Les derniers chiffres relatifs à la disponibilité des hélicoptères utilisés par les forces armées restent décevants, avec seulement 36% [en moyenne] des appareils aptes à décoller pour une mission relevant de leur domaine d’emploi. D’où la réforme du Maintien en condition opérationnelle [MCO] annoncée en décembre 2017, avec la création de la Direction de la maintenance aéronautique (DMAé), qui remplace désormais la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense [SIMMAD].
Nommée à la tête de cette nouvelle DMAé, Mme l’ingénieur général hors classe de l’armement [IGHCA] Monique Legrand-Larroche a eu l’occasion d’expliquer ce qu’elle compte faire pour améliorer la disponibilité des aéronefs militaires, lors d’une audition devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale.
Les raisons de la trop faible disponibilité des aéronefs, et en particulier de celle des hélicoptères, alors que le coût de leur MCO augmente sont connues : utilisation intense lors des opérations menées dans des conditions difficiles pour les machines, comme au Sahel, mauvaise organisation, multiplicité des intervenants et manque de responsabilisation de ces derniers. L’on pourrait ajouter la l’hétérogénéité des flottes en service, avec des appareils récents et anciens (voire très anciens). Et cela complique, par exemple, l’approvisionnement en pièces détachées.
Le nombre d’intervenants pour le MCO d’un aéronef peut sembler parfois absurde. Ainsi, la maintenance des 18 hélicoptères Fennec utilisés par l’Aviation légère de l’armée de Terre [ALAT] est couverte « par neuf marchés » alors que leur taux de disponibilité est inférireur à 28%. Et c’est « pire » pour les Cougar, dont la disponibilité moyenne au cours de 12 derniers mois a été en moyenne de 6,6 appareils sur une flotte qui en compte 26. Là, leur MCO est « couvert par 21 marchés » a indiqué l’IGHCA Legrand-Larroche.
Cependant, le nombre de contrats pour assurer le MCO d’un aéronef n’implique pas une disponibilité mauvaise. Celle du Rafale demeure très bonne alors que sa maintenance fait l’objet de 22 marchés.
Cela étant, que ce soit pour les hélicoptères comme pour les avions de combat, la DMAé entend mettre un terme à cette approche, qui « entraînait un risque fort de coupures dans l’exécution contractuelle et diluait les responsabilités au niveau des industriels ».
Et l’IGHCA Legrand-Larroche d’expliquer : « La défaillance d’un industriel sur une petite pièce conduisait à une défaillance totale sur la flotte, alors même que l’on ne pouvait pénaliser l’impact de cette défaillance puisqu’elle n’était portée que par un petit contrat sur une petite pièce. »
Désormais, au cas par cas, la DMAé va « verticaliser » et « globaliser » les contrats liés au MCO afin de responsabiliser les maîtres d’oeuvres industriels en leur fixant des objectifs précis. En échange, ces derniers seront rémunérés en conséquence et dans la durée.
« Les contrats globaux de soutien définiront précisément des objectifs de performance à atteindre – par exemple un nombre d’appareils en ligne, une disponibilité de flotte, une capacité de fourniture de rechanges dans un délai contraint –, ce qui permettra de couvrir tout le périmètre pour un aéronef et donc de responsabiliser l’industriel retenu pour l’ensemble de l’aéronef », a précisé l’IGHCA Legrand-Larroche.
Dans ce contexte, le Service industriel de l’aéronautique (SIAé) gardera son statut étatique tout en voyant son rôle évoluer. Il est en effet question de lui confier la maîtrise d’oeuvre du soutien de plus en plus de types d’aéronefs. « Le choix a été de ne plus faire appel à une entreprise privée mais d’assurer ce soutien par le SIAé. Cela n’appelle pas de mise en concurrence, puisque c’est l’État qui assurera le soutien », a fait valoir la directrice de la DMAé.
Par ailleurs, cette dernière veut recruter plus d’ingénieurs civils. « La DMAé est aujourd’hui une structure très militaire, avec plus de 80 % de militaires et 15-16 % de civils. Si je souhaite recruter davantage d’ingénieurs civils, c’est parce que les militaires sont soumis à un taux de rotation important : les officiers sont mutés tous les trois ans, les sous-officiers tous les trois ou six ans. Comme la direction va passer des contrats de plus en plus complexes nécessitant une connaissance des milieux industriels plus approfondie, les gens qui changent tous les trois ans ont à peine le temps d’acquérir cette compétence qu’ils s’en vont. Nous avons donc besoin d’un socle de personnels qui restent en place plus longtemps », a expliqué l’IGHCA Legrand-Larroche.
Enfin, la DMAé va miser sur l’innovation pour améliorer le MCO des aéronefs. Mais toutes les technologies dont il est beaucoup question actuellement ne sont pas forcément les plus pertinentes qui soient au yeux de sa directrice.
Si le Big Data [flux de données], l’intelligence artificielle et la radio-identification (RFID) permettront « des pas de maintenance plus larges tout en améliorant encore la disponibilité de nos aéronefs », l’impression 3D, qui pourrait être utilisée pour fabriquer des pièces détachées qui font défaut, n’est pas considérée comme déterminante. Du moins pas encore.
« Si nous sommes effectivement très attentifs à la fabrication additive, nous ne perdons jamais de vue les règles de navigabilité, destinées à garantir une certaine sécurité dans la durée. Il peut être très intéressant en opération, lorsqu’une pièce tombe en panne ou se trouve endommagée, de pouvoir la remplacer par une pièce temporaire, de manière à remettre l’aéronef en vol et d’assurer une mission, mais qui ne serait pas destinée à être utilisée dans la durée », a expliqué l’IGHCA Legrand-Larroche, pour qui, dans ce domaine, « nous n’en sommes pas » encore au niveau des Américains, qui ont récemment utilisé un tel procédé pour fabriquer le composant défectueux d’une trappe de train d’atterrissage.
En outre, a-t-elle continué, « la question du coût associé se pose également » car « a priori, définir les procédures pour faire toutes les pièces en fabrication additive se traduirait par un coût colossal, ce qui limite l’intérêt de cette technologie. » Toutefois, a-t-elle conclu, l’impression 3D est une « compétence que le SIAé doit acquérir » étant donné qu’il doit être « doté des moyens qui lui permettront de se moderniser et d’acquérir les nouvelles compétences du MCO aéronautique de demain, de manière à être toujours aussi performant dans le soutien de nos aéronefs. »
Faute d’impression 3D, la DMAé compte mettre en place des « guichets industriels » à proximité des bases et des régiments afin que les « mécaniciens du soutien opérationnel ne se retrouvent pas en manque de pièces, comme cela arrive malheureusement trop souvent aujourd’hui. »
En revanche, les technologies liées au Big Data sont prometteuses. « En ce qui concerne la maintenance prédictive, nous allons nous appuyer sur les travaux menés par la DGA dans le cadre d’ARTEMIS, un projet de traitement du big data. Il faudra que les premiers cas étudiés soient ceux du MCO aéronautique, car ils se prêtent particulièrement bien au big data. Par ailleurs, nous procédons à un travail de rationalisation de nos systèmes d’information logistique avec un projet appelé Brasidas : pour pouvoir faire de la maintenance prédictive, il ne faut pas seulement disposer d’outils, encore faut-il pouvoir alimenter le système en données », a affirmé l’IGHCA Legrand-Larroche.
Photo : Imprimante 3D utilisée par les Marines