Violences et espaces.Coordination : Lucas Hardt
Quand les soldats de l’Algérie française arrivaient en Lorraine.
Le 1er régiment de chasseurs parachutistes (RCP) et la traque parachutiste de Metz
Quand les soldats de l’Algérie française arrivaient en Lorraine. Le 1er régiment de chasseurs parachutistes (RCP) et la traque parachutiste de MetzLucas HardtRésumé :
Jusqu’à sa démobilisation à Metz en juillet 1961, le 1er Régiment de chasseurs parachutistes (RCP) fait partie de l’avant-garde des troupes d’élite (...) Avant-propos
L’événement connu comme « la ratonnade de Metz », ou bien « la nuit des paras », a peu retenu l’attention des historiens jusqu’à aujourd’hui.
233332
Jusqu’à présent, seuls des journalistes se sont penchés sur cette chasse à l’homme menée par quelque 300 militaires contre des Algériens,
à Metz, au cours de la nuit du 23 au 24 juillet 1961
Cependant, dans leurs analyses, ils ont largement négligé les archives correspondant
à cet événement, de sorte que celui-ci reste toujours entouré d’un certain flou.
Cet article ne prétend pas répondre à toutes les questions restées ouvertes jusqu’à ce jour.
Il s’agit d’une première contribution d’historien au travail de compréhension de la nuit du 23 juillet 1961,
dans le cadre d’une histoire régionale de la Lorraine,
d’une histoire de la guerre d’indépendance algérienne
et d’une histoire des migrants algériens en France.
Dans le contexte de ce numéro de revue et d’un point de vue analytique,
nous nous proposons d’approcher cet évènement par le lien entre « espace » et « violence »
Ainsi, nous argumenterons que,
durant la nuit en question, Metz devient
un espace social existant de façon temporaire,
consistant en un champ d’interactions entre acteurs dont le comportement
est influencé de façon décisive par un manque de contrôle efficace de la violence (physique)
par les institutions
À ce jour, l’évènement est largement tombé dans l’oubli. Néanmoins, nous démontrerons que cette chasse à l’homme devait, par la suite, profondément modifier la perception spatiale de la ville par les autorités et les habitants.
Afin de ne pas reprendre les termes racistes de l’époque qui hantent certains discours politiques et scientifiques jusqu’à nos jours, les événements de Metz ne seront pas traités en tant que « ratonnade », mais en tant que « traque parachutiste de Metz ».
Des Algériens à Metz
Dans l’entre-deux-guerres, la Lorraine figure déjà parmi les régions de la métropole
qui attire le plus de migrants algériens
Dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale,
leur nombre connaît une croissance d’une ampleur inédite.
Au moment du déclenchement de la guerre d’indépendance algérienne,
on compte environ 30 000 Algériens dans les seuls départements de la Moselle
et de la Meurthe-et-Moselle.
Ceux-ci habitent dans les agglomérations de Thionville,
de Forbach et de Longwy, ainsi que dans les plus grandes villes telles que Nancy ou Metz.
En raison de son rattachement au réseau ferré,
le chef-lieu du département de la Moselle est le premier point de chute
en Lorraine d’un grand nombre des migrants avant qu’ils ne poursuivent
leur voyage vers les mines de charbon à l’est ou les bassins industriels plus au nord.
Les Algériens qui choisissent de rester à Metz
se regroupent surtout dans des locations situées dans quelques lieux précis,
notamment la vieille ville et le quartier du Pontiffroy
ou bien ils logent dans des cafés-hôtels appartenant à des gens du pays.
En 1954, leur nombre est estimé à 1 800,
ce qui représente à peine 2 % de la population globale
Néanmoins, ils font l’objet d’une grande attention de la part de la presse locale
et de la municipalité.
C’est leur présence en soi qui semble poser problème.
Dans le contexte de la guerre d’indépendance algérienne,
Metz devient à partir du mois d’août 1955,
le théâtre de plusieurs attentats politiques
Ces attentats qui frappent les Algériens dans de nombreux lieux de la Lorraine
ont alors pour cause principale les revendications
de pouvoir et la rivalité des deux mouvements indépendantistes algériens clandestins,
le Mouvement national algérien (MNA) et le Front de libération nationale (FLN)
. Ces deux mouvements se veulent les leaders uniques de la guerre d’indépendance.
