Avant d’être immobilisé pour son chantier de modernisation à mi-vie, le porte-avions Charles de Gaulle s’était surtout concentré sur les opérations menées contre l’État islamique (EI ou Daesh) au Levant. Alors qu’il est en phase de remontée en puissance, pour son prochain déploiement, le navire amiral de la Marine nationale devrait retrouver les eaux de l’océan Indien, qu’il a régulièrement fréquentées entre 2001 et 2015.
Mais il se pourrait que la mission du groupe aéronaval ne se limite pas à l’océan Indien. Dans un entretien donné au quotidien La Provence, et à la question de savoir si le retour du porte-avions Charles de Gaulle constituera un « élément de réponse » aux ambitions maritimes chinoises, Florence Parly, la ministre des Armées a répondu que la France « a toujours été en première ligne pour défendre un droit imprescriptible qui est la liberté de navigation dans les eaux internationales, comme c’est le cas en ce moment en mer de Chine méridionale ». Et d’ajouter : « Nous manifesterons notre liberté d’agir et de naviguer dans ces eaux. »
Pour rappel, et malgré les prétentions de ses voisins, Pékin revendique sa souveraineté sur la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, carrefour essentiel des routes maritimes commerciales et dont les fonds seraient riches en hydrocarbures. Pour cela, les autorités chinoises pratiquent la politique du fait accompli en militarisant les récifs des archipels Spratleys et Paracels, en y installant des capacités de déni et d’interdiction d’accès [A2/AD].
« Le fait que le Charles de Gaulle retrouve bientôt la mer avec ses pleines capacités opérationnelles, va redonner à notre groupe aéronaval une puissance de projection et en renforcer la dimension politique. Il est d’ailleurs prévu qu’il se rende dans l’océan Indien en 2019 », a ensuite affirmé Mme Parly. Faut-il en déduire, d’après les précédents propos de la ministre, que le groupe aéronaval ira ensuite montrer le pavillon français en mer de Chine méridionale?
En tout cas, une telle mission s’inscrirait dans le droit fil des propos tenus par le président Macron lors de son déplacement, en avril dernier, en Australie. En effet, il avait affirmé vouloir « construire un axe indo-Pacifique » pour « faire respecter la liberté de navigation et de circulation aérienne » face aux risques « d’hégémonie » de la Chine, dont l’influence ne cesse s’accentuer dans la région Indo-Pacifique.
D’où, d’ailleurs, la mission « Pégase », qui conduite cet été par l’armée de l’Air avec 3 Rafale, 1 A400M, 1 A310 et 1 avion ravitailleur, a consisté à participer à l’exercice australien Pitch Black et visiter plusieurs pays d’Asie du Sud-Est, dont l’Indonésie, la Malaisie et le Vietnam [qui ont des différends territoriaux avec la Chine, ndlr].
Pour rappel, la France est aussi une puissance de la région Indo-Pacifique avec ses territoires d’outre-Mer et leurs 9 millions de km de zone économique exclusive. En 2014, un rapport du Sénat avait insisté sur le fait que la Marine nationale devait y assurer une « présence régulière et visible ». Plus tôt, un document de la Direction des affaires stratégiques [devenue depuis la « Direction générale des relations internationales et de la stratégie » – DGRIS], avait estimé que « nous devions [y] être en mesure de surveiller, de prévenir et d’agir militairement face à une menace qui porterait atteinte à l’intégrité de notre sécurité. » D’où le possible envoi de « 42.000 tonnes de diplomatie »…