L'Allemagne traque toujours les SS Le centre Simon Wiesenthal a lancé une campagne d'affichage pour retrouver les derniers gardiens de camp.
L'info. "Il est tard, mais pas trop tard". Voilà le slogan de la nouvelle campagne d'affichage du centre Simon Wiesenthal, une ONG qui traque les derniers nazis. Lancée en Allemagne dans le cadre du second volet de son opération "Dernière chance", l'offensive a pour but de retrouver les gardiens de camps encore en vie.
"Aidez-nous !" Sur l'affiche, on peut voir une photo en noir et blanc de la porte d'entrée du camps d'Auschwitz-Birkenau et les derniers mètres des rails où arrivaient les convois de prisonniers. Et juste en dessous cet appel : "Des millions d'innocents ont été tués par des criminels de guerre. Certains d'entre eux sont libres et encore en vie ! Aidez-nous à les traîner devant la justice". Le centre Simon Wiesenthal promet même jusqu'à 25.000 euros de récompense.
Des indices. 2.000 affiches ont donc été placardées à Berlin, Hambourg et Cologne. Après seulement quelques jours d'affichage, des indices susceptibles de faire progresser l'enquête sur plusieurs suspects ont déjà été recueillis.
60 suspects à retrouver. Le centre estime que 98% des 6.000 membres des "commandos de la mort" sont désormais décédés. Et sur les 120 encore vivants, environ la moitié ne pourrait pas être jugée pour des raisons de santé. Il resterait donc 60 suspects à retrouver. Mais vu leur grand âge, le directeur du centre Simon Wiesenthal, Efraim Zuroff, estime qu'il ne reste plus que deux ou trois ans pour les traquer.
Le premier volet de l'opération "Dernière Chance" avait été mené en 2002 dans toute l'Europe de l'Est. Des preuves contre 605 suspects avaient ainsi pu être recueillies. Des poursuites judiciaires avaient été lancées dans huit cas.
Mais........ ..........faudrait pas se foutre de la "Gueule" du monde
Pour Preuve UNE FONDATION ALLEMANDE PORTE-T-ELLE LE NOM D'UN CRIMINEL DE GUERRE ? Ancien cadre de l'Arme blindée et de la cavalerie, officier de réserve (GSEM) et cadre ESR, spécialiste du renseignement pendant la Guerre froide, Roland Pietrini a servi successivement au sein de la Mission Militaire Française de Liaison de Potsdam, en RDA, de 1979 à 1983 - il effectuera dans cet organisme plus de 300 missions opérationnelles tant terrestres qu'aériennes - puis à l'ambassade de France à Varsovie de 1986 à 1989 et au Centre Opérationnel de l'armée de terre.
Il quitte l'armée en 1991 pour une carrière civile. Il est aujourd'hui directeur de Charles & Charles Intelligence, société spécialisée dans les études et la prospective opérationnelle pour le compte d'organismes étatiques.
Roland Pietrini dirige et anime également le blog Athena Défense ( www.athena-vostok.com ) et est l'auteur du livre Vostok - Missions de renseignement au cœur de la Guerre froide (Mission spéciale productions).
En février 2012, de nombreux invités et journalistes, ainsi que des représentants d'élus visitent le siège d'EUROMIL [1] à l'occasion d'un séminaire. Cette organisation a pour vocation de promouvoir et de défendre, au niveau européen, les intérêts socio-professionnels des militaires de tous grades. Ce séminaire, comme de nombreux autres, est organisé par Emmanuel Jacob, le président d'EUROMIL, avec la fondation Karl-Theodor-Molinari (KTMS) Cette fondation puissante et reconnue est affiliée à l'armée allemande (Bundeswehr). Elle effectue des recherches sur les forces militaires internationales et les questions de sécurité, tout en ayant une vocation éducative et civique au profit des jeunes, des citoyens et des soldats allemands, notamment. Nos grandes écoles militaires s'inspirent d'ailleurs parfois des études menées par cet organisme.
