Paras, bérets bleus, verts et rouges, tous unis ! Forum pour Parachutistes et Sympathisants de par le Monde |
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| DIEN BIEN PHU au jour le jour . | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Sam Avr 12 2014, 10:01 | |
| Le 12 Avril 1954
A 7h00 du matin les survivants des bataillons Viêts qui se sont battus toute la nuit au prix de lourdes pertes et qui n’ont pu reprendre ELIANE 1 se retirent .
Ils étaient pourtant 8 fois plus nombreux que les français .
Giap a destitué le colonel qui n'a pu reprendre Eliane 1.
A 18 heures, deux bataillons "frais" se lancent à l'attaque
Ils sont repoussés .
Fin du largage du 2° B.E.P. ainsi que 135 tonnes de matériel .
Les paras du 2/1 RCP rescapés qui ont résisté sur Eliane 1 sont fondus en une seule compagnie aux ordres du sous-lieutenant LEGUERRE / LEGUENNE .
La 1° compagnie du 2/1 R.C.P. du lieutenant PERIOU monte sur ELIANE 1 .
Les relations entre le colonel LANGLAIS à DBP et le colonel SAUVAGNAC à HANOÏ s’enveniment un peu plus par messages interposés .
LANGLAIS reproche à SAUVAGNAC sa méconnaissance de la situation et son extrême application du règlement .
(Le Message)
Réservé colonel SAUVAGNAC . STOP . prends connaissance de votre message en rentrant d’ ELIANE 1 , prise hier et contre-attaquée toute la nuit . STOP . Il me prouve que vous n’avez encore pas compris la situation . STOP . je répète qu’il n’y a plus ici ni G.O.N.O. ni G.A.P. . STOP . mais seulement 3000 combattants dont les piliers sont les paras . STOP . qui au prix d’un héroïsme et de sacrifices inouïs tiennent tête aux 4 divisions de GIAP . STOP . Le sort de l’Indochine se joue à DIEN BIEN PHU . STOP . devriez comprendre que la bataille ne peut être alimentée que par renforts parachutés . STOP . brevetés ou non . STOP .
Le temps est maussade et la plaine, assommée par les tirs de harcèlement, semble émerger d’un mauvais sommeil .
Il flotte en permanence une sorte de brouillard jaunâtre fait d’humidité , de poussière et de cordite , plein de cette odeur grasse et fade de poudre et de cadavres en décomposition.
Depuis début avril les morts ne sont plus enterrés .
DIEN BIEN PHU s’éveille tard.
Dès l’aube , au moment où les Viêts retournent dans leurs abris, les fantassins , paras , légionnaires , tirailleurs …….. s’effondrent aussitôt dans leurs trous où ils sombrent dans un sommeil de bête .
Tout à l’heure, à 17h00 tout recommencera , ou plus exactement la guerre retrouvera son rythme destructeur.
Une fois la nuit tombée , le DAKOTA luciole interviendra au profit d’un point d’appui attaqué ……………..
Les Viêts veulent en finir et tous les soirs ils remontent à l’assaut d’ ELIANE 1 .
Tous les matins ils en redescendent un peu plus meurtris .
Ils ne passent pas et la division 316 s’use les dents sur les paras et les légionnaires qui s’accrochent à ce piton dévasté .
Ils ne sont même pas une centaine mais ils ne lâchent rien !
A l’autre bout de la vallée la division 308 s’émousse sur HUGUETTE 6 .
Sur ce point d’appui , depuis maintenant 2 semaines les paras du BAWOUAN et les légionnaires , à peine 180 combattants avec à leur tête le Capitaine BIZARD soutenu par RASTOUIL et FRANCOIS .
Ils sont maintenant complètement isolés du reste de DIEN BIEN PHU , ils sont assiégés coupés de tout …………..
L’agonie d’HUGUETTE 6 se prolonge ! mais BIZARD ne se rendra pas ………….
A suivre
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| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Sam Avr 12 2014, 18:54 | |
| Un piège pour en finir avec l'ennemi
Après quelques opérations réussies qui écartent la menace que le Viêt-minh fait peser sur le delta, le général Navarre décide d'attirer les troupes ennemies sur un terrain de son choix en vue de les détruire de toute la force de son artillerie et de son aviation. Il choisit pour cela la cuvette de Diên Biên Phu, située près de la frontière laotienne (16 kilomètres de long sur 9 de large). Ce choix ne fait pas l'unanimité et un officier français aurait lancé à son propos : «Mais c'est un pot de chambre ! On va nous pisser de partout !».Le 20 novembre 1953, deux bataillons de parachutistes sautent sur ce morceau de jungle et en chassent le régiment du Viêt-minh qui l'occupait. Sous le commandement en chef du colonel de Castries, les troupes terrestres commencent immédiatement à défricher le terrain. Ils le transforment en camp retranché avec barbelés, tranchées et fortins aux noms langoureux de Gabrielle, Béatrice, Isabelle... Ils aménagent surtout un terrain d'aviation à une dizaine de kilomètres des crêtes, hors de portée de l'ennemi (du moins l'espèrent-ils). Le général Navarre compte sur ce terrain pour ravitailler ses troupes (uniquement des militaires de carrière et parmi eux beaucoup de soldats de la Légion étrangère, y compris de jeunes Allemands, orphelins de la Wehrmacht). Comme prévu, les communistes vietnamiens commencent à regrouper leurs forces autour du camp retranché... Le piège se retourne contre son auteurHô Chi Minh mobilise d'une magistrale façon ses troupes. En poussant des bicyclettes la nuit à travers la jungle, ses coolies ou hommes de main amènent autour du camp, en quelques semaine, de l'artillerie lourde et du ravitaillement pour des milliers de combattants. Pas moins de 260.000 coolies et 20.000 bicyclettes sont ainsi mis à contribution. Le général Vo Nguyen Giap, qui commande l'Armée Populaire du Viêt-nam, arrive dans le secteur le 12 janvier 1954. Dès le 25 janvier, il se dispose à donner l'ordre d'attaquer le camp avec cinq divisions, soit 35.000 combattants. Au dernier moment, dans une géniale intuition, il se ravise. L'attaque est prématurée et pourrait déboucher sur un échec fatal pour son camp. Il annule l'ordre d'attaque et s'offre même le luxe de se défaire d'une partie de ses troupes d'élite. Il les envoie combattre au Laos voisin.Le général Navarre peut croire au succès de sa stratégie. Mais l'ennemi ne se retire pas et au contraire entame un siège méthodique, ceinturant la base avec 350 kilomètres de tranchées. Le 13 mars 1954, quand Giap envoie enfin ses troupes à l'attaque de Diên Biên Phu, la surprise est totale dans le camp français. Celui-ci compte à cette date 10.813 hommes (il s'agit d'engagés et non de conscrits, dont 40% de la Légion étrangère), sous le commandement du colonel de Castries. Les «bo doï» (nom donné aux soldats communistes) concentrent leurs tirs sur la piste d'aviation, seul lien entre la base aéroterrestre et les arrières. Dès le 28 mars, elle est inutilisable et les Français ne sont plus ravitaillés que par des parachutages. Après de rudes combats et la chute successive des différents fortins, l'assaut final a lieu le 7 mai et le cessez-le-feu est déclaré à 17h30. La bataille aura fait 3.000 morts et disparus dans le camp français ainsi que 4.000 blessés. 10.000 hommes sont faits prisonniers et vont subir un long calvaire dans la jungle, humiliés de toutes les façons possibles par les vainqueurs. Seuls 3.300 seront libérés, épuisés, en septembre 1954. Du côté vietnamien, les chiffres sont plus incertains. Il y aurait eu 20.000 à 30.000 tués et blessés.À Paris, le président du Conseil Joseph Laniel annonce officiellement aux députés la chute du camp. Le lendemain s'ouvre la conférence de Genève qui conduira au partage du Viêt-nam entre deux gouvernements antagonistes. |
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| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Sam Avr 12 2014, 19:58 | |
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| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Dim Avr 13 2014, 16:24 | |
| Le 13 avril 1954Cette nuit, 71 hommes dont une antenne chirurgicale et 66 tonnes de matériel ont pu être largués sur ELIANE 1 . Le lieutenant BOULINGUEZ commandant la 6° compagnie du 2° B.E.P a relevé LECOUR GRANDMAISON sous des rafales d’obus . Deux compagnies, une du 2° B.E.P. et une du 2/1 R.C.P. gardent la petite colline bouleversée . Au petit matin, profitant des traînées de brumes, le capitaine BIZARD fait reboucher la tranchée Viêt-minh devant HUGUETTE 6 et la mine ! A la tombée de la nuit le harcèlement s’intensifie, la corvée de ravitaillement pour HUGUETTE 6 subit des pertes importantes . La piste d’aviation est coupée en son tiers par une tranchée Viêt-minh creusée à l’explosif . Toutes les sonnettes d’ISABELLE trouvent le contact ………………. Les blessés :Nous savions que la bataille des 3 HUGUETTES serait perdu, mais au prix de telles pertes chez l’ennemi qu’il ne pourrait pas la baptiser victoire . De notre coté, cette résistance acharnée, ces contre-attaques si souvent victorieuses restent les pages glorieuses , mais trop peu connues d’une histoire écrite par les sept bataillons de Légion et de Parachutistes engagés dans ces combats . Et les rangs de ces bataillons se creusaient chaque jour davantage, les blessés s’accumulaient dans l’hôpital souterrain du commandant GRAUWIN , les catacombes . Commandant GRAUWIN & sont équipeIl arrive au combat que les hommes à bout de résistance souhaitent la bonne blessure qui les envoie momentanément dans un hôpital de l’arrière . Mais à DIEN BIEN PHU bonne ou mauvaise blessure conduisait à l’horreur des catacombes et si les blessés pouvaient compter sur l’admirable dévouement des chirurgiens et de l’unique infirmière, il n’y avait pour eux depuis la fin mars aucun espoir d’évacuation . Je revois le long boyau fangeux , éclairé par quelques bougies ou s’ouvrait le trou sombre des abris et les niches creusées à même la paroi, parfois sur plusieurs étages où étaient enfournés les blessés . Là aussi le moral était bon, je me souviens un jour avoir découvert tout au fond d’une galerie où régnait une obscurité complète, à la lueur de ma torche électrique, un commandant de compagnie, le capitaine MINAUD du 2/1 R.C.P. Blessé une première fois sur HUGUETTE 7 , une seconde fois sur ELIANE 1 , il avait conservé son commandement et je le croyais encore valide, lorsque je le vis sur un grabat, son pied était broyé, il me dit simplement « je viens d’être touché pour la troisième fois , cette fois je suis HS » Cette affaire de blessés qui s’entassaient dans les abris dans des conditions épouvantables avait en son temps provoqué une grosse émotion en France et dans le monde . On évoquait la barbarie Viêt ………….GIAP faisait la guerre, et quand on fait la guerre on ne fait pas de sentiments . Il savait que ces blessés étaient le plus lourd handicap du camp retranché. Si l’on m’avait donné le choix entre l’arrivée d’un bataillon de renfort ou les évacuations des blessés, j’aurais choisi sans hésiter les évacuations . Il ne pouvait donc pas y avoir de compromis . « Notes de Pierre LANGLAIS »
Dernière édition par cocoye1er le Lun Avr 14 2014, 20:05, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Lun Avr 14 2014, 20:02 | |
| Le 14 Avril 1954Le commandant du camp retranché prend contact avec HANOÏ .Ce télégramme reprend les lignes de celui du colonel LANGLAIS envoyé au colonel SAUVAGNAC . Texte du télégramme du général de CASTRIES au général COGNY à HANOÏ .Sort du G.O.N.O. sera joué avant le 10 mai , quels que soient les règlements sur l’entraînement au saut en parachute . Vous signal effectifs : 1/13° DBLE, 1/2 REI , 3/13 DBLE , tenant face ouest sont respectivement 354 , 380 , 80 . 1/4 RTM à deux compagnies tient le sud ouest . Bataillons paras dont effectifs actuel à 2500 tiennent les autres faces et constituent les ultimes réserves d’interventions . Evolution des travaux ( tranchées ennemi ) menace HUGUETTE 1 et HUGUETTE 6 . tentative de dégagement de HUGUETTE 1 menée ce matin s’est heurtée à nombreuses zones minées entre HUGUETTE 1 , HUGUETTE 2 et 5 et à des tirs d’artillerie . Sera reprise à la tombée de la nuit en même temps que la réparation de la piste d’atterrissage. A 8 heures le poste du régiment Viêt-minh N° 102 annonce des mouvements importants . J’insiste encore pour largage chaque nuit de 05 avions de personnels . STOP et FIN Signé de CASTRIES . Ce 14 avril à DBP .Les branches de la tenaille de tranchées qui enserre HUGUTTE 6 se rapprochent . La tranchée venant de l’est mord déjà sur la piste d’aviation . Devant HUGUETTE 1 l’ennemi a ouvert au bungalore une brèche de 03 mètres de large dans le réseau . Une opération partie d’ EPERVIER et de HUGUETTE 5 tente de déloger les Viêts . Elle échoue !Le harcèlement des canons de 105 se concentre sur les positions de batteries , la zone des PC et la zone des dépôts . 240 tonnes dont 50 de vivres sont larguées .Le G.O.N.O. compte 45 sorties-feu à son actif .Sur HUGUETTE 6 les lieutenants RASTOUILLE et MERIC se sont rassemblés autour de BIZARD pour partager une boîte de ration en guise de dîner . Un obus de mortier a explosé au milieu du groupe, RASTOUILLE est tué , MERIC grièvement blessés . Les autres ont des égratignures .Le ravitaillement des PA HUGUETTE 6 et 1 prend des proportions inquiétantes , il faut mener de véritables opérations pour les ravitailler ! Pour franchir 200 mètres il faut 4 heures. Pour atteindre HUGUETTE 6 , ce qui reste d’un bataillon de légionnaires a du se battre toute la nuit . A SAÏGON le général PARTRIDGE est reçu par NAVARRE . Il semble tout ignorer de l’opération VAUTOUR . A Saïgon à Hanoï, depuis le 10 avril tout le monde pense que DIEN Bien Phu et foutu. Et pourtant, ce qui reste de la garnison de Dien Bien Phu va tenir, tenir au delà de l'imaginable . Paras , Légionnaires , Tirailleurs , Artilleurs, a peine 3500, continuent à défier 4 divisions Viêt-minh dont les effectifs sont régulièrement complétés . A suivre |
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| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Mar Avr 15 2014, 09:18 | |
| Le 15 Avril 1954Le 8 BPC , partant d’épervier , va tenter de reboucher la tranchée qui coupe la piste d’aviation .La compagnie PHILIPPE de la 13° D.B.L.E attaques les ouvrages ennemis au centre du triangle HUGUETTE 1 , 5 et 2 . Les Viêts ont construit là un véritable point d’appui avec blockhaus . Les légionnaires se replient sans avoir pu les déloger . Sorties d’ISABELLE pour combler les tranchées Viets-minh . Le harcèlement sur le centre continue. 58 sorties-feu de l’aviation , 250 tonnes sont parachutés sur le périmètre du camp retranché . Il y a 691 blessés à l’hôpital, le double sur les points d’appui , pour 19 médecins . Au conseil des ministres à Paris il est question de la promotion du colonel de CASTRIES et des propositions de nominations qu’il a demandé pour ses subordonnés . LES VOLONTAIRES D’UN SAUT :Il n’y a pratiquement aucun paras dans l’avion, enfin je veux dire aucun paras brevetés, et ce soir les passagers vont effectuer leur premiers saut au dessus de DIEN BIEN PHU , en plein combat ! Ils ne regrettent pas cet enthousiasme qui leur a fait effectuer un pas en avant ce matin au rapport quand le sous-officier de semaine a demandé des volontaires . Ils n’en ont pas eu le temps, ils ont été aussitôt saisis par le tourbillon des formalités administratives et signature de l’acte de volontariat , constitution du paquetage et, à la nuit tombée, embarquement à bord d’un camion pour le terrain d’aviation de Bach Maï . Regroupés dans un hangar, ils ont découvert d’autres volontaires ……….. Je me demande si j’aurais peur ? PEUR ? ça oui, je peux te l’assurer, mais la vraie question n’est pas celle là ! Tu devrais plutôt te demander comment tu vas te débrouiller avec ta peur …… Dominer sa peur ! tout est là …. Et ce n’est pas si simple . Peut-être ont-ils dormi ? en tout cas les passagers du DAKOTA ont rêvé , un mauvais rêve nauséeux qui leur a laissé dans la bouche un goût de cendres, ils se sentent gauches, empêtrés dans les sacs qui leur brisent le dos, ce parachute trop ajusté, cette musette qui distant les cuisses et leurs poches gonflées de ce qu’ils apportent , comme une offrande à leurs copains de DIEN BIEN PHU , le courrier la gnole, le tabac ……. « DEBOUT , ACCROCHEZ »« dans deux minutes hurle le largueur » le DAKOTA exécute un virage serré puis se stabilise . « DCA hurle quelqu’un » le DAKOTA tangue, vibre, les moteurs changent de régime …. DIEN BIEN PHU n’est plus très loin, on en aperçoit les lueurs orangées .Plus les secondes passent plus les mailles de la DCA se font serrées, les traceuses arrivent de tout coté. On aperçoit maintenant ISABELLE , plus que 60 secondes , puis c’est la croix lumineuse, un feu rougeâtre allumé par les amis au sol . Et c’est le GO , ils ont l’impression de plonger vers l’enfer, maintenant le bruit des explosions parvient distinctement à leurs oreilles, en dessous d’eux DIEN BIEN PHU brûle, les obus percutent la terre dans un roulement d’apocalypse Oui DIEN BIEN PHU comme chaque nuit est attaqué, comme chaque nuit Paras et légionnaires qui se battent à 1 contre 10 repoussent l’échéance ………..ils disaient... Ils disaient La colonne Crèvecoeur Viendra
Ils disaient confiants Des milliers d'avions Arriveront
Et puis, sans espoir Pour rien, pour la gloire Ils ont tenu le coup Jusqu'au bout
Pendant que Monsieur Bidault parlait Eux mouraient Volontaire d'un saut Avril 1954 Happé par la mousson de montagne qui se dresse, comme une muraille à la verticale des premières hauteurs, le Dakota tangue et roule en abordant les monts Ba Vi, à l'ouest de Hanoi. Il est 10 heures du soir. Assis sur leur siège de toile, cramponnés aux sangles qu'ils ont saisies, à tâtons, dans le noir, au décollage, les vingt-deux passagers se taisent, hébétés, le coeur au bord des lèvres... - Allez, hurle le largueur avec l'entrain de commande d'un animateur professionnel : chantez !Mais que chanter ? Les passagers n'ont rien de commun entre eux. Ils ne se connaissent même pas. Trois heures plus tôt, ils ne s'étaient jamais vus. Ils proviennent de toutes les unités d'Indochine. Il y a des légionnaires, des tirailleurs, des évadés de l'hôpital, des artilleurs, des tringlots. Et rien, dans leur folklore régimentaire, ne se prête à un choral. Et puis, même s'ils avaient un refrain universel, s'ils ouvraient la bouche, aucun son n'en sortirait. ... Ce saut qui se profile à l'horizon de leur nuit leur ôte toute réaction. Debout les paras, il est temps de s'en aller Sur la route au pas cadencé, Debout, les paras, car nous allons sauter Sur notre patrie bien-aimée... La voix du largueur qui s'élevait, solitaire, au-dessus du son grave des moteurs, se casse soudain, découragée. S'il pouvait les voir, ces regards qui le fixent à l'aveuglette, le largueur n'aurait pas entonné son refrain.Debout les paras... Il n'y a pratiquement aucun para dans l'avion et, ce soir, les passagers vont effectuer leur premier saut, au-dessus de Diên Biên Phu, en plein combat.Ils ne regrettent pas cet enthousiasme qui leur a fait effectuer un pas en avant, ce matin quand, au rapport, le sous-officier de semaine a demandé des volontaires. Ils n'en ont pas eu le temps... Regroupés sous un hangar, ils ont découvert d'autres volontaires, tout aussi hagards qu'eux-mêmes. Certains affectaient un cynisme vaguement moqueur, d'autres une fausse indifférence. La plupart s'interrogeant des yeux, essayant de trouver chez le voisin la même vague appréhension.- Comment t'appelles-tu ? Moi, c'est Lamarque. Je suis sergent. Je viens de rengager pour l'Indochine. - Je m'appelle Manke. Je suis sergent au bataillon de commandement de la 13e demi-brigade de Légion. - Volontaire ? Manke sourit et hausse les épaules - Si on veut. J'étais artilleur, autrefois, en Russie. On m'a demandé si je saurais servir un 105. Et toi ? Lamarque émet un petit rire contraint : - Tu es artilleur ? C'est drôle, moi aussi. Mais je n'ai pas fait la Russie. Je suis appelé. En France, il y a un mois, on a demandé des volontaires pour aller en Indochine, remplacer les engagés qui tiennent des postes administratifs de façon à les libérer pour grossir les unités combattantes. Seulement, moi, les papiers... Manke opine, gravement. Admiratif : - En somme, tu es tout neuf ? Jamais sauté, jamais battu... - Dis-moi, c'est comment, la guerre ? - La guerre ? Manke hésite . - Cela ne se raconte pas. C'est trop difficile et personne ne la ressent de la même façon. C'est une loterie, et comme toutes les loteries, c'est l'une des choses les plus injustes que je connaisse. Elle pose plus de questions qu'elle n'en résout : pourquoi ai-je peur et pas l'autre ? Pourquoi est-il blessé et pas moi ? Pourquoi suis-je vivant alors que, cent fois... - Je me demande si j'aurai peur. - Peur ? Oui, ça, je peux te l'assurer. Mais la vraie question n'est pas celle-là. Tu devrais plutôt te demander comment tu vas te débrouiller avec ta peur. Et dis-toi bien que la peur c'est la vie... Sous les obus, il n'y a pas de place pour l'enthousiasme. C'est seulement un combat entre toi et cette pieuvre aux mille bras qui se nomme ta peur. Elle est comme ta mort, affaire personnelle. " Le combattant en tant qu'individu n'est pétri que de peur... " Manke hoche la tête sous son casque qui roule. Il tend la main, saisit le bras de son voisin qu'il serre, d'une pression amicale - Tu ne sais pas. Tu ne peux pas savoir... - Mais alors, toi qui sais. Pourquoi reviens-tu te jeter dans la gueule du loup ? Manke rit. Très fort. Trop fort peut-être. - C'est aussi ce que je me demande, mein lieber. Je ne trouve pas de réponse. Peut-être suis-je verrückt ? Fou, complètement ? Je préfère croire que j'ai d'abord eu envie de retrouver les copains, ou, mieux encore, mes frères. Chez nous, en Allemagne on les appelle les lansquenets. Les vrais soldats. Ma famille...A suivre |
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| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Mar Avr 15 2014, 12:16 | |
| Dans la guerre d'Indochine (pendant ma jeunesse) ce sont ces volontaires improvisés parachutistes sans préparation qui m'ont subjugué par leur abnégation et sens du sacrifice; je suppose qu'il y en eut beaucoup de morts, prisonniers, parmi eux, car le volontariat sans le métier c'est un véritable suicide, Charles Péguy n'écrivait-il pas: "La technique, ou la mort" en parlant de l'issue de la guerre ? Par la suite, en Algérie, j'ai digéré totalement ce concept et pigé la signification de sacrifice, comme d'abnégation; mais les plus célèbres exemples nous sont venus de l'Indo' et de Dien Bien Phu. Ceux qui ne comprennent pas cette philosophie de la camaraderie jusqu'à la mort et le respect de la fraternité et de la parole donnée, ne pourront au grand jamais avoir le moindre début de compréhension du Putsch d'Alger, pour invoquer un exemple récent du pourquoi de la décadence totale de la France, et qui n'ira qu'en empirant à l'avenir ! |
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| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Mer Avr 16 2014, 11:27 | |
| Le 16 Avril 1954
Au petit jour, 7 coolies sur les 35 partis hier soir de HUGUETTE 2 , et portant chacun un jerrycan d’eau potable , franchissent la chicane de barbelés de HUGUETTE 6 .
