Le 13 juin 2016, à Magnanville (78), Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, un couple de fonctionnaires de police, furent assassinés devant leur jeune enfant par Larossi Abballa, un jihadiste ayant fait allégeance à l’État islamique (EI ou Daesh). Ce dernier fut tué lors de l’intervention du RAID et de la BRI. Pour les enquêteurs, il s’agissait alors de savoir comment le terroriste avait choisi ses victimes et s’il faisait partie ou non d’une organisation plus large.
Lors des investigations, une empreinte génétique n’appartenant pas à Abballa fut trouvée sur le socle de l’ordinateur portable des victimes. Ce qui motiva, en décembre 2017, l’arrestation et la mise en examen pour « association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste » d’un certain Mohamed Lamine A., dont l’ADN correspondait à la trace en question.
Le 9 avril l’enquête a connu un nouveau rebondissement avec la mise en garde à vue de six autres personnes. Parmi elles, l’on trouve un délinquant de droit commun, un homme fiché S ainsi qu’une policière de 48 ans, ancienne responsable départementale du syndicat Alliance 78, son fils de 26 ans, lequel montrerait des signes de radicalisation, sa fille de 30 ans, et Mina S., une amie de cette dernière, déjà incarcérée à Fleury-Merogis après avoir été mise en examen en octobre dans le cadre d’une autre affaire liée à la mouvance jihadiste.
Selon une information révélée par l’hebdomadaire Le Point et franceinfos, confirmée par la suite, les enquêteurs ont trouvé chez Mina S. une clé USB ayant contenu une liste de 2.626 noms et matricules de policiers du renseignement intérieur (ceux de Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider n’y figuraient pas).
Cette liste avait été établie en 2008, au moment de la création de la Direction de centrale du renseignement intérieure (DCRI), fruit de la fusion entre les Renseignements généraux (RG) et la Direction de la surveillance du territoire (DST).
Comment a-t-elle pu se retrouver entre les mains d’une personne appartenant à la mouvance jihadiste? C’est ce que cherchent à comprendre les enquêteurs. Mais une piste se dessine.
En effet, à la demande de sa fille, Mina S., par ailleurs soeur du « fichier S » interpellé lundi, a été hebergée, pendant un temps chez la policière placée en garde à vue. À l’époque où elle était responsable syndicale, cette dernière a ainsi pu avoir accès au document en question, comme le veut d’ailleurs la loi. En effet, comme l’a expliqué le criminologue Alain Bauer sur les ondes de RTL, quand deux services fusionnent, comme cela a été le cas de la DST et des RG, la liste des personnels concernés est transmises aux partenaires sociaux, afin de leur permettre de défendre au mieux leurs intérêts.
D’après Le Point, la liste avait été effacée de la clé USB trouvée par les enquêteurs au domicile de Mina S. Mais c’est en restaurant les données qu’elle contenait qu’ils ont fait cette découverte.
Quoi qu’il en soit, la garde à vue a été prolongée pour cinq des six personnes interrogées par la sous-direction antiterroriste (Sdat) de la police judiciaire (le délinquant a été a priori remis en liberté le 10 avril au soir). Selon l’AFP, les enquêteurs cherchent à savoir si Mina B. a effectivement consulté cette liste des agents de l’ex-DCRI (devenue DGSI).
Cette affaire n’est pas sans rappeler deux autres ayant récemment concerné la gendarmerie. En 2014, une gendarme adjointe volontaire du peloton autoroutier de Saint-Maximin/La-Sainte-Baume, radicalisée, avait été condamnée par le tribunal correctionnel de Draguignan pour la consultation illicite des fichiers confidentiels. Un an plus tard, une autre femme gendarme travaillant au fort de Rosny-sous-Bois avait été révoquée en raison de sa relation avec un complice d’Amédy Coulibaly, l’auteur de l’attaque de l’Hyper Casher.