En Lorraine, comme à Paris,
à Lyon ou bien dans le Nord, les migrants algériens
sont confrontés depuis la fin de l’année 1955
au dilemme selon lequel tout insoumis à l’autorité du MNA,
du FLN et de la police française doit craindre pour sa liberté,
voire sa santé ou sa vie.
Cette lutte de plus en plus acharnée entraîne à Metz des affrontements
parfois spectaculaires, notamment des assauts de café-bars
et des meurtres commis en pleine rue
Les victimes de ces attentats sont essentiellement des Algériens
Ainsi, ces crimes donnent une forte poussée à la criminalisation
du milieu algérien dans son intégralité.
Cela est perceptible autant dans les rapports de la presse régionale
et locale qu’à travers le rejet de la main-d’œuvre nord-africaine
par certains employeurs ou le discours et les pratiques
de contrôle excessifs de la police et de la gendarmerie.
En première ligne pour l’Algérie française. Parcours du 1er RCP, 1955-1961
Tandis que les affrontements entre Algériens installent un climat d’insécurité à Metz,
l’Armée française mène en Algérie une guerre ouverte ....
nommée contre-révolutionnaire.
Du côté français, se trouvent en première ligne de ce combat
les unités de la Légion étrangère, ainsi que les régiments de parachutistes.
Afin de mieux comprendre les événements de Metz du 23 juillet 1961,
il convient de retracer l’itinéraire de l’unité
qui allait jouer un rôle décisif dans cette traque de Metz,
à savoir le 1er régiment de chasseurs parachutistes (1er RCP).
Créé en 1943 au Maroc, ce corps prestigieux, –
à ce jour le régiment le plus décoré de l’armée française –
, participe d’abord aux combats de la Libération de la France
pour être ensuite transféré en Indochine.
Depuis 1955, il combat en Algérie. Là-bas, durant six ans,
les quelque 1 300 membres du régiment
sont chargés de missions très diverses et combattent
sur de nombreux terrains différents.
Après avoir participé à la répression par l’armée française
après le 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois,
le régiment participe à la libération d’Alger en 1957.
En octobre 1958, le 1er RCP mène des opérations de « ratissage » près de la frontière tunisienne
Il est chargé de l’encadrement de manifestants français
à Alger en mai 1958 et en janvier 1960.
Finalement, le 1er RCP est aussi fortement intégré
aux actions menées dans le cadre du plan Challe.
Peu avant de se mettre à la disposition des généraux putschistes d’Alger en avril 1961,
le régiment poursuit sa lutte dite « anti-terroriste »
dans les hautes montagnes des Aurès[19].
Trois caractéristiques essentielles et marquantes
de cette unité militaire peuvent être retenues.
Premièrement, un esprit de corps particulièrement poussé.
Alors que certaines vertus comme la solidarité, le respect de la hiérarchie
et le patriotisme sont inculquées à tout soldat français,
la construction d’une « idéologie de régiment» diffère pour ce qui
est des corps d’élite tels que les parachutistes.
Durant la guerre d’Algérie, à la base de l’identité du « para » du 1er RCP,
il y a d’abord une tenue particulière, le béret rouge et l’uniforme de léopard
ainsi que la pratique étendue de tout un ensemble de rituels et de chants martiaux
Au 1er RCP, on fait connaître
à chaque nouveau membre les principales étapes de l’histoire
du régiment qui est toujours présentée comme particulièrement glorieuse.
Certains chants et rituels varient par compagnie,
d’autres sont partagés par tous les membres du régiment.
Les compagnies sont désignées par une couleur qui leur est propre
et reçoivent une tâche spécifique durant les opérations. Le sentiment d’unité,
très fort au sein du régiment,
se forme non seulement à travers une identité collective imposée par
des symboles et des rituels,
mais aussi au cours de l’entraînement
et par l’expérience quotidienne d’actions communes et coordonnées en territoire hostile
Par des postes de radio mobiles,
les compagnies sont toujours en contact direct avec le commandement
et les autres compagnies.
Souvent, elles traquent des « suspects »
et font évacuer des blessés en hélicoptère.
Ainsi, pour chaque soldat, le sentiment de dépendre du collectif
et du commandement est-il omniprésent.