Encore ne portent-ils que cinq jerrycan , soit un quart de litre par homme et par jour.
Avec la chaleur et le combat il en faudrait au minimum 2 litres par jour !
Entre HUGUETTE 5 et HUGUETTE 1 les Viêts ont poussé une nouvelle tranchée d’Ouest en Est, qui atteint la piste d’aviation .
A HUGUETTE 2, les légionnaires de la 1/13 DBLE compagnies VIARD et CHOUNET qui ont relevé le 2° REI, adoptent les mêmes méthodes et commencent à creuser un boyau vers HUGUETTE 1 au Nord .
Les tranchées Viet-minh et française vont se couper en croix .
Le harcèlement a définitivement abandonné son régime économique .
215 tonnes ont été larguées, mais malheureusement beaucoup chez l’ennemi , les français en récolteront à peine la moitié .
Les niveaux de réserve sont alignés à 2 jours de vivres, cinq unités de feu pour les canons de 105 , six pour les canons de 120 , et une unité de feu pour les deux pièces de 155 qui font maintenant du tir direct sur les ouvrages Viet-minh de ce qui fut pour les français DOMINIQUE 2 .
A la tombée du jour, cinq compagnies de légion vont essayer de faire passer un convoi de ravitaillement en eau à HUGUETTE 6 .
Après 10 heures de combat le convoi entre sur le point d’appui .
A une heure du matin les Viêts lancent un coup de main surprise sur ELIANE 1 à l’heure habituelle de la relève .
Ils tombent sur un os , CLEDIC et PERIOU du 2/1 RCP qui se relèvent l’un et l’autre une nuit sur deux .
Largage dans la nuit de 80 légionnaires dont 60 parachutistes qui effectuent pour l’occasion leur premier saut .
Ces volontaires d’un saut contribueront à la légende « DIEN BIEN PHU » , en effet ces volontaires savaient que les carottes étaient probablement cuites dans la cuvette, mais ils voulaient à tout pris rejoindre les copains et tirer la dernière cartouche avec eux .
Après la bataille, le colonel LANGLAIS voudra que ces volontaires d’un saut puissent recevoir le brevet para, le colonel SAUVAGNAC au nom du règlement s’y opposera , laissant courir ainsi un contentieux avec LANGLAIS commencé depuis le début de la bataille ou les deux hommes par messages interposés ne cessèrent de s’opposer .
A HANOÏ , un télégramme du Général ELY transmet la nouvelle de la promotion du Colonel de CASTRIES et de ses principaux adjoints .
A la citadelle, réunion pour mettre au point l’opération « CONDOR » .
Il s’agit de l’opération étudié par le colonel de CREVECOEUR et qui consiste à pousser quatre bataillons de Laotiens des bases aéroterrestres de Muong Saï et de la Nam Bac vers Muong Khoua à quatre jours de marche de DIEN BIEN PHU .
En cas de réussite , les 3 derniers Bataillons Parachutistes en réserve à HANOÏ seraient largués en tête de colonne dans la cuvette de Sop Nao où LANGLAIS et VAUDRAY se sont tendu la main à Noël .
Au PC à DIEN BIEN PHU , tous s’accordent à dire que le ravitaillement de HUGUETTE 6 coûte beaucoup trop cher , et en effet la dernière opération de ravitaillement a autant coûté en hommes et en munitions qu’une opération de contre-attaque .
Il est impossible de renouveler un tel effort toutes les nuits ………..
A suivre
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| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Mer Avr 16 2014, 19:21 | |
| Vidéo sur "Dien Bien Phu"
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| Sujet: Dien Bien Phu & la 28F (Aéronavale) Mer Avr 16 2014, 20:30 | |
| Dien Bien Phu & la 28F (Aéronavale) Les préliminaires Départ en mission Le 19 novembre 1953, vers 18 heures locales, un grand briefing réunit tous les équipages Marine et Air: le lendemain, au cours d'une vaste opération aéroportée, Dien Bien Phu doit être réoccupé par nos forces (Contrairement à certains articles de presse affirmant que les équipages avaient décollé en ignorant leur destination, le 20 au matin, tous les participants ont été avertis le 19 au soir). C'est l'opération Castor.La 28F assure le P.C. volant durant tous les parachutages, coordonnant ceux-ci avec les attaques aériennes qui s'échelonnent tout au long de la journée. Les avis des exécutants sont très partagés. Les anciens de la 28F, ceux de NA SAN et de la Plaine des Jarres, trouvent que le coin est particulièrement mal choisi; c'est le dépotoir météo de toute la Haute Région. En revanche, les moins anciens ne veulent voir dans cette affaire que son aspect dynamique, ce que nul n'a jamais cherché à contester. Une période angoissante commence alors pour la 28F : elle joue les Cassandre - et on la considère de même. Toutes les nuits, un Privateer, quelques fois deux, font le tour du Haut Tonkin. Dien Bien Phu (Torri Rouge ou Delta Bravo Papa pour les initiés) qui n'a jamais aucun objectif à traiter, puis le retour, par la sinistre R.P. 41 - Tuan Giao - Col des Néos. Et une incursion le long de la frontière chinoise, de Lao Kay à Cao Bang pour terminer. Et toutes les nuits, les équipages ont l'impression de prêcher dans le désert lorsqu'ils passent au débriefing: objectifs attaqués: très nombreuses lumières de véhicules. Munitions dépensées: tout le chargement, à savoir 20 bombes de 260 lbs. Remarques (éventuelles): il y a un très important trafic routier sur la R.P. 41. les camions n'éteignent même plus leurs phares au passage des avions. Tout au plus, ils passent en veilleuse. Combien de fois ont ils insisté, signalant des convois routiers avec une précision indiscutable, suggérant, réclamant même l'attaque immédiate de ces convois par les B-26 d'alerte. les C-47 de l'Armée de l'Air signalent la même chose (ils étaient les seuls à se promener de nuit, avec les Privateer à une heure où les gens sensés se trouvent bien mieux dans leurs lit). Un de ces Dakota signale même, une nuit, un convoi de plus de cent camions: luxe de précision, il les a comptés. Mais il n'y a jamais eu la moindre réaction. L'investissement En vol Il est hallucinant, pour ceux qui l'ont vécu, de deviner ce travail de fourmi qui donnait l'impression de submerger peu à peu la cuvette endormie dans une sécurité trompeuse. Les cris d'alarme des veilleurs de nuit n'ont jamais été entendus. Parallèlement à ces missions de nuit, un important travail de jour est mené, travail auquel la 28F participe également, d'une part aux abords immédiats de la cuvette et d'autre part sur les voies de communication. Les emplacements de DCA et d'artillerie sont traités avec des bombes de 500, 1000 ou 2000 livres. Les Packets du général CHENEAU nettoient la brousse environnant le P.C. Nord et Isabelle en napalmant le tout (les grandioses opérations Vulcain, où l'on a pu voir jusqu'à une vingtaine de Packets bourrés jusqu'à la gueule de petits bidons de napalm traiter des zones balisées par un Privateer ou un B-26). Quant aux voies de communication, le travail consiste à entretenir les coupures de routes, coupures établies évidemment sur leurs points faibles et baptisées de noms conventionnels: Brantôme, Méphisto, Mercure, Mimosa, Melchior, Brutus, etc. Ceci exige une certaine virtuosité dans l'utilisation du Norden, mais les équipages sont parfaitement rodés. Ils en sont même rendus au stade des expérimentations comparatives. Il y a l'école haute qui aurait jugé déchoir si elle avait traité sa coupure de route à une altitude inférieure à 8000 pieds strict minimum, et l'école basse qui a la nostalgie des missions à 2000 pieds. Les deux écoles placent d'ailleurs leurs bombes aux points voulus, ce qui est le principal. Mais les prises de bec entre les tenants des deux méthodes restent mémorables. Il y a également la recherche de la répartition optimum des bombes par rapport à la pente. Car il est évident qu'une coupure de route s'établissant en un point sensible de celle-ci se situe, neuf fois sur dix, en zone montagneuse. Dès lors, l'attaque de cette route, à flanc de montagne, si elle est bien menée, comporte des bombes au dessous de la route, des bombes sur cette route et enfin, des bombes plus haut qu'elle, le tout à environ trente degrés de son axe. Les bombes les plus payantes sont celles qui, explosant au dessous de la route, en sapent les fondations. Les bombes qui tombent en plein dessus n'ont pas le même rendement car un entonnoir se bouche assez facilement. Quant à celles qui tombent au dessus du niveau de la route, elles l'ensevelissent bien momentanément, mais elles fournissent également une réserve de terre meuble pour boucher les entonnoirs éventuels; il est fréquent de voir les coolies se mettre au travail de réfection avant même que le dernier avion ait quitté les lieux. Les bombardiers rivalisent donc l'adresse pour répartir leurs bombes aux points qui leur semblent les meilleurs. Il y a même un équipage qui, dans cette compétition, a l'idée de génie d'amarrer les fils de sécurité largables de ses 4 bombes de 2000 livres aux montants de la soute à bombe et de " jetissonner " le tout sur Mephisto, ce qui a donné un résultat des plus remarquables: les quatre bombes sont arrivées sensiblement au même point - très exactement le milieu de la R.P. 41. Celle-ci disparut définitivement des cartes à cet endroit là. En effet, l'entonnoir creusé par les quatre bombes dans cette terre meuble était énorme: force fut pour le Viet Minh, de renoncer à réparer la route. Ils l'ont carrément détourné !L'investissement de la cuvette se poursuit tout doucement. les vieux chibannis, à mille signes imperceptibles, reconnaissent la présence de troupes importantes qui grenouillent la nuit à toucher les barbelés. Mais les patrouilles ne découvrent jamais la moindre preuve tangible de cette présence. Les renseignements sont en plein black out. Il semble prouvé que l'adversaire ait constitué une base arrière d'une importance considérable à Tuan Giao. Aussi une opération d'envergure a-t-elle été déclenchée sur cette localité: tout ce qui volait au Tonkin a décollé pour aller anéantir les dépôts en question. Bombardement fort décevant, s'il en fut. Les bombes sont bien tombées sur les objectifs fixés, mais n'ont pas semblé avoir atteint les stocks de matières inflammables ou explosives que l'on attendait. Sauf cependant pour un Privateer dont le bombardier loupa l'objectif. Ses bombes tombèrent plusieurs centaines de mètres au sud sur quelque chose qui sembla bien être de l'essence, à en juger par l'incendie qui se déclara aussitôt. Muong Saï L'investissement de Dien Bien Phu terminé, les forces Viet Minh poussent une pointe vers le sud jusqu'à Muong Saï, en février 1954. Les missions des Privateer changent alors un peu: après un passage à Dien Bien Phu pour voir si rien de neuf ne s'y est passé, ils rallient directement Muong Saï. Les moyens de navigation n'ayant pas changé depuis l'année précédente, il leur arrive plusieurs fois d'être obligés de démarrer une recherche en carré pour trouver le poste. Le fait même de commencer cette recherche est un indice favorable pour ce qui est de la paix des troupes au sol. En effet, les soirs d'accrochages, malgré la multitude des feux de brousse, il est facile de repérer de loin les éclats brefs des départs et donc de situer le poste, alors que les nuits calmes, c'est beaucoup plus difficile. Il arriva même à certains Privateer de pratiquer un homing un peu curieux et ne figurant sur aucun document à l'heure actuelle: le guidage à l'oreille par observateur terrestre. Ces derniers entendaient en effet le Privateer tourner autour du poste, au début de sa recherche au carré. Une âme charitable eut alors l'initiative de donner non pas des QDM, mais presque: "César, je vous entends dans le Sud, le pilote prit aussitôt cap au nord. César, indiqua encore l'observateur, je vous entends maintenant dans le nord est". C'est ainsi qu'avec trois changements de cap successifs, l'avion arriva de nouveau à la verticale de Muong Saï. De nouveau, car il était déjà passé sans le voir. Dans l'ensemble, les appuis de Muong Saï n'apprennent rien aux équipages de la 28F qu'ils connaissent déjà. Mais un certain nombre de faits remontant à cette époque laissent leurs témoins songeurs quant aux ruses et aux moyens dont dispose l'adversaire. Dans deux cas au moins, il est prouvé que le Viet Minh connait non seulement nos fréquences VHF (c'est de notoriété publique) mais encore les fréquences HF. La liaison avec Muong Saï est une liaison HF, généralement mauvaise, même à la verticale. Bombardement dans la cuvette de Dien Bien Phu Or, une belle nuit, le Privateer qui effectue la mission est attaqué sur cette fréquence. Il répond aussitôt, et le sol lui désigne un objectif à bombarder par rapport à un feu de brousse caractéristique. La fin de la communication est brutalement interrompue par une voix qui s'écrie: "Fais pas le c..., César. C'est les V.M. qui t'ont contacté". La liaison Viet Minh est en effet meilleure que la nôtre; le contact avion - sol a été établi plus vite avec eux qu'avec nos troupes, et de plus loin. La parade est improvisée rapidement, mais efficace: deux minutes plus tard, la procédure "argomuche" entre en vigueur. L'avion qui assure la permanence en deuxième partie de nuit croise son prédécesseur aux environs de Son La. La suite se passe normalement, si ce n'est que le premier avion a oublié de parler de la procédure argomuche à son successeur. Il y eut donc un moment de stupeur à bord lorsque couvrant une voix qui s'exprimait en un français irréprochable, une autre voix se mit à crier: "César, ici c'est Versailles qui te jacte. Esgourde bien ce que je te bonnis".Un peu plus tard, l'étreinte autour de Muong Saï se desserra. En contrepartie, les indices d'investissement de Dien Bien Phu deviennent des quasi certitudes. Les bombardement de nuit en appui de Torri Rouge sont de plus en plus fréquent, et se rapprochent également de plus en plus du camp retranché. C'est à l'occasion d'une de ces missions que se produit un autre fait étrange. Tout est parfaitement obscur au sol lorsque Torri Rouge fixe un objectif au Privateer. Aussi, le pilote demande un balisage quelconque pour avoir la verticale. Torri Rouge accuse réception et, aussitôt un projecteur s'allume. Le bombardier ouvre ses trappes et guide l'avion vers le projecteur. Pendant ce temps le pilote annonçe à Torri Rouge qu'il voit parfaitement le balisage et que le bombardement aura lieu deux minutes plus tard. Or, Torri Rouge certifia que ni le P.C. ni aucun des points d'appuis extérieurs n'avaient encore allumé le moindre lumignon. La bataille de Dien Bien PhuLa grande offensive Viet Minh se déclenche le 13 mars au soir. La météo, comme il faut s'y attendre, est épouvantable. En deux nuits, Béatrice et Gabrielle sont enlevés. Les équipages présents au Tonkin volent sans arrêt, et tout ce qui reste de la Flottille à Saïgon rallie Cat Bi en hâte. La participation de la 28F devient presque immédiatement totale, à savoir 6 équipages opérationnels et 7 à 8 avions. Et c'est le grand cirque qui commence. Dès le début, une DCA intense accueille les avions: les missions de jour se font très vite à au moins 10000 ou 12000 pieds, souvent même vers 14 ou 15000 pieds. Les nuits sont un cauchemar. Les cunimbes couvrent la Haute Région, il est difficile de passer à moins de 13000 pieds. La radio est complètement brouillée par les orages. Mais les Privateer passent toujours, à tel point qu'une sorte de dicton local voit le jour, dicton lancé par les spécialistes des missions de panique par le temps de cochon: les gars du transport, ceux qui se posent tous les jours (ou, pour être précis, toutes les nuits) sur la piste de Dien Bien Phu, encore utilisable. Au dessus de l'Indochine A partir du moment où ils estiment la météo impraticable, ils l'illustrent en disant: "Un Privateer ne passerait pas", ce qui constitue un indiscutable titre de noblesse pour la Flottille. Dès le début de la première attaque, l'artillerie Viet a détruit la gonio et le radiophare. Cette artillerie n'est pas plus prévue au programme que ne l'est la DCA. Il n'y a donc aucun moyen radio de rallier la cuvette. Le simple fait d'avoir le contact en VHF prouve cependant une certaine proximité, le contact n'ayant lieu qu'à environ cinq minutes de vol. Et s'il y a le moindre doute quand à cette verticale, les lueurs des incendies et le scintillement incessant des départs suffisent à faire le lever de doute. Les objectifs donnés par Torri Rouge sont devenus terriblement proches de nos lignes, surtout pour des bombardements effectués sur vecteur et top à 12000 pieds. 