mais, à la veille du déclenchement des opérations, Bollaërt rentrant à Paris au terme de son mandat déclare au président Auriol : « Notre situation est excellente. Nous touchons au but si Bao-Daï rentre. » Cette vantardise a pour conséquence que le lendemain même, Ramadier, ministre de la Défense, invite le commandant en chef à limiter les opérations, étant donné « notre excellente situation ».
Prétendre que la situation était excellente était un mensonge : ceux qui étaient sur place savaient que le Vietminh se montrait de jour en jour plus entreprenant. En conséquence de l’intervention ministérielle, les opérations “ Ondine ” et “ Pégase ” n’eurent aucune portée sur le Vietminh et se limitèrent à étendre notre contrôle sur le Delta. Deuxième occasion perdue de gagner la guerre.
1949. Pendant ce temps, l’ennemi a réorganisé ses troupes et adopté une stratégie de guerre longue : guérilla dans les campagnes, harcèlement de nos troupes réparties en petits postes isolés. D’autre part, le commandement français sait que le temps presse, car en Chine, Mao Tsé Toung va bientôt l’emporter sur le nationaliste Tchang Kaï Chek ; si le communiste l’emporte, c’est la masse chinoise qui déferlera au secours du Vietminh. Dans cette perspective peu réjouissante, le général Blaizot monte une opération, qu’on pourrait dire “ de la dernière chance ”, pour le mois d’octobre 49.
Mais trois événements la font avorter.
LES SCANDALES DE LA RÉPUBLIQUE
Hô Chi Minh et Bao-Daï
En politique d’abord : après l’échec des négociations avec Hô Chi Minh en 1946, la France s’était tournée vers l’ex-empereur Bao-Daï. Les négociations avec lui furent laborieuses, car ses exigences relatives à l’indépendance n’étaient pas moindres que celles du Vietminh ! Bao-Daï consentit néanmoins, en avril 1949, à prendre la tête d’un “ État national du Vietnam ”, créé de toutes pièces, auquel nous reconnaissions la souveraineté politique et militaire, sans avoir cependant prononcé le mot d’indépendance. Toujours l’équivoque de l’ “ Union française ” imaginée par de Gaulle.
Pour mettre en œuvre cette politique, Auriol nomma au poste de Haut-Commissaire Léon Pignon, qui avait été le promoteur de la solution Bao-Daï dans l’entourage de Thierry d’Argenlieu. Pignon voulait offrir à Bao-Daï une Cochinchine pacifiée ; il donna l’ordre au général Blaizot de reporter son effort militaire dans le Sud.
Plus grave : on avait calculé que Mao ne l’emporterait qu’à la fin de l’année 49. Or, le 23 janvier 1949, Pékin tombait entre les mains des communistes qui, à marche forcée, foncèrent vers le Sud. On pouvait craindre désormais que la victoire de Mao ne galvanisât le Vietminh et lui permît de se former et de s’équiper sur le territoire chinois tout proche.
Enfin, une mission d’inspection fut confiée au général Revers, chef d’état-major des armées, en vue d’une réorganisation de notre dispositif. Dans son rapport, Revers estimait que pour redresser la situation, il fallait reporter tout notre effort sur le Tonkin, mais en abandonnant la Haute Région (Cao-Bang, la RC 4), et en appuyant notre dispositif de défense sur le Delta.
Ce rapport, reproduit en quelques exemplaires, aurait dû rester confidentiel. Or, voici qu’à Lyon, on découvrit dans la serviette d’un vietnamien le rapport du chef d’état-major général. Le scandale fut énorme. Ce fut le début de ce qu’on appela l’ “ affaire des généraux ”, ou “ affaire des fuites ”. Une enquête pleine de rebondissements révéla que Revers avait confié un exemplaire de son rapport “ confidentiel ” à son ami le général Mast, ancien comploteur à Alger en novembre 1942 contre Vichy, lequel l’avait remis à un certain Peyré, trafiquant louche et franc-maçon notoire. Ce Peyré l’avait ensuite vendu à un Vietnamien en relation avec le délégué d’Hô Chi Minh à Paris.
