Ces derniers mois, l’industrie belge de l’armement a connu au moins deux désillusions avec la France. La première concerne l’armurier FN Herstal, qui espérait remplacer les FAMAS de l’armée française, dans le cadre du programme AIF (Arme individuelle future). Bien qu’ayant un recours, le choix de HK-416F de l’allemand Heckler & Koch GmbH, fut confirmé par la suite.
Un second industriel belge a été déçu : CMI Group. Cette multinationale, basée à Liège, comptait bien mettre la main sur Renault Trucks Defense, alors mis en vente par Volvo, en soulignant les synergies susceptibles d’être générées avec cette opération.
Et CMI Group pouvait être raisonnablement confiant que la Belgique avait annoncé, en juin 2017, son intention de commander auprès de la France 417 Véhicule blindé multi-rôles (VBMR) « Griffon » et 60 Engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) « Jaguar » [deux véhicules de la gamme SCORPION, ndlr] dans le cadre de son programme CAMO [CApacité MOtorisée]. Le tout pour plus d’un milliard d’euros. De quoi inciter le gouvernement français à appuyer la candidature de CMI Group à la reprise de Renault Trucks Defense, pensait-on outre-Quiévrain.
Seulement, en octobre dernier, et estimant que les offres reçues étaient insuffisantes, Volvo décida finalement de conserver sa division « Government Sales », et donc Renault Trucks Defense, dans son giron.
D’où l’amertume de Bernard Serin, le Pdg de CMI Group, dont la presse s’est fait l’écho ces derniers jours.
« Il est vraiment choquant de constater que l’armée belge a décidé de passer un marché de gré à gré » avec le gouvernement français « sans même solliciter les sociétés belges du secteur, sous prétexte de l’interopérabilité » avec l’armée français.
« Mais cet argument ne tient pas la route en l’espèce puisque cette interopérabilité ne concerne que les moyens de communication et pas les véhicules en tant que tels », a estimé M. Serin, avant de rappeler que CMI Group et FN Herstal produisent également des tourelles et tourelleaux pour les blindés.
« Nous disons qu’il n’est pas normal que l’industrie belge ne soit pas considérée, ne soit pas envisagée dans le cadre de ce programme [CAMO, ndlr] », a encore déploré le Pdg de CMI Group.
« Nous ne craignons ni la concurrence ni la compétition en termes de prix et de performances. La meilleure des preuves est que dans un appel d’offres mondial pour le même type d’équipement, où il y avait des Israéliens, d’autres Européens, des Norvégiens et des Américains, CMI a gagné le droit d’être le seul à faire le prototype pour l’armée américaine, c’est-à-dire que notre technologie a été reconnue comme étant la meilleure au monde par les Américains », a plaidé M. Serin, pour qui « c’est un peu choquant de ne pas être reconnu par l’armée belge. »
En effet, CMI Group a été retenu en 2016 par l’U.S. Army Armament Research, Development and Engineering Center [ARDEC] pour mettre au point un prototype de tourelle pour la modernisation des blindés Stryker, dans le cadre du « Cooperative Research and Development Agreement » (CRADA).
Du côté du cabinet du ministre belge de la Défense, Steven Vandeput, l’on a seulement souligné que le contrat portant sur les blindés Scorpion « n’est pas encore signé » (une déclaration d’intention l’a été en juin 2017) et qu’un retour « acceptable » pour les entreprises belges est exigé.