5 kilomètres est un grand maximum, 2 kilomètres est monnaie beaucoup plus courante. Mais chaque fois qu'un avion en fait la remarque, Torri Rouge répond que, de toutes manières, avec ce qu'ils ramassent par ailleurs sur la figure, quelques bombes de plus n'auront pas grosse importance. Mission de bombardement Ce premier assaut ne dure que quelques jours, mais il donna dès le début une idée de ce à quoi il fallait s'attendre. L'adversaire dispose d'une artillerie de plus gros calibre que prévu officiellement. Toute la défense du camp retranché a été orientée pour parer à des mortiers et non du 105 ou plus. Ceci est pourtant bien prévisible, étant donné le nombre d'obus de 105 et calibres supérieurs que nous savons être passés par Lao Kay en décembre 53 en particulier. Il n'empêche que dès cette attaque du 13 mars, notre artillerie est pratiquement inopérante. Les tonnes de bombes larguées sur les positions adverses n'ont donc apparemment servi à rien. Il semble bien que, faisant toujours preuve d'une ruse extraordinaire, le Viet Minh a installé toutes ses batteries dans des grottes des montagnes qui cernent la cuvette de toute part. Quant à la DCA, elle fait preuve dès le début d'un mordant et d'une efficacité surprenantes. Jusqu'alors, on n'avait guère eu à faire qu'à des mitraillages de 12,7 et, rarement à du 20 mm. Sur la cuvette, les avions sont accueillis par un feu très nourri d'un calibre certainement supérieur. Par ailleurs, la cadence de tir est bien plus élevée que celle du 40 mm. Il s'agit en réalité du fameux 37 mm qui fera pas mal de dégâts chez nous.Par une coïncidence - qui doit se renouveler par la suite au point d'en devenir curieuse - cette attaque du 13 mars se déclenche par des conditions météorologiques telles que l'intervention aérienne devient de l'acrobatie. Toutes les attaques du camp retranché ont lieu par des temps à faire marcher les oiseaux . Sur le Delta, le crachin régne en maître incontesté du Ba Vi jusqu'à la mer. Le soir où, en particulier, le lieutenant de vaisseau MENDREVILLE s'est écrasé sur l'île des Merveilles, en baie d'Along, il y avait 100 pieds de plafond à Cat Bi. Soirée sinistre s'il en est ! Une quinzaine d'avions rentrent de la cuvette. Il faut les faire percer avec l'unique gonio VHF du terrain. La nuit est alors presque faite, le contrôle local a fait braquer vers le ciel les projecteurs des tours de guet dispersées autour du terrain, de manière à marquer par une lueur quelconque la proximité de la piste. D'un autre côté, une équipe placée à l'entrée de la piste en service et la tour elle même tire des grappes de fusées blanches dès qu'un avion amorçe son approche finale, afin de lui matérialiser du mieux possible l'axe de piste. L'obscurité laiteuse vibre, sur une note grave: c'était, ouaté par la brume, le bourdonnement des avions qui orbitent. Un Packet doit même s'y reprendre à trois ou quatre reprises, dans le bruit de fond, on entend un qui devient de plus en plus fort et, une fois ou deux, on aperçoit la silhouette de l'avion en remise de gaz à raser la queue des Privateer. A la fin, excédé, et bien qu'étant encore à côté de la piste, le Tigre Volant fait une audacieuse baïonnette et parvient à bien terminer un atterrissage pourtant fort mal commencé. ce même soir, un Privateer en panne totale de VHF fait une percée entièrement en graphie, comme au bon vieux temps. En patrouille Et il faut que ce soir précisément ce soir là que Torri Rouge demande à une patrouille de l'Arromanches de prolonger un peu sa présence sur sa cuvette. Il aurait évidemment été prudent, de la part du chef de patrouille, de refuser, mais il n'est pas question, pour un équipage de l'Aéronavale, de refuser quoi que ce soit aux assiégés. Lorsque cette patrouille revient vers le Delta, elle demande d'abord l'autorisation de se poser à Hanoï. Le contrôle le lui refuse cause météo: 200 ou 300 pieds de plafond. Ce que le contrôle ne sait pas encore, c'est que ce plafond n'est plus que de 100 pieds à Cat Bi et nul sur l'Arromanches. Deux Privateer au moins peuvent suivre jusqu'à la fin les échanges de messages qui ont eu lieu entre cette patrouille et le sol. Haïphong ne peut leur donner priorité à l'atterrissage: il y a des gens diablement pressés de des poser. Alors la patrouille tente de regagner l'Arromanches. Le plafond y est absolument nul. Le leader en rend compte à Haïphong et signale une autonomie restante d'une demi-heure. La dernière communication de MENDREVILLE - fort bien entendue par les deux Privateer - a lieu lorsqu'il croit voir le phare de Do Son. Puis plus rien. En fait, se retrouvant soudain de nouveau à 100%, il remet les gaz avec son équipier, l'un virant légèrement sur la droite et l'autre à gauche. C'est au cours de cette remise de gaz que, en montée, le lieutenant de vaisseau MENDREVILLE percute l'île des Merveilles, tout près de son sommet. Quant à l'équipier, il réussit à rejoindre une autre patrouille de l'Arromanches qui commençe sa percée. Cette percée de nuit, en formation serrée et avec trente mètres de plafond plonge d'ailleurs les chasseurs de l'Armée de l'Air dans une profonde admiration. Les Privateer et l'aviation embarquée sur l'Arromanches ont très vite les faveurs des troupes au sol, faveurs qu'ils partagent avec les gars du transport. Ceux-ci (qui payèrent d'ailleurs un lourd tribut à la bataille) ne veulent bientôt plus décoller s'ils n'a pas une protection anti DCA assurée par l'aviation embarquée. On sait ce que cela coûta à l'Arromanches." Torri Rouge de César Trois; - Salut, César, comment ça va depuis cette nuit ? ". Quant aux Privateer, leur faveur provint de ce qu'ils sont toujours là quand il le fallait, et qu'ils restent tout le temps qu'on leur demande de rester, sans jamais se découvrir soudain une avarie providentielle (magnéto ou huile) pour s'esquiver rapidement au moment où la DCA commençe à s'animer. Ils ont d'ailleurs droit à une procédure particulière dès les premiers jours. Le strict dialogue: " - Torri Rouge de Martini Bleu; - Martini Bleu de Torri Rouge, cinq cinq " devient pour eux: " Torri Rouge de César Trois; - Salut, César, comment ça va depuis cette nuit ? ". Le rythme des missions démarré le 13 mars se maintiendra jusqu'à la fin. Quelques chiffres en sont la preuve: à 6 équipages, la 28F assure 164 missions en 630 heures au mois de mars, soit une moyenne de 27 sorties et 105 heures de vol par équipage. Au mois d'avril, le nombre de sorties est de 176 missions en 673 heures, soit 29 missions en 112 heures par équipages. Certains équipages établissent de la sorte des performances peu courantes: un d'entre eux effectue trois missions la même nuit, en 9 heures 30; un autre sur 24 heures de temps, effectue quatre missions en 13 heures de vol, dont deux missions de nuit; un troisième enfin effectue, toujours en 24 heures (et même un peu moins) 3 missions en 18 heures de vol. Toutes proportions gardées, la DCA occasionne pas mal de dégâts. Elle battra en tout plus d'une cinquantaine d'avions durant le siège, ce qui fait un peu plus d'un par jour. Etant donné l'importance du parc aérien au départ, ces vides sont très sensibles. Les missions les plus spectaculaires de la 28F sont celles appelées " les crépusculaires ", sans doute parce qu'au crépuscule, la silhouette des appareils découpe parfaitement sur le ciel et que dans l'obscurité sous jascente, les départs et la trajectoire multicolore des traceuses se voient bien mieux qu'en plein jour. Torri Rouge - qui avait pourtant bien d'autres chats à fouetter, et qui envoie d'autres tous les jours - ne peut s'empêcher, plusieurs fois, d'attirer l'attention d'un César en passe de bombardement sur la façon particulièrement dangereuse dont il est pris à parti par la DCA. En général, l'équipage n'a pas besoin qu'on le lui signale ! A 13 ou 14000 pieds, ils ont tous l'occasion de voir les grappes rouges des 37 mm monter tout doucement, semble-il, et suivant une trajectoire un peu hésitante - et friser les moustaches de l'avion pour aller exploser encore bien plus haut, tandis que, sous l'appareil - et souvent bien trop près, de l'avis général des flocons noirs ou gris balisent la route suivie. Les gens s'en aperçoivent même si bien que pour obtenir la paix à bord, une règle a été adoptée dans la plupart des équipages: le silence est de rigueur dès que l'avion arrive près de la cuvette. Seuls ceux qui ont quelque chose à dire concernant la mission ont le droit à la parole. Et, au cours des passes de bombardement, seuls le bombardier et le pilote au manche ont droit à la parole. En effet, au cours des premières missions, certaines passes ont été manquées par la faute de bavard impénitents, qui se sont crus obligés de signaler, avec commentaires à l'appui, tous les projectiles qui encadrent l'appareil. Or, sur la cuvette, recommencer une passe sur un même objectif est la dernière des choses à faire. .... Ce silence fut rompu une fois par un mitrailleur de queue. Au beau milieu d'un run, au cours d'une crépusculaire particulièrement bien soignée, avec le grand jeu des traceurs et "Père, gardez vous à droite, père, gardez vous à gauche de Torri Rouge", une voix d'un calme olympien s'éleva dans le téléphone de bord et dit: "Ben m.... (ince) alors ! vous irez chercher ça dans le civil !". Malgré de nombreuses interventions de la 28F, et sans doute des groupes de bombardement de l'Armée de l'Air , la procédure de désignation d'objectif ne fut jamais changée. Cette procédure, la plus dangereuse qui soit puisque l'ennemi assure une écoute permanente de nos fréquences VHF, consiste à annoncer obligatoirement à Torri Rouge les différents éléments de la mission reçus au briefing ou calculés par l'équipage: chaque avion annonce son objectif désigné en coordonnées UTM, donc sans le moindre mystère pour les V.M., l'altitude à laquelle il va effectuer son bombardement ainsi que le point initial du run et le cap d'attaque. Ce luxe de détails a du faciliter considérablement le travail des artilleurs d'en face.Le 12 avril, un peu avant midi, le 28F 4 (chef de bord: EV1 MANFANOVSKY) est abattu. Pendant qu'un premier Privateer bombarde à 9000 pieds, sous une couche continue, le 28F 4 orbite à 13 ou 14000 pieds. Lorsque le premier appareil a terminé, il le signale à Torri Rouge. Le 28F 4 semble hésiter, disant qu'il se trouve très bien à 14000 pieds. Puis, il se décide à descendre. A peine a-t-il percé, entre 8 et 10000 pieds sol, qu'il est très violemment pris à partie par la DCA et presque immédiatement touché dans une aile. Il embarque à gauche, se déleste de quelques bombes, amorçe une spirale vers le sol, spirale qui semble être stoppée par le pilote, repart de l'autre bord et s'écrase finalement au nord ouest de l'ex point d'appui Anne Marie. Le sol aurait observé trois parachutes dont au moins un en torche. En tout cas, personne ne revint jamais.Les débris du 28F 4 Les assauts Viet Minh se succédent sur la cuvette, suivis de période de calme relatif. Ces assauts se déclenchent toujours tard dans la soirée et, comme on l'a déjà dit, les jours où la météo est la plus mauvaise possible. Cette coïncidence n'en n'est en réalité pas une: alors que nous ne disposons, pour établir nos prévisions que des émissions de réseaux d'informations normaux, nous donnant la situation en Indochine, à Hong Kong et Singapour, l'ennemi, lui, a le loisir de préparer ses coups en tenant compte de tous nos renseignements et, en plus, de ceux en provenance de Chine: ce sont (et de loin) les plus importants. Rien d'étonnant, par conséquent, que les prévisions qu'ils en tirent concordent chaque fois concordé avec le plan d'attaque. Pour les volants, le fait même de savoir que sur la cuvette, il y a de beaux cunimbes laissant prévoir une attaque pour la nuit à venir. Etant donné la saison déjà bien avancée, ces cunimbes sont d'une virulence extraordinaire. Seul, le givrage est épargné. Le spectacle des aigrettes violettes qui s'allument au bout des pointes dépassant l'avion est bientôt d'un classicisme sans nouveauté. La glace du poste bombardier s'orne alors de petites stries lumineuses que plus d'un bombardier, au début, a pris pour du givre mis en évidence par les lampes à ultraviolets du poste avant. Le cercle des hélices, lui aussi, s'illumine. Le spectacle en vaut d'ailleurs la peine: un petit point brillant, violet, apparait d'abord sur un extérieur, à peu près au point supérieur de la trajectoire de l'hélice. Puis ce point augmente, devient tâche et peu à peu, se répartit sur tout le pourtour du cercle décrit par les pales. Pendant ce temps, une autre hélice est illuminée à son tour et en quelques minutes, les quatre cercles sont parfaitement visibles dans la nuit. Tout cela de termine généralement par une énorme décharge. L'avion disparait dans un grand éclair accompagné d'un bruit terrible pour les oreilles dans les circuits du téléphone de bord et de la VHF. Et il n'est évidemment pas question de passer au-dessus, ces cunimbes montent facilement à 25000 ou 30000 pieds. Un Privateer dut faire précipitamment demi tour une de ces nuits là: à 14000 pieds, pleins pots sur les quatre moteurs, le pilote s'est retrouvé incliné à au moins 45 degrés, le manche à fond de l'autre côté, et en descente à plus de 2000 pieds par minute. Il ne put que larguer précipitamment ses bombes, faire demi tour en même temps et regagner la base au plus vite. Sur une C-47 de transport, le second pilote fut pratiquement tué par des grêlons qui défoncèrent le pare brise. Dans de telles conditions, le fait de se rendre sur la cuvette était déjà un exploit. Mais ce n'était pas tout: encore fallait-il y bombarder. Le fait que les troupes au sol, par la voix de Torri Rouge, avaient déclaré à chacune de ces attaques qu'étant donné ce qu'ils ramassaient par ailleurs, ce n'étaient pas quelques chargements de bombes qui y changeraient grand chose. Mais cela n'empêchait pas les équipages de rechercher par tous les moyens possibles de ne pas tuer d'amis. Bombardements de la piste de Dien Bien Phu Aucun Privateer n'a jamais bombardé nos troupes, mais c'est un miracle étant donné les conditions de travail. Il y a cependant deux chaudes alertes, une nuit aux alentours du 30 avril. Cela débute par un Privateer larguant ses douze 500 livres tout à fait en bordure sud du camp, ce qui a fait pas mal de bruit. Quand au second, il attaque la même nuit, mais vers quatre heures du matin: ses douze 500 livres VT explosent entre les barbelés des quatre coins du point d'appui d'Hugette. La déflagration ayant démoli les antennes, Torri Rouge est resté muet pendant une bonne heure; ce fut une heure d'angoisse. Dès qu'il retrouva sa voix, Torri annonça qu'il n'y avait pas de dégâts, mais que c'était passé rudement près et qu'il n'aurait jamais cru que cela ait pu faire un tel vacarme. La brume sèche, augmentée par la poussière soulevée par les bombardements de toute sorte qui se concentrent dans un si petit périmètre, vient très vite compliquer la situation. En effet, la visibilité verticale restant correcte, l'horizontale descend à moins de deux ou trois kilomètres. Toute visée au Norden étant devenue de ce fait impossible, les bombardements, même de jour, se font sur vecteur et top. Ceci a au moins l'avantage de permettre de vérifier que, bien menée, cette procédure n'est pas mauvaise. La situation des assiégés devient rapidement intenable. Torri Rouge n'en fait pas un mystère. Le général BIGEARD et son bataillon de parachutistes, après un séjour à Cat Bi (séjour au cours duquel il a fait excellent ménage avec la 28F, si l'on juge par le nombre de ses célèbres casquettes qu'il laissa en gage d'amitié), BIGEARD donc, est parachuté dans la cuvette. D'après les briefings du GATAC, dès son arrivée, il a tenté une sortie qui a fait pas mal de dégâts chez les Viets. Mais cette sortie reste isolée. Il faut du monde, toujours du monde et de plus en plus: on en arrive à racler tous les fonds de tiroirs de Hanoï à Haïphong, pour les lancer dans l'enfer de la cuvette. Ils parviennent à destination dans une proportion voisine de 20%. De jour en jour, l'observation aérienne permet de constater la progression constante et tentaculaire d'un réseau de chenilles - les tranchées Viets - qui étrangle le P.C. Nord et Isabelle. Les incessants bombardements de notre aviation ne manquent pas d'efficacité, mais il n'y a vraiment pas assez d'avions ni d'équipages. En un premier temps, au début de l'année, il a été sérieusement envisagé de faire passer la 28F sur B 29, ce qui aurait eu l'avantage d'augmenter énormément la charge utile de bombes par vol. Cependant, de discussion en discussion, on en arrive eu 13 mars: il est trop tard. La 24F, bien qu'armée d'urgence, l'est tout de même trop tard: elle commence à peine son entraînement lorsque Dien Bien Phu tombe. Or, les cinq équipages de la 28F qui restent après la perte du 28F4 représentent à eux seuls tout le bombardement lourd en Indochine. Les B-26 ne sont pas du tout adaptées à ce travail. Trop légers, amenant trop peu de bombes, très mal équipés - pour ne pas dire pas du tout - pour le vol de nuit, ils ont assez vite tenté de retirer leur épingle du jeu. Equipage au retour de mission L'Amiral AUBOYNNEAU, venu visiter la flottille au début du mois d'avril, ne peut cacher son émotion devant le rythme forcené que mènent les équipages et les équipes au sol. Sans ces dernières, l'étonnante disponibilité opérationnelle de la Flottille n'aurait jamais pu être maintenue (6 avions sur 6 en permanence disponibles à Cat Bi, sur un total de 8 appareils à la 28F). Dès son arrivée, deux appareils rentrent de mission. Interrogeant les équipages, il demande à un des navigateurs combien d'heures il a fait d'heures de vol au mois de mars. Celui-ci lui répond qu'il n'en sait plus trop rien: 130 ou 140 heures sans doute. Il s'agit de Ruello-Kermelin, le navigateur de Manfanovsky; il ne lui reste plus que quelques jours à vivre. Après avoir interrogé de la sorte plusieurs membres des deux équipages, l'Amiral s'éloigne avec le commandant de la 28F, profondément ému, lui disant: "je n'aurais jamais cru cela possible". Et la flottille tourne du 13 mars jusqu'en juin à la limite du possible. Lorsqu'un avion rentre au parking, 45 minutes plus tard montre en main, il est paré à repartir, bombe chargées, pleins d'huile et de carburant effectués. Et, de fait, il repart plus d'une fois au bout de ce délai avec le même équipage. Un équipage spécial (celui du ferry-pilote) assure les liaisons avec Saïgon: il y amène les avions en visite et en remonte ceux qui en sortent. Il lui arrive fréquement de faire deux convoyages dans la même journée. Quant à Tan Son Nhut, le service 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 a été adopté une fois pour toute. Il n'est absolument ni rare, ni anormal de voir, vers deux heures ou trois heures du matin, un matelot d'une équipe de visite déposer ses clous, prendre une mitrailleuse et monter ses deux heures de quart avant de repasser son arme à son successeur, et retourner à sa visite. Quand il n'en peut plus, il s'en va dormir.Retour de mission Gênés par les bombardements incessants qu'ils subissent, les assaillants de la cuvette s'enterrent de plus en plus. Aussi l'usage des bombes à retardement se généralise assez vite. Puis vint l'expérimentation des "Lasy Dog", expérimentation étrennée par la 28F. Ces bombes à fléchettes nécessitent, pour fonctionner correctement, d'être larguées à au moins 15000 pieds sol. Les objectifs se situant aux alentours de 2000 pieds, par conséquent toutes ses missions s'effectuent entre 17 et 20000 pieds. Alors qu'au mois de février encore, certains sont persuadés que le plafond pratique du Privateer est de 14 ou 15000 pieds à tout casser ! La dernière communication de Torri Rouge :"A 17 heures 30 nous faisons tout sauter. les Viets sont à côté. Au revoir à nos familles ... .... Adieu César...." provoque une impression terrible. Au sol, ce soir du 7 mai, les équipages ne trouvent plus qu'un vide immense. Finies les passes de bombardements au milieu des éclatements de la DCA, les évasives, les cunimbes de nuit et les aigrettes violettes dont ils ornent les avions - les percées sur Cat Bi, où 300 pieds de plafond est qualifié de temps de curé - les alertes continuelles, les copains de l'Armée de l'Air ou du bateau plat qui y étaient restés. Tout cela pour en arriver à ce petit message de Torri Rouge: " Adieu César " |
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| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Mer Avr 16 2014, 22:17 | |
| (Pour information des réservistes Ops et citoyens, associations et amicales, amis et partenaires de la délégation militaire…)
Bonjour,
En cette année du 60° anniversaire de la fin des combats en Indochine, les films suivants seront prochainement diffusés à la télévision :
Sur France 3 « Nos soldats perdus en Indochine » :
- Vendredi 18 avril 23h10 - Mercredi 23 avril 02h35 - Vendredi 02 mai 03h10
Sur France 5 « Cao Bang – les soldats sacrifiés d’Indochine » :
- Dimanche 27 avril 22h25
Et puis, ne pas oublier de revoir les deux excellents films « La 317° section » et « Dien Bien Phuh », tous deux de Pierre Schoendoerffer, décédé l’année dernière. Celui de la 317° section est disponible depuis peu en DVD en version rénovée,
Faites passer l’information ! |
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| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Jeu Avr 17 2014, 10:03 | |