En toile de fond de toutes ces négligences et corruptions, il y avait l’argent. Depuis 1945, année de la surévaluation de la piastre par de Gaulle, – on se demande pour quelle raison –, Saïgon était devenue une sorte de no man’s land financier. Petits malfrats et grands capitalistes français, américains, britanniques, et bien sûr vietminhs, y faisaient des affaires colossales : près de 250 % de plus-value sur les transactions ! Il est inutile de s’étendre sur ces scandales, mais les conséquences étaient là : Hô Chi Minh savait exactement ce que le commandement français envisageait pour la fin de l’année 1949 et pour 1950.
SUBVERSION DE L’OPINION FRANÇAISE
(...) Les journaux communistes menaient le bal et influençaient les autres : socialistes, démocrates-chrétiens ou gaullistes. (...) Les Français cessaient d’être effrayés par un communisme qu’ils avaient pris l’habitude de côtoyer. Conséquence : nos soldats étaient systématiquement diffamés. L’Humanité rendait compte des “ victoires ” de l’armée démocratique du Vietnam. (...)
Un certain Tran Noc Danh avait lancé la Revue du Vietnam, sorte de journal officiel du Vietminh, envoyé à tous les parlementaires et diffusé dans le monde entier, qui tenait ses lecteurs informés des défaites de la France, jamais de ses succès, ainsi que de l’évolution de l’opinion française en faveur de la paix.
Témoignage chrétien n’était pas en reste. (...) Après les campagnes de presse, les communistes français en vinrent aux insultes directes, aux attaques de trains de blessés revenant d’Indochine et à des actes caractérisés de sabotage. (...)
Un jour, au cours d’une perquisition, on découvrit des documents mettant gravement en cause des députés communistes, Duclos en particulier, qui avaient donné comme mot d’ordre : « Travailler pour la défaite de l’armée française au Vietnam, en Corée et en Tunisie. » Pleven, alors ministre de la Défense nationale, demanda à l’Assemblée la levée de l’immunité parlementaire de ces députés, pour participation au crime de démoralisation de l’armée et de la nation prévu par l’article 79 du code pénal. Mais la Chambre entière, tous partis confondus et solidaires, refusa la levée de l’immunité.
L’ÂME DES DÉFENSEURS
Philippe Le Pivain Philippe Le Pivain, sergent au 9e tabor marocain (trois citations en Indochine). « Vous savez combien je déplore cette absence de foi qui nous assure à plus ou moins longue échéance une royale défaite. » (Photo familiale)
Des livres ont été écrits sur cette trahison de l’arrière. Dans l’un d’eux, “ Soldats de la boue ”, Roger Delpey écrit : « Il faut posséder une âme de fer pour ne pas renier une patrie qui sacrifie ses enfants après les avoir laissé insulter. Et pourtant, si la France survit demain au-delà des mers, ce sera grâce encore à une poignée de défenseurs... »
Le sergent Yves Gignac, futur président des anciens sous-officiers d’Indochine, a décrit l’âme de ces défenseurs d’empire : « On ne dira jamais assez quelle fut la pauvreté, pire, la grande misère du corps expéditionnaire. On est bien loin du mercenaire et du trafic des piastres !... Cette armée de chevaliers a tenu. Mieux encore, elle a tenté l’impossible. En effet, très rapidement après les opérations de dégagement du début, on s’aperçut qu’il fallait non seulement tenir le terrain, mais conquérir la population. Ce fut toute la longue histoire de la “ pacification ” [...]. Alors, là, se produit un autre miracle. Ce jeune soldat va tout naturellement retrouver la grande tradition de la France coloniale. Dans cette guerre de pacification où la conquête des âmes est plus importante que celle du terrain, le rôle du poste est essentiel. Car, par son action en profondeur, c’est lui qui doit nous rallier les villageois et, en renforçant notre influence, priver les rebelles de leur soutien naturel. C’est dans ce rôle tutélaire que nos garçons de vingt ans font des merveilles. Seuls, livrés à eux-mêmes, ils retrouvent la grandeur de leur mission et l’exercent avec un amour et une compréhension qui, le plus souvent, manquent à ceux qui dirigent la guerre. » (...)
