Le code Navajo
La difficile bataille du Pacifique…
Depuis l'attaque surprise de la base militaire de Pearl Harbour, le 7 décembre 1941, les combats font rage dans les iles du Pacifique entre troupes japonaises et américaines.
Dans un terrain difficile, les communications par radio prennent une importance considérable.
Elles doivent permettre de coordonner les déplacements, donner les informations vitales, organiser la tactique.
Dans ce domaine, les américains auraient du posséder une longueur d'avance.
Ils déchiffrent tous les codes japonais, tandis que le cryptage électromécanique de la machine américaine SIGABA offre une protection tout à fait satisfaisante.
Mais il a un défaut. Il est désespérément lent (certains généraux américains se plaignaient qu'entre le début de la transmission et la fin de la réception, il s'écoulait parfois deux heures), et demande une précision de tous les instants.
Si cela ne pose pas de problèmes pour des échanges entre quartiers généraux, ce n'est pas le cas pour les opérations de terrain, où on doit pouvoir tout faire dans la seconde.
Les américains communiquaient donc souvent simplement en anglais durant les phases de combat.
Malheureusement pour eux, l'armée japonaise comportait de nombreux officiers de transmission parlant parfaitement l'anglais, la plupart pour avoir fréquenté les collèges américains.
Ainsi, les nippons connaissaient tout à l'avance des plans d'attaque américains.
Pire, ils émettaient de faux messages destinés à troubles leurs adversaires.
Le code Navajo
C'est dans ce contexte que Philip Johnston, un ingénieur vivant en Californie, a l'idée d'utiliser la langue des Navajos.
Les Navajos sont une des tribus les plus anciennes du continent américain, qui vivait d'agriculture aux confins du Colorado, de l'Arizona et du Nouveau-Mexique.
Après de farouches batailles contre les colons blancs, les Navajos furent "confinés" dans une réserve occupant une partie de leur ancien territoire.
La tradition des Navajos est purement orale et leur langue n'a pas de forme écrite.
Elle est de plus extrêmement difficile car elle n'a pas de parenté avec une quelconque langue européenne ou asiatique. Un verbe, par exemple, s'accorde non seulement avec son sujet, mais aussi avec son complément.
On estime, en ces années 1941-1942, à moins d'une trentaine le nombre de "blancs" parlant la langue Navajo.
Philip Johnston, qui est le fils d'un missionnaire protestant, est l'un d'eux.
Il a l'idée que si chaque bataillon du Pacifique était doté d'un Navajo assurant les communications avec ses homologues des autres bataillons, la sécurité de celles-ci serait assurée.
L'État-Major se montre d'abord sceptique devant une telle idée, mais, après une démonstration éclatante de faisabilité, ordonne le lancement d'un programme pilote de formation de soldats Navajos. C'est cette tribu et non une autre qui est choisie, car elle est la seule à n'avoir jamais accueilli d'étudiants allemands.
Ils sont d'abord 29 Navajos à être formés.
En même temps est conçu le code qui doit leur permettre de communiquer.
En effet, de nombreux mots d'origine militaire n'existent pas en langue Navajo.
Ainsi, le mot tortue est employé pour désigner tank, poisson d'acier pour sous-marin, etc…
C'est un lexique de 274 mots qui fut ainsi créé.
Pour les autres mots, il fut décidé de les épeler en anglais en remplaçant chaque lettre par un mot commençant par cette lettre (par exemple, ant, apple ou axe pour le a), puis de transmettre leur équivalent en Navajo (wol-la-chee, be-la-sana ou tse-nill).
Le fait d'employer plusieurs mots différents est important pour éviter une analyse des fréquences.
Après quelques mois de formation, les premiers "Navajo code talkers" sont dans les bataillons qui participent à la prise de Guadalcanal en août 1942.
Après quelques tâtonnements, leur utilisation dans les transmissions est couronnée de succès.
Des renforts sont rapidement formés (en tout, 420 Navajos participèrent au combat), le lexique est étendu pour couvrir 600 mots.
Les Navajos participent notamment à la bataille décisive de l'île de Iwo Jima en février 1945. Durant les 48h du début de l'invasion américaine, on estime à environ 800 le nombre de messages envoyés par les Navajos.
Pour les Japonais, ce code resta un mystère durant toute la guerre.
Ils avaient pourtant capturé, début 1942, avant la formation des code talkers, un sergent d'origine Navajo. Malgré les tortures, celui-ci ne leur révéla pas le secret du code.
Il ne le pouvait pas, car il ne le connaissait pas… Les Américains prirent également de grandes précautions pour éviter que leur code ne tombe dans des mains ennemies.
D'abord, aucune trace écrite du code ne fut jamais produite (cela ne posait aucun problème aux Navajos pour qui toute leur culture était de tradition orale).
Surtout, chaque opérateur Navajo était accompagné d'une sorte d'ange-gardien, un marine expérimenté qui portait un ordre secret : si le code talker risquait de tomber vivant dans les mains ennemies, il devait l'abattre sur le champ.
L'existence du code Navajo fut caché deux décennies, comme secret de guerre. Ce n'est qu'en 1968, à l'ouverture des archives, que leur existence ne fut révélée au grand public.
Ronald Reagan fut le premier président des États-Unis à manifester officiellement la gratitude nationale envers les Navajos, avant que les derniers survivants ne reçoivent en 2001 la médaille d'honneur du congrès américain.
En 2002, John Woo réalise le film les Windtalkers, les messages du vent, consacrés à cette épisode de la guerre. Voici le synopsis du film :
En 1944, durant la Seconde Guerre mondiale, face à l'ennemi japonais, les États-Unis ont utilisé une méthode de codage : le langage Navajo, uniquement compris et parlé par certains soldats indiens.
Ces code talkers transmettaient les messages codés entre les bases américaines disséminées sur les îles du Pacifique.
Le marine Joe Enders sort blessé d'une bataille sanglante sur les îles Salamon.
Après avoir récupéré dans un hôpital, il est chargé d'une nouvelle mission consistant à assurer la sécurité de deux soldats navajos, Ben Yahzee et Charlie Whitehorse, et à "protéger le code à tout prix" pour l'empêcher de tomber aux mains de l'ennemi.
En clair : sacrifier, si besoin est, leurs frères d'armes. Durant ce périple, Joe se voit accompagner d'Ox Anderson et d'autres soldats.
En pleine bataille de Saïpan, des liens d'amitié se tissent entre les Navajos et leurs "anges gardiens".