La fondation Karl-Theodor-Molinari organise ou co-organise des séminaires portant sur les problèmes de citoyenneté et de défense. Les sujets abordés cette année sont d'ailleurs édifiants. A titre non exhaustif : « La Bundeswehr en Afghanistan » - « Tâches et scénarios futurs pour la restructuration des forces armées » - « Quel rôle aura dans le futur la région Asie-Pacifique ? » - « Quel avenir pour les forces européennes futures ? » - « Action de l'éducation civique pour la politique de sécurité » - « Quelle serait la meilleure politique de retour à la vie civile pour les militaires à la retraite ? », etc.
Rien qui ne puisse générer une quelconque critique, à un bémol prêt : celui d'une grande réserve quant au nom que cette fondation porte. En effet, elle porte, en effet le nom d'un personnage plus que controversé, Karl-Theodor-Molinari. Pour cela, il convient de revenir sur des faits dont l'origine remonte à l'année 1944.
Le « maquis Prisme » Nous sommes à la mi-juin 1944, dans les Ardennes françaises, quelques jours après le débarquement allié.
Un maquis, dénommé « des Manises », fort d'environ 250 hommes, occupe les bois au-dessus de la petite ville de Revin. En forêt, sur le plateau des Malgré-Tout qui domine le petit bourg, au lieu dit le Père des Chênes, le camp est en fait un groupement de tentes en toile de parachutes. 25 tentes environ abritent le commandant « Prisme » - son nom clandestinité -, le capitaine Chavanne, les lieutenants Pierre et Pultière, les sous-officiers et les hommes.
Radios, armes - fusils, fusils-mitrailleurs, revolvers -, munitions, médicaments, vivres et vêtements chauds : tout a été parachuté dans des containers cylindriques provenant de Grande-Bretagne, pour équiper le maquis. Chaque groupe de 10 hommes assure sa popote. Ils font des coups de main, des sabotages.
Ces résistants actifs sont commandés depuis la seconde quinzaine d'avril 1944 par le commandant « Prisme », qui est en fait Jacques Pâris de la Bollardière, héros de Narwik et de Bir-hakeim, mais qui sera aussi celui qui s'opposera aux méthodes Massu en Algérie.
Le commandant « Prisme » a été parachuté clandestinement le 12 avril 1944 à Saint Souplet, près de Mourmelon. Il est accompagné du lieutenant américain Layton - dit Victor -, chargé des questions d'armement, et de l'aspirant Gérard Brault, dit Pierre. Ce dernier, déja condamné à mort par les Allemands, est parvenu à s'évader et à gagner Londres, où il s'est porté volontaire pour faire partie de la mission Citronnelle . Il est spécialiste des transmissions et a été auparavant un des radios de Jean Moulin.
Citronnelle a pour objectif d'organiser et de fédérer les différents maquis des Ardennes. C'est l'État-major interallié et le BCRA (Bureau central de renseignement et d'action) qui dirigent, depuis le second trimestre 1943, cette action d'importance. L'objectif est de créer un maquis de 400 hommes environ, capable de désorganiser par des actions ponctuelles et des sabotages les arrières des troupes allemandes.
A l'origine, ce maquis n'est qu'un groupe de simples patriotes motivés, composé de quelques habitants de la région qui s'organisent pour créer des points de passage clandestins entre la France et la Belgique. En 1943, ce groupe de résistants, selon toute vraisemblance, se regroupe autour de Leverd, un capitaine des douanes, pour « gérer » un terrain d'atterrissage pour des agents infiltrés. Les premiers parachutages d'agents, d'armes et de matériels commencent dès le 23 septembre 1943.
En avril 1944, ce maquis se compose d'une trentaine d'hommes soigneusement sélectionnés, dont de nombreux douaniers. Début juin, de nouveaux cadres, officiers et sous-officiers, le rejoignent : il compte alors plus de cent volontaires vivant en forêt, avec les problèmes de vie matérielle classiques pour une telle organisation (sécurité, nourriture, etc.). Le maquis s'installe au lieudit Les Hauts Buttés, près du ruisseau des Manises, entre la Petite Commune et la route de Ravin.