EN PREMIÈRE LIGNE
La présence des aumôniers et des missionnaires donnait à tous ces sacrifices de nos soldats leur sens véritable. C’est leur œuvre qu’Hô Chi Minh voulait anéantir. Partout où elles passaient, ses bandes persécutaient les chrétiens, calomniaient, arrêtaient ou tuaient les missionnaires, les catéchistes. La plupart des missions gravirent un dur calvaire. (...)
Ne se trouvait-il donc personne dans le clergé de France pour soutenir ces défenseurs de Chrétienté ? Si ! il y en avait un. L’abbé Georges de Nantes... (...)
Ce combat était avant tout celui de la Sainte Vierge, qui monta “ en ligne ” elle aussi, au cours de l’été 1950. Débarquée à Haïphong le 9 juillet, la statue de Notre-Dame de Fatima, Reine de la Paix, « Nu Vuong Hoa Binh » en vietnamien, parcourut tout le Delta, avant d’arriver le 15 août à Hanoï, où une procession fut organisée en son honneur. Dans la foule qui se pressait sur son passage, il n’y avait pas que des catholiques, mais on voyait aussi beaucoup de païens, attirés par les fastes de la cérémonie. Bien des membres du Corps expéditionnaire, militaires de tous grades, étaient disséminés dans la foule, les uns stupéfaits, les autres enthousiasmés de se retrouver en Chrétienté à des milliers de kilomètres de la mère patrie. Beaucoup d’entre eux découvraient ce jour-là cette jeune Église, œuvre des missionnaires, leurs compatriotes. (...)
Dernière édition par cocoye1er le Sam Avr 26 2014, 13:16, édité 1 fois
Papa schulz Admin
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Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Ven Avr 25 2014, 22:53
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Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Ven Avr 25 2014, 23:12
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Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Sam Avr 26 2014, 08:56
AH !! Allaire capitaine de la compagnie d'appui du 3 RPC , combien de fois je l'ai croisé dans nos opérations, il était presque toujours avec le PC " Bruno" sur le point le plus haut pour faire ses tirs de protection! Je vous salut mon Colonel
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Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Sam Avr 26 2014, 10:53
Gus , mon Père a également connu Allaire , Lieutenant lors d'un passage du 6BPC , a "Seno" au Laos
Bruno avait même poussé une gueulante , disant que les défenses de la BA , étaient merdiques
Un Grand Monsieur ce Allaire
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Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Sam Avr 26 2014, 11:40
Le 26 avril 1954
Le harcèlement d’artillerie ennemi continue, mais il est maintenant synchronisé avec le rythme des parachutages
Les DAKOTA arrivent au dessus du Camp retranché tous feux éteints, à 2000 mètres du sol.
Après un large virage pour prendre l’axe du largage, ils plongent brusquement à 300 mètres à la verticale du T lumineux qui au sol matérialise l’entrée de la DZ et le sens du parachutage .
Au sol toutes les armes de la DCA ennemi crachent en même temps
Devant ISABELLE le PA à la DUBOUT de WIEME et de ses partisans tient toujours .
LALANDE songe à le relever , il désigne la compagnie Thaï du CNE DESIRE .
Pendant l’opération DESIRE est grièvement blessé et son adjoint tué
La 7° compagnie du BEP s’installe sur HUGUETTE 2 .
Un HELLCAT de la marine est abattu.
