L’enquête relative à la tentative d’assassinat du colonel Sergueï Skripal, un ancien officier du renseignement militaire russe, et de sa fille, le 4 mars dernier, à Salisbury, a rapidement avancé ces dernière semaines.
D’après les autorités britanniques, l’on sait que ces deux ressortissants russes avaient été mis en contact avec du Novitchok, une substance chimique extrêmement toxique, mise au point par l’Union soviétique à l’époque de la Guerre Froide. Ce fait a par la suite été confirmé par les analyses faites par quatre laboratoires indépendants, mandatés par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques [OIAC].
Très vite, Londres accusa Moscou d’être responsable de cette tentative d’assassinat sur la personne du colonel Skripal, réfugié au Royaume-Uni après avoir passé quelques années dans une prison russe pour avoir travaillé pour le compte du Secret Intelligence Service britannique [ou MI-6]. D’où une crise diplomatique, avec des expulsions de diplomates (ou d’agents de renseignement se faisant passer pout tels).
Début septembre, Londres lança des mandats d’arrêt à l’encontre de deux ressortissants russes, accusés d’être directement impliqués dans la tentative d’assassinat ayant visé Sergueï Skripal. Seulement, leur identité était alors certainement fausse. Le site d’investigations Bellingcat, en collaboration avec le site russe The Insider, identifia l’un d’eux en la personne du colonel Anatoli Tchepiga, un officier du GRU « décoré de hautes distinctions ».
Pour autant, les autorités russes ont toujours démenti la moindre implication dans cette tentative d’éliminer le colonel Skripal. L’on passera sur les détails mais Moscou a livré pas moins de 37 versions différentes sur l’affaire dite de Salisbury…
Cela étant, lors de la Seconde Guerre Mondiale, l’Armée Rouge disposait d’un service appelé « SMERSH », dont la mission était d’éliminer traîtres, déserteurs et autres espions dans ses rangs. Officiellement, cet organe a été dissous en 1946. Cependant, les affaires Litvinenko (ex-agent du FSB empoisonné au polonium au Royaume-Uni en 2006) et Boris Berezovski (retrouvé pendu dans sa douche en 2013) peuvent laisser penser que les pratiques du SMERSH n’ont pas disparu… D’ailleurs, les services russes (autrefois soviétiques, sous l’impulsion de Ian Berzine) ont une longue tradition d’élimination des opposants à l’étranger…
Quoi qu’il en soit, les propos tenus ce 3 octobre par le président russe, Vladimir Poutine, apportent un nouvel éclairage à l’affaire Skripal.
« Ce Skripal n’est qu’un traître. Il a été pris et puni, il a passé 5 ans en prison. Nous l’avons libéré, il est parti [au Royaume-Uni] et continuait de collaborer et de conseiller les services secrets [britanniques]. Et alors? », a en effet déclaré le chef du Kremlin lors d’un forum consacré à l’énergie, à Moscou.
« Ce n’est qu’un espion, un traître à la patrie (…) Ce n’est qu’un salaud, purement et simplement. Mais il y a toute une campagne de presse qui a été montée autour de ça », a continué M. Poutine. « Parfois, je regarde ce qu’il se passe autour de cette affaire, et je suis effaré », a-t-il ajouté. « En ce qui concerne les Skripal, ce nouveau scandale d’espionnage est artificiellement alimenté », a-t-il aussi estimé.
En tout cas, cette déclaration de M. Poutine ne pourra que conforter ceux qui voient la main de Moscou derrière la tentative d’assassinat du colonel Skripal. L’une des explications généralement avancées est qu’il s’agissait pour le GRU de faire un « exemple » afin de mettre un terme aux fuites au sein des services de renseignement russes et de dissuader ceux qui seraient tentés de livrer des secrets industriels aux Occidentaux. En juillet, le contre-espionnage a ainsi effectué une perquisition à l’Institut central de recherche scientifique sur les constructions mécaniques (TsNIImach) dans le cadre d’une affaire de « haute trahison ».