« Prisme » est relié à Londres par des liaisons radio autonomes et fiables. Il jouit d'une certaine autonomie et surtout d'un appui direct par parachutage. La dénomination Citronnelle disparaît et, très vite, le maquis prend le nom de « maquis Prisme ». Il dispose de deux Land Drops . Le premier, appelé Bohémien , est situé près des Hauts Buttés. Il a été utilisé dès septembre 1943 pour une première opération au bénéfice de la résistance ardennaise. Le second est Astrologie , établi sur un plateau non loin de la Croix Scaille, près des vieux Moulins de Thilay.
Les événements de juin 1944 En juin 1944, les évènements s'accélèrent avec le débarquement de Normandie. Le maquis est certes composé de résistants aguerris et armés, mais de nombreux jeunes réfractaires au STO, encouragés par la nouvelle du débarquement allié, le rejoignent, se sentant prêts à « résister » à leurs obligations. Ils n'ont reçu aucune formation militaire ne sont pas armés pour la plupart. Plutôt indisciplinés, ils ne respectent pas les plus élémentaires consignes de sécurité. Depuis un certain temps, sur les hauteurs, les quelques 250 « résistants », qui ont une vue imprenable sur Revin, font du feu et s'abritent de la pluie sous des toiles de parachutes. Ils croient leur repère inaccessible. Dans une ambiance d'inconscience et d'euphorie, ils paradent même dans les rues de Revin, se retrouvent en famille, au vue et au nez de tous, notamment de la Gestapo, des délateurs et autres collabos. Un avion allemand a ainsi survolé les bois des Hautes-, sans être ignoré. Il a repéré sans aucun doute des voiles blanches, quant aux colonnes de fumée, elles se voient depuis la ville...
A la Kommandantur de Charleville, les services de renseignement allemands n'ont pas grand mal à situer le maquis et, probablement, à en identifier les principaux chefs. Depuis février 1943, la Kommandantur est commandée par le colonel Botho Grabowski, un Prussien qui a combattu en France en 14-18. Les Allemands reculent en Normandie, mais dans les Ardennes, région quasiment annexée, ils se sentent encore en position de force. Il est facile de supposer que pour eux, le « maquis Prisme » est une provocation intolérable. Il ne saurait être question de laisser s'installer une telle capacité de harcèlement au cœur de leur dispositif. Et, en juin 1944, ils disposent encore des moyens suffisants pour rayer de la carte ces trublions.
Le 12 juin, après probablement une préparation tactique préalable, le colonel Grabowski ordonne l'intervention. Un groupement est constitué avec des blindés du 36e Panzer Regiment , arrivé depuis peu du front russe, et probablement des Waffen SS ainsi que d'autres combattants, dont des Russes ou des Ukrainiens pro-nazis de l'armée Vlassov.
La 1ere compagnie de blindés est commandée par le major Karl Théodor Molinari. C'est un jeune officier de 29 ans - il mesure plus d'1 m 95 - dont la grande taille impressionne ; il porte avec élégance son uniforme noir de tankiste.
Au maquis, un homme de liaison donne l'alerte. Revin, depuis le matin est isolé, coupé de l'extérieur. Les Allemands sont partout et lourdement armés. Des habitants sont arrêtés et interrogés avec des méthodes musclées. Les Allemands cherchent des renseignements. Au camp on comprend assez rapidement qu'il va se passer quelque chose.
Le 12 juin, en fin de journée, le combat commence. Il est inégal et brutal, les Allemands sont bien renseignés et sont guidés par des « bonnes âmes ». Cela tourne sans surprise, et très vite, à leur avantage.