| Les 17 et 18 Avril 1954Jusqu’au bout !Pour évacuer HUGUETTE 6 il est convenu que les défenseurs attendront le 1° B.E.P. chargé d’ouvrir la route.Un bataillon Viêt s’est installé en bouchon face au sud, dans les tranchées . Les Paras-Légion prennent pied dans la première tranchée mais les bo-doï ont creusé des trous et il faut les déloger un par un . Ils sont 250 légionnaires contre 1000 Viêts .Au matin le B.E.P. n’a pas franchi la deuxième ligne de tranchée et il compte une centaine de tués et de blessés . LANGLAIS alerté à 4 heures du matin préfère donner l’ordre de repli, il pense une fois le jour levé lancer une nouvelle attaque renforcée aux ordres de BIGEARD . BIGEARD a pris le commandement de l’opération de dégagement d’HUGUETTE 6 . Le 1° B.E.P. a serré les rang et deux compagnie du 8° de TOURRET sont venus se joindre à lui . Mais le Lieutenant-Colonel BIGEARD, nouvellement promu, n’est pas convaincu . Pour sauver 150 hommes il faudra en sacrifier …… le double !A 6 heures 30 , il lance une nouvelle attaque sur la première tranchée ennemi qui est fortement tenue . Il n’insiste pas et à 7 heures 30 il donne l’ordre de repli .Reste à annoncer la mauvaise nouvelle au CNE BIZARD qui attend sur HUGUETTE 6 ; Le commandant CLEMENCON qui commande les « HUGUETTE » lui explique . Vous êtes libre de prendre la décision que vous jugerez utile !BIZARD acquiesce, et il prend aussitôt la décision de tenter la sortie …….. En 10 minutes il détruit toutes les armes qu’il ne pourra emporter . Homme par homme ses sections rampent hors du poste et s’alignent à 30 mètres des Viêts . Au signal, tous bondissent en avant et franchissent en courant les tranchées ennemies . Soixante rescapés sur les 120 qui prirent le départ se jettent dans les tranchées de HUGUETTE 2 .La première compagnie du 5° B.P.V.N. se reforme à 2 sections . Le rythme du harcèlement se maintient . 210 tonnes de matériels, de vivres et de munitions sont larguées sur le camp retranché, mais 30 tonnes tombent chez les Viêts et le ramassage qui se fait à dos d’homme ne peut guère en rassembler plus d’une vingtaine dans les dépôts . Sur les points d’appui on se sert directement dans les caisses qui tombent à proximité .Le capitaine CHEVALIER du 1/13 D.B.L.E. part pour relever le 2° R.E.I. sur HUGUETTE 1 , il ne peut franchir les cents derniers mètres . De Paris, le Général ELY télégraphie à DIEN BIEN PHU .Je ne vois matériellement pas, en tout cas, la possibilité d’augmenter par des moyens français votre potentiel de transport aérien, même simplement en ce qui concerne la personnel . La messe est dite, les moyens français ne suffisent plus à alimenter la bataille, ni en armement ni en personnel combattant . Tous les regard sont désormais tournés vers les américains, mais aussi sur la conférence de Genève qui devrait bientôt s’ouvrir ……………. |
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| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Jeu Avr 17 2014, 17:07 | |
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| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Jeu Avr 17 2014, 17:55 | |
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| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Jeu Avr 17 2014, 19:03 | |
| Sources : http://www.fanion-vert-rouge.info/biographie/rodel2.htm |
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| Sujet: Dien Bien Phu : journalistes vietnamiens et le mur de la propagande . Ven Avr 18 2014, 14:45 | |
| Dien Bien Phu
Des journalistes vietnamiens brisent le mur de la propagande Le matin du 20 novembre 1953, le ciel de Mường Thanh est grouillant de parachutes blancs, fleuris, rouges. L’opération « Castor » est lancée. Photo : Agence vietnamienne d’information Le 6 mai 2010 Pour la première fois au Vietnam, une équipe de jeunes journalistes revisitent l’Histoire de leur pays en publiant les souvenirs des vétérans de Dien Bien Phu, où a eu lieu le 7 mai 1954 la victoire décisive des Vietminh contre le colonisateur français. Au fil des récits, les mythes propagandistes se déconstruisent. Carole Vann/InfoSud Après une guerre, l’histoire s’écrit généralement dans la perspective du vainqueur. Il en résulte une « vérité » tronquée où la voix des vaincus est occultée. Curieusement, au Vietnam, lors de la guerre contre l’occupant français, les vainqueurs sont longtemps restés silencieux. La victoire décisive des Vietminh le 7 mai 1954 à Dien Bien Phu est pourtant la seule bataille « rangée et perdue par une armée européenne pendant toute l’histoire des décolonisations », selon l’historien Jean-Pierre Rioux, spécialiste de ces questions Côté français, 16’000 hommes solidement équipés avaient été parachutés dans la région Côté vietnamien, 55’000 bôdoi (combattants vietminh) bien moins armés, et surtout 260’000 civils, pieds nus pour la plupart. Sans oublier l’utilisation déterminante de 21’000 bicyclettes pour l’acheminement des armes et des vivres. Or si les témoignages français sont nombreux sur la « défaite », les quelques récits vietnamiens existants ont été soigneusement moulés dans le discours propagandiste. La version officielle des faits, destinée à nourrir la solidarité et la fierté patriotiques, a fait l’impasse sur les individus et leurs histoires personnelles. Face à ces « trous de mémoire » dans l’Histoire de leur pays, six journalistes vietnamiens, dont un ancien vétéran de Dien Bien Phu, se sont lancés, 55 ans après l’événement, dans une enquête auprès des derniers témoins de cette page historique. Entre 2007 et 2009, ils ont parcouru le pays à la recherche de ces autres petites vérités sur une mythique bataille qui ouvrait la voie à la décolonisation dans les pays du tiers monde. Ils ont ainsi recueilli les témoignages de 250 vétérans du Nord au Sud du Vietnam – parmi eux le célèbre général Giap, qui a mené les Vietminh ,– pour en faire un recueil inédit . Publié l’année passée au Vietnam, Dien Bien Phu vu d’en face, préfacé par Jean-Pierre Rioux, paraît aujourd’hui en français.Transporteurs de riz ou de munitions, artistes envoyés au front pour remonter le moral des troupes, journalistes, médecins, infirmiers, femmes et hommes, se livrent au côté des « bôdoi », ces « hommes verts » au casque rond tant redoutés par les soldats français. Mais pour la première fois de leur vie, ils racontent non pas « les actes héroïques guidés par le Parti et qui ont mené à la victoire du peuple », des faits lus et relus dans les manuels scolaires et les journaux nationaux. Cette fois-ci, ce sont les récits sur leurs peurs, leurs amours, leurs rêves, toutes ces pensées intimes qui leur passaient par la tête quand les armes et les explosions se déchaînaient, , dans cette terrible cuvette de Dien Bien Phu. Pour anéantir le camp retranché de l’Union française en Indochine, l’Armée populaire du Viêt Nam a mené trois phases d’offensives. Photo : Triệu Đại Les combattants de l’ombreAu fil des pages, le mythe de « La Victoire finale des héros au patriotisme infaillible » s’efface derrière une mosaïque d’évocations simples de ces combattants de l’ombre. Ainsi, cette jeune danseuse qui s’est enrôlée pour pouvoir échapper au contrôle familial et parcourir le pays. Ou ce citadin, un « petit bourgeois » pour ses compagnons d’armes paysans. Ces derniers, irrités par sa maladresse, acceptaient de faire les tâches manuelles à sa place. En échange, le « petit bourgeois » leur racontait Les Misérables de Victor Hugo. Il y avait aussi, dans une tranchée alors que les armes pétaradaient, cette toute jeune infirmière pétrifiée de honte, parce qu’un soldat blessé lui demandait de l’aider à uriner. C’est le hasard d’une rencontre qui a ouvert les yeux des auteurs, eux-mêmes enfants chéris du régime de Hanoi. « Jusqu’à 2004, nous ne savions pas grand chose de Dien Bien Phu, tout était très abstrait », raconte Dang Duc Tuê. » Ce journaliste talentueux, en partie formé en France, était invité le mois dernier au Congrès de journalisme d’investigation à Genève pour raconter l’aventure qu’a constitué cette enquête dans un pays encore très verrouillé politiquement. « Pire, on ne se posait même pas de questions par rapport aux récits héroïques dont nous étions bercés. » Son émérite consœur, Dao Thanh Huyen, qui a suivi le même cursus, renchérit : « Nous avions hérité passivement de cette mémoire collective, écrite dans les manuels et répétée dans les médias : les Français et les Américains étaient les méchants envahisseurs, et nous, nous avions gagné toutes les guerres.» « Mais du pourquoi et du comment, nous n’en savions rien » Durant les 56 jours de de la bataille de Dien Bien Phu (du 13 mars au 7 mai 1954) Photo : Triệu Đại « Le déclic qui a bouleversé notre regard »En 2004, les deux journalistes dispensent une formation dans la région de Dien Bien Phu. Parmi leurs stagiaires, Oncle Mai (Bac Mai), à l’époque tout jeune agent de liaison, leur confie « ses » souvenirs de la bataille. « Il a été le déclic qui a bouleversé notre regard, confie Huyen. A travers ses récits, des hommes et des femmes liés à cette guerre se sont mis à exister. » Guidés par Bac Mai, devenu entre-temps l’un des co-auteurs du recueil, les deux journalistes vont de surprise en surprise. Quel n’est pas leur étonnement lorsqu’un historien militaire, invité comme expert à la formation, brise l’un des mythes fondateurs de la victoire de Dien Bien Phu. « Savez-vous qu’il n’y a jamais eu de drapeau vietminh planté le 7 mai 1954 sur le bunker du général de Castries ? »
[ndlr : il menait les troupes françaises au moment de la défaite] « , Leur balance-t-il. Ils apprennent alors que cette image avait été montée après la guerre pour le documentaire du réalisateur soviétique Roman Karmen. Les photos prises lors du tournage ont été diffusées ensuite dans le monde entier. Se substituant à la réalité, cette scène est devenue LE symbole incontesté de la victoire vietminh, et des pays opprimés, contre le colonisateur. « Le pays avait d’autant plus besoin de ces versions officielles que les guerres se sont enchaînées au Vietnam, rappelle Huyen. Celle contre les Américains, puis contre les Chinois au Nord et les Khmers rouges au Sud. Il fallait donc entretenir le patriotisme. Du coup, lorsque la paix est arrivée dans les années 1980, cette « vérité » biaisée était déjà bien ancrée, même chez les vétérans. » Aujourd’hui, alors que la bataille de Dien Bien Phu a plus d’un demi-siècle, le Vietnam osera-t-il enfin se délester de sa grande Histoire au profit des petites histoires de son peuple ? C’est en tout cas ce qu’espèrent les auteurs du recueil. « La démarche n’a pas été sans encombres, raconte Tuê. Nous avons essuyé pas mal de refus des vétérans. Certains sans explications, d’autres ont proclamé ne pas vouloir revisiter la version officielle des faits. D’autres encore ne voulaient pas être « floués une fois de plus par des journalistes incapables d’entendre un autre son de cloche que celui du Parti. » Selon Tuê, si la version vietnamienne a pu être publiée, c’est grâce à un concours de circonstances favorables : festivités autour des 55 ans de Dien Bien Phu, préface d’un prestigieux historien du pays et soutien au sein des Editions politiques nationales, l’éditeur officiel du Parti. Derniers combats. Photo : Triệu Đại Comment les autorités fabriquent les hérosPour Jean-Pierre Rioux, un tel livre contribue à sortir la bataille de Dien Bien Phu de l’histoire officielle du Vietnam. Et Mari Carmen Rodriguez, historienne spécialiste de la mémoire liée au franquisme, de constater : « On peut y décrypter comment les autorités sélectionnent et fabriquent les héros alors qu’eux-mêmes ne se perçoivent pas comme tels ». Comme lorsque ce soldat raconte : « J’étais parmi les plus pauvres, et des gens de ma famille avaient été tués par des Français en 1949. C’est peut-être pour ces deux raisons que j’ai eu le titre de « héros », alors que nous étions nombreux à œuvrer dans le tunnel… ». Un autre militaire : « Je parle français. J’entends parfois des soldats adverses crier avant de mourir. Des frères d’armes illettrés me demandent : que dit-il ? - Il appelle sa maman… Mourants, mercenaires ou colonialistes, ils sont comme nous, des jeunes hommes qui n’ont pas encore de femme et qui invoquent leur maman avant de s’éteindre. » Pour Mari Carmen Rodriguez, une telle humanisation face à la souffrance de l’autre ne peut rimer avec un discours propagandiste. Les auteurs insistent toutefois sur la nature journalistique et non historiographique de leur démarche. « Pour nous il s’agissait avant tout de sauver ces souvenirs avant que les témoins ne disparaissent », précise Huyen. Jean-Pierre Rioux confirme : « Ces témoignages constituent un matériau fabuleux sur lequel travailler. C’est le début de la parole libérée. Mais pour que ce travail puisse être traité de manière historique, il faut pouvoir accéder aux archives, ce qui n’est pour l’instant pas possible du côté vietnamien. Or tant que l’histoire officielle prédomine, cela restera difficile. Ce problème n’est d’ailleurs pas spécifique à la guerre d’Indochine, il existe aussi en Algérie. »Quoiqu’il en soit, la roue tourne aussi au Vietnam. Depuis que le recueil est paru dans le pays de Ho Chi Minh, nombre de journalistes sur place ont poursuivi l’enquête pour le compte de leur média. « Ils s’intéressent maintenant plus aux individus qui ont fait l’histoire, au lieu de se contenter des quelques héros mis en avant par les autorités, se réjouit Tuê.» « C’est très encourageant. » DIEN BIEN PHU vu d’en face, Paroles de Bô doi , Nouveau monde, 2010 Dien Bien Phu en quelques dates et chiffres- 1945 : Proclamation de l’indépendance du Vietnam (colonie française) par le président Ho Chi Minh - 1946 : La France déclenche la guerre d’Indochine - 20 nov à 7 déc 1953 : Les Français parachutent leurs troupes à Dien Bien Phu (opération Castor) - 13 mars 1954 : Première attaque vietminh contre le camp retranché de Dien Bien Phu - Fin avril 1954 : Début des négociations de Genève entre Vietnamiens et Français - 7 mai 1954 : La victoire vietnamienne à Dien Bien Phu change le rapport de forces sur la table des négociations à Genève - Fin juillet 1954 : Signature des accords de Genève. Le Vietnam est séparé en deux zones de part et d’autre du 17ème parallèle. Selon les chiffres publiés par l’Institut d’histoire militaire du Vietnam (seules sources officielles du pays), les pertes vietnamiennes s’élèvent à « 4’020 sacrifiés, 792 disparus, et 9’118 blessés ». Les sources françaises parlent de 20’000 à 30’000 morts et disparus , ainsi que plus de 15’000 blessés. Côté français, selon la Commission d’enquête française sur Dien Bien Phu, le nombre des victimes s’élève à 3’420 tués ou disparus, 2’300 blessés, 1’100 déserteurs. Sur les 11’721 prisonniers français, seuls 3’290 ont été rendus à la France après les accords de Genève.Grotte de Thẩm Púa, où se réunit le commandement général vietnamien lorsqu’il envisage Attaque éclair, Victoire rapide. Photo : Triệu Đại |
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| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Ven Avr 18 2014, 16:41 | |
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| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Sam Avr 19 2014, 12:38 | |
| Le 19 avril 1954
Après une nuit de combat, Chevalier arrive sur HUGUETTE1 et relève Spozio.
Pour se replier, celui-ci perd la moitié de son effectif restant.
Les faits .
A 8hoo du soir le 4 a quitté les limites du point d’appui central et se glisse vers HUGUETTE 2 .
Devant elle, fermée par la silhouette lugubre du curtiss commando, un no man’s land lugubre où le viêt attend, tapi dans l’ombre .
Une heure plus tard regroupée face au nord, la 4° compagnie est au contact. Elle se bat, sans désemparer , trois heures durant, pour essayer de passer .
Mais l’ennemi ne veut pas courir le risque de laisser se fortifier la position est les mitrailleuses lourdes donnent de la voix, relayés par les mortiers, taillant dans les rangs des légionnaires des coupes sanglantes .
A minuit le capitaine CHEVALLIER appelle à l’aide .
Malheureusement pour lui toute l’artillerie de DIEN BIEN PHU est hypothéquée par ELIANE 1 qui une fois encore vient d’être attaquée et s’efforce de tenir.
A l’aube, comme promis, les 105 et les 120 se déchaînent enfin et commencent à matraquer les positions ennemies .
En avant crie CHEVALLIER, et les légionnaires font sauter à la grenade et au lance flamme les casemates qui obstruaient le chemin .
A la lumière du jour la compagnie CHEVALIER finit par franchir les tranchées ennemies qui la sépare d’HUGUETTE 1 .
A dix heures elle s’enferme sur le point d’appui dont sont sortis les survivants du 1/2 R.E.I.
Sur les 120 hommes que comptaient la 4° Compagnie, 40 ont été tués ou blessés .
Pour tenir le point d’appui, le capitaine CHEVALLIER ne dispose plus que de 80 hommes .
Sur HUGUETTE 1 CHEVALLIER a pris ses dispositions pour tenir aussi longtemps que possible sans espoir d’être aidé ni même secouru .
Comme ses légionnaires il est sans illusions .
La 4° compagnie ne quittera jamais le point d’appui, pendant 4 jours il est attaqué en permanence,
Au jour il disparaît dans la fumée des explosions , écrasé sous un déluge d’obus de tout calibre.
A la nuit les fantassins montent à l’attaque .
A mi distance entre HUGUETTE 1 et 2 les Viêts ont creusé une position défensive très forte .
Le 1/13 DBLE capitaine COUTANT relève ou renforce sur les HUGUETTES le R.E.I. de CLEMENCON .
A la 13 restent huit officiers valides et sept au deuxième étranger .
La première compagnie du 1/13 DBLE tient HUGHETTE 5 .
Le harcèlement sur le camp retranché a été régulier tout le jour sauf entre 16 et 17 heures où il s’est acharné sur le PC de CASTRIES .
136 tonnes ont été larguées, des colis tombent chez l’ennemi .
A suivre
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Sam Avr 19 2014, 15:55 | |
| Faccé dé carton ! C'était le corps-à-corps, combat rapproché, du combat pour les mâles exclusivement qu'on ne verra plus jamais... un petit peu en Algérie; mais c'est fini la guerre des hommes. BRAVO quand même à ces guerriers ante-diluviens et merveilleux ! Tout de même quel gâchis le sacrifice de ces hommes de valeur disparus à jamais, quand on laisse pousser à profusion des "tapettes" qui ne leur arrivent même pas aux doigts de pieds |
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| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Sam Avr 19 2014, 16:29 | |
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Dim Avr 20 2014, 11:32 | |
| Le 20 AVRIL 1954
Pendant la nuit les patrouilles ont accroché autour de nos positions .
OPERA, le PA à l’est de la piste d’aviation a été alerté à 3h45 , mais après une violente riposte l’ennemi n’a pas insisté .
Un coup de main au nord-est d’Isabelle a permis de combler les tranchées .
Enfin une centaine d’hommes a été parachuté, ce sont pour la plupart des légionnaires volontaires et sans brevet parachutiste , mais le tiers d’entre eux, soit deux DAKOTA, a été largué entre CLAUDINE et ISABELLE, soit chez l’ennemi .
