Le 3 avril, Gary Aitkenhead, le directeur du Defence Science and Technology Laboratory, installé à Porton Down [Angleterre], a donné quelques détails sur la substance utilisée lors de la tentative d’assassinat du colonel Sergueï Skripal, un ancien officier du renseignement russe, et de sa fille, à Salisbury, un mois plus tôt.
« Nous avons été capables d’identifier qu’il s’agissait du Novitchok, un agent innervant de type militaire », a ainsi dit M. Aitkenhead, lors d’un entretien donné à la chaîne de télévision Sky. Mais « nous n’avons pas identifié sa source exacte », a-t-il ajouté. Ce qui n’est guère surprenant, un atome de chlore, de fluor ou d’azote n’ayant pas de passeport.
Cependant, M. Aitkenhead a expliqué que la production de la substance en question exigeait « des méthodes extrêmement complexes, quelque chose seulement faisable par un acteur étatique. » Le travail de DSTL s’est donc arrêté là. Et il a donc servi au renseignement britannique à se forger une opinion sur les commanditaires de la tentative d’assassinat du colonel Skripal, réfugié au Royaume-Uni après avoir été condamné et emprisonné en raison de ses liens avec le MI-6.
« Nous savons que la Russie a cherché, pendant la dernière décennie, des moyens de produire des agents neurotoxiques à des fins d’assassinat, et a produit et stocké de petites quantités de Novitchok », a en effet expliqué un porte-parole du gouvernement britanniques, peu après la diffusion de l’entretien donné par le chef du DSTL.
Dans le même temps, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a été sollicitée par Londres pour « vérifier l’analyse du gouvernement » britannique. Et plusieurs échantillons de la susbtance utilisée à Salisbury ont été envoyés à quatre laboratoires internationaux indépendants. Et ces derniers ont rendu leurs conclusions.
Ainsi, via un communiqué, l’OIAC indique que les « résultats de l’analyse par les laboratoires désignés […] d’échantillons environnementaux et biomédicaux recueillis par l’équipe de l’OIAC confirment les conclusions du Royaume-Uni concernant la nature du produit chimique toxique utilisé à Salisbury ». Dans le résumé du rapport publié à la demande de Londres, la « grande pureté » de la substance analysée est soulignée.
« L’équipe de l’OIAC a travaillé de manière indépendante et n’est pas impliquée dans l’enquête nationale menée par les autorités britanniques. Aucun État partie n’a participé aux travaux techniques menés », a précisé l’organisation.
Par ailleurs, la Ioulia, la fille du colonel Skripal, a pu sortir de l’hôpital où elle avait été admise le 4 mars. Dans un communiqué, elle a affirmé « souffrir toujours des effets de l’agent neurotoxique utilisé » et refuser l’aide consulaire proposée par l’ambassade de Russie à Londres. Quant à son père, il est « toujours gravement atteint » mais il se « rétablit lentement ». Enfin, le policier qui avait été exposé à l’un des agents Novitchok est désormais tiré d’affaire.
Cette affaire a déclenché une crise diplomatique, le Royaume-Uni ayant accusé la Russie d’avoir commandité l’assassinat du colonel Skripal. En retour, Moscou a accusé Londres d’avoir fomenté une « provocation » afin de détourner l’attention de ses difficultés présumées causées par le Brexit.
Quoi qu’il en soit, les analyses réalisées par l’OIAC confortent le gouvernement britannique dans ses accusations.
« Il ne peut y avoir aucun doute sur le produit utilisé et de ce fait, il n’y a aucune autre explication possible sur le responsable – seule la Russie a les moyens, le mobile, et les capacités », a commenté Boris Johnson, le chef du Foreign Office, avant de convoquer une réunion de l’OIAC le 18 avril pour « étudier la suite » de cette affaire.