A 23 h, avec les plus aguerris de ses combattants, le commandant Prisme essaye de décrocher et de passer à travers la nasse. Par petits groupes, ils arrivent à s'exfiltrer et marchent en direction de Willerzie, en Belgique. Le lieutenant Pultière, arrêté à Pulhan, est fusillé immédiatement. Pour les moins expérimentés, les jeunes restés sur place, dans la forêt, dans l'obscurité, perdus, probablement paniqués, sans réel encadrement, encerclés, c'est la reddition.
Le major Molinari annonce à Grabowski la capture de la plupart des terroristes et la saisie de 5 tonnes de matériel, d'armes et de munitions. Une compagnie de fantassins - celle du capitaine Arendt - est mise à sa disposition.
Dans la nuit du 12 au 13 juin et le 13, avant leur exécution, les prisonniers qui n'ont pas été abattus sur-le-champ sont interrogés dans des conditions épouvantables. Devant l'église, 30 d'entre eux sont attachés avec des élingues de câbles et des cordes à parachutes, d'autres sont massacrés dans la forêt.
Selon certains témoins, des prisonniers sont rassemblés dans un jardin privé appartenant à Mr et Mme Deschamps. Selon ces témoins, un officier de grande taille, en tenue noire, est arrivé chez eux avec des prisonniers ayant les mains liés avec des fils de fer. Il les a fait coucher sur le sol, à plat ventre, en même temps qu'il a ordonné fermement à ses soldats de les frapper à coups de crosses. Puis l'officier s'est mis à sauter à pieds joints sur les hommes entravés, les soldats en faisant de même. Le grand officier en tenue noire est revenu trois fois et, sur ses ordres, les soldats ont continué les sévices jusqu'à ce qu'il ne reste des prisonniers que de pauvres loques humaines. Puis les victimes ont été emmenées en camions rejoindre d'autres prisonniers... pour en finir. Cinq par cinq ils sont abattus, mitraillés dans le dos, avant d'être sommairement enterrés au lieu-dit Le bois des chênes, en pleine forêt. Le 21 juin, ils sont déterrés à la hâte et transportés dans un autre charnier, à Linchamps.
Lorsque la guerre prend fin, Molinari est lieutenant-colonel de la Wehrmacht. Il commande le premier bataillon du 36e Panzer. Il est décoré de la croix de fer de 1ere et 2e classe et de la croix de chevalier de la croix de fer, en 1945 vraisemblablement.
Le 13 avril 195, après un rapide procès, le major Molinari et le colonel Grabowski sont condamnés à mort par contumace par le tribunal militaire français de Metz. Cette condamnation est, en fait, pour l'époque, le seul moyen pour faire rechercher les intéressés par la justice française. Quant au capitaine Arendt qui a commandé le peloton d'exécution, il a trouvé le mort en 1945, sur le front de l'Est.
Mais l'histoire ne se termine pas pour autant... La carrière de Molinari au sein de la Bundeswehr En 1952 un certain Karl Theodor Molinari exploite, en toute impunité, une scierie dans l'Eiffel, une région d'Allemagne occidentale, au sud de Cologne. Il se fait élire sur une liste de la CDU, le parti politique chrétien-démocrate allemand, dont il devient le représentant régional. La même année, il est nommé administrateur du district de Shleiden. En janvier 1956, la Bundeswehr en cours de création a besoin d'officiers. Molinari reprend alors du service [2].
L'enquête de sécurité de la Bundeswher conclut, en 1957, que Karl-Theodor Molinari ne figure sur aucune liste de criminels de guerre. Il peut donc continuer une carrière. Et cette carrière est brillante. C'est ainsi que le lieutenant-colonel Molinari, officier de la Wehrmacht en 1945, deviendra en 1969 général de la Bundeswehr. De 1956 à 1960, il est viendra d'ailleurs en France à plusieurs reprises, à la tête de délégations militaires allemandes ; il se rend notamment en pèlerinage à Lourdes. Il participe également à la réalisation du char allemand Léopard . A aucun moment, on ne pose de questions sur son passé à cet officier qui mesure 1 m 96.