La 1° compagnie du 5° BPVN va s’installer dans le drain de la piste, un peu au sud d’OPERA .
NIVEAUX DES DEPOTS :
Deux jours de vivres, sept unités de feu pour 10 pièces de 105 , trois unités de feu pour les 155 .
A suivre |
| | | Invité Invité
| Sujet: Geneviève de Galard se souvient de Dien Bien Phu . Dim Avr 20 2014, 16:05 | |
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Dim Avr 20 2014, 19:10 | |
| Par mon Ami "RORO" ancien du 2eme REPhttp://www.2emerep.com/indochine-2rep/dien-bien-phu-2rep.html En cette période de saison sèche, rien n'annonce le désastre à venir. Les camps retranchés ont parfaitement rempli leur fonction et les grandes opérations ont maintenu le delta à l'abri des visées de Giap. Pourtant, dès la fin de l'opération "Mouette ", il semble que la menace vietminh, sans vraiment s'écarter du delta, s'oriente à la fois au centre, vers les Hauts-Plateaux et surtout au Nord-Ouest vers le pays Taï et le Laos. L'abandon de Na-San voulue par Cogny, ayant ouvert la voie au Vietminh sur l'itinéraire capital de Yen-Bay à Diên Biên Phu, porte de la vallée de la Nam-Youn et du chemin conduisant à Luang-Prabang. Le 2 novembre, malgré plusieurs opinions divergentes, Navarre prend la décision qu'il mûrit depuis le mois de juillet et ordonne une action préventive visant à s'emparer par surprise de la position de Diên Biên Phu ». Plus tard, pour se justifier, Navarre écrira : "Occuper Diên Biên Phu et y accepter la bataille m'apparut comme l'unique solution me donnant une chance, avec les forces que j'avais, de sauver le Laos .Pour réaliser cette opération exclusivement aéroportée, le général Cogny dispose de 6 bataillons dont le ler BEP. L'opération « Castor » est préparée dans le plus grand secret et le cadre d'ordre du général Gilles qui en assure le commandement précise ses objectifs : s'emparer dans un premier temps du village de Diên Biên Phu et des croupes de l'ancien poste. Tenir la piste d'aviation. Le 20 novembre 1953, une flotte de 70 Dakota et 10 C 119 Fairchild est rassemblée sur les terrains d'aviation d'Hanoï. L'investissement de Diên Biên Phu doit être réalisé par le GAP 1 du lieutenant-colonel Fourcade comprenant trois bataillons renforcés : 6e BPC du commandant Bigeard, 2/ler RCP du commandant Bréchignac et 1er BPC aux ordres du commandant Souquet. Ces unités sauteront en deux vagues successives sur l'objectif. Les jours suivants, au plus à J+3, les forces tenant la cuvette doivent s'élever à deux GAP réunissant six bataillons parachutistes. A cette date, la cuvette est occupée par le PC du régiment 148 et par le bataillon 910, plus spécialement chargé de l'instruction des troupes régionales. Deux autres bataillons couvrant la cuvette au loin, face à la frontière vietnamo-laotienne peuvent rallier Diên Biên Phu en deux jours de marche. Enfin, les têtes de colonnes de la division 316 sont en train d'aborder Son-La.Après un vol de deux heures, à 10h30, le signal vert apparaît. La plus grande opération aéroportée de la guerre d'Indochine vient de commencer. Le 6e BPC saute le premier sur la DZ Natacha et se pose en plein milieu des bo-doïs en train de conduire une séance d'instruction sur le tir au mortier et à la mitrailleuse. Après une période de regroupement confuse, le bataillon Bigeard entame la conquête de ses objectifs. Le 2/ler RCP saute simultanément sur la DZ Simone. Comme sur Natacha, le largage est approximatif, ce qui empêche le bataillon d'intercepter des éléments vietminh, dont l'état-major du régiment 148, qui décrochent vers le sud-ouest, là où la brousse épaisse qui borde la Nam-Youm n'a pas permis de terminer le bouclage de Diên Biên Phu. Après six heures de combat, le GAP 1 contrôle la cuvette où règne une activité intense. En lisant les documents saisis, on s'apercevra qu'outre les unités mentionnées par le 2e Bureau, deux compagnies lourdesde matériel sur le village de Diên Biên PhParachutage avant la bataille du bataillon 675 appartenant à la division 351 se trouvaient sur place, appuyant du feu de leurs mortiers et de leurs canons SKZ l'infanterie engagée contre les parachutistes. Le succès est complet, mais déjà, le GAP 1 compte 11 tués et 52 blessés. Heureux de ce succès, le général Navarre adresse le message suivant au général Gilles : « Je vous prie de transmettre mes chaleureuses félicitations aux troupes parachutistes qui ont sauté sur Diên Biên Phu dans la première vague — Je n'ignorais pas le danger de cette entreprise, mais connaissant leur valeur, je n'ai jamais douté du succès — Le général Cogny y joint ses plus affectueuses félicitations — Signé : Navarre, commandant en chef. » Le lendemain, dans une atmosphère de ruche bourdonnante, les largages continuent. Le 1 er BEP fait partie de la seconde vague de l'assaut aéroporté ; dès les jours suivants, il constitue l'un des bataillons d'intervention du groupement opérationnel du Nord-Ouest. Le général Gilles et le PC de l'opération sautent avec le GAP 2 ; le matériel lourd est largué sur la DZ Octavie. De part et d'autre de la Nam-Youn, les parachutistes déploient une activité intense pour récupérer l'armement lourd et le matériel égaré lors du saut, ramasser les parachutes, réparer le terrain d'aviation que les Viets avaient détruit et aménager les premières positions du camp retranché. Le 22 novembre, avec l'arrivée du 5e Bawouans du capitaine Botella, l'effectif est complet, soit 4650 parachutistes réunis dans la plaine de Diên BiênPhu. Plaine est un bien grand mot pour cette vallée, la plus grande de la région, qui constitue également un important grenier à riz pour le Vietminh. Traversée par la Nam-Youn qui appartient au bassin du Mé-kong, la cuvette s'étend sur 17 kilomètres de long et 5 de large. Elle est couverte de taillis et d'arbres. Des montagnes assez élevées l'entourent et elle reçoit moitié plus d'eau que les autres vallées du nord de l'Indochine. Les rizières de la petite plaine sont surplombées, de 700 mètres environ, par des lignes de crêtes qui descendent en gradins irréguliers. La forêt couvre ces hauteurs ainsi que les mamelons du nord-est. La piste d'aviation en terre battue est située au centre de la cuvette et au nord Pavie qui traverse également la cuvette. Dans la vallée vivent 15000 Thaïs cultivant le riz et traitant l'opium, un trafic qui rapporte annuellement 500 millions de francs au Vietminh. Chef-lieu administratif sans grande importance, Diên Biên Phu constitue en revanche, un enjeu stratégique de taille par sa position au centre d'un éventail se déployant du Laosà la Thaïlande, la Birmanie, la Haute-Région duTonkin et la Chine méridionale. Au mois d'avril 1945, elle avait vu passer la colonne Alessandri en vers la Chine nationaliste. Par rapport aux poss connues du Vietminh à ce moment là, le site judicieusement choisi, d'abord pour freiner, arrêter la ruée des divisions de Giap sur le ensuite pour exprimer totalement la puissance du plus grand camp retranché d'Indochine. Dès le 22 novembre, les travaux commencent aménager le camp retranché de part et d'autre la Nam-Youn. La méthode des points d'appui, celle appliquée à Na-San, mais cette fois renforcées en centres de résistance plus étoffés auxquels donné des prénoms féminins. Ainsi, du nord a en suivant l'axe principal constitué par la Nam-Y la piste Pavie, trouvera-t-on, en premier lieu k d'appui Gabrielle, un avant-poste situé à quatres mètres du camp retranché proprement dit et oi enterré le 5/7e RTA, puis en descendant, léger excentré sur la rive droite, le centre de rési: Anne-Marie composé de deux points d'appui regroupé ,un bataillon Thaï et à gauche, dans la position, Béatrice dont les trois points d'appui tenus par le 3/13e DBLE. Entourant la piste 1 position, à l'ouest, voici Huguette comprenant six d'appui où sont installées les compagnie 1/2e REI et son appendice Françoise, Claudine les trois points d'appui sont défendus f 1/13e DBLE, puis à l'est, en remontant vers le Claudine 6 qui deviendra Junon où se trouvent du GAP et l'hôpital souterrain du commandant Gr Eliane dont les six points d'appuis sont initia tenus par le 1/4e RTM et Dominique où le 3/2 est organisé en 5 points d'appui. Au centre du dispositif, à proximité de la piste d'aviation, Epervier regroupe le PC du groupement opérationnel du Ouest, les services du camp et son artillerie que les bataillons parachutistes placés en raids d'intervention. A huit kilomètres au Sud, en profondeur de la piste d'aviation secondaire, se trouve 15 où sont solidement retranchés le 3/3e REI, I, RTA, le 3/10e RAC et 3 compagnies Thaïs. Au fur et a mesure de la bataille, et suivant son évolution, la défense des centres de résistance et leurs positions changeront, des relèves interviendront avant le renversement des derniers jours de combat au cours du mois de mai. Après le retrait des ler et 6e BPC du camp seuls restent le GAP 2 et, jusqu'au 10 décembre le 2/1er RCP pour mener a bien les sorties de plus en plus difficiles. Le recueil des forces de Laï-Chau et l'évacuation de la place vont tourner au cauchemar. Le 23 novembre, le bataillon Bréchignac est envoyé au devant de la colonne et la rejoint à six kilomètres au nord du camp retranché. Une partie des partisans Thaïs a déjà pris le chemin de Diên Phu en passant par la brousse. Mais les hommes de la colonne sont rattrapés après deux jours de marche par des détachements du TD 148 qui les harcèlent. Rapidement, les hauts responsables militaires français se rendent compte que la cuvette est investie. La division 316 atteint Diên Bien Phu le 6 décembre. La 308, la 351 lourde et la 312 sont attendues entre Noël et la fin de l'année. Le 7 décembre, le général Cogny ordonne l'opération Léda, évacuation aérienne de Laï-Chau. En rotations, les éléments de la garnison et les civils sont évacués sur Diên Biên Phu. Le 8, le GAP 2 un raid de nettoyage dans la région de Ban-Lam-Ban et Na-Doï, au sud de la cuvette en ayant pour instruction : - d'affirmer notre présence et de détruire le maximum de VM; pour interdire la récupération du paddy et du riz par les V.M.- de recueillir des renseignements sur l'identification, le stationnement, les dépôts et les intentions VM dans cette zone.Au cours de cette sortie, les parachutistes recueillent également un pilote dont l'avion a fait un atterrissage. Le lendemain, après avoir brûlé une tonne de paddy, soumis au harcèlement viet, le détachement rentre à Diên Biên Phu. Le 14 décembre, le TD 174 entre dans Laï-Chau désert. L'opération Pollux est officiellement terminée. Il ne reste plus aux partisans que la possibilité de rejoindre la cuvette ou le Laos . En fait, derrière la satisfaction affichée, un drame se jouera à l'arrière-garde. Un nouveau Cao-Bang, les compagnies légères de supplétifs qui essaient de se glisser entre les colonnes viets. Le 11 décembre à 7 heures, le GAP 2 aux ordres du commandant Leclerc quitte Diên Biên Phu pour aller à leur rencontre. Tandis que les éléments du 8e BPC grenouillent dans les villages méos sur les crêtes, le groupement progresse sur la piste Pavie. Dans l'ordre, 1 er BEP, 5e Bawouan. Le BEP progresse prudemment, chaque mouvement de terrain pouvant receler un piège. Au nord de la cuvette, la vallée se transforme en un goulet d'étranglement où s'infiltre la RP 41. Le commandant Guiraud l'aborde avec précaution. La compagnie Martin reçoit l'ordre de reconnaître les pitons qui dominent la Nam-Co. La section de tête tombe sur un poste de surveillance viet récemment abandonné. Il y a encore des casques en latanier, des sacs de couchages, des fils téléphoniques qui partent vers l'arrière. Colonne par un sur un layon esquissé dans la jungle, la progression continue, quand tout à coup, la section de l'adjudant-chef Baty est durement accrochée. Son dégagement mobilise les compagnies Brandon et Verguet ; finalement, les Viets décrochent. Bilan : 7 blessés qu'il faut déjà brancarder en attendant une évacuation héliportée. La progression reprend, lente et difficile dans la forêt serrée ou dans les herbes à éléphant coupantes comme des rasoirs. Après des heures de coupe-coupe, le bataillon reçoit l'ordre de se poster défensivement sur un piton où il recueille un détachement de Thaïs venant de Laï-Chau. C'est un miracle qu'ils aient échappé aux Viets. Une remarque unanime : « Il y en a partout ». Un des sous-officiers qui parle bien le français explique : « Nous avons pris la brousse, mais nous devions faire très attention en traversant les pistes ou les sentiers ; c'est plein de colonnes de bo-doïs ou de coolies. Plusieurs fois on a failli se faire accrocher, mais c'est notre pays. » Le 12 décembre, le BEP reprend sa progression vers l'est, en direction d'une ligne de crête où il s'installe. Le 13, le 5e BPVN passe en tête. A 14 heures, les bawouans entrent dans Muong-Pon désert ; la garnison du village vient d'être massacrée. Au même moment, le BEP poursuit sa progression en direction du Pu-Ya-Tao sur les traces du 5e BPVN. Arrivés au sommet, les légionnaires s'installent pour la nuit. Partout aux alentours, du fond des vallées monte le bruit des coupe-coupe. Le dimanche matin, la 4e compagnie du BEP est regroupée autour de son chef, le capitaine Cabiro, le légendaire « Cab ». Les chefs de section sont anxieux et pour tout dire, ils souhaitent l'affrontement. Coupant court, le commandant Guiraud fixe les missions du bataillon. Direction un petit col en amont du Pu-San où le BEP doit attendre un parachutage de vivres, d'eau et de munitions qui lui est destiné ainsi qu'au 5e BPVN, qui, d'après les écoutes radio, semble en difficulté. Au moment où l'avant-garde du GAP 2 quittait Muong-Pon, la colonne a été prise sous un feu violent. C'est le 5e Bawouans qui subit le choc. En très peu de temps, et malgré l'intervention de deux B 26, les bawouans comptent 3 tués, 13 disparus et 22 blessés à brancarder. Le commandant Leclerc lui donne alors l'ordre de se regrouper sur le Pu-Ya-Tao.Toujours installé sur le col de Pyong-Hang, le BEP va être le témoin impuissant de l'horreur . Une compagnie du 5e BPVN gravit les pentes du Pu-San. Les malheureux n'arriveront jamais au sommet. Malgré l'appui de l'aviation et les tirs de l'artillerie du camp retranché, les sections sont bloquées par des tirs aussi précis que meurtriers. Profitant d'un vent tourbillonnant, les Viets mettent le feu aux herbes. Rapidement les flammes environnent les parachutistes vietnamiens pris au piège. Ils ne peuvent sortir que pour se faire abattre. Leurs hurlements inhumains couvrent la fusillade et vrillent les nerfs des légionnaires impuissants. Quelques survivants parviennent néanmoins à se dégager du brasier. Le 14 décembre, le commandant Guiraud ordonne une reconnaissance"sur le Pu-Ya-Tao à la 4e compagnie et place le reste du bataillon en recueil. Le ler BEP est à ce moment en arrière-garde du groupement, les éléments des deux autres bataillons commençant leur repli vers la cuvette. Les légionnaires de Cabiro découvrent un sommet complètement arasé et inoccupé. L'incendie a dévoilé les nombreux emplacements de combat des parachutistes. Des cadavres calcinés, quelques tombes fraîchement creusées, un peu d'armement témoignent du sacrifice de la veille. Afin de donner un peu d'air au groupement, le bataillon s'installe en hérisson tandis que le 5e BPVN amorce vers la vallée en direction du recueil du 8ème BPC. La 4e compagnie du BEP s'est rapidement et solidement organisée sur les anciens emplacements de combat, les aménageant et les consolidant. En deuxième échelon, « Loulou » Martin avec sa 3e compagnie interdit aux viets l'accès de la piste de crête prévue pour le repli. A 400 mètres se tient la section lourde du lieutenant Roux. Celui-ci devenu par la suite général, écrira en 1984 dans Képi-Blanc : « Nous nous installons sur le Pu-Ya-Tao, les trous sont creusés à une allure record et, les herbes à éléphant sont arrachées sur plusieurs mètres, les légionnaires n'ont pas envie de brûler .L'artillerie n'est pas intervenue car l'aviation doit arriver. Finalement, un chasseur est arrivé il a failli nous larguer un bidon de napalm sur la figure, nous avons vu le bidon passer à dix mètres de nous en tournoyant, et s'écraser dans l'herbe à éléphant. Pendant que nous, nous organisons l'aumônier (le père Chevalier) récite la prière des morts sur les tombes fraîchement creusées .Sur le piton en face, distant de moins d'un kilomètre nous apercevons les Viets qui emmènent des prisonniers, les mains liées dans le dos Le commandant Guiraud a donné ses ordres pour le décrochage : « repli à 12 heures point de recueil prévu. Dans l'ordre :Verguet,Cabiro ,Martin, Brandon ». A 11h 50 profitant du départ du Morane d'observation, d'interminables colonnes viets débouchent en rangs serrés des hauteurs qui dominent la piste Pavie. Ils sont des milliers qui dévalent en toute sécurité des pitons situés à vue des positions du BEP. L'occasion est trop belle pour leur rappeler qu'ils ne sont pas encore les maîtres du terrain. Ils sont juste en limite de portée des 155 du camp retranché. Les premiers obus surprennent les bo-dois et bientôt, un tir des plus efficaces sème la mort parmi les colonnes. Les bawouans sont vengés par ce déluge d'acier et de feu. 12h00 : les unités entament leur repli. L'arrière-garde est au contact. La compagnie Cabiro quitte son piton au moment où les Viets débouchent sur le sommet. Les légionnaires dévalent les pentes ; les mitrailleuses du lieutenant Roux tirant juste derrière eux. Le BEP manoeuvre en « perroquet ». C'est maintenant au tour de Brandon de se replier. Les Viets essaient de s'infiltrer entre les compagnies. Au pas de charge, sans s'arrêter, les légionnaires vident leurs chargeurs ; à son tour, Brandon s'installe pour porter un coup d'arrêt. Le PC qui vient d'arriver sur le piton tenu par la compagnie Verguet, demande l'intervention de l'aviation et annonce que le Morane d'observation a été touché par la chasse ! Le Morane de relève est abattu à 16 heures par la DCA viet qui contrarie très sérieusement l'activité de la chasse du camp retranché. Petit À Petit, les unités se regroupent sur le Pu-Ya-Tao. Les légionnaires arrivent essoufflés par cette véritable course contre la mort. C'est le moment de dénombrer les effectifs. Le commandant Guiraud s'inquiète au sujet de la compagnie Brandon. Aucune liaison n'est établie. Les Viets s'enhardissent de plus en plus, tâtant le dispositif Verguet. Soudain, une vive fusillade. Ce ne sont pas les hommes de Brandon, mais les bo-doïs qui se ruent à l'assaut du bataillon. Pensant que les légionnaires parachutistes sont en train de se replier, ils prennent peu de précautions. Une erreur qui est fatale à bon nombre d'entre eux. Un calme trompeur, ponctué de coups de feu isolés tombe sur la montagne. Mais on est toujours sans nouvelles de la 2e compagnie. "Ils arrivent !" - crie un guetteur. Effectivement, une colonne de légionnaires débouche sur le Pu-Ya-Tao. Brandon est en tête de ses hommes. Il n'y a qu'à voir l'état des légionnaires pour se douter de quel enfer ils reviennent. Les treillis sont en loques, tous ont les bras, les jambes, le visage ensanglantés par les herbes coupantes et les branches épineuses. Harassés, les légionnaires s'abattent sur le sol pour un court moment de répit. Brandon explique qu'au moment où il faisait décrocher sa section vietnamienne une nuée de Viets s'est ruée sur eux pour couper la compagnie du gros du bataillon. Les vietnamiens se sont affolés, laissant la maîtrise de la piste aux Viets, ce qui leur a permis d'empêcher les sections de monter sur le Pu-Ya-Tao. Beaucoup de légionnaires ont préféré basculer dans la jungle, par petits