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La commande de 36 Rafale pour les besoins de l’Indian Air Force fait l’objet, à New Delhi, de passes d’armes entre le gouvernement et son opposition, la seconde, incarnée par le Parti du Congrès, reprochant au premier de cacher les détails sur le coût de cette commande et d’avoir favorisé une entreprise « amie », en l’occurrence Reliance Defence, pour l’exécution des compensations industrielles relative au contrat signé avec la France.
Cette polémique au sujet de l’achat de ces Rafale est liée à la tenue prochaine de nouvelles élections législatives. Sous-entendre que le parti au pouvoir, en l’occurrence le Bharatiya Janata Party [Parti du peuple indien] est corrompu est une façon de gagner quelques voix. En outre, l’on notera que certains n’hésitent pas à saisir la balle au bond, à l’image du site Sputnik, qui fait campagne contre l’avion de combat français pour favoriser les appareils russes, comme le Su-30 MKI… dont le trop faible taux de disponibilité avait été critiqué, en 2015, par le « Comptroller and Auditor General » (CAG, l’équivalent indien de la Cour des comptes française).
Justement, et pendant que majorité et opposition s’envoient des amabilités au sujet de l’achat des Rafale, le CAG s’est récemment intéressé aux conditions dans lesquelles un contrat a été attribué en 2009, au constructeur américain Boeing, par la coalition gouvernementale UPI, dont le Parti du Congrès était membre.
À l’époque, le ministère indien de la Défense avait choisi le P-8I Poseidon aux dépens de l’A-319 MPA [Maritime Patrol Aircraft] proposé par EADS/Casa [Airbus]. La valeur du contrat était de 2,16 milliards de dollars pour 8 appareils.
Seulement, d’après le CAG, il avait été demandé au constructeur européen d’inclure les coûts relatifs au soutien sur 20 ans des avions de patrouille maritime qu’il proposait… Une exigence dont Boeing fut affranchi. Résultat : l’avionneur américain ne pouvait que soumettre l’offre la plus compétitive.
« Si la méthode de détermination des prix avait été suivie, l’offre de l’A-319 soumise par EADS/Casa aurait été la meilleure marché », soutient le CAG.
Par ailleurs, le contrôleur financier indien affirme que le P-8I Poseidon ne répond « pas pleinement aux exigences de la marine indienne en raison de limites imposées à la capacité de ses radars embarqués ». Cependant, si tel était le cas, alors pourquoi le gouvernement actuel aurait-il levé, en 2016, une option pour acquérir quatre appareils supplémentaires?
En tout cas, le ministère indien de la Défense a annoncé l’ouverture d’une « enquête interne » pour faire la lumière sur les conditions d’attribution du contrat en question à Boeing, lequel dout en outre livrer 22 hélicoptères AH-64D à l’armée indienne à partir de 2019 (montant de la commande : 1,4 milliards de dollars). Et si jamais l’affaire prend de l’ampleur, alors le constructeur américain pourrait se trouver en fâcheuse posture pour deux autres procédures lancées par New Delhi afin de fournir 57 chasseurs embarqués à la marine indienne et 110 avions de combat supplémentaires à l’Indian Air Force.
Reste que, depuis la publication du rapport du CAG, les responsables de la majorité indienne s’en donnent à coeur joie, sur les réseaux sociaux, contre leurs opposants, qui étaient aux affaires au moment de la signature du contrat des P-8I Poseidon. De quoi calmer la polémique sur la commande de Rafale?