En 1960, alors qu'il est colonel, il commande la 14e Brigade blindée de Coblence, et reçoit le chancelier fédéral, Willy Brandt. Puis il est rapidement promu général. De 1961 à 1963, il commande la 34e Brigade blindée ; de 1963 à 1966, il sert au service du personnel duministère de la Défense, à Bonn, avant de commander la 7e Division blindée à Unna (1966-1969). Enfin, il dirige la IVe région militaire (Mayence). II fait valoir ses droits à la retraite le 31 décembre 1970 en tant que major général de la Bundeswehr.
Karl-Theodor Molinari est par ailleurs le président fondateur de l'Association des Forces armées, qui porte encore son nom aujourd'hui et dont les origines remontent à 1957. La première Assemblée générale, qui a eu lieu à Cologne, les 28 et 29 mai 1957, l'a consacré et depuis cette date, jusqu'en 1963, Karl Theodor Molinari a été réélu sans interruption à la tête de cette institution.
Les révélations venant de RDA et les débuts de « l'affaire » Mais en 1969, par un curieux hasard, Marcel Noiret, ancien partisan, secrétaire de mairie de Vivier-au-Court, communiste, se rend à en RDA pour sceller un jumelage avec la commune Tambach-Dietach, en Thuringe. La France, à l'époque, ne reconnaît pas encore la RDA, mais les sympathisants communistes sont nombreux et actifs. Noiret a crée, en 1964, la section ardennaise des échanges franco-allemands car, dans l'esprit de certains communistes, la République démocratique allemande reste un modèle, sinon de démocratie, au moins de socialisme.
Pourtant, un an après l'intervention du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie, des questions commencent à se poser pour les militants. Les avis sont partagés, mais les convaincus restent convaincus. La foi du charbonnier ? Peu importe, les hôtes est-allemands essaient de valoriser leurs arguments en critiquant la RFA et en insistant sur le danger qu'elle représente pour la paix. Parmi les noms « d'activistes revanchards ouest-allemands » cités, figure en bonne place celui du général Karl Theodor Molinari.
Ce Molinari, la Stasi le connaît, il figure dans le Livre brun édité en 1965 qui répertorie les criminels de guerre nazis, anciens cadres du IIIe Reich ayant repris du service en RFA. La propagande est évidemment sous-jacente. Mais le nom correspond, ainsi que le numéro du régiment dans lequel le major a servi en 1944. Quant à son affectation en 1969 dans la Bundeswehr, elle est également connue : Molinari est à Unna, près de Dortmund, où il commande la 7e Division blindée.
Marcel Noiret, rentré dans les Ardennes, se saisit de cette information pour que justice soit faite. Il crée un comité d'anciens résistants, remue la presse locale, les élus, et diverses instances. La prudence est de mise dans la mesure où les sources d'informations proviennent de RDA. Néanmoins les faits sont troublants. Des lettres sont envoyées au plus niveau, y compris à Georges Pompidou, alors Président de la République.
Le 1er octobre 1969, le général Molinari devient chef de la région de militaire de Mayence, soit un quart de la RFA. Pour la cérémonie, une délégation militaire française est présente et rend les honneurs.
Simultanément l'affaire commence à être connue en Allemagne. Les VVN (Victimes du nazisme) et le DKP (Parti communiste ouest-allemand) demandent l'ouverture d'une enquête officielle. Des journaux, et non des moindres ( Der Spiegel ), s'emparent du sujet. Des journalistes se déplacent et font leur enquête. Certains éléments commencent à apparaître.
Le major Molinari est bien passé par les Ardennes en juin 1944. Puis il est reparti sur le front de l'Est en juillet 44 où il se fait de nouveau remarquer par son aptitude au combat. Est-ce le même homme que celui qui atteint les sommets de la hiérarchie militaire après une carrière brillante ? Le général Karl Theodor Molinari, qui mesure 1 m 96, est-il le major Karl Theodor Molinari qui sautait à pieds joints sur le ventre de prisonniers âgés de 18 ans dans un jardin des Ardennes le 12 juin 1944 ?