Deuxièmement, en tant que corps d’élite,
les membres du 1er RCP devaient aussi partager un fort goût pour l’action ou,
si l’on veut, une envie du combat. Les chants martiaux,
qui alimentaient une identité de guerriers du premier rang,
attribuaient à la violence au combat un rôle de purification morale,
présentée comme incontournable et demandée par les soldats eux-même.
En octobre 1958,
le chef de corps intervenait auprès du commandement de la division
pour obtenir que son régiment puisse retourner au combat
afin de remonter le moral de la troupe.
De 1955 à 1961, que ce soit en ville, dans le bled ou dans les montagnes,
les soldats du 1er RCP étaient presque toujours en action,
c’est-à-dire en entraînement ou au combat.
Ceux qui ne supportaient pas l’entraînement régulier du saut en parachute,
les épreuves d’isolement, la menace constante d’affrontements,
étaient mis à l’écart et mutés.
Il s’agissait de former et de préserver une troupe d’hommes résolus, obéissants,
et sans aucune crainte de l’affrontement.
De ce dévouement total au combat découle, troisièmement,
une sorte de fanatisme de la victoire ayant pour revers une hantise profonde
de la perte de l’Algérie française.
Durant tout le conflit,
les officiers du 1er RCP rappellent régulièrement à la troupe non seulement
les méthodes, mais aussi le sens de leur mission
Cette attitude est renforcée par la structure sociale du régiment.
Tandis que la troupe est formée presque exclusivement d’appelés,
mobilisés surtout en métropole,
les officiers et les sous-officiers ont dans leur grande majorité
un lien personnel avec l’Algérie :
beaucoup sont originaires d’Afrique du Nord
ou liés avec une Française d’Algérie
Ainsi l’approche de l’indépendance de l’Algérie génère
une frustration croissante au sein du 1er RCP,
conduisant le chef du régiment Plassard à participer au coup d’État en avril 1961
La défaite de la France est certaine. À la suite de l’échec du putsch des généraux, comme beaucoup de régiments, le 1er RCP est soumis à différentes mesures de discipline :
un grand nombre d’officiers est muté
et un nouveau chef de corps, le lieutenant-colonel Lafontaine,
est nommé Finalement
, le 1er RCP est rattaché à la 11e division
légère d’intervention nouvellement créée et transféré en métropole.
C’est ainsi que le 8 juillet à 23 h 30,
les militaires du 1er RCP arrivent à la gare de Metz.
Durant cette même nuit, certains Messins pouvaient entendre des cris
« Algérie française » en provenance des camions qui transportaient
les 1 300 militaires de la gare à la caserne Serette à Moulins-lès-Metz
Quand des soldats d’Algérie rencontraient des Algériens à Metz
Pour certains migrants algériens en métropole,
le retour des troupes d’Algérie a de graves conséquences.
À la fin du conflit, plus de deux millions de jeunes hommes
ont vécu la réalité d’une guerre coloniale où l’image de l’ennemi était nécessairement floue
– tout Maghrébin était perçu comme suspect –
et la peur d’un attentat omniprésente.
De ce fait, il n’est pas surprenant de constater une certaine méfiance,
voire une hostilité, de la part de militaires et d’anciens militaires
de l’Armée française, vis-à-vis des Algériens.
Néanmoins, dans l’état actuel de la recherche,
Metz semble représenter un cas extrême durant la phase de grande démobilisation.
Dans les premiers jours qui suivent l’arrivée du 1er RCP
dans le chef-lieu de la Moselle,
plusieurs affrontements entre parachutistes et Algériens sont enregistrés dans la ville :
]. Depuis l’arrivée du 1er RCP à Metz,
les affrontements entre parachutistes et Algériens prennent subitement
le dessus par rapport aux « règlements de compte »
entre Algériens et par rapport aux actions policières menées contre ceux-ci.
Ainsi, au moins d’un point de vue algérien,
l’arrivée du 1er RCP à Metz est l’une des multiples répercussions de la guerr en métropole
et elle fait franchir à la violence un nouveau seuil.
Pendant ce temps, la crise de Bizerte fait réapparaître
la guerre en Afrique du Nord à l’horizon du 1er RCP.
Lorsque les tensions entre la France et la Tunisie
autour d’une base maritime atteignent leur paroxisme,
un détachement composé de 600 hommes du 1er RCP
est mis en état d’alerte le 19 juillet.
