Dans la droite ligne de son dernier discours prononcé lors la Conférence des ambassadeurs, le président Macron a proposé, ce 30 août, à Helsinki, de renforcer significativement la portée de l’article 42-7 du Traité sur l’Union européenne, lequel prévoit que les États membres doivent « aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir » à l’un d’entre-eux s’il fait l’objet d’une « agression armée sur son territoire. »
Cet article 42-7 a été invoqué pour la première fois par la France, après les attentats de Paris et de Saint-Denis, en novembre 2015. S’il peut être comparé à l’article 5 du Traité de l’Atlantique-Nord sur la défense collective, ce texte est cependant moins contraignant et plus flou sur les moyens à mettre en oeuvre en cas d’une agression armée contre l’un des États membres de l’UE.
Moins contraignant car il ne concerne pas tout le monde. La Suède, la Finlande, l’Autriche, Malte, l’Irlande ne sont pas concernés par cet article en raison de leur « politique de sécurité et de défense spécifique », c’est à dire de leur neutralité.
D’autre part, « l’aide et l’assistance » évoquée par cet article ne sont pas clairement définies : cela peut aller d’une aide financière à l’envoi de soldats, en passant par de simples autorisations de survol. Enfin, ce texte n’a pas de caractère automatique, contrairement à l’article 5 de l’Otan.
En effet, ce dernier indique que « les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord. »
D’où la proposition du président Macron de corriger cet article 42-7 en lui donnant une caractère « semi-automatique » en cas d’agression armée contre l’un des État membres de l’UE.
« Notre volonté est clairement que l’Europe assume son autonomie stratégique et renforce sa solidarité en matière de défense », a souligné M. Macron lors d’une conférence de presse tenue au côté de Sauli Niinistö, son homologue finlandais. Pour cela, il envisage donc une « une solidarité renforcée quasi-automatique, ce qui fera qu’entre États membres qui seront d’accord avec cette réforme, nous puissions avoir une véritable solidarité d’intervention si un État était attaqué. »
Il s’agirait ainsi, a expliqué le président français, de faire en sorte que l’UE puisse disposer d’une « espèce d’article 5 renforcé ». Et d’ajouter que cette « avancée » ne serait « pas contraire » à l’Otan, qui « reste alliance importante et stratégique. » Seulement, a-t-il estimé, « nous avons besoin d’une solidarité renforcée » entre Européens.
Une telle évolution pourrait intéresser des pays comme la Suède et la Finlande, qui s’interrogent sur l’opportunité de rejoindre ou non l’Otan, afin de pouvoir bénéficier de cette clause de défense collective prévue à l’article 5 face à l’activité militaire russe dans leur voisinage immédiat. Cela étant, ces deux pays ont renforcé leur coopération militaire avec les États-Unis et participent à une force expéditionnaire commune (Joint Expeditionary Force, JEF) mise sur pied par le Royaume-Uni.
Reste que l’affaire s’annonce compliqué pour « refonder » les traités européens afin d’instaurer cette défense collective, les gouvernements de plusieurs États membres faisant preuve de défiance à l’égard de l’UE.
Par ailleurs, M. Macron a plaidé pour un « aggiornamento complet » de la relation entre l’UE et la Russie, en particulier dans les domaines de la sécurité et de la défense. « Nous sommes restés parfois sur des réactions de part et d’autre liées à des erreurs ou des incompréhensions dans les deux dernières décennies qui ont conduit à ne pas aller au bout du raisonnement qu’on devait tirer », a-t-il expliqué. « Il y a beaucoup de travail compte tenu des péripéties que nous avons connues ces dernières années mais il faut le mener et mener cette discussion », a-t-il ajouté.
Mais pour que cette discussion ait lieu, le président français a fixé deux conditions préalables. Il faut « au sein de l’Union européenne être beaucoup plus forts, avoir une autonomie stratégique » car « quand on n’a pas une Europe de la défense et de la sécurité suffisamment forte, ce n’est pas la peine d’aller parler avec des partenaires privilégiés », a fait valoir M. Macron.
Et puis, a-t-il continué, la Russie doit aussi « donner des signaux », notamment dans l’affaire ukrainienne. « Il ne s’agit pas d’oublier tout ce qu’il s’est passé ces dernières années, ce ne serait pas une bonne méthode mais simplement de manière réaliste, avec les préconditions que je viens de donner, aller plus loin dans la coopération », a souligné le président Macron. « C’est envisageable mais il faut qu’il y ait la volonté de part et d’autre », a-t-il conclu.