L'enquête, lentement, commence. Le parquet de Ham demande à la France communication du dossier du procès de Metz et les témoignages - plus de cinquante - concernant l'affaire du maquis des Manises. A Ludwisburg, parmi les 500 000 fiches répertoriant les crimes nazis, il en existe une au nom de Molinari. Cet élément était connu mais le procureur Rückerl expliquera que le signalement n'avait pas été fait lors de l'enquête de sécurité... Il s'excuse, déclarant « l'exécution de partisans étant considérée comme un usage normal de la guerre » ...
Molinari décide alors de s'expliquer. Il reconnaît sa participation à la capture des jeunes ardennais, affirme que c'est Grabowski - chef de la Kommandatura - qui lui a demandé des hommes pour les surveiller - la compagnie Arendt - et pour les ... transporter dans un camp. Il n'aurait, selon ses dires, appris l'exécution que 27 heures plus tard. Ses lieutenants, qui l'avaient chargé lors du procès de Metz - ils faisaient partis des témoins -, reviennent sur leurs déclarations, prétextant une erreur de traduction : Molinari était ailleurs... Pourtant sa haute taille a été remarquée par des témoins fiables et l'Ordre n°46 d'Hitler ordonnant l'exécution des « terroristes » était un ordre qui ne pouvait se discuter. Qui donc a fait exécuter cet ordre à Revin, en juin 1944 ? Molinari, par ses explications, confirme que le grand homme en noir ne pouvait être que lui. Le commandant de la compagnie blindée ne pouvait être absent d'un combat ordonné par son supérieur ? Qui peut le croire ?
En France, dans les milieux officiels, on commence à bouger un peu. Le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Jean de Lipowski, avoue avoir été informé par lettre -laquelle est perdue puis retrouvée - que le général Molinari est bien celui qui a été condamné par contumace en 1951 par le tribunal militaire de Metz.
Mais l'affaire prend une tournure intra-allemande sur fond de propagande orchestrée par la RDA, car nous sommes en pleine Guerre froide. D'un côté, les associations ouest-allemandes des victimes de la barbarie nazie, de l'autre un Etat, la RFA, qui ne sait trop comment gérer un tel problème. La presse se déchaîne contre « l'action subversive de la RDA visant à diviser les alliés de l'OTAN contre les complices communistes en France et en RFA ».
C'est dans cette ambiance que Molinari participe, début 1970, au congrès de la CDU en présence de Helmut Kohl. En juillet 1970, l'enquête sur son passé est arrêtée. Une disposition du traité de Londres de 1954 interdit à la justice allemande de relancer une enquête sur une affaire déjà jugée en France. Cette disposition est censée éviter des révisions de procès en Allemagne, la justice allemande ayant pour réputation d'être plus clémente envers ses criminels de guerre.
Le procureur allemand Heimeshoff en annonçant sa décision d'arrêter l'enquête, charge Gabowski - c'est bien commode car il est mort - et considère qu'aucune charge n'est à retenir contre Molinari [3]. Cette décision choque de nombreux Allemands y compris des soldats qui refusent de servir sous les ordres de ce général. Molinari demande alors sa mise à la retraite anticipée. Sa démission est acceptée le 31décembre 1970.
Entre temps, Helmut Schmidt (SPD) a remplacé Willy Brandt. Les adieux officiels du général ont lieu le 29 septembre 1970 devant un parterre prestigieux, dont Helmut Khol, président de région Rhénanie Palatinat, qui dénonce « la campagne ciblée » lancée contre Molinari. De là à penser que l'un protège l'autre, il n'y a qu'un pas...
En France, deux députés, un communiste et un UDR, interviennent à nouveau sur le sujet. En RDA un film de 20 minutes est consacré au cas Molinari. Mais l'affaire en restera là.
Cette affaire, qui est un épisode dramatique parmi d'autres, pose cependant de nombreuses questions. Ces questions concernent à la fois les principaux acteurs de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi les relations franco-allemandes. Je laisse à d'autres le soin de réfléchir sur la dimension politique de cette affaire.
