Lancée en 2015 pour « casser » le modèle économique des passeurs de migrants opérant en particulier depuis la Libye, l’opération européenne EUNAVFOR Sophia, commandée par un amiral italien, n’a pas eu l’effet escompté. Et cela pour une raison simple : elle n’a pas obtenu l’aval de Tripoli pour intervenir au plus près du littoral libyen.
En outre, les passeurs s’arrangeaient pour faire embarquer des migrants sur des embarcations de fortune, avec le carburant juste nécessaire pour naviguer à la limite des eaux libyennes. Du coup, et conformément au droit de la mer, les navires de l’opération européenne recueillaient ces derniers leur bord, puis prenaient la direction d’un port italien, comme le prévoyaient les règles d’EUNAVFOR Sophia.
Cependant, il y eut un changement d’approche en 2017, avec la décision de former les garde-côtes libyens, l’idée étant de miser sur ces derniers pour intercepter les embarcations de migrants dans leurs eaux territoriales. Pour cela, le gouvernement italien les dota d’une vingtaine de vedettes rapides.
Résultat : le nombre des arrivées en Italie a diminué de 78% entre le 1er janvier et le 20 juin par rapport à la même période en 2017. Et, durant le même temps, les garde-côtes libyens ont intercepté 9.100 migrants. Pour autant, le phénomène ne s’est pas encore tari, comme en témoignent les difficultés qu’ont les navires affrétés par des ONG pour débarquer, en Europe, les migrants sauvés en Méditerranée par leurs soins.
Par ailleurs, il arrive aussi aux navires de l’opération EUNAVFOR Sophia de porter secours à des migrants à la dérive. D’où le souhait de Rome de modifier la règle relative à leur débarquement.
« Demain [30/08], lors de la réunion informelle des ministre de la Défense de l’UE à Vienne, je porterai au nom du gouvernement italien une proposition de modification des règles de la mission Sophia concernant le port de débarquement », a en effet affirmé Elisabetta Trenta, le ministre italienne de la Défense, sur sa page Facebook.
« La proposition vise à parvenir à une rotation des ports de débarquement, c’est-à-dire que notre objectif est de faire en sorte que l’Italie ne soit pas seule à prendre le problème en charge, mais aussi les autres États membres », avait auparavant expliqué une source au ministère italien de la Défense à l’AFP.
« Nous considérons ce principe inacceptable et nous voulons le revoir. […] Demain, la balle sera dans le camps de l’UE : en acceptant notre proposition elle aura l’occasion de montrer qu’elle est une vraie communauté, de valeurs et d’intentions; en refusant, elle niera ses propres principes fondamentaux », a par ailleurs fait valoir Mme Trenta, issue du Mouvement cinq étoiles.
Évidemment, le souhait exprimé par le gouvernement italien concerne les États membres qui ont une façade méditerranéenne, dont la France, l’Espagne, Malte et la Grèce. Et comme il n’est pas envisageable de demander de nouveaux efforts aux deux derniers, les premiers devraient être particulièrement sollicités.
Quoi qu’il en soit, un accord peinait à se dessiner lors de la réunion de Vienne. « Même si c’est un problème difficile, je pense qu’il serait bon que les Etats membres prennent plus de responsabilités » pour résoudre la question sur les ports de débarquement, a commenté Federica Mogherini, la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui est italienne.
« Des pourparlers ont eu lieu ces dernières semaines » mais « aucun consensus n’a pour l’heure été trouvé », a ensuite admis Mme Mogherini. « C’est une question que nous ne pouvons ignorer et je vais aujourd’hui demander aux Etats membres de donner des lignes directrices », a-t-elle continué. Et d’insister : « Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser une opération européenne sans règles claires à appliquer. »
Visiblement, cette idée d’une rotation des ports européens pour accueillir les migrants secourus lors de l’opération EUNAVFOR Sophia n’emballe pas grand monde. « J’ai trouvé des portes ouvertes mais aussi des portes fermées », a commenté Mme Trenta, au lendemain de la publication de son message via Facebook.
L’Allemagne, qui n’est pas concernée par cette affaire de ports, a cependant dit « être disponible pour une solution » et prête à « prendre sa part de responsabilité ». « Nous supposons que les autres feront également leur part », a déclaré Heiko Maas, le ministre allemand des Affaires étrangères.