Les 64 sorties feu de l’aviation ont été pour la plupart utilisées contre les positions de DCA adverses.
Le rendement du parachutage à haute altitude a été mauvais . Sur les 106 tonnes larguées, 25 sont comptées perdues .
Le général COGNY estime la durée possible de la résistance de Dien Bien Phu à 2 ou 3 semaines si le camp continue d’être alimenté en combattants, vivres et munitions, et si bien sûr, aucune attaque générale de l’ennemi ne se produit avant .
A suivre
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Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Dim Avr 27 2014, 07:03
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Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Dim Avr 27 2014, 09:56
Le 27 avril 1954
Au cours de la nuit 52 volontaires ont sauté sur le Camp retranché .
La DCA ennemie et le harcèlement au sol ont alternés leurs efforts à chaque passage des avions .
Les observations de cette nuit prouvent que l’ennemi s’installe dans la plaine .
Pendant un temps les Viêts se sont permis le luxe d’allumer un projecteur de DCA au passage des avions .
Les sonnettes au nord de la piste d’aviation ont entendu le ronflement de nombreux camions et une patrouille ennemie a tenté de s’infiltrer entre CLAUDINE 5 et LILY .
Au matin la météo est médiocre, après les orages de la nuit le ciel est resté très couvert .
Lalande essaie de se donner un peu d’air et de dégager le point d’appui Wieme, qu’il désigne aussi dans ses comptes rendus sous le nom d’ISABELLE 5 .
Les parachutages de la journée à haute altitude sont catastrophiques, 70 pour cent des colis tombent chez l’ennemi , hors des limites du camp retranché qui jour après jour s’est rétréci comme peau de chagrin au fur et à mesure de l’avancée Viêt .
Le 2/1 R.C.P. de BRECHIGNAC tente un coup de main devant ELIANE 1 et ramène quelques prisonniers .
Nord Laos : le groupement GODARD parti de Muong Saï a atteint Muong Koua .
A Genève :
Monsieur BIDAULT reçoit monsieur MOLOTOV , il est convenu que l’URSS reconnaîtra aux 3 délégations des états associés, le droit de siéger à la conférence .
La France de son coté admet la république populaire chinoise et la délégation Viet-Minh sous réserve de l’accord du Vietnam .
A Londres :
Monsieur W CHURCHILL reçoit monsieur MASSIGLI ambassadeur de France , il lui déclare sans ambages qu’il ne peut rien faire pour sauver DIEN BIEN PHU .
Il ne croit pas à l’efficacité d’une intervention aérienne sinon pour compromettre les chances de la conférence de Genève .
Au bord du Gouffre :
Pour reprendre l’expression du jour, l’Angleterre retient les occidentaux .
Il s’en est fallut de rien , d’une attitude moins rigide de Londres, pour que les B29 interviennent sur le camp retranché .
Il est difficile d’apprécier quels en eussent été les résultats .
Mais l’opération VAUTOUR éclaire l’attitude de GIAP , si il a ajourné in extremis son attaque générale sur le camp retranché, c’est qu’il avait mesuré les chances et les risques de l’intervention américaine .
Ce n’est que parti remise, dans 3 jours il va lancer ses divisions sur ce qu’il reste de DIEN BIEN PHU .
A suivre
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Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Dim Avr 27 2014, 10:27
N'oublions jamais que Winston Churchill était un F.M. 33ème°, de ceux qui organisent les guerres et se frottent les mains en douce
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Sujet: Mourir pour l’Indochine . Dim Avr 27 2014, 11:09
Mourir pour l’Indochine
" Tu étais mon ami !
Ensemble, nous sommes partis ! Parcourant les mers, voguant vers l'Indochine Pataugeant dans les rizières, la jungle de Cochinchine, Pour défendre là-bas la France et son Empire " Sur les bancs de l'école, j'avais entendu dire Prestige d'un peuple, l'orgueil d'une nation. Dans la fournaise, on bradait des garçons.