Comme on ne prête qu'aux riches, Molinari, selon certains, aurait fait partie de l'Abwher - les services secrets de Reich - et aurait été « protégé » par les Britanniques. Il n'en reste pas moins qu'il a pu échapper à deux justices, la française et l'allemande.
Comment expliquer la mollesse des autorités françaises ? Quel rôle a joué réellement la RDA dans cette affaire sur fond de Guerre froide ? Pourquoi y a-t-il eu une certaine connivence entre la CDU et Molinari ? Molinari était-il un sujet de propagande anti-nazi ?
D'autres questions sont soulevées par ce dossier et concernent plus particulièrement l'histoire si particulière de la Résistance : le maquis des Manises était-il utile ? Fallait-il accueillir les réfractaires du STO ? Y a-t-il eu trahison ?
Le général Jacques Pâris de Bollardière, décédé le 22 février 1986, se dira toujours profondément marqué par l'épisode du « maquis des Manises », sans s'expliquer totalement sur cet épisode dramatique [4].
Karl Theodor Molinari est décédé le 11 décembre 1993. Son nom restera toujours entaché d'un doute, celui de son implication directe dans l'exécution de 105 jeunes gamins du maquis des Manises et de sa participation aux tortures inutiles qui ont précédé l'exécution.
Pourtant, l'association portant son nom, la KTMS, est toujours bien vivante et active, aujourd'hui encore, en Allemagne.
Sur le plan de l'éthique et du simple devoir de respect des victimes - alors que l'on vient de fêter le 50e anniversaire du Traité de l'Elysée signé, le 22 janvier 1963, entre le général de Gaulle et le chancelier Adenauer - est-il réellement nécessaire qu'une fondation porte encore un nom entaché de fortes suspicions quant à sa participation à un crime de guerre, Même si ce nom est celui de son fondateur ? C'est bien là tout le paradoxe de cette histoire. Le pardon n'empêche ni le souvenir, ni la souffrance de ceux qui, une nuit et un matin de juin 1944, furent bestialement exécutés. L'amitié franco-allemande dicte une conduite : celle de respecter le devoir de mémoire.
Roland Pietrini
Avril 2013
Sources et références Source sur Citronelle : André Patureaux - alias Charlot dans le maquis -, matricule n°21 BCRA 5 515 (civil dirigé par le colonel Passy).
L'Ardennais du 9 octobre 1944 et du 3 novembre 1944.
Der Spiegel 13 octobre 1969.
Archives de l'Assemblée nationale, JO du 20 décembre 1969 - réponses aux questions écrites
L'Union 23 mars 1978 et du 4 octobre 1971.
« Manises 1944, que sont devenus les bourreaux ? », Terres Ardennaises n°42, mars 1993.
Le Monde du 31 mai 2004 (article de Gérard Davet).
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•[1] European Organisation of Military Associations (www.euromil.org).
•[2] Il est né le 7 février 1915, il a donc 41 ans.
•[3] Des « mauvaises langues » disent qu'à Dortmund Heimeshoff avait servi la justice du IIIe Reich et qu'il aurait des liens étroits avec l'association de la Bundesehr dirigée par Molinari.
•[4] Jacques Pâris de Bollardière est l'un des Français les plus décorés de la Seconde Guerre mondiale : grand officier de la Légion d'honneur, compagnon de la Libération, deux fois décoré du Distinguished Service Order (DSO). Ilest le seul officier supérieur à avoir ouvertement condamné la pratique de la torture pendant la guerre d'Algérie. En mars 1957, au nom de ses convictions, il refuse de participer à la nouvelle stratégie mise en place par le général Massu qui, au nom de « l'efficacité », intègre des méthodes de torture. Cela lui vaut deux mois de forteresse.. Il deviendra un apôtre de la non-violence
Pour Info , le Nom , d'un membre de la famille de mon épouse , est gravé dans le marbre du Monuments aux Morts du
Maquis« des Manises »
Cocoye 1er