Lors de la rentrée 2018, il aura été beaucoup question de l’appel d’offres lancé en août par la Direction générale de l’armement [DGA] afin d’acquérir 2.600 Fusils de précision semi-automatique [FPSA] de 7,62 mm pour remplacer les fusils FRF2 de l’armée de Terre.
Une telle procédure ne suscite habituellement pas de commentaires, comme celle concernant les futurs patrouilleurs hauturiers « outre-Mer » de la Marine nationale. Sauf que pour le marché FPSA, la DGA a été accusée par certains médias d’avoir fixé des conditions trop élevées pour permettre à des industriels français – en l’occurrence l’armurier Verney-Carron – de défendre ses chances dans cet appel d’offres. Appel d’offres qui ne concerne pas seulement la livraison d’armes mais également 1.800 lunettes à intensification de lumière, 1.000 dispositifs d’imagerie thermique et 6,3 millions de munitions 7,62 x 51 mm perforantes et de précision.
Certains n’ont pas fait dans la nuance, allant même jusqu’à affirmer que le ministère des Armées « désarmait » les PME françaises alors qu’il a passé des marchés avec 26.000 d’entre elles… Et que de nombreuses autres participent, en tant que sous-traitants, à des programmes d’armement majeur.
Pour rappel, la DGA a fixé à 50 millions d’euros le montant minimum qu’un industriel (ou qu’un groupement d’intérêt économique) doit avoir atteint au cours du précédent exercice pour participer à l’appel d’offres relatif au Fusil de précision semi-automatique. Ce qui excluait de facto Verney-Carron. Toutefois, l’armurier français, connu pour sa riche expérience des armes de chasse, sera quand même en lice, avec son VCD-10, grâce à des partenariats noués avec Nammo [Nordic Ammunition Company] pour les munitions et l’allemand Hensoldt pour la partie optique.
Lors de son passage devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, pour évoquer le projet de loi de finances 2019, le Délégué général pour l’armement, Joël Barre, a dû répondre à la polémique suscitée par les conditions imposées par la DGA pour l’appel d’offre FPSA, lesquelles ont été jugées « un peu surréalistes » par le député Patrice Verchère.
« Quand nous passons un appel d’offres comme celui que nous avons passé pour cette arme, nous devons, d’une part, respecter la réglementation qui s’impose à nous – qu’elle soit européenne ou qu’elle relève du code des marchés publics – et, d’autre part, nous assurer que les titulaires qui nous feront des offres ont une capacité suffisante pour répondre à nos besoins dans la durée », a répondu M. Barre.
« En termes d’assiette du chiffre d’affaires correspondant à cet appel d’offres, l’optique représente plus de 50 % du marché correspondant. Le fusil lui-même en représente à peu près un quart et les munitions, de l’ordre de 10 % », a-t-il ensuite enchaîné.
Aussi, a-t-il poursuivi, « telle ou telle société française qui voulait répondre à cet appel d’offres, si elle n’avait pas l’ensemble des capacités fusil et optique de précision, devait se présenter avec un partenaire. » C’est donc ce qu’a fait l’armurier Verney-Carron, qui ne pouvait donc prendre part seul à cette procédure étant donné qu’il n’est pas en mesure de proposer de lunettes à intensification de lumière, de systèmes d’imagerie thermique et de munitions.
« Je peux vous assurer que dès qu’une entreprise française est susceptible de postuler à un appel d’offres, nous faisons le maximum pour que les conditions le lui permettent, dans le respect des règles que nous devons respecter – sinon nous serions en contentieux permanent », a par ailleurs insisté Joël Barre.
Quant à la question d’une filière française de munitions de petit calibre, que l’ancien ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, souhaitait recréer, le DGA a rappelé que la revue stratégique publiée en octobre 2017 avait cherché à distinguer ce qu’il fallait considérer comme devant être « souverain », « ouvert à la coopération à condition de conserver les compétences au cas où la coopération échouerait » ou bien encore « ce qui pouvait faire l’objet d’achats sur étagère parce que nous ne pouvons pas tout nous payer. »
« C’est un choix stratégique », a fait valoir M. Barre. « Si la filière de munitions petit calibre devient une priorité stratégique, il faudra savoir exactement quel coût elle représente et comment nous pourrons la financer dans le cadre d’une LPM qui a déjà été bouclée. […] Je comprends que cela touche une région plutôt qu’une autre, mais il faut bien faire des choix », a-t-il expliqué.