" Tu étais mon ami!
Comme moi, t'as pas compris ! " On recherchait l'ennemi qui se nommait Viêt-minh, Patrouillant nuit et jour dans les rues de Gia Dinh. Tu regardais, c'est sûr, ces belles et jolies filles, Ce mystérieux pays où tant de jonques fourmillent. Nous étions tous unis, aucun ne montrait son grade. Car tous redoutaient ces terribles embuscades.
" Tu étais mon ami "
Soudain, j'entends un cri. Voyant son corps sans vie et ses grands yeux meurtris, Affalé sur le sol, j'ai tout de suite compris Que plus jamais il ne verrait d'aurore. Je n'osais y croire mais j'espérais encore.
Dans le fracas des armes, J'ai versé quelques larmes. Il était mon ami et la guerre me l'a pris.
" En ce lointain pays, loin des lieux de ton enfance. "
A jamais tu reposes, loin de la terre de France A l'orée des hévéas, vous verrez une croix, Simple distinction qui nous rappelle sa foi. On peut y lire ceci: son nom en lettres majuscules, Sa date de décès et son numéro matricule,
" Mort pour la France "
" Tu étais mon ami. "
Pour sa patrie, il a donné sa vie.
André CLIN, à ceux du C.E.F.E.O. Communiqué par Gilbert Laplace , ancien du C.E.F.E.O. A.C.
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Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Dim Avr 27 2014, 11:18
Triste réalité, plus jamais ça !
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Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Dim Avr 27 2014, 11:21
Je lis avec plaisir ces anecdotes qui pourtant si terrible et dramatique , mais un récit bien construit !! Merci encore Jean-Pierre
Invité Invité
Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Lun Avr 28 2014, 11:13
Le 28 avril 1954
La nuit a été plutôt calme.
L’aviation a tenté de larguer des renforts à ISABELLE, un stick de légionnaires a réussi a sauter un peu avant 2 heures du matin, mais le mauvais temps a interrompu le largage .
Ce matin il pleut , le harcèlement reprend vers 8 heures, des 75 sans recul tirent à vue directe sur tout ce qui bouge dans le secteur de commandement autour du PC , de l’hôpital et des positions de batteries .
Un char réussit à détruire au canon quelques blockhaus ennemis face au PA du drain .
Sur 80 tonnes de ravitaillement larguées , 35 pour cent sont tombées chez les Viêts .
La météo interdit l’appui feu au profit du camp retranché .
Niveaux
Niveaux vivres, 2 jours , munitions : 5 unités de feu de 105 , 3 unités de feu pour 1 pièces de 155 , 4 unités de feu pour mortier de 120 .
Avec les orages et la pluie le niveau de la boue atteint 1 mètre dans les tranchées .
A la tombée du jour, la garnison d’HUGUETTE 4 fait un coup de main sur les travaux Viet-minh .
Au nord LAOS .
Une reconnaissance du groupement GODARD arrive à 4 km au sud de NGA-NA-SONG .
A PARIS .
Il se confirme que l’opération VAUTOUR ne pourra avoir lieu .
Happé par la mousson de montagne qui se dresse comme une muraille à la verticale des premières hauteurs, le DAKOTA tangue et roule en abordant les monts BA VI à l’ouest de HANOÏ .
Il est dix heures du soir . assis sur leurs sièges de toile , cramponnés aux sangles qu’ils ont saisies à tâtons dans le noir au décollage, les 22 passagers se taisent hébétés, le cœur au bord des lèvres sous le casque rond.
Ils ne bougent pas .
Ils ne le pourraient pas , pour éviter tout incident au moment du parachutage, les moniteurs les ont fait harnacher avant l’embarquement à BACH MAÏ .
CHANTEZ hurle le largueur ! mais que chanter ? les passagers n’ont rien de commun entre eux , ils ne se connaissent même pas !
Trois heures plus tôt il ne s’étaient jamais vu !
