Au titre de la « guerre contre le terrorisme » lancée au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, le Pakistan a reçu une aide financière substantielle de la part des États-Unis afin de combattre les mouvements jihadistes présents sur son territoire et faciliter les opérations menées en Afghanistan, que ce soit par l’accueil de drones ou par le transit des convois logistiques.
Seulement, les milliards de dollars versés par Wahsington furent en grande partie détournés pour financer le programme nucléaire pakistanais, comme le confessa, en septembre 2009, le général Pervez Musharraf, l’ex-homme fort d’Islamabad désormais tombé en disgrâce.
S’il est confronté à des attaques terroristes récurrentes, menées notamment par les talibans pakistanais du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), Islamabad a cherché à instrumentaliser, en fonction de ses intérêts stratégiques, certains groupes radicaux, comme le mouvement taleb afghan, avec lequel il entretint de bonnes relations à partir des années 1990 afin de s’assurer une certaine stabilité en Afghanistan pour disposer d’une profondeur stratégique face à l’Inde. Ce soutien d’Islamabad, via l’Inter Service Intelligence [les services de renseignement pakistanais, ndlr], ne fut jamais démenti par la suite.
D’où, d’ailleurs, des tensions entre les États-Unis et le Pakistan, attisées par le fait que le chef d’al-Qaïda, Oussama ben Laden, se cachait à Abbottabad, à seulement 50 km d’Islamabad. En septembre 2011, l’amiral Mike Muellen, alors chef de l’état-major interarmées américain, mit les pieds dans le plat, accusant le gouvernement pakistanais de mener une « guerre par procuration » en Afghanistan en soutenant les taliban afghans, dont ceux du réseau Haqqani.
Le problème, à l’époque, était que les États-Unis et, plus globalement, les pays de l’Otan engagés dans la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), avaient besoin du Pakistan pour ravitailler (et désengager) leurs troupes.
Quant il précisa les contours de la nouvelle stratégie américaine pour l’Afghanistan, le président Trump jeta la retenue diplomatique aux orties. Le Pakistan, « souvent un refuge pour les agents du chaos, de la violence et de la terreur », a « beaucoup à perdre s’il continue à abriter des criminels et des terroristes. […] Cela doit changer et cela va changer immédiatement! », avait-il lancé.
Puis, en janvier de cette année, Washington annonça le gel de son assistance sécuritaire dont bénéficiait jusqu’alors Islamabad. « Les États-Unis ont bêtement donné 33 milliards de dollars d’aide au Pakistan ces 15 dernières années, et ils ne nous ont rien donné en retour si ce n’est des mensonges et de la duplicité, prenant nos dirigeants pour des idiots. Ils abritent les terroristes que nous chassons en Afghanistan, sans grande aide. C’est fini! », justifia M. Trump.
Pour autant, le Pakistan a quand même pu compter sur l’aide des États-Unis au moment d’éliminer le mollah Fazlullah, le chef des taliban pakistanais. Ce dernier fut en effet visé (et tué) par des missiles tirés par un drone alors qu’il se trouvait dans la province afghane de Kunar, en juin dernier.
Pourtant, quelques semaines plus tôt, un responsable américain avait affirmé, sous le couvert de l’anonymat, que le Pakistan avait « fait le strict minimum pour apparaître réactif à nos demandes. […] Mais nous n’avons pas vu de sa part la démarche pro-active que nous attendons et dont nous savoir qu’il est capable. »
Puis, en juillet, le chef du Pentagone, James Mattis, a mis en garde le Pakistan contre un « isolement diplomatique » et la perte de son statut de « partenaire mondial » de l’Otan. Dans le même temps, l’agence Reuters révélait que les formations des officiers pakistanais États-Unis, organisées dans le cadre de l' »International Military Education and Training program » (IMET), avaient été suspendues.
Depuis, à la faveur des élections législatives de juillet, le gouvernement pakistanais est désormais dirigé par Imran Khan qui a longtemps été dans l’opposition. Les choses vont-elles évoluer dans le sens souhaité par les États-Unis? Rien n’est moins sûr… Le nouveau Premier ministre s’est en effet montré critique à leur égard (tout en chantant les louanges de la Chine, principale alliée du Pakistan), ce qui s’inscrit dans la continuité de la politique étrangère conduite par Islamabad. En outre, il reste à voir si ce dernier pourra imposer ses vues à l’ISI, qui est un État dans l’État…
En attendant, le Pentagone a annoncé, le 1er septembre, son intention d’annuler 300 millions de dollars d’aide promis au Pakistan et de les réaffecter à un autre programme. Et cela, en raison de l’attitude d’Islamabad, qui n’aurait pas changé d’un pouce.
« En raison de l’absence d’actions décisives du Pakistan en appui à la Stratégie pour l’Asie du Sud […], 300 millions de dollars ont été reprogrammés par (le département de la Défense) en juin/juillet 2018 pour d’autres priorités urgentes », a en effet déclaré le lieutenant-colonel Kone Faulkner auprès de l’AFP. Cette décision doit encorre être approuvée par le Congrès. « Nous continuons à faire pression sur le Pakistan pour qu’il cible sans discrimination tous les groupes terroristes », a encore insisté l’officier.
Quoi qu’il en soit, ces tensions entre les Washington et Islamabad profitent à la Chine mais aussi à la Russie, cette dernière ayant, par ailleurs, levé son embargo sur les armes à destination du Pakistan en juin 2014. Mieux encore : alors que l’on apprenait la suspension du programme IMET, il a été annoncé le lancement d’un programme de formation des officiers pakistanais par les forces russes.
En décembre 2016, le Pakistan, la Chine et la Russie, tous les trois membres de l’Organisation de coopération de Shanghaï, avaient exprimé leur inquiétude commune face à l’émergence de la branche afghano-pakistanaise de l’État islamique (EI-K), laquelle compte d’anciens membres du TTP dans ses rangs.