Depuis maintenant plusieurs mois, la situation du nord et de l’est du Burkina Faso est marquée par une recrudescence des attaques jihadistes, au point que la force française Barkhane a été contrainte d’intervenir, via des frappes aériennes.
Le Niger, qui n’a pas été épargné par les attaques terroristes au cours de ces dernières années, doit lui aussi faire face à des incursions répétées de groupes armés sur son territoire, en pariculier dans la région de Tillabéri [ou Tillabéry, ndlr], une zone enclavée du Litpako Gourma, lequel se situe dans le secteur dit des trois frontières (Niger, Burkina Faso, Mali).
Ce dernier, déjà « théâtre d’attaques, d’assassinats ciblés et d’enlèvements fréquents », est « en passe de devenir un sanctuaire de groupes terroristes et criminels », a en effet prévenu le général Ahmed Mohamed, le chef d’état-major de l’armée nigérienne, lors d’une réunion du G5 Sahel [*], à Niamey, fin octobre.
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Selon le témoignage d’un élu de la région sollicité par l’AFP, cette région connaît un « phénomène nouveau depuis deux mois », avec l’apparition de « groupes lourdement armés » qui « circulent à moto pour terroriser les gens et prélever la zakat. »
Troisième pilier de l’islam, la zakat est une sorte d’impôt religieux prélevé pour les nécessiteux et dont le montant est calculé en fonction de la fortune, des récoltes et des bestiaux appartenant à ceux appelés à s’en acquitter.
D’après cet élu, des villages ont dû verser aux jihadistes entre 1.000 et 1.300 euros au titre de la zakat. « Si vous refusez de payer, ils vous tuent », a-t-il dit. « Ces bandits obligent les villageois à écouter leurs prêches et vont brûler les écoles après », a-t-il ajouté. Ce qui a été confirmé par un autre témoin, par ailleurs ancien militaire.
« La nuit, ils [les jihadistes] implantent le fanion noir [drapeau du jihad] dans les villages isolés et ils font l’exégèse du Coran lors d’un un prêche public obligatoire » tout en menaçant de s’en prendre aux enseignants et aux forces de sécurité », a-t-il raconté.
Le 2 novembre, rapporte RFI, le ministre nigérien de l’Intérieur, Mohamed Bazoum, a indiqué que des opérations antiterroristes avaient été lancées il y a deux semaines.
« Du côté du Burkina, ils ont un mode d’opération qui rappelle un peu ce que font les mêmes terroristes, les mêmes bandits, au Mali. Ils font du prosélytisme et s’en prennent à certains symboles de l’État, notamment les écoles. Ils ont enlevé même un prêtre. Ils s’attaquent aux églises, dans cette région du Niger où il y a des églises. Nous savons qu’ils sont dans un repère que nous avons bien identifié et nous avons décidé de les attaquer. Nous sommes en pleine opération en ce moment », a en effet affirmé M. Bazoum.
Les opérations en cours sont menées à deux endroits différents. L’une, appelée « Dongo » [la « foudre » en songhaï], vise des « terroristes » qui, venus de Ménaka [Mali], sont présents dans le nord de Tillabéri tandis que l’autre se concentre sur la préfecture de Torodi, le long de la frontière avec le Burkina Faso . « Tous les camps (des groupes armés) qui s’y trouvaient sont en train d’être nettoyés », a assuré le ministre nigérien.
Cela étant, et comme l’a rappelé le général Mohamed, la présence jihadiste dans l’ouest (et le nord) du Niger n’est pas un fait nouveau. Plusieurs attaques meutrières y ont eu lieu, en particulier contre les casernes de gendarmerie. Et si, par le passé, al-Qaïda au Maghreb islamique [AQMI] et al-Mourabitoune y ont conduit des actions, l’État islamique au grand Sahara [EIGS] s’y est implanté, comme l’a montré, en octobre 2017, l’embuscade tendue aux forces nigériennes et à des commandos américains à Tongo Tongo par Mohamed Ag Almouner, par ailleurs récemment éliminé par la force Barkhane.
L’objectif de la mission des forces spéciales américaines était de capturer « mort ou vif » Ibrahim Ousmane, dit Dondou Chefou, un cadre de haut rang de l’EIGS.
En outre, le Niger doit également faire face à un autre groupe jihadiste, à savoir Boko Haram, ce dernier ayant multiplié les incursions meutrières dans le sud, depuis le Nigéria voisin. Et cela a parfois exigé l’intervention de la force Barkhane, comme en décembre 2017. Trois Mirage 2000 avait en effet fourni un appui aérien à des troupes nigériennes, alors sous le feu des terroristes. Une vingtaine de ces derniers avaient été « mis hors de combat ».