Ils proviennent de toutes les unités d’Indochine .
Il y a des légionnaires, des tirailleurs, des évadés de l’hôpital, des artilleurs des tringlots .
Ils ont la gorge nouée, l’estomac au désespoir .
Ce saut qui se profile à l’horizon de la nuit, de leur nuit, leur ôte toute réaction .
« Debout les paras, il est temps de s’en aller Sur la route au pas cadencé Debout les paras car nous allons sauter ……… »
Les passagers du DAKOTA sont des volontaires d’un saut qui veulent rejoindre DIEN BIEN PHU , il n’y a dans cette avion aucun para.
Ils vont cette NUIT effectuer leur premier saut au dessus du Camp retranché….
En plein combat ……..
Ils savent ce qu’il en est ! il n’ont aucune illusion, ils veulent simplement rejoindre les copains qui se battent .
« debout les paras il est temps de s’en aller sur la route au pas cadencé »
Au dessous d’eux DIEN BIEN PHU est en feu, maintenant les explosions sont bien distinctes , le claquement des balles , l’éclatement des grenades, les obus qui percutent la terre dans un roulement d’apocalypse ……..
A suivre
Invité Invité
Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Mar Avr 29 2014, 12:24
Le 29 avril 1954
Le temps qui semblait s’améliorer pendant la nuit redevient mauvais à l’aube.
Il pleut à torrent, les roulement du tonnerre se confondent avec le harcèlement des 105 ennemis qui continuent à pilonner le camp retranché .
Les patrouilles trouvent le contact quasiment partout .
Les Viêts continuent à creuser des tranchées .
Tranchées Viets au Sud de DBP
A 400 mètres de CLAUDINE 5 une sortie du 8° BPC bouche quelques mètres de tranchées .
22 tonnes sont larguées au dessus d’ISABELLE .
En raison de la météo exécrable aucune intervention feu de l’aviation n’est faite au profit de DIEN BIEN PHU .
Le général NAVARRE fait étudier une sortie de la garnison du camp retranché vers le LAOS .
Invité Invité
Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Mer Avr 30 2014, 12:01
Le 30 avril 1954
La nuit est calme, la garnison de Dien Bien Phu sait que la 3eme offensive va bientôt commencer .
83 volontaires ont sauté, mais 20 sont tombés chez l’ennemi .
Il a été aussi parachuté 30 tonnes de vivres et 6 tonnes de munitions .
Entre 6 heures et 6 heures 30 les Viêts tentent un coup de main sur la face Nord-ouest de DOMINIQUE 3 .
Ce matin le plafond permet à l’aviation de larguer des colis au travers des nuages avec des parachutes à ouvertures retardées .
Au moins 25 pour cent de torche sont observés .
Le harcèlement se poursuit, un char est détruit par un coup de 105 .
Les viêts sont à distance d’assaut d’ISABELLE sur la face Est .
Dans l’après midi l’amélioration du temps permet à l’aviation de faire de nombreuses sorties au profit du camp retranché, 220 tonnes d’approvisionnement sont larguées , soit 5 jours de vivres , 3000 coups de 105 , 4000 de 81 , 1400 de 60 et 8000 grenades .
Il semble que les 2/5 de ces colis aient pu être ramassés
HANOÏ
Le général COGNY demande à de CASTRIES d’économiser les munitions , IMPOSSIBLE répond de CASTRIES .
COGNY répond que dans ces conditions ne resterait que l’espoir d’un cessez le feu , ou une sortie de la garnison du camp vers le LAOS .
Cette sortie n’est d’ailleurs pas satisfaisante, elle ne sauverait qu’une petite partie de la garnison et elle passerait par l’abandon des blessés .
Mais l’ennemi n’a que faire de ces discussions !
Dans quelques heures il va lancer ses divisions à l’assaut de DIEN BIEN PHU .
Ce sera la 3eme offensive, l’ attaque générale …………………