En mars, soit quelques semaines après la publication du rapport « Cruz », qui plaidait en faveur d’une posture « plus offensive » pour les Casques bleus, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a lancé une nouvelle initiative, appelée « Action pour le maintien de la paix », dans le but d’améliorer l’efficacité des opérations conduites sous la bannière de l’ONU.
« Remarquable entreprise de multilatéralisme et de solidarité internationale lorsqu’il est couronné de succès, le maintien de la paix fait face à de nombreuses difficultés qui l’abîment et abîment avec lui le multilatéralisme lui-même », a ainsi déclaré M. Guterres à cette occasion. Et de souligner qu’une « opération de maintien de la paix n’est ni une armée, ni une force antiterroriste, ni une agence humanitaire » mais que « c’est un outil qui vise à créer un espace pour une solution politique nationale. »
Seulement, dans le cas du Mali, par exemple, trouver une « solution politique nationale » n’est pas aussi simple, d’autant plus qu’il faut composer avec les attaques de groupes jihadistes qui n’ont aucune intention de négocier quoi que ce soit. Si le contexte est différent, la Mission des Nations unies en Centrafrique (MINUSCA) rencontre des difficultés du même ordre, avec des mouvements armés qui n’entendent rien céder aux autorités gouvernementales.
Par ailleurs, il est arrivé que les Casques bleus n’aient pas été en mesure de protéger efficacement les populations, comme au Soudan du Sud ou encore en Centrafrique. Parfois, il est même arrivé que le comportement de certains contingents ait été sujet à caution, sur fond de graves accusations d’abus commis sur des civils.
En outre, la tendance de ces dernières années montre un « durcissement » des opérations. En 2017, 56 Casques bleus ont été tués lors d’une opération de maintien de la paix. Les pertes les plus importantes ont été subies au Mali, en Centrafrique, au Darfour et en République démocratique du Congo.
Pour améliorer l’efficacité des opérations de maintien de la paix [OMP], les États-Unis, qui en sont les principaux donateurs avec une enveloppe de 6,7 milliards de dollars, entendent soumettre un projet de résolution au Conseil de sécurité afin de, a expliqué Nikki Haley, leur représentante aux Nations unies, « créer une culture de la performance ».
Pour cela, le projet américain définit trois priorités : rendre « transparents » les échecs, prendre des mesures pour en désigner les responsables et mettre en place des critères et des statistiques « pour que les profils de troupes correspondent mieux aux missions. »
Selon l’AFP, qui a pu consulter ce projet, il est question de sanctionner les « troupes défaillantes et leur pays d’origine » par la diffusion de « rapports publics » et la « retenue sur des remboursements » dus par les Nations unies. Enfin, il prévoit un « rappel » des unités ayant manqué à leurs obligations.
« Nous entendons beaucoup trop d’histoires de civils vulnérables, qui font confiance aux soldats de la paix, et ces soldats de la paix ne parviennent pas à les protéger », a fait valoir Mme Haley, le 12 septembre. Ce projet de résolution « accélérera les progrès en matière de performance des opérations de maintien de la paix », a-t-elle plaidé.
Seulement, la Russie n’est pas en phase avec cette approche qui s’appuie sur des sanctions. « Il faut se méfier des conclusions hâtives » sur l’inefficacité des Casques bleus, a rétorqué Vassily Nebenzia, le représentant russe auprès des Nations unies. « Le plus important est d’avoir des mandats adéquats », a-t-il ajouté, estimant que, « à l’avenir, il faudra les épurer des missions secondaires. »
Pour le diplomate russe, il importe d’associer les pays contributeurs de troupes à la « réflexion sur l’amélioration des performances » des OMP. « Il faut une approche globale », a-t-il insisté.
Son homologue chinois, Wu Haito, dont le pays fournit 2.500 soldats au opérations de l’ONU, est allé dans le même sens. « Une démarche intégrée est nécessaire pour améliorer la performance », a-t-il dit. Et cela passe par « une coopération entre le secrétariat et les pays fournisseurs de contingents militaires et de police », a-t-il précisé.
Quant à François Delattre, le représentant de la France à l’ONU, il a estimé que la « réforme du maintien de la paix est un enjeu central de l’avenir de l’ONU ». Et, selon lui, l’amélioration de la performance des OMP passe par trois éléments : la formation opérationnelle, « en amont comme au cours des missions », une meilleure mobilisation des forces armées et de police, avec des capacités accrues en matière de mobilité et de projection (génération de forces), et la mise en place d’une « véritable évaluation ».
Sur ce dernier point, un « échange franc et ouvert doit pouvoir se tenir entre le Secrétariat et les pays contributeurs de troupes et de police en cas de sous-performance avérée afin de mieux identifier les différents écueils ayant conduit à ces situations et d’y remédier – quitte, en cas d’échec et a fortiori d’exactions, à envisager un rapatriement des troupes concernées », a expliqué le diplomate français.
« Notre objectif est bien d’établir une vraie culture de la performance, adossée à des mécanismes clairs de responsabilité et d’incitations. C’est la meilleure réponse que nous pouvons apporter ensemble aux professionnels du UN bashing, qui trouveront toujours la France en travers de leur chemin », a conclu M. Delattre.