groupes ou individuellement. L'exploit du sergent-chef GrimaultGrimault est de ces sous-officiers dont on a l'impression qu'ils ont toujours fait partie du cirque », écrit Pierre Sergent pourtant, il est jeune et n'a pas encore dix ans de service quand il signe son exploit du Pu-Ya-Tao. Mais sa légende est déjà bien établie parmi les légionnaires parachutistes. Engagé le 2 mars 1945, il termine la guerre dans les rangs du RMLE. C'est en Indochine, à Huong-Diem, le 6 mai 1946, que le jeune Grimault subit son baptême du feu. Pour son troisième séjour en Extrême-Orient, Grimault décide de se faire breveter parachutiste. Affecté au ler BEP, il est de tous les coups durs du bataillon : plaine des Jarres, Laos, Centre-Annam, jusqu'à ce 14 décembre, où il est seul au milieu des Viets. Isolé au milieu des morts et des agonisants, entouré par les Viets, il lui faut rapidement quitter les lieux s'il ne veut pas être exécuté. S'étant éloigné, il s'emploie à modifier sa tenue, sa petite taille lui permettant d'obtenir une très convenable silhouette de bo-doïs dans l'obscurité. II compte se faufiler entre les unités viets pour rejoindre Diên Biên Phu à la faveur de la nuit. Il s'approche très discrètement d'une formation qui s'apprête à faire mouvement. A peine les bo-doïs se sont-ils mis en marche qu'il emboîte le pas à distance respectueuse. Déjà une autre unité s'approche. Jouant habilement des distances, Grimault marche de concert avec les Viets. Ceux de tête le prenant pour le premier de la colonne suivante et les autres inversement pour un traînard de la colonne précédente. Le silence absolu dont font preuve les bo-doïs facilite grandement les choses. Le sergent-chef s'arrête en même temps que les autres, relayant le geste du Viet qui le précède. Après des heures de tension insoutenable, il arrive enfin dans la cuvette, choisit un embranchement de boyau pour fausser compagnie aux Viets et rejoint le ler BEP où on le croyait mort. Le sergent-chef Grimault sera tué au cours de la bataille. Finalement, les Viets, copieusement arrosés de napalm lâchent prise. Un Dakota parachute un complément de munitions, tandis que des hélicoptères évacuent les blessés sur l'antenne chirurgicale du commandant Grauwin. A 18h30, les Viets rompent le contact. Le commandant Guiraud fait le décompte des pertes : 28 morts et disparus, 24 blessés graves, des armes endommagées, des postes radio détruits... A lui seul, Brandon totalise une quarantaine de pertes ! A 20 heures, le 5e Bawouans décroche. Après avoir brûlé les parachutes de ravitaillement, le ler BEP décroche à son tour. Le 15 décembre, les derniers éléments du GAP 2 sont à l'abri dans le camp retranché. La reconnaissance en profondeur s'est soldée par un échec. La preuve est faite qu'il n'est pas possible de maintenir des troupes régulières au sein du dispositif vietminh. Le même jour, sur le terrain d'atterrissage remis en état par des équipes spécialisées du Génie Légion renforcées par les légionnaires et les paras, se posent les premiers éléments du G.M9, principalement composé par les 1er et 3ème bataillon de la 13ème Demi-Brigade de Légion Etrangère. Dix jours plus tard, alors que le ler BEP est envoyé a la frontière du Laos pour assurer la liaison avec un groupement mobile venu du Haut-Mékong ,vallée de la Nam-Ou (opération Régates), un nouveau bataillon rallie le camp retranché : c'est le 3/3ème Regiment Etranger d'Infanterie , destiné à étoffer la garnison d'Isabelle, un point d'appui indépendant, «établi à six kilomètres autour d'une batterie d'artillerie qui doit appuyer au plus près les collines du réduit central ». Pour son appui direct, le centre de Diên Biên Phu dispose en effet de 10 chars moyens "Chaffee", qui ont été montés en un temps record par la CRALE. Dès les premiers jours de janvier 1954, le 1/2ème Etanger d'infanterie se pose à Diên Biên Phu. Il entame aussitôt Ia construction du PA Huguette dont la mission consiste a couvrir, face à l'ouest, la piste d'atterrissage. Il est rejoint dans le courant du mois par des éléments du 2/3e REI et par la CCS du 3e Etranger. A la fin du mois de janvier, si l'on compte aussi Ies trois compagnies de mortiers lourds du 1er BEP, du 2ème, du 5e REI, l'effectif légionnaire présent à Dien-Bien Phu avoisine les 4000 hommes, soit le tiers de l'effectif engagé en Extrême-Orient. Au début de l'année 1954, lors des reconnaissances vers le sud et le Laos, le scénario est identique a celui de l'opération Pollux. Le lieutenant Nomura du ler BEP se souvient de la sortie du 12 janvier vers Isabelle qui a déjà été harcelée par l'artillerie vers le sud : « Départ de nuit à 4 heures afin d'être en place au lever du jour après avoir suivi la piste dite du "bulldozer". Le mouvement est effectué par le 5eBPVN et le 1er BEP aux ordres du capitaine Vieules, ce jour là. Ce groupement est commandé par le chef de bataillon de Seguin-Pazzis. A 13h30, la 3e compagnie atteint Ban-Huoî--Phüc , abandonné comme les autres villages. Le lieutenant Brandon avance dans une échancrure de la végétation, la boussole dans la main gauche pour faire le point. Une balle fait sauter la boussole, blesse Brandon à la main, endommageant son alliance. Les Viets ouvrent un feu nourri et blessent le légionnaire Brack de la première section. Rapidement dévoilé, le dispositif VM paraît constitué d'un élément assez léger dans la rizière, à petite distance, appuyé par ce qui doit être une grosse compagnie tapie sur les flancs de la colline située à 400 mètres et plus de nous. Les 57 SR s'occupent aussitôt de cet objectif éloigné, tandis que 3e compagnie fonce avec la « 2 » pour nettoyer la rizière. La « 4 » se tient prête à manoeuvrer par la droite où l'on décèle quelques mouvements. Les Viets de la rizière sont submergés et laissent armes et tués sur place.La section Bertrand récupère quelques armes. Le bilan de cette sortie se chiffre du côté Viet par 16 tués, un prisonnier blessé, un FM, 4 PM, 7 fusils, ainsi que des documents saisis ; du côté du bataillon on compte 5 tués, dont le sous-lieutenant Nénert, 33 blessés, dont 5 officiers : Brandon, Luciani, Martin, Roux, Thibout, et 2 sous-officiers : sergent-chef Lemaire et sergent Lemahieu. Inexorablement l'étau se resserre. Déjà sur les points d'appuis on perçoit le grouillement des régiments viets autour des positions. Dès la sortie des chicanes, pratiquement, l'accrochage est inévitable. Les reconnaissances offensives vers les montagnes de l'est sont de plus en plus meurtrières. Le capitaine Cabiro, est grièvement blessé lors de la sortie du 5 mars qui a pour objectif la cote 781 : Vers 10h30, nous dépassons la compagnie Verguet qui s'installe en recueil, écrira plus tard le commandant Cabiro. La section du lieutenant Bertrand en tête, nous atteignons vingt minutes plus tard, sans encombre, le petit col qui surplombe d'une soixantaine de mètres le piton boisé de 781 — rudement escarpé le frère, surtout de face ! — un peu plus accessible par la droite, mais très inquiétant, comme le silence oppressant, palpable, qui nous entoure... Par la droite, encore que nous soyons un jour impair, la Section du lieutenant Bertrand, flanquée de celle du chef Sterlay, collant au plus près des éclatements, commence à grimper le raidillon, ils vont attaquer à mi-pente. Pierre Schoendoerffer, flanqué de son inséparable Perraud — les voilà encore ces deux-là ! — filme impavide le déroulement de la progression. D'un seul coup tout s'embrase : obus, rafales, grenades... Des légionnaires tombent, les autres, par bonds, de rocher en rocher, d'arbre en arbre, s'infiltrent, empoignant le Viet au corps à corps ; des blockhaus invisibles à quinze mètres se dévoilent brutalement. J'envoie le sous-lieutenant Boisbouvier déborder par la gauche ; lui aussi, balayé à mi-pente, blessé, ensanglanté, entraîne irrésistiblement ses légionnaires. A droite, à gauche, c'est bloqué. Il ne reste plus qu'à aborder de face. J'y vais avec le commandement ; c'est pire qu'au Garigliano ! Tout près de moi, Martin, blessé au bras, continue de s'expliquer à la mitraillette avec un de ses vis-à-vis et l'abat. Une brûlure fulgurante à la jambe droite, je fais deux ou trois pas en marchant sur mon tibia et m'écroule ; ma jambe est cisaillée entre la cheville et le genou. A quelques mètres au-dessus, Bertrand, Sterley et Boisbouvier vont peut-être coiffer le sommet maintenant tout proche. Je passe par radio le commandement à Bertrand, Martin m'envoie bouler au pied du piton où mon ordonnance et deux de ses camarades tentent de me traîner à l'abri. Une autre grenade, nous serons à nouveau touchés, tous les trois. A vingt mètres, Schoendoerffer, miraculeusement indemne, filme toujours. Beres, légèrement atteint n'a presque plus de munitions. Dans un brouillard, j'entends Bertrand qui me confirme qu'ils ont coiffé le piton, mais n'ont pu s'y maintenir faute d'effectifs. Les Viets groggys ne les ont pas contre-attaqués ni poursuivis. » C'est aussi à la fin de janvier que la garnison attend l'affrontement. Le 15 janvier, pour la première fois, une salve d'obus s'écrase sur la piste d'aviation. Celui que l'on surnomme bien vite le « canon jap » vient de se manifester. Pendant deux mois, tous les jours impairs, ses obus rappelleront son" bon souvenir" à la garnison. Malgré les bombardements intensifs sur le site présumé de sa position, malgré aussi les opérations terrestres montées en direction des collines de l'est, il poursuivra sa sinistre nistre besogne, fauchant les imprudents pris sous son tir. Pendant tout le mois de février, tous les bataillons d'intervention du camp retranché, parmi lesquels le ler BEP et le 1/3e REI, aidés par des bataillons implantés, dont les 3/3e REI et 1/2e REI tenteront de venir à bout de cette pièce. En vain. Bien au contraire, chaque fois, les unités avancées sont immédiatement contre-attaquées par des effectifs nombreux et fanatisés. En face des quelques compagnies françaises, Giap, qui méprise les pertes, aligne des régiments complets de la 312, qui a rejoint le siège, ou de la 316. II est vraisemblable que ce « canon jap » n'était que la pièce directrice de chacune des batteries viets chargées d'accrocher le tir en vue de l'attaque. Au PC du colonel de Castries, on finit par renoncer à ces sorties trop coûteuses au regard des résultats obtenus. D'autant plus, qu'à la fin du mois de février, d'autres sujets de préoccupation assaillent le commandement. En effet, à proximité des points d'appui les plus excentrés,Gabrielle au nord (5/7e RTA) ou Béatrice au nord-est (3/13e DBLE), les Viets montrent une activité fébrile, creusant des tranchées,implantant des casemates, certaines d'entre-elles en vue directes des créneaux français. Tout indique un siège en règle, l'amorce d'une asphyxie de ces positions. Dès le début du mois de mars, quotidiennement et à tour de rôle, les unités d'interventions (1 er BEP ou 8e Choc) iront ainsi détruire les sapes, combler boyaux et tranchées aménagés durant la nuit. Ces opérations, relativement aisées au début, vont devenir de plus en plus ardues, pour être franchement hasardeuses, voire impossibles, à quelques jours de l'attaque. Le 11 mars par exemple, il faut l'intervention supplémentaire de deux compagnies pour dégager le 3e Tirailleurs, durement accroché à moins de 50 mètres des avant-postes de Béatrice. Ces deux compagnies du BEP sont même contre-attaquées par un bataillon ennemi appuyé par des mortiers et des mitrailleuses lourdes. Ce même jour, "le jap " détruit au sol un C 82 Fairchild Packett L'attaque est proche? « C'est pour demain » Le 12 mars au PC du GM 9, le téléphone grésille : c'est de Castries qui prévient le lieutenant Gaucher, chef de corps 13e DBLE et commandant le mobile que l'attaque est « pour demain 17 heures ». Il est 17 heures, ce 13 mars. Sur les positions de Béatrice, 450 légionnaires du 3/13 commandées par le chef de bataillon Pégot attendent l'assaut. Le matin, ils savent qu'ils auront à Legion Etrangere - Indochine - Dien bien phusupporter le premier choc de la bataille et se préparent à affronter 9000 bo-doïs des TD 141, 209 et 165 qui constituent la division 312. Le bataillon est solide, même si son effectif est au plus bas. Les quatre compagnies qui le composent ne comportent en moyenne que 85 gradés et légionnaires aux ordres d'un seul officier. Les sections sont commandées par des sergents plus rarement par des sergents-chefs. Malgré tout réputation oblige, la position donne une impression de solidité rassurante. Toute la journée du 13 les légionnaires peuvent observer l'adversaire, dont les fantassins se préparent, à moins de 100 mètre des boyaux qui serpentent sur les crêtes voisines, au nord et au sud, et que rien ne vient déranger, ni artillerie, ni aviation. 17h15 pour les uns, 17h18 pour les autres, Béatrice vole en éclats. C'est l'apocalypse. La formidable préparation d'artillerie, durant trois heures, quatre heures? Ces grondements, ces sifflements, ces explosions sourdes, ces déflagrations ce sont des obus, des milliers d'obus de tous calibres, mortiers lourds, canons SKZ de 57 et artillerie de 77 et 105 mm, une gigantesque préparation d'artillerie qui pilonne et dévaste les pc. Plus de 20.000 coups, au cours de la nuit. La 351 ème division lourde a de quoi animer le paysage.Le sergent Kubiak du 3/13e DBLE a vécu cet d'enfer : « C'est alors que, d'un coup, la fin du monde arrive » Il semble que le piton Béatrice "s'envole, réduit en poussière". Tout autour de moi, la terre se soulève, et les légionnaires s'écroulent ça et là, mortellement touchés. Je fonce vers la position que je dois tenir et retrouve tous mes légionnaires déjà prêts à accueillir l'ennemi au cas où il se risquerait à venir jusqu'à nous. Pour l'instant, pas un seul mort parmi eux et cela semble un miracle après tous ceux que je viens de voir tomber en quelques instants. Ce serait vraiment une chance inouïe que cela continue de cette façon. Tout surpris, nous nous demandons où les Viets ont pu prendre tant de canons, capables de déclencher un tir d'artillerie d'une telle puissance. Les obus tombent sans arrêt comme une brusque averse de grêlons meurtriers un soir d'automne. Blockhaus après blockhaus, tranchée par tranchée, tout s'écrase, ensevelissant les hommes et les armes. » Très vite, les pertes sont élevées. Plus grave encore, vers 17h30, un obus à court retard s'enfouit et explose dans l'abri du commandant Pégot qui est tué ainsi que son adjoint, le capitaine Pardi. Le bataillon n'est plus commandé alors que, dans les barbelés où ils se sont glissés, les premiers Viets des compagnies d'assaut ouvrent des passages avec des sortes de bengalore et se lancent à l'attaque. Le tir de préparation viet que le colonel Piroth, commandant l'artillerie du PC.GONO croyait impossible, est levé. Le corps à corps s'engage ; il va durer cinq heures. Deux fois, trois fois, la 9e compagnie du lieutenant Carrière (Béatrice 1) et la 11 ème compagnie du lieutenant Turpin (Béatrice 3) rejettent les Viets au ravin. Deux fois, trois fois, l'artillerie ennemie prend le relai, à peine contre-battue par une artillerie française qui ne peut, et ne pourra pratiquement jamais situer les pièces de la 351. Les légionnaires sont hachés par les obus sur leurs emplacements de Combat ; les sections sont décimées et les pertes Considérables. Partout, les hommes sont au corps à corps : Voilà bientôt quatre heures que nous tirons. A sa demande d'où peuvent-ils bien sortir ? Malgré nos rafales continues et les trous que nous faisons sans cesse dans leurs rangs, les Viets, comme pour nous narguer, continuent d'avancer. Je serre les dents et encourage les légionnaires qui viennent vers moi pour savoir ce qu’ils doivent faire. Un légionnaire est aux prises avec un Viet. N'ayant plus de munitions, il se déchaîne, frappant soudain son adversaire avec sa mitrailleuse. Et pourtant, son bras gauche n'est plus qu'un lambeau de chair sanguinolente, bien près de se détacher du corps. Dans l'ardeur du combat, c'est tout juste s'il ressent son horrible blessure. Il attendra jusqu'à 8 heures du matin avant qu'on puisse l'amputer, au centre du terrain qu'il aura réussi à rejoindre par ses propres moyens Puis à la première contre-attaque, il s'échappera de l'ambulance et mourra en héros après avoir combattu de longues minutes avec son unique bras. » Le sort s'acharne sur la 13e DBLE ; après le commandant Pégot, au coeur même de Diên Biên Phu, un peu avant 20 heures, un autre obus explose dans le blockhaus du colonel Gaucher, commandant le GM 9 et les deux bataillons de la 13e DBLE dont il est le chef de corps. « On ne peut assurer la défense du point d'appui par radio, observe le colonel Gaucher ; il faut désigner un officier pour tâcher de rejoindre Béatrice et en prendre le commandement sous le feu. Je propose que l'on... Il ne peut achever sa phrase. Un obus crève le toit de l'abri, percute le bureau de bois sur lequel il explose. Dans le noir, Van Fleteren écarte la toile de sac qui séparait les deux abris et projette sa lampe électrique autour de lui. Dans la poussière et la fumée, il découvre un spectacle horrible. Le colonel gît sous les débris de son bureau, les membres disloqués, le visage méconnaissable. A ses côtés, les lieutenants Bailly et Bretteville. Le premier est décapité, le second, la poitrine défoncée a été tué sur le coup. Le commandant Martinelli semble sérieusement touché, mais il vit. Seul, presque indemne, le commandant Vadot, protégé par sa position un peu en retrait, a reçu une gerbe de petits éclats dans le thorax. Un quart d'heure après, le colonel mourait. » Sa mort va avoir des conséquences funestes sur le sort de la bataille en cours, tout le système de défense de l'est de Diên Biên Phu étant décapité. Certes, le commandant Vadot, bien que blessé, prend aussitôt le commandement de l'unité, mais la contre-attaque pour dégager Béatrice ne pourra se produire. Béatrice, pendant ce temps, agonise. A 22 heures, le lieutenant Carrière est tué. Ses légionnaires, une poignée de survivants, dont de nombreux blessés, se replient sur ordre, vers les positions de la 12e compagnie du lieutenant Nicolas qui tient Béatrice 2. Pour sa part, le lieutenant Turpin, blessé, est hors d'état d'assurer ses fonctions. A 23 heures, à son tour, la lère compagnie doit céder du terrain. Après cinq heures d'un combat intense, la moitié du PA Béatrice est aux mains des Viets. L'artillerie française, notamment la 2e CMMLE et la CEPML, assurent, depuis les collines de Dominique, des tirs de destruction sur les positions conquises, obligeant les Viets à se regrouper au creux d'un ravin entre Béatrice 1 et Béatrice 3. Là, après une heure de flottement, tous moyens réunis, les régiments 141 et 209 repartent à l'attaque des deux ultimes bastions, Béatrice 2 et Béatrice 4. Pour les contenir, il ne reste plus que des bribes des 9ème et 11 ème compagnies, soit 45 hommes au total et 102 survivants des 12e et 13 ème compagnies. En dépit de leur désespérante infériorité numérique, en dépit aussi du fait qu'il ne reste plus que deux officiers valides, le lieutenant Nicolas et le lieutenant Madelain, commandant la 10e compagnie, la résistance des légionnaires se raidit. A minuit et demi, les sections d'assaut de Giap prennent pied au coeur du dernier bastion. Les légionnaires du 3/13e DBLE se préparent à bien mourir. A deux heure du matin, tout est fini. Les hommes, seuls ou par petits groupes, essaient de quitter ce qui fut Béatrice pour rejoindre Claudine ou Dominique. Parmi eux, le sergent-chef Blayer. « A peine le tir d'artillerie était-il levé que les Viets étaient déjà dans nos barbelés. Je suis allé prendre des ordres, mais le blockhaus du lieutenant Carrière était écroulé par des tirs directs de bazooka ou de SKZ. Le lieutenant lui-même était tué et les commandes des charges défensives hors service. J'ai essayé de prendre contact avec le lieutenant Jego, en vain. Et puis, je me suis retrouvé en face des Viets que j'ai accueillis à coups de "colt". Une grenade m'a explosé entre les jambes. J'ai alors tenté de me frayer un passage de la 10e compagnie où se trouvait aussi le P.C du bataillon. Au passage, j'ai récupéré Quinard Mercks et quelques légionnaires. La liaison fut difficile il y avait peu de communications entre les pitons et les barbelés qui nous gênaient. Mais nous sommes quand même arrivés à temps pour épauler les derniers défenseurs de la 10e compagnie, déjà submergés par les vagues d'assaut viets. Alors, nous nous sommes repliés, par la RP 41, vers Dominique. » Les Viets capturent le lieutenant Leude, médecin du 3/13e DBLE, seul debout au milieu des morts et des blessés. De Béatrice ne reviennent que "14 Légionnaires ", tous blessés, et qui, malgré tout, reprendront le combat au sein du 1/13e DBLE. Ils se battront a nouveau pour "Eliane" et pour "Huguette". |