Le 21 juillet, à 10 heures du matin, les parachutistes sont armés
et font mouvement vers l’aérodrome de Metz-Frescaty,
avec la Tunisie comme possible destination.
Ce n’est que dans la soirée du 22 juillet que l’alerte est définitivement reportée
et que tout le personnel du régiment regagne ses quartiers[33].
La traque des parachutistes à Metz
Les sources existantes sur le déroulement des affrontements au cours de la nuit du 23 juillet 1961
à Metz diffèrent à bien des égards.
Le document qui, à ce jour, semble pouvoir nous mener le plus près de l’évènement déclencheur
est le rapport établi par la 16e Brigade de police judiciaire,
déposé au mois d’octobre 1961 après une enquête de grande envergure.
Selon ce rapport, dès le samedi soir, le 22 juillet 1961,
une bagarre oppose quatre soldats du 1er groupe de livraison par air (1er GLA),
régiment également stationné à Metz,
à un groupe d’Algériens au dancing Le Trianon.
La police, qui n’en est pas avertie, ignore les faits.
Le lendemain soir, un groupe encore plus important de militaires,
et notamment de parachutistes, se rend à ce dancing situé au 39 rue Pont-à-Mousson
avec, selon le rapport, l’intention d’« identifier,
voire corriger les Nord-Africains responsables de l’incident de la veille[36] ».
À 22 h 30, le soldat Henri Bernaz,
légèrement blessé lors de la bagarre la nuit précédente,
reconnait l’un des agresseurs de la veille et s’approche de lui.
Mais l’Algérien visé par Bernaz s’échappe aussitôt.
Il gagne la sortie du bar pour courir en direction de la rue Saint-Paul.
Plusieurs parachutistes se lancent à ses trousses alors que Bernaz demeure devant l’entrée.
Il aperçoit un groupe d’Algériens de l’autre côté de la rue.
Accompagné de deux autres militaires,
Bernaz traverse la rue tandis que les Algériens, voyant les militaires s’approcher,
se dispersent.
Sur une distance de dix mètres environ,
les trois parachutistes suivent deux Algériens en les interpellant,
quand soudain ceux-ci se retournent pour tirer sur les trois militaires à coups de revolver.
Bernaz, atteint en plein visage, meurt sur le coup.
Les deux autres parachutistes sont blessés.
Tout en continuant à tirer pour couvrir leur retraite,
les Algériens s’enfuient en direction de la rue Saint-Paul[37].
Là, ils tombent sur les militaires qui s’étaient lancés quelques instants
auparavant à la poursuite de l’Algérien fugitif.
Encore une fois, les deux Algériens tirent plusieurs coups de revolver,
blessant ainsi cinq autres militaires[38], dont Francis Soro, membre du 1er RCP,
qui devait décéder le soir-même des suites de ses blessures.
La réaction des parachutistes à cette fusillade est immédiate.
Souvent présentée plus tard comme un simple acte de « vengeance »,
elle correspond plutôt à la logique de punitions collectives,
étant donné que les Algériens qui ont fait feu ne seront identifiés et arrêtés que le mois suivant.
Les parachutistes se dispersent en groupes
de plusieurs dizaines d’hommes et donnent la chasse aux Algériens
dans plusieurs lieux de la ville
dans laquelle ils circulent à pied ou en camion.
Des renforts sont appelés.
Vers 23 heures, une trentaine de parachutistes armés de bouteilles vides
et de bâtons entrent dans le café franco-marocain
de la rue Pasteur à deux kilomètres du Trianon,
faisant plusieurs blessés.
Trois consommateurs sont transportés à l’hôpital[40],
dont un est sans connaissance[41].
Pendant ce temps, un groupe d’environ 150 parachutistes, également armés de bouteilles,
parcourt le quartier de la gare centrale et de la poste principale.
Certains d’entre eux font irruption dans le buffet de la gare où ils s’attaquent à plusieurs clients,
parmi eux un Sicilien, en faisant voler en éclat tables,
chaises, verres et vaisselle[42].
Toujours à la même heure, un troisième groupe d’une centaine de parachutistes
se rend dans le quartier du Pontiffroy,
également pour s’attaquer à tout individu qui pouvait sembler être « nord-africain »[43].
Dans ce quartier, autour de 23 h 30, on enregistre des attaques de parachutistes contre des Algériens,
notamment rue des Jardins,
rue du Pont-Saint-Georges et rue du Pontiffroy.
