Une semaine après l’Anzac Day, marqué par la commémoration du centenaire de la bataille de Villers-Bretonneux, au cours de laquelle 2.400 soldats australiens perdirent la vie, et l’inauguration, à Fouilloy [Somme] du centre Sir John Monash, dédié à l’engagement de l’Australie dans la Première Guerre Mondiale, le président Macron a entamé une visite officielle à Sydney afin de « rehausser le partenariat stratégique » entre Paris et Canberra.
Il s’agit ainsi de renforcer la coopération franco-austalienne dans les domaines de la défense et de la sécurité tout en abordant les questions économiques. Pour les deux pays, il est question d’apporter une « réponse commune » aux tensions propres à la région indo-pacifique, où la Chine ne cesse d’étendre son influence en accordant des aides relativement importantes aux îles du Pacifique.
Récemment, il avait été question de l’implantation d’une base militaire chinoise au Vanuatu. Bien que démentie par Pékin et Port-Vila, il n’en reste pas moins que l’Australie redoute « l’établissement de toute base militaire étrangère dans les pays du Pacifique », comme l’avait alors souligné Malcolm Turnbull, le Premier ministre australien.
« La Chine devient plus volontariste et agressive dans la région comme en Australie. Notre pays n’a d’autre choix que d’adopter une ligne plus ferme pour faire respecter ses intérêts stratégiques » a expliqué, dans les colonnes du quotidien Le Monde, Peter Jennings le directeur exécutif de l’Institut australien de stratégie politique.
Au Vanuatu, la Chine aurait accordé des centaines de millions de dollars pour la construction d’un quai pouvant accueillir des navires de guerre et l’amélioration du principal aéroport du pays. Même chose pour l’archipel des Salomon, où Pékin envisage de construire des installations aéroportuaires sur l’île de Guadalcanal. « C’est un gros morceau d’infrastructure qui pourrait avoir un double usage », a relevé Jonathan Pryke, directeur du programme « Pacifique » au Lowy Institute.
Dans ce jeu, l’Australie a déboursé plus de 60 millions d’euros pour financer un câble de communication sous-marin entre Sydney et les îles Salomon pour empêcher le chinois Huawei de la construire. En un mot, il n’était pas question pour Canberra qu’un actif aussi stratégique puisse être contrôlé par Pékin.
Cet activité chinoise concerne aussi la France, via la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. D’où la volonté de Paris et de Canberra de « réhausser leur partenariat stratégique. »
La coopération militaire entre la France et l’Australie est désormais ancienne, avec des contacts réguliers entre leurs forces armées respectives, des opérations communes (acccord FRANZ), des exercices conjoints (Croix du Sud en Nouvelle-Calédoni, Pitch Black et Kakadu en Australie) et des contrats importants d’armements, comme celui portant sur la vente de 12 sous-marins Shortfin Barracuda à la Royal Australian Navy. D’ailleurs, dans le cadre de ce dernier, un accord relatif au « partage d’informations classifiées » a été signé en décembre 2016.
Ce 2 mai, le président Macron et le Premier ministre Turnbull ont donc signé plusieurs accords devant marquer cette volonté commine d’établir un « partenariat plus approfondi » dans le cadre d’un « nouvel axe indo-pacifique ».
« Nous avons un objectif commun: faire de nos deux pays les acteurs d’un partenariat nouveau dans la zone indo-pacifique », a ainsi souligné M. Macron lors d’une conférence de presse. « Nous nous tenons côte à côte, et nous nous unissons contre le terrorisme et contre ceux qui veulent saper la démocratie », a enchéri M. Tunbull, insistant sur le fait que la France et l’Australie partagent des valeurs comme « la démocratie » et la « liberté ».
« Nous avons la même préoccupation sur les risques et les menaces qui traversent la région indo-pacifique : les rivalités entre puissances, les tensions identitaires, les trafics de toutes sortes qui prospèrent sur le manque de développement lié en très grande partie au dérèglement climatique », a par ailleurs expliqué le président français.
« Notre priorité partagée c’est de construire cet axe indo-pacifique fort pour garantir à la fois nos intérêts économiques et de sécurité et pour promouvoir, dans une région clé pour les équilibres mondiaux, la paix et la stabilité », a ajouté M. Macron, avant d’assurer que « le dialogue trilatéral Australie-Inde-France a vocation a jouer un rôle central. »
Cependant, MM. Macron et Turnbull ont affirmé, sans désigner la Chine, qu’il s’agissait de « préserver un développement qui repose sur des règles » et « les équilibres de la région », et d’éviter une « hégémonie ».
Dans le domaine militaire, Paris et Canberra ont donc signé un « accord bilatéral relatif à la fourniture de soutien logistique mutuel entre les forces armées françaises et les forces de défense australiennes. » il est aussi question d’organiser, chaque année, un « symposium » intéressant l’industrie de l’armement franco-australienne dans le cadre d’une « d’une initiative plus large entre les deux nations. »
Une lettre d’intention concernant la cybersécurité a été signée. Là, il s’agira de renforcer la coopération entre l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et l’Australian Cyber Security Centre (ACSC) afin de mieux lutter contre les menaces visant les réseaux tant militaires que civils.
Photo : Ministère australien de la Défense