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| Sujet: Re: DIEN BIEN PHU au jour le jour . Dim Avr 20 2014, 20:04 | |
| Suite"La Bataille des collines"Quinze jours ont passé, sinistres, marqués par le malheur. Deux points d'appui ont été encore perdus ou abandonnés aux Viets : Gabrielle, dans la nuit du 14 au 15 mars où ont été anéantis les 800 tirailleurs du 5/7e RTA malgré la contre-attaque de flanc du 1er BEP qui donne un répit à la garnison au prix de fortes pertes, et Anne-Marie, dont les Thaïs ont abandonné les positions sans combat. La CEPML s'emploie au profit des positions attaquées. Mais, repérée par les artilleurs viets, elle perd trois tubes de 120 sous les salves d'obus partant des crêtes environnantes. Le 23 mars, une contre-attaque de grande envergure est lancée sur les positions d'artillerie et de DCA proches du camp retranché. Outre des pièces d'artillerie aussitôt détruites, les Viets laissent sur le terrain plus de 500 morts et comptent environ un millier de blessés. Le 25, Eliane est attaqué par deux bataillons de bo-doïs après une intense préparation d'artillerie. Le centre de résistance changera six fois de main avant que les légionnaires ne parviennent à rejeter l'adversaire. Pas de répit : le 29 mars, c'est l'attaque sur les collines de l'est, Dominique et Eliane. Scénario habituel : préparation d'artillerie, mortiers, puis assaut kamikaze » à 18 heures. Éliane 1 et Dominique 2 tombent ; Dominique 3 et Eliane 2 tiennent bon. Le 30 mars, effectifs et approvisionnements recomposés, Giap repart à l'attaque. En quelques minutes, la 312 conquiert les Dominique, deux pitons qui commandent l'entrée de la position centrale. Plus au sud, la 316 coiffe Eliane 1 et tente l'assaut sur Eliane 2. Normalement, cette position devrait être la plus facile à réduire : c'est le plus petit, le plus étroit des pitons protégeant Diên Biên Phu à l'est. Et pourtant, Eliane 2 ne tombe pas ! Luciani court d'un emplacement à l'autre, écrit Erwan Bergot. Il est partout, il voit tout. Il a installé son PC dans la cave de l'ancienne villa du gouverneur, une sorte de bunker de béton, seule construction de ce type à Diên Biên Phu, avec une porte en fer capable d'arrêter un obus de 105. Il en a fait un fortin redoutable à partir duquel partent sans cesse des contre-attaques menées par sa dernière section de réserve, celle de Dumont, un jeune sous-lieutenant pour qui c'est le baptême du feu... Au milieu du fracas des grenades, de l'aboiement des mitraillettes, des cris éclatent, tout proches? Les Viets. Ils se sont infiltrés à la charnière des sections. Ils débordent la section Falsetti. De trou en trou, ils progressent comme des crabes, nettoient les résistances, entament leur montée jusqu'à portée de voix du blockhaus d'Eliane 2... ». L'irrésistible pression des Viets dynamisés par les victoires sur les collines de l'est est brutale. Stoppée par l'acharnement d'une poignée de légionnaires du 1er BEP, envoyés à l'ultime seconde renfort des Marocains d'Eliane 2. On leur a dit de tenir et de s'accrocher, ils font école chez les Marocains .Ils tiennent grâce à l'énergie du lieutenant Luciani, de ses chefs de section, Rolin, Lemahieu, Falsetti ,Dumont, Romanzin. Toute la nuit, à un contre cent les légionnaires ne cèdent pas un pouce de terrain Ils font même mieux : alors que le TD 98 essaie de s'infiltrer entre les pentes d'Eliane et le Mont Chauve, Rolin contre-attaque avec une vingtaine de survivants et les rejette hors des barbelés. La bataille pour Eliane 2 vient de commencer. Elle va durer sans interruption pendant 107 heures. Bigeard, commande les contre-attaques défie Giap et donne la priorité absolue à Eliane 2. Le 3 avril au soir, le capitaine Rastouil, qui commande Huguette 6, signale que les Viets sont alignés, en face de lui, prêts pour l'attaque. Il demande des renforts. En vain, les renforts meurent sur Eliane. Un message ne laisse guère de doute : "Tenez jusqu'au bout, sans espoir d'être secourus" Face à deux régiments de la 308, la vieille garde de Giap, Rastouil ne peut opposer que 86 gradés et légionnaires. A la nuit, la bataille s'engage, féroce, inexpiable. De temps à autre, Rastouil obtient quelques maigres appuis d'artillerie, mais déjà au PC, Langlais a fait son deuil de la position. Au matin, le PC s'informe. Rastouil est épuisé, mais sa voix vibre quand il répond, laconique : « Huguette 6 est encore à nous >>. En entendant la voix de son capitaine, le chef de bataillon Clémençon, patron du 1/2e REI adresse un sourire empreint de fierté au lieutenant-colonel chargé de la défense de Diên Biên Phu. Ce dernier lui donne l'assurance qu'Huguette 6 sera défendue. Deux nuits encore, le point d'appui est attaqué. Sur le point d'être submergé, Rastouil lance sa dernière section réservée, celle du lieutenant François, jeune saint-cyrien qui se révèle un extraordinaire combattant. Aux côtés des vieux briscards comme Blayer, rescapé de Béatrice et de Weber, que les Viets laissent pour mort et qui ne devra la vie qu'à la fidélité d'un P.I.M. Le jeune officier se bat comme un lion et parveint a repousser les Viets. A l'aube, les renforts arrivent : une compagnie du 1er RCP commandée par le capitaine Clédic, une légende de la guerre d'Indochine. Paras et légionnaires culbutent le régiment viet et le bloquent dans barbelés où l'artillerie le décime. On relèvera 800 cadavres viets sur le glacis du point d’appui. La nuit encore, la division repartira à l'assaut, une grave crise morale atteint les bo-doïs . Le 6 afin de préserver ses effectifs, Giap renonce aux attaques frontales. Il leur préférera la lente progression par des boyaux que creusent des armées de coolies décimées par l'artillerie française, mais toutes renouvelées. L'asphyxie des Huguettes commence elle ne s'interrompra plus. Le répit aura été de courte durée. Le 10 avril Bigeard réussit à reprendre Eliane 1, mais les Viets attaquent. Il faut des renforts. Deux compagnies du ler BEP — celles du capitaine Martin et du capitaine Brandon — montent à l'assaut en chantant le chant du bataillon : "Contre les Viets." Survoltés, les bawouans des compagnies Guilleminot et Pham du 5e BPVN, talonnent les légionnaires et se ruent sur les Viets en chantant La Marseillaise. Dans le même temps, la 10e compagnie du capitaine Philippe , renforce la 4e compagnie du 1/2e REI commandée par le lieutenant Bourges sur Huguette 1. La position commençait à être investie par des tranchées VM venant de l'ouest, précise le Général Philippe. Chaque jour, les éléments du 1/2REI entreprenaient des interventions armées de protection des travailleurs pour reboucher les tranchées Véritables opérations de détail menées bien souvent avec le concours des chars et de l'artillerie. Le 11 avril, au nord d'Huguette 1, avec un renfort de la 1ère section de la 10e compagnie, du 1/2 ème RE Ie lieutenant Legros tente d'ailleurs d'aller combler une fois de plus les tranchées qui, chaque nuit, progressent vers les points d'appui. Elle est attaquée violemment par un ennemi nombreux et agressif. Alerté par le commandant du 1/2e REI de la gravité de la situation le restant de la 10e compagnie , des éléments du 1/2e REI appuyés par deux chars et l'artillerie contre-attaquent . Les pertes sont sévères notamment le lieutenant Legros et une partie de la section sont portés disparus... La contre-attaque a dépassé le lieu de l'accrochage de plus de cent mètres . Les tranchées V-Minh ont été nettoyées, occupées, fouillées, aucune trace des disparus. La bataille pour Huguette 1 se poursuivra jusqu'au 23 Avrils et la relève par la 4 ème compagnie du 1/13eme DBLE faite de coups de main, d'attaques et de contre-attaques, d'opérations de ravitaillement et de comblement des tranchées que creusent inlassablement les Viets . Le 10 avril, puis dans la nuit du 11 au 12 un nouveau bataillon de Légion est parachuté sur Dien-Bien-Phu par petits paquets. IL s'agit du 2ème BEP du Commandant Liesenfelt . Ses pertes sont sévères dès qu'il touche le sol . Le Major Mallet se souvient de ce saut "Sergent-chef a la la section des transmissions du 2ème BEP, j'ai sauté sur Dien-Bien-Phu dans la nuit du 9 au 10 avril 1954. Pris a partie par la DCA, notre avion a du faire deux passages... Le major Mallet, alors transmetteur au 2e BEP. A la tête du deuxième stick. Accueilli par des légionnaires du 1/13e DBLE en limite des barbelés de Claudine, je fus dirigé sur le lieu de regroupement du PC et de la CCB dans les tranchées du 8e BPC. Toute la nuit j'écoutai avec surprise et inquiétude le bruit incessant des mortiers et de l'artillerie viets. Bien qu'en Extrême-Orient depuis juin 1951, c'était la première fois que je me trouvais pris sous un tel déluge de feu. La nuit suivante, le PC et le reste de la CCB nous rejoint. Le lendemain, le groupe de protection du sergent Braun était entièrement anéanti par un seul obus alors qu'il se regroupait dans un ancien emplacement de mortier. » A peine au sol, les deux premières compagnies sont engagées dans un combat très dur sur les pentes d'Eliane 1. Eliane 1 est un objectif important en l'état de la bataille, une position décisive pour qui la tient. Les Viets le savent et, dès le soir du 11 avril, ils repartent à l'assaut des deux maigres compagnies chargées de tenir la position. En clair, Charles et Minaud, les deux capitaines appellent à l'aide ; tout ce que Diên Biên Phu compte de volontaires « disponibles » et aptes à combattre se rue à la rescousse. Les compagnies Pétré et Lecour-Grandmaison du 2e BEP s'élancent en tête. A minuit, les derniers Viets se retirent du sommet. Pour les Français, la reprise d'Eliane 1 constitue un succès, même si, pour conserver le PA, les unités de parachutistes et de Légion qui s'y succèdent, fondent comme neige au soleil tant les combats, les escarmouches, les accrochages y sont nombreux, quotidiens et acharnés. Acharnés aussi les accrochages pour ravitailler Huguette 6 toujours isolé en bout de terrain. Il s'avère bientôt évident qu'il sera bientôt impossible d'effectuer même la liaison indispensable à la survie matérielle des quelques légionnaires encore vivants, cramponnés à leurs blockhaus en ruine. Le 15 avril, la mort dans l'âme, le colonel Langlais donne l'ordre d'évacuer ce point d'appui. Mais en dépit des efforts consentis par ceux qui ont la charge de recueillir les assiégés d'Huguette 6, l'évacuation ne peut être réalisée. Alors, le capitaine Bizard, ses parachutistes et les légionnaires comprennent que le salut ne peut venir que d'eux-mêmes. Il faut ou se rendre, ou tenter une sortie ; percer le dispositif viet, se replier avec leurs seuls moyens. Bigeard n'hésite pas. Il donne ses ordres et, à son signal, tous sortent de leurs trous, bousculent les Viets surpris, font éclater l'étau et se lancent dans une course folle et meurtrière vers les lignes amies, cinq cents mètres au sud. Quand on fera le bilan des pertes, il s'avérera très lourd sur 300 légionnaires et parachutistes qui ont tenu Huguette 6, 106 ont été tués, 49 blessés et 79 ont disparu au cours de l'ultime percée. La perte de cette nouvelle position économise certes des vies humaines inutilement sacrifiées. Mais elle permet aux Viets de faire un bond en avant de près de 400 mètres en direction du réduit central. Autant dire que la moitié nord de la piste d'aviation est irrémédiablement aux mains des Viets et que le problèmes posés par le parachutage du ravitaillement compliquent au point de devenir insolubles à partir du 15 avril, 30% du matériel tombe périmètre défendu par les Français. Du 16 au 18 avril, des avions larguent les volontaires et parmi eux, nombreux sont les légionnaires , des unités du Tonkin qui, fièrement, disent aux assiégés dont ils vont partager le destin Quand le commandement a demandé des volontaires pour être parachutés, tous les bataillons Légion ont répondu : Bataillon "au complet prêt pour sauter". Ces derniers proviennent essentiellement des 3e et 5e Etranger " Après un entraînement sommaire", une dernière soirée en ville et les provisions de cigarettes et de cognac pour les copains qu'on va retrouver dans la cuvette, direction Gia-Lam ou les Dakotas attendent. Le sergent-chef Dupont s'équipe et embarque pour son premier saut : Dans l'avion, à la porte, un connard hésite . La DCA ennemie, bien réveillée cette fois, crache de tous ses tubes. Explosions traçantes, gerbes, étincelles, la carcasse métallique vibrait. Les yeux fixés sur la lampe. Clignotement. Go ! La gaine, poussée, bascula, Maurice sautait, je fonçais derrière lui, un pied dérapant à peine de Choc à l'ouverture, puis impression de douceur, de balançoire. Je regardais la corolle au-dessus émerveillé et satisfait d'apercevoir celle des copains, mais elles étaient illuminées par une luciole, fruit sans doute de la fatigue d'une sentinelle saisie par la brusque violence de l'artillerie antiaérienne. Les traçantes montaient lentement vers moi, boules roses d'une grande intensité lumineuse, s'accélérant a mon approche et me croisaient à une vitesse folle ; Vu d'en haut, avec une inconscience toute passagère, c'était un spectacle "son et lumière" tout à fait irrationnel. "Et qui est là pour m'accueillir ? FALSETTI, qui apprécie ma bonne bouteille ! Les renforts sont embrigadés immédiatement, pas de répit pour eux. La bataille c'est tout de suite. L'effort ennemi porte maintenant sur Huguette 1 qui se trouve désormais en première ligne l'investissement de la position commence aussitôt , de jour en jour, les progrès des circonvallations se rapprochent du PA. Si le 15 avril, pour ravitailler les légionnaires de Rastouil, une section de 60 PIM était suffisante, deux jours plus tard, Huguette 1 est inabordable même avec une compagnie. Par radio, Rastouil, qui ne dispose plus que d'une poignée de légionnaires, demande des renforts. Pour l'Etat-Major, Huguette 1 est le PA de la dernière chance, si il tombe, les Viets ne seront plus qu'à 800 mètres du centre de Diên Biên Phu. Interrogé, le commandant Clémençon montre l'état de ses effectifs squelettiques, et de plus, grevés par la nécessité de tenir les trois derniers Huguette. Alors, on adresse a Vadot le commandant de la 13 Demi-Brigade de Légion-Etrangère, en fait un seul bataillon, déja bien entamé.Vadot désigne la 4ème Compagnie du capitaine Chevalier. A l'aube du 17 avril, Chevallier se glisse, par les tranchées d'accès à la hauteur d'Huguette 3, au sud de objectif. Il aura environ 300 mètres de glacis à franchir à découvert, avant d'aborder les premiers blokhaus ennemis, qu'il lui faudra détruire pour sauter dans les barbelés d'Huguette 1 et s'y enfermer. Ses Légionnaires sont calmes et décidés. En plus de leur armement, de leurs munitions, ils transportent aussi des jerrycans d'eau potable : ils savent qu'une fois sur place, ils ne devront plus compter que sur eux-mêmes. L'attaque démarre, précédée d'un tir d'artillerie. Très vite, les légionnaires de la « 4 » sont au contact. Il ne leur faut pas moins de trois heures pour percer les lignes adverses, faire sauter les blockhaus, et contraindre les bo-doïs à livrer le passage. A 10 heures du matin seulement, après quatre heures d'effort, les premiers éclaireurs du capitaine Chevalier parviennent auprès de leurs camarades du 1/2e REI. Ceux-ci entament aussitôt leur repli, ils n'arriveront au réduit central qu'au milieu de la nuit en ayant subi de nouvelles pertes. De son côté, la 4e compagnie s'organise. Les Viets ne laissent aucun répit aux légionnaires qui défendent leur vie. Dès la tombée du jour, les premières sections ennemies sont à pied d'oeuvre, à vue directe. Ils ne montent pas à l'assaut, ils creusent, comme en 1916. Un travail acharné, méthodique de taupes laborieuses ; les boyaux avancent inexorablement. Ils passent sous les réseaux de barbelés, ils disparaissent brusquement pour s'ouvrir dans le flanc même des tranchées françaises. Les Viets surgissent alors comme les rats d'une tuyauterie crevée. Ils sortent par dizaines, de tous côtés à la fois. Un rescapé, "le seul", Joseph Unterleschner, racontera que toutes les nuits, les légionnaires avaient l'impression d'être englués dans une marée humaine. Alors, Chevallier, chaque fois qu'il le peut, demande à l'artillerie, aux mortiers lourds de la Légion d'expédier leurs tirs en limite de périmètre, transgressant allégrement le règlement de l'artillerie qui interdit les tirs à moins de 400 mètres des positions ennemies. Mais Diên Biên Phu n'avait pas été prévu par les manuels ! Tous les matins, jusqu'au 22 avril, le colonel de Castries qui va devenir général dans les prochaines heures s'informe de la situation du capitaine Chevallier et de sa 4e compagnie. Et tous les matins, la réponse est la même : "Chevallier tient toujours". Il tient sans vivres, sans eau, sans ravitaillement d'aucune sorte. A Dien Bien Phu, sur, les pitons d'alentour, la résistance des 40 survivants de la 4e compagnie prend figure de symbole. Elle résume à elle seule l'opiniâtreté des défenseurs du camp retranché. Souvent, dans la journée, par radio, les compagnies des deux BEP qui luttent pied à pied sur les Éliane envoient leurs encouragements aux légionnaires de Chevallier. Tous les soirs lorsque tombe la nuit, les Viets sortent de leurs trous. Pour lutter contre eux, les défenseurs ont mis au point une tactique : ils tuent le premier, lui prennent ses grenades, des engins chinois enrobés de plastic et pourvu d'un manche, et l'enfournent dans le trou avant de faire sauter le tout. Pulvérisé par les mines, les obus, les explosions, le sol de Huguette 1 est devenu comme une surface mouvante où l'on s'enfonce dans la boue jusqu'aux chevilles. C'est dans ce bourbier que, trois jours encore, jusqu'au 22 avril au soir, les survivants de la 4e compagnie du 1/13e DBLE vont se battre jusqu'au dernier. Le 22 avril, à 23 heures, le poste de radio cesse brusquement d'émettre. Sans eau, sans vivres, sans munitions, Chevallier et ses hommes ont tenu six jours et sept nuits face à trois bataillons ennemis relevés tous les jours. Toute la nuit, Vadot et Langlais ont espéré, attendu, souhaité un signe indiquant que rien n'est perdu. Rien ne s'est produit, hormis, au petit matin, le retour d'un légionnaire. Un seul. Il s'appelait Unterleschner. Au général de Castries, qui a tenu à l'interroger, il a raconté qu'Huguette 1 n'a pas été submergé par une attaque générale, mais miné de toutes parts, le point d'appui a sombré