Depuis qu’elle a obtenu une dérogation de la part du Conseil de sécurité des Nations unies à l’embargo sur les armes appliqué à la Centrafrique, la Russie ne cesse de renforcer son influence à Bangui, avec l’envoi de 170 instructeurs « militaires civils », dont la mission est de former les forces armées centrafricaines (FACa). En outre, la sécurité du président centrafricain, Faustin Archange Toudéra, est désormais assurée par des « conseillers » russes.
Le 3 août, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, assura que ces instructeurs ne participaient pas aux combats contre les groupes armés centrafricains et que leur tâche se limitait uniquement à faire de la formation. Ces propos furent tenus après l’assassinat, le 30 juillet, de trois journalistes russes qui enquêtaient sur la présence de mercenaires employés par la société militaire privée (SMP) Wagner à Sibut.
Seulement, un rapport du groupe d’experts des Nations unies relatif à la situation en Centrafrique avait ensuite relativisé les explications de Mme Zakharova, en affirmant que ces « instructeurs militaires civils » assuraient des « des missions d’escorte et de protection » et fournissaient un appui opérationnel aux FACa.
Quoi qu’il en soit, les liens militaires entre Moscou et Bangui vont se renforcer dans les semaines et les mois qui viennent. Ce 21 août, à l’occasion du forum militaire Armée 2018, organisé à Koubinka [région de Moscou, ndlr], la ministre centrafricaine de la Défense, Marie-Noëlle Koyara, et son homologue russe, Sergueï Choïgou, ont signé un accord allant dans ce sens.
Ce texte « va contribuer à renforcer nos liens dans le domaine de la défense », s’est réjoui M. Choïgou, qui voit la Centrafrique comme un « partenaire prometteur sur le continent africain. »
Les détails de cet accord n’ont pas été révélé. Toutefois, la Mme Koyara a indiqué qu’il portait notamment sur la formation des soldats centrafricains. Plus tard, le vice-ministre de la Défense russe, Alexandre Fomine, a précisé qu’il allait permettre des « échanges de délégations » ainsi que des « formations dans des écoles militaires russes. »
Visiblement, la Russie s’intéresse de près aux ressources minières de la Centrafrique. Des entreprises ont obtenu des contrats de prospection et des concessions, dont Lobaye Invest, filiale de M Invest, un groupe fondé par un proche du président Poutine, à savoir Evguéni Prigojine, qui est aussi actionnaire de la SMP Wagner, fondée par un ancien du GRU, le renseignement militaire russe.
Par ailleurs, la Centrafrique, toujours en proie à l’instabilité, accueille une mission des Nations unies forte de 14.787 Casques bleus [MINUSCA] ainsi qu’une mission de l’Union européenne chargée de former les FACa [EUTM RCA]. Cette dernière a récemment validé la fin de la formation du 2e Bataillon d’infanterie territoriale.
Ce rapprochement entre Bangui et Moscou s’accompagne d’une petite musique anti-française perceptible chez certains médias russes. Pour résumer, il est reproché à la France d’avoir mis un terme à l’opération Sangaris alors que la situation centrafricaine n’était pas stabilisée. Le tout assorti d’élucubrations et d’affirmations avancées au mépris de la réalité faits (et sans éléments sérieux pour les étayer).
Pour rappel, l’opération Sangaris avait trois objectifs : éviter un bain de sang à Bangui, remettre les institutions centrafricaines sur les rails et permettre la montée en puissance de la MINUSCA. Comme ils ont été atteints, elle a donc logiquement pris fin.
Mais la Centrafrique n’est pas le seul pays africain à avoir renforcé ses liens militaires la Russie. Le Burkina Faso a également un accord de coopération à Moscou, lors du même forum militaire. À cette occasion, M. Choïgou a qualifié ce pays de « partenaire prometteur » dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. En septembre 2017, la société russe Rosoboronexport avait annoncé la livraison, pour cette année, de deux hélicoptères Mi-171Sh aux forces aériennes burkinabè.
Photo : EUTM RCA