DAVID LIVINGSTONE

Extrait n° 12/livingstone

  On lit dans beaucoup de descriptions de voyages que les Dayacs témoignent leur amour à leur bien-aimée en déposant une tête d'homme à ses pieds. Cependant un voyageur, M."TEMNINGT", prétend que ce n'est pas vrai. Je suis tenté de me ranger à son opinion. Où ces sauvages prendraient-ils toutes ces têtes, si tout amoureux faisait un pareil cadeau à sa fiancée ?
  La triste coutume de la décollation semble plutôt avoir pris son origine dans la superstition; car quelque sujet tombe-t-il malade, ou bien entreprend-t-il un voyage dans une autre tribu, lui et sa tribu s'engagent à faire le sacrifice d'une tête d'homme en cas de guérison ou d'heureux retour. Le sujet meurt-il, on sacrifie une tête et même deux. Dans les traités de paix, plusieurs tribus fournissent également de part et d'autre un homme pour être décapité; mais, dans la plupart, on sacrifie des porcs à la place d'hommes.
  S'il a été fait voeu de fournir une tête, il faut qu'on se la procure à tout prix. En ce cas, quelques Dayacs se mettent d'ordinaire en embuscade. Ils se cachent dans l'herbe des jungles, haute de trois à six pieds, ou bien entre des arbres ou des branches coupées, sous des feuilles sèches, et guettent leur victime des journées entières. Quelque être humain que ce soit, homme, femme ou enfant, qui approche de leur cachette, ils lui décochent d'abord un trait empoisonné, puis ils s'élancent sur lui comme le tigre sur sa proie. D'un seul coup, ils détachent la tête du tronc. Le corps est couché avec soin, et la tête mise dans un petit panier destiné particulièrement à cet usage et orné de cheveux d'hommes.
  Ces meurtres deviennent naturellement l'occasion de guerres sanglantes. La tribu dont un membre a été tué entre en campagne; elle ne dépose les armes qu'elle n'ait obtenu en représailles une ou deux têtes. Ces têtes sont ensuite rapportées en triomphe au milieu de chants et de danses, et suspendues  solennellement à la place d'honneur.
  Les fêtes qui succèdent à cette vengeance durent tout un mois.
  Les Dayacs aiment tant les têtes humaines que toutes les fois qu'ils entreprennent, en commun avec les Malais, quelque guerre ou quelque expédition de piraterie, ils ne se réservent que les têtes et abandonnent le reste du butin aux cupides Malais.
  Enfin, le 16 Février, "LIVINGSTONE" repart après avoir reçu du consul de Zansibar des nouvelles d'Europe et des hommes.
  Ici, je ne puis m'empêcher, après avoir tant usé des documents que l'on a bien voulu me mettre entre les mains, de prendre à mon tour la parole et de dire quelques mots tout personnels sur le caractère du docteur "LIVINGSTONE". Je ne l'ai pas connu, et je le regrette, car il se peint admirablement dans ses mémoires. Je sais qu'aujourd'hui les tendances sont au scepticisme; c'est ce qui arrive forcément dans les époques de transition; en deça, un fanatisme implacable; au-delà un scepticisme idiot, jusqu'au moment où l'équilibre s'établit et où la saine raison finit par dominer. Je ne puis oublier que ce livre est spécialement destiné à la jeunesse, et je croirais mentir à mes vingt ans de professorat, si je ne faisais ici tous mes efforts pour prévenir chez les jeunes intelligences qui le liront une exagération funeste.

Extrait n° 12/Livingstone

  "LIVINGSTONE" était l'homme prédestiné aux voyages dans l'intérieur de l'Afrique, mais je doute qu'il eût réussi à y planter son drapeau, ou même un drapeau quelconque. Partout il se montre le prêtre, humain, tolérant, disposé à voir plutôt le beau côté des caractères que le mauvais, et par suite se trompant souvent; jamais il n'a les allures du conquérant qui impose sa volonté et fait siens les territoires qu'il parcourt. Il prend note avec un soin extrême du bien qu'on lui fait; les moindres attentions, un indigène qui lui apporte à manger, une femme qui fait du feu sans qu'on le lui demande, tout cela est enregistré avec émotion; quant aux côtés sauvages des peuplades qu'il rencontre, il a toutes les peines du monde à les constater; il voit sous ses yeux vingt preuves de cannibalisme, et ce n'est qu'après ces preuves réitérées qu'il fait doucement cette réflexion mélancolique: "Décidément ils sont cannibales ! "
  Il faut de tels hommes pour découvrir les mystères de l'Afrique centrale, étudier les moeurs des indigènes, indiquer les meilleures stations, et donner tous les moyens de parcourir ce continent si peu connu; mais il faut aussi d'une autre trempe pour civiliser ces peuplades primitives, coloniser ces pays fertiles que l'on croyait des déserts et porter du nord au sud de l'Afrique les bienfaits de la colonisation européenne.
                                                  F I N

  Nota: j'arrête ici la lecture de ce livre, car la démonstration est faite de l'utilité de la Colonisation, contrairement aux dires de ses                détracteurs qui se gardent bien de montrer l'Afrique telle qu'elle était avant notre arrivée.     
          Côté Education Nationale, le contenu de ce livre devrait être enseigné après aménagement pour ne pas heurter les âmes
          sensibles de la jeunesse. Mais je sais très bien que l'Ecole est composée aujourd'hui d'un auditoire hétérogène et là, c'est
          une autre Histoire (Dans le vrai sens du terme.)

Merci 81/O6, je reviens un instant  pour réécrire, de façon plus présentable, la conclusion de ma démonstration:
 " J'arrête ici la lecture de ce livre, car la démonstration est faite de l'utilité de la Colonisation, contrairement aux dires de ses détracteurs qui, se gardent bien de montrer l'Afrique telle qu'elle était avant notre arrivée.
  Côté Education Nationale, le contenu de ce livre devrait être enseigné après aménagement pour ne pas heurter les âmes sensibles de la jeunesse. Mais je sais très bien que l'Ecole est composée, aujourd'hui, d'un auditoire hétérogène et là, c'est une autre Histoire (Dans le vrai sens du terme)."
  Le malaise actuel se trouve ici.