quand le colmatage des sapes n'a plus été possible. Les défenseurs ont été noyés par le flot des assaillants. La dernière image qu'il a retenue fut celle de son capitaine seul, debout, sur le toit de son PC, englouti sous un amas d'uniformes noirs, comme un commandant de navire sombrant en haute mer. A l'aube, le colonel Langlais a convoqué le commandant Liesenfelt. Dernier arrivé des unités parachutistes, le 2e BEP parait moins éprouvé que les autres unités parachutistes et c'est pour cette raison qu'on lui demande de reconquérir la position perdue. Si on ne récupère pas Huguette 1, dans moins de trois jours, les Viets seront aux portes du réduit central. D'un commun accord, Liesenfelt et Langlais conviennent que l'heure H sera fonction de l'appui aérien. Mais auparavant, il faut rassembler le bataillon, éparpillé sur de nombreuses positions. En fait, la relève du 2e BEP concerne 14 compagnies ! Par ailleurs, tout déplacement en dehors des tranchées étant pratiquement impossible, et déconseillé en plein jour, les délais d'acheminements deviennent importants. Pour couvrir par exemple la distance qui la sépare de sa base d'attaque, la 5e compagnie, partie d'Eliane 2 à 10 heures et demie du matin se regroupera sur Huguette 2 à 13H30. La 6e compagnie, qui n'a été relevée qu'à partir de 13 heures, ne sera regroupée sur ses positions d'assaut qu'à 16 heures ! Malheureusement, le commandant Liesenfelt n'ayant pas été consulté sur les horaires, ce dernier s'aperçoit que le bombardement des B 26 a lieu à 13H00, prématurément. Autant dire qu'il ne sert à rien. L'artillerie se déclenche elle aussi avec une demi-heure d'avance et épuise en moins de cinq minutes la dotation de munitions prévue pour écraser les positions ennemies. Les légionnaires parachutistes vont malgré tout s'élancer à l'attaque ; mais à 14H30, c'est à dire bien après que les Viets, d'abord surpris, aient eu largement le temps de se réorganiser. La 5e compagnie prend pied dans les tranchées à la hauteur d'un Curtiss-commando détruit le 13 mars et constitué depuis le matin en nid de mitrailleuses VM. Pour leur part, les 7e et 8e compagnies tentent de traverser, à découvert, d'est en ouest, la piste d'aviation. Elles éprouvent aussitôt des pertes très sévères ; le lieutenant Garin est blessé, mais, pour éviter aux légionnaires de risquer leur vie en le ramenant, il se tire une balle dans la tête ; le capitaine de Biré est fauché aux jambes, le capitaine Picatto, envoyé pour le remplacer, est tué en arrivant au PC de la compagnie. L'attaque tourne au massacreA 16H30, ordre de repli. A 18 heures, regroupement sur Huguette 2. Effectif de la 6e compagnie 43 Légionnaires. Le lieutenant de Biré est évacué sur l'ACP. Durant le combat, le caporal Zabrowski, les légionnaires Giovatti, Benz, Teichert, Gross, le sergent Czoska, les parachutistes vietnamiens matricule 1510, 1447,et 1461 sont blessés. Le légionnaire Edelmann Le sergent Perrusset et le légionnaire Gonzerowski sont portés disparus. » Alors, la mort dans l'âme, Liesenfelt demande au PC l'autorisation de décrocher sous le parapluie de l'artillerie. Le 2e BEP déjà très éprouvé a 76 tués en quelques heures de combat. Il est, dès le 24 avril, amalgamé aux restes du ler BEP, l'ensemble placé sous les ordres du commandant Guiraud devenant le « Bataillon de marche de parachutistes étrangers». Pendant une semaine encore, la garnison de Biên Phu tente d'endiguer les infiltrations incessantes des boo-doïs de Giap. Il n'y a, à vrai dire, aucune attaque d'envergure, la « bête est encore dangereuse » comme l'affirme le général de la 312, mais un inexorable grignotage qui use les unités et tous les jours un peu plus la liste des tués, encombrant les infirmeries et les tranchées.Depuis le 20 avril, il pleut sur la cuvette de Dien-Bien- Phu où l'eau s'accumule et monte. C'est la pluie implacable de la mousson dans sa régularité annuelle. Mais qui, à la création du camp retranché, pouvait imaginer la durée du siège ? Tous les points d’appui, les centres de résistance sont minés par les eaux. Les cadavres gonflent et se décomposent dans une odeur pestilentielle, les munitions sont humides comme sur la Somme durant la Grande Guerre, les boyaux s'éboulent et les hommes pataugent dans la boue, tandis que gronde le tonnerre de la préparation d'artillerie pour un prochain assaut viet. Camerone arriveFêté un peu partout dans les constances que l'on devine, et se borne à la lecture du récit du combat. Sauf peut-être la 2e compagnie de la 13e DBLE qui parvient à célébrer dignement ce 30 avril en récupérant, au prix d'un bref combat, une boîte de "vinogel" à la barbe des Viets. Curieusement, ces derniers renoncent à attaquer ce jour-là. Ils n'attaqueront pas plus, d'ailleurs le 1 er mai, fête traditionnelle du travail qui verra les tranchées viets se couvrir d'une multitude de drapeaux rouges ,tandis que des hauts parleurs appellent à la reddition et à la paix des peuples. C' est la dernière trêve. En effet, dès le début de la nuit suivante, les trois divisions de Giap lancent l'offensive générale. Quinze jours durant, entre le 15 et le 29 avril, des renforts ont été acheminés à travers les pistes de jungle, vers Diên Biên Phu et les premiers prisonniers capturés aux abords d'Huguette 3 avoueront ne posséder qu'un mois de service dont la majorité de marche. Les troupes vietminh comptent 36 000 fantassins. En face, la garnison ne peut en aligner que dix fois moins dont à peu près 600 légionnaires. - La 13e DBLE, le 1er et & 3e bataillons confondus en compte 176 - le 1/2e REI, 223 - les deux BEP, 307 - le 3/3e REI présent sur Isabelle, n'est pas inclus dans ce décompte Ils sont répartis, au hasard, dans des positions de groupe, de section, aux abords du réduit central : 75 sur Huguette 3, 93 sur Huguette 2, 118 sur Eliane 10, etc. Pour Giap et son état-major, l'attaque du 1 er mai au soir est l'assaut décisif et, sans aucun doute, les divisions 308, 312 et 316 escomptent-elles parvenir à leur fin avant le jour. Fatale erreur, car dès le 2 mai, l'attaque est contrée sur tous les fronts. Les 2 et 3 mai, c'est presque une accalmie. Durant deux nuits s'opère le largage d'une partie de l'ultime bataillon para, le ler BPC. II ne vient que pour s'engloutir dans la fournaise. Dirigées sur Eliane 2, les 2e et 13e compagnies qui reçoivent la mission de relever !les survivants du 1/13e DBLE, sont accueillies par le commandant Coutant. Il restera pour passer les con signes... et sautera avec la sape de 200 kg d'explosifs creusée sous la colline, s'envelissant avec la compagnie Edme. Les heures sont comptées. Les Viets progressent partout. Le 4 mai à 5 heures du matin, la compagnie Stabenrath du 1 er BEP, qui comprend aussi quelques hommes du 1/2e REI et du peloton d'élèves gradés de la « 13 » est anéantie sur Huguette 3. Le 5 mai, c'est la fin d'Eliane 1 et de Dominique. D'ultimes renforts sautent sur Diên Biên Phu, "pour l'honneur", les copains, la fraternité d'armes. Le 6 mai, le 1/13e DBLE du commandant Coutant se bat sur Eliane 2. Les Viets font sauter une sape sous les pieds des défenseurs après avoir fait donner un concert d'orgues de Staline toutes neuves, lesquelles rappellent à de nombreux légionnaires allemands, dans ce narthex de l'enfer, les pénibles souvenirs d'autres combats tout aussi désespérés. Il n'y a plus rien entre les Viets et le PC GONO. Dans la nuit du 6 au 7 mai, Eliane 2, puis Eliane 10 et 4, les points d'appuis de la plaine, entre collines et rivière, sont submergés à leur tour. A 10 heures du matin, les rares survivants parviennent à franchir la Nam-Youn, avec parmi eux, les légionnaires du sergent Kubiak, l'un des rescapés de la 9e compagnie de Béatrice 1. C'est fini. A 17h30, la garnison de Diên Biên Phu cesse le feu. Un lourd silence s'abat sur la plaine où, pendant 57 jours et 57 nuits les soldats de l'Union française ont lutté héroïquement jusqu'à la mort et où plus de 5 000 légionnaires ont fait face à l'armée du général Giap. Seuls les légionnaires du 3/3e REI, montrant la voie à la garnison du centre de résistance Isabelle, résisteront encore huit longues heures, livrant un dernier combat sans issue à un contre cent. Submergés eux aussi par la masse viet, ils rentreront dans la légende aux côtés de leurs camarades de la portion centrale de Diên Biên Phu. Le centre de résistance Isabelle, chargé de défendre la piste auxiliaire d'aviation et d'appuyer le camp retranché au profit du GONO, constitue une garnison puissante qui a repoussé les assauts viets, certes moins appuyés, pendant toute la bataille. Ce centre de résistance est constitué par quatre points d'appui principaux, disposés en rectangle autour d'un réduit central abritant le PC, l'antenne médico-chirurgicale, les dépôts et les services. Il est situé dans un secteur marécageux sur la rive gauche de la Nam-Youn, avec, sur la rive droite un cinquième PA, Isabelle 5, plus souvent appelé « poste Wiène », du nom du lieutenant qui le commande. Dans sa plus grande longueur, l'ensemble représente moins d'un kilomètre. Son chef, le colonel Lalande, et son adjoint, le commandant Hel, disposent d'une forte garnison composée du 3/3e REI commandé par le chef de bataillon Grand d'Esnon, du 2/1 er RTA, du 3/10e RAC, des 431e, 432e et 434e compagnies de supplétifs thaïs. Au cours de la bataille, la garnison recevra le renfort de 250 Thaïs du BT 3 qui n'ont pas abandonné Anne-Marie, de 150 tirailleurs du 5/7e RTA rescapés de Gabrielle. Avant le déclenchement de la bataille, le 13 mars, les appuis ont été étoffés avec une batterie de 12 tubes de 105 supplémentaires et un peloton de 3 chars Chaffee M 24 commandé par le lieutenant Préaud. A partir de la mi-avril, les Viets se font de plus en plus pressants et, le 29 avril, ils atteignent le premier réseau de barbelés et se préparent à l'assaut. Le 30, ils parviennent au second réseau. Malgré un feu violent, les légionnaires et les tirailleurs tiennent bon : après une contre-attaque rageuse, ils nettoient et rebouchent les tranchées. Mais un nouvel assaut massif se prépare. Vers 16 heures, l'artillerie viet se déchaîne sur tous les PA. Le PA Wiène succombe dans la nuit sous une avalanche de bo-dooïs, le lieutenant Sciauve et toute la petite garnison sont massacrés. Toutefois, le samedi ler mai à l'aube, le capitaine Fournier qui commande la 11 e compagnie du 3/3e REI mène une contre-attaque qui permet de reprendre la position, mais il est blessé à l'épaule gauche. Les jours suivants et jusqu'à la fin, la position mais il est blessé a l'épaule gauche. Les jours suivants et jusqu'a la fin , la position tombera "toutes les nuits"...et sera reprise "tous les matins" occasionant a chaque fois des pertes importantes . Encore quelques jours a ce rhytme , et le PA. Wiène ne compte plus qu'un effectif de 3 compagnies thaïs squelettiques, la section de légionnaires du sous-lieutenant Planet, environ 80 tirailleurs du 7/7e RTA et quelques sous-officiers blessés ou isolés. Ce même 1 er mai, à 21 heures, une terrible préparation d'artillerie viet s'abat sur Isabelle. Les bo-doïs du régiment 57 se jettent sur les défenses ouest. Les mortiers tirent des obus éclairants et l'aviation lâche des paquets de lucioles pour éclairer le champ de bataille. Les B 26 appuient du mieux qu'ils peuvent les défenseurs d'Isabelle en déversant du "napalm" et en larguant de terribles bombes américaines "Hail-Leaflet" bourrées de minuscules harpons aux pointes acérées. Le dimanche 2 mai, à 2 heures du matin, le PA ouest est perdu. A 4 heures, celui de l'est est submergé. La situation est critique. Le colonel Lalande décide de contre-attaquer ; le commandant Hel monte l'opération avec deux compagnies du 3/3e REI : la 9e compagnie du lieutenant Rossini et la 10e compagnie du capitaine Mazaud ; deux compagnies du 2/1er RTA : la 5e compagnie du lieutenant Tymen et la 6e compagnie du capitaine Buchazeau, et le peloton de chars du lieutenant Préaud. A midi, toutes les positions sont reconquises ; les Viets comptent environ une centaine de morts. Dans l'après-midi, les capitaines Carré et Gendre, à la tête d'un détachement de tirailleurs du 5/7e RTA, le capitaine Pigeon, du 2/1er RTA avec la 7e compagnie du lieutenant Choulet partent pour une mission de reconnaissance au sud d'Isabelle pour trouver une sortie possible vers le Laos en suivant le cours de la Nam-Youn vers le sud. Ils ne rencontreront aucune résistance et rentreront sans problème à Isabelle. Le lundi 3 mai, avec le soutien d'une artillerie qui tonne sans arrêt, les assauts en rangs serrés se succèdent, provoquant des pertes de plus en plus lourdes parmi les défenseurs des PA ; les Viets s'infiltrent partout ; ils ne sont repoussés qu'après de furieux corps à corps. Le refus de capituler ou de se laisser anéantir est la seule alternative, le seul choix qui reste aux survivants de pouvoir se dégager en direction de la partie sud-sud-est de la cuvette de Muong-Nha, puis de là, vers Ban-Tha-Mot, Muong-Heup, Muong-Ngoï et Ban-Tha-Khane, avec une zone de recueil dans la région de Muong-Son. Le mardi 4 mai, les Viets continuent leurs tirs de harcèlement. Comme à la portion centrale, les pluies torrentielles détrempent l'ensemble des positions. Sans répit, les légionnaires mènent des attaques contre les tranchées, surtout sur la face ouest du CR. Le mercredi 5 mai, la pluie ne cesse de tomber, favorisant les attaques ininterrompues des Viets qui éprouvent fortement les défenses. Les effectifs diminuent rapidement et les rescapés luttent sans espoir. Le vendredi 7 mai, dans l'après-midi, l'artillerie des deux camps se tait. Les bo-doïs sont imbriqués aux survivants français. Au PC GONO, on se prépare a l'inéluctable. Bigeard et Langlais envisagent la possibilité d'une sortie vers le sud, c'est à dire vers Isabelle qui tient toujours . Mais les hommes sont vidés chances sont faibles. Vers midi, l'observation , profitant d'une accalmie, décèle l'occupation de trois lignes de tranchées coupant la piste et le terrain la séparant d'Isabelle. C'est fini le piège s'est refermé ! Après un échange de messages radio, Cogny ordonne à de Castries : Feu de toutes les armes sur les positions ennemies, jusqu'à épuisement des munitions, destruction des pièces d'artillerie, des appareils de transmissions, des deux chars, et arrêt de toute activité à 17h30. Attendre dans la dignité l'arrivée des Vietminh. Et il ajoute pas de drapeaux blancs, ce que vous avez fait est trop beau. Je répète, pas de drapeau blanc. A 18 heures, l'ennemi déboule de partout des tranchées, dans les positions bouleversées les sapes, les antennes médicales et les hopitaux souterrains , sans réaction de la part de nos unités .Surpris, les Viets se méfient, mais continuent leur progression. Ils comprennent en voyant les hommes sans armes, qui ont rassemblé leurs maigres paquetages . Dans une immense clameur, les bo-doïs submergent Diên Biên Phu ; bientôt, l'emblème vlet flotte sur Eliane. Mais Isabelle n'est pas encore tombé et résiste toujours désespérément. A 17H00, Lalande a reçu le message de Cogny lui demandant ce qu'il envisage pour la nuit à venir. A Isabelle, on n'apprendra Ia chute du camp retranché qu'à 18 heures. Une demi-heure plus tard, l'artillerie viet se déchaîne sur Isabelle et des tirs très violents font sauter les dépôts de munition ,coupent les lignes téléphoniques et mettent le feu à l'antenne chirurgicale. La radio vietminh émet sur la longueur d'onde du centre de résistance, pour conseiller aux défenseurs de se rendre, le reste de la garnison ayant été capturé. "Le Chant des Partisans" fait grincer des dents ceux qui connaissent le rôle du parti communiste français dans la tragédie indochinoise. Toutefois, le drapeau français flotte toujours sur Isabelle et le colonel Lalande peut encore tenter une sortie. A 19 heures, il fait le point de la situation avec le commandant Hel et les commandants de bataillons et les commandants d'unités valides pour déterminer la tactique à adopter pour tenter de s'échapper vers le sud et rejoindre la colonne Crèvecoeur qui doit arriver du Laos. L'armement et le matériel sensible sont détruits ainsi que les codes et les archives. Les hommes conservent les armes collectives et individuelles dotées de deux unités de feu. Le reste est abandonné. Le coeur serré, il faut abandonner les blessés graves à la garde des médecins : le capitaine Calvet et les lieutenants Pons, Rezillot et Algne, et de leurs infirmiers. L'antenne chirurgicale compte Mors 62 blessés couchés et une centaine qui peu-vent tout juste s'asseoir. Le lieutenant Wiène abandonne Isabelle 5 qu'il a tenu jusqu'à la dernière minute et rejoint le gros de la garnison. Puis le colonel Lalande donne son ordre de progression ; la garnison sera scindée en trois groupements : Sous les ordres du commandant Hel, le premier groupe comprend la 12e compagnie du 3/3e REI du capitaine Michaud avec, comme éclaireurs, les rescapés des compagnies thaïs du lieutenant Wiène. Le deuxième groupe, commandé par le chef de bataillon Grand d'Esnon suit avec la 11e compagnie du 3/3e REI, Préaud et ses chasseurs, et les tirailleurs des 2/1 er RTA et 5/7e RTA. Le colonel Lalande quitte Isabelle le dernier à la tête d'un groupe constitué des 9e et 10e compagnies du 3/3e REI et des artilleurs du 3/10e RAC. A 20 heures, guidé par les Thaïs, le premier groupe tente de s'évader par la rive droite de la Nam-Youn en suivant ses méandres. Les liaisons radio sont difficiles et il est impossible de suivre sa progression. Seuls les accrochages permettent de dire qu'il est tombé dans des embuscades. Le commandant Grand d'Esnon suit un itinéraire entre la piste et la rive gauche de la rivière. Vers 21 heures, n'ayant rencontré aucune résistance, on peut penser qu'il a réussi. C'est Camerone !Les Viets sont à moins d'une centaine de mètres des positions et attendent. Ce face à face dure jusqu'à une heure du matin le 8 mai. Un petit groupe de soldats ennemis parlant français demandent à rencontrer le colonel Lalande pour lui signifier que toute résistance est désormais inutile. Plutôt que de risquer un massacre qui n'aurait aucune raison militaire, le colonel accepte de se rendre. A 01 h50, les Viets reviennent en force, investissent la position et capturent les survivants. Le colonel Lalande, les commandants Hel et Grand d'Esnon, ainsi que les officiers valides du 3/3e REI sortent du PC, képi de la Légion sur la tête, sans armes, prêts pour la longue marche qui les mènera au camp n° 41. A 12 000 kilomètres des lieux du désastre, à Sidi Bel Abbès, les jeunes légionnaires du 1er Etranger ont été rassemblés sur la place d'armes, de part et d'autre de la voie sacrée dominée par le monument aux morts. D'une voix qu'il veut ferme, mais qui trahit son émotion, le colonel Gardy lit un communiqué d'une brièveté tragique : Diên Biên Phu vient de tomber. Nous sommes réunis pour rendre hommage au sacrifice de ceux qui sont tombés au cours de cette lutte épique. Nous allons présenter les armes aux drapeaux qui ont disparu dans la bataille. Un silence. Puis, plus forte, la voix s'élève, appelant comme au rapport : Les 1 er et 3e bataillons de la 13e DBLE ; le 3e bataillon du 3e REI, le 1er bataillon du 2e REI, les 1 er et 2e bataillons étrangers de parachutistes... Un silence encore. L'histoire a oublié le sacrifice des Légionnaires Dans une société égoïste entièrement tournée vers elle-même . Le sacrifice de ces Etrangers , Français par le sang versé , et non par le sang reçu s'est dilué dans le temps . "Morts pour une chose morte" Legio Patria Nostra More Majorum |
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