Vers une heure du matin, un Algérien est mortellement blessé par balles rue Gambetta
Une demi-heure plus tard,
deux journalistes du Républicain Lorrain sont interpellés dans la rue du Pontiffroy
par des parachutistes circulant en camion et leur interdisant de faire des photos.
Devant leur refus de céder la caméra à un capitaine,
les journalistes sont emmenés au commissariat central de Metz
La traque continue au moins jusqu’à 2 h 30 du matin quand un Algérien
est également blessé par balles dans la rue du Pontiffroy,
tandis qu’un autre est jeté dans la Moselle par les paras
Carte 1. © FNSP Sciences Po. Atelier de cartographie, 2016.
Le bilan officiel de la nuit du 23 juillet établi par la gendarmerie fait état de quatre morts,
dont deux militaires parachutistes, un « civil français »
(il s’agit du barman du Trianon atteint par le ricochet d’une balle), ainsi qu’« un F.S.N.A.
[Français de souche nord-africaine] ».
D’autre part, parmi les 28 personnes blessées,
la gendarmerie compte huit militaires parachutistes,
dix-sept « F.S.N.A. », ainsi que trois « civils ».
Ce bilan, reproduit par certains journaux et contredit par d’autres,
fait alors l’objet d’une critique de la part de la Fédération mosellane
de la Ligue des droits de l’homme.
Cette association estime que le nombre de blessés algériens se situe plutôt entre 80 et 100,
rappelant que bon nombre d’Algériens n’auraient pas été enregistrés par les hôpitaux,
soit parce qu’ils avaient été rejetés à l’accueil soit parce qu’ils avaient préféré éviter
tout contact avec les autorités françaises
« La très grosse majorité des commerçants est favorable à l’arrivée des paras
à Metz car un climat d’insécurité régnait à Metz depuis de nombreux mois
(vols, attaques nocturnes par de nombreux N.A. [Nord-Africains]).
La police qui reste dans la légalité était impuissante à faire revenir l’ordre.
Après la réaction spontanée,
quoique brutale des paras, on peut envisager que les N.A.
ne seront plus « maîtres » des rues le soir venu.
Cette réaction a été et est très commentée par la population
et presque toujours dans un sens favorable aux paras. »
Enfin, le rapport des RG est beaucoup plus bref
mais explicite au sujet de la réaction des Algériens de la ville :
« À Metz, les Nord-Africains sont effrayés à la suite des évènements de la nuit dernière.
Ils ont réellement peur des parachutistes[54]. »
Cette angoisse devient plus compréhensible si on prend en compte
certaines positions dans la presse lorraine par rapport à l’évènement
reflétant un climat très hostile vis-à-vis des Algériens.
Tandis que les deux principaux journaux,
Le Républicain Lorrain et l’Est Républicain,
adoptaient d’abord une position indécise en parlant d’une « tragédie »!!
« Qu’on organise des rafles ! Qu’on les renvoie chez eux,
s’ils ne veulent pas nous laisser en paix chez nous.
Ou mieux, tant que ne sera pas finie cette guerre
À la suite des dispositions prises par l’administration
au lendemain de la fusillade du Trianon et de la traque qui a suivi,
la ville de Metz prend l’aspect d’une ville en état de guerre.
Le dispositif pour le maintien de l’ordre est patrouilles
ininterrompues entre 18 heures et 1 heure du matin en semaine et jusqu’à 3 heures du matin
les week-end
Les réactions de l’opinion publique,
ainsi que les mesures administratives prises à Metz
à la suite de la nuit du 23 juillet 1961, ont considérablement attisé
les animosités entre habitants algériens et français qui s’étaient
déjà amplifiées depuis le déclenchement de la guerre d’indépendance.
La ségrégation de l’espace urbain,
conclue le 26 juillet 1961 par la création de zones interdites
d’accès aux militaires, en est un reflet majeur.
En effet, trois jours après la traque,
plusieurs rues où habitaient beaucoup d’Algériens
étaient délimitées par des panneaux en forme de carré rouge
et ces rues étaient déclarées interdites aux parachutistes.
Le climat régnant à Metz, les consignes données aux forces de l’ordre par rapport
aux « Nord-Africains »
et l’intégration des parachutistes au nouveau dispositif de contrôle