Quel est le point commun entre, d’un côté, l’ex-colonel du renseignement militaire russe Sergueï Skripal et sa fille et, de l’autre, les deux personnes retrouvées dans un état critique, dans une habitation de la localité d’Amesbury, située à une quinzaine de kilomètres de celle de Salisbury [Angleterre]? A priori, aucun. Si ce n’est que ces quatre personnes ont été exposées à l’agent innervant Novitchok, une substance développé par l’Union soviétique dans les années 1970.
Le 30 juin, les services de secours ont été appelés pour porter assistance à Dawn Sturgess, 44 ans, qui venait alors de perdre connaissance. Puis, un peu plus tard, ils ont été sollicités à nouveau pour intervenir au même endroit, cette fois pour Charlie Rowley, 45 ans. Selon un ami du couple, ce dernier « a sué à grosses gouttes, et on ne pouvait pas lui parler. Il faisait de drôles de bruits, et il se balançait d’avant en arrière sans répondre. »
Dans un premier temps, la police a émis l’hypothèse d’un incident lié à la prise d’une drogue. Mais, finalement, après une analyse d’échantillons effectuée par le Defence Science and Technology Laboratory, installé à Porton Down, il s’est avéré que le coupe avait été exposé à l’agent innervant Novitchok. Peu avant, Scotland Yard avait indiqué que le police anti-terroriste venait d’être associée à l’enquête à titre « procédural ».
« Ce soir [04/07] nous avons reçu des résultats d’analyse […] qui montrent que les deux personnes ont été exposées à l’agent innervant Novitchok », a en effet déclaré Neil Basu, chef du contre-terrorisme britannique. « C’est le même agent innervant [ayant emploisonné le colonel Skripal et sa fille, ndlr]. Ce sera aux scientifiques de déterminer s’il vient du même lot », a-t-il ajouté.
Cette affaire survient quatre mois après l’empoisonnement de Sergeï Skripal et de sa fille, à Salisbury [*]. Les autorités britanniques mirent en cause la Russie, ce qui ne manqua de susciter de vives tensions diplomatiques.
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L’agent innervant utilisé contre les deux ressortissants russes s’obtient en mélangeant de substances de synthèse autorisées et non toxiques, ce qui permet de faciliter son transport. Les poisons de la famille « Novitchok » font partie des plus létaux que l’on puisse trouver. Cependant, bien que sérieusement atteints, Sergueï et Ioula Skripal ont pu quitter l’hôpital où ils avaient été admis…
« C’est peut-être un défaut de fabrication, de dose ou de qualité : ces agents, sensibles à l’air, à la lumière et à l’humidité, peuvent perdre en efficacité », avait affirmé Julien Legros, du Laboratoire de chimie organique et analytique COBRA, dans les colonnes de Science&Vie, pour expliquer la survie des deux ressortissants russes.
En attendant, le mystère de l’empoisonnement de Dawn Sturgess et de Charlie Rowley reste entier, d’autant plus que rien ne les relie aux services russes. « La priorité des enquêteurs est désormais de déterminer comment ces deux personnes sont entrées en contact avec l’agent innervant », a indiqué Neil Basu, selon qui il n’y a pour le moment « aucune preuve » suggérant qu’elles aient été « visées d’une quelconque manière. »
En tout cas, déterminer comment ce couple a pu être en contact avec du Novitchok permettrait probablement de relancer l’enquête sur l’empoisonnement du colonel Skripal et de sa fille.
[*] Un policier britannique a également été exposé au Novitchok. Il est depuis sorti d’affaire.