Pendant 27 ans, la Macédoine a entretenu des relations difficiles avec la Grèce, qui lui reprochait son… nom, qui est le même que celui d’une de ses régions, ainsi que sa prétention à se réclamer de l’héritage antique de la dynastie des Argéades, et plus précisément des rois Philippe II et Alexandre le Grand. Et ces différends motivèrent le veto d’Athènes à l’adhésion de Skopje à l’Union européenne (UE) et à l’Otan.
Après des années de négociations et quelques propositions de nouveaux noms (Macédoine du Vardar, Nouvelle-Macédoine, Haute-Macédoine, etc…), un accord a finalement été trouvé en juin par le Premier ministre macédonien, Zoran Zaev, et son homologue grec, Alexis Tsipras. Et, désormais, il sera question de la « Macédoine du Nord » (ou « Severna Makedonja »), ce qui permet désormais à Skopje d’envisager une adhésion à l’UE ainsi qu’à l’Otan.
Le 26 juin, le Conseil de l’UE a décidé de l’ouverture des négociations d’adhésion. Une décision toutefois assortie de nombreuses conditions, qui prennent en compte les réserves exprimées par la France et les Pays-Bas. À noter que l’Albanie a également été invitée à suivre un tel processus. Or, la Macédoine (du Nord) compte une forte minorité albanaise au sein de sa population, ce qui ne va pas sans susciter de vives tensions, Tirana étant accusée régulièrement d’ingérence dans les affaires macédoniennes.
Puis, deux semaines plus tard, à l’occasion de son sommet organisé à Bruxelles, l’Otan a également invité Skopje à la rejoindre.
« La porte de l’Otan est et restera ouverte. Nous sommes convenus d’inviter le gouvernement de Skopje à commencer des discussions d’adhésion », a en effet indiqué Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance atlantique, le 11 juillet. « Une fois que toutes les procédures nationales auront été terminées pour finaliser l’accord sur le nom, le pays rejoindra l’Otan en tant que 30e membre », a-t-il précisé.
« Aujourd’hui est un grand jour, un jour historique. […] Nos partenaires et amis nous reconnaissent. Notre engagement sans faille est reconnu et tous les critères [d’adhésion] sont respectés. Les portes sur le chemin de l’Otan sont maintenant ouvertes », s’est félicité Zoran Zaev.
Seulement, le Premier ministre macédonien ne devrait pas se réjouir trop vite dans la mesure où il lui reste encore des obstacles à franchir pour que l’accord conclu avec Athènes soit finalisé. Or, ce dernier cristallise des oppositions des deux côtés.
Tout d’abord, le parti de la droite nationaliste macédonienne [VMRO] a annoncé la couleur en fustigeant cet accord, négocié, selon lui, de « manière incompétente » par un chef du gouvernement qui « accepté toutes les revendications de la Grèce ». Or, M. Zaev ne dispose pas de majorité qualifiée pour faire ratifier ce compromis, qui, par ailleurs, fera l’objet d’un référendum. Puis ce sera ensuite au Parlement grec de se prononcer.
Or, l’accord sur le nom de la Macédoine a provoqué une crise diplomatique entre la Grèce et la… Russie, laquelle est hostile à tout rapprochement de Skopje avec l’UE et l’Otan.
En effet, les autorités grecques ont expulsé deux diplomates russes (et interdit l’accès de leur territoire à deux autres) « pour garantir l’intérêt national » après une « ingérence » de ces derniers dans le « règlement de la dispute entre la Grèce et l’ex-République yougoslave de Macédoine », ainsi qu’un tentative de corruption de responsables grecs.
Athènes « veut des bonnes relations avec tous les États, mais ne peut pas accepter des attitudes violant le droit international et ne respectant pas les autorités grecques », a ensuite fait valoir Dimitris Tzanakopoulos, le porte-parole du gouvernement.
En réponse, Moscou a annoncé l’expulsion de deux diplomates grecs. « Selon la pratique établie, dans des cas similaires, une réponse symétrique suit », a justifié le ministère russe des Affaires étrangères.
Pour l’Otan (comme l’Union européenne), l’intérêt d’une adhésion de la Macédoine [du Nord] ne saute pas aux yeux. Enclavé, faisant partie des plus pauvres d’Europe, ce pays dipose de forces armées relativement faibles, dont l’équipement est essentiellement d’origine soviétique (ou hérité de la période yougoslave). Cependant, Skopje a pris part à des missions de l’Alliance (Afghanistan et Kosovo) mais aussi à l’opération américaine « Iraqi Freedom », lancée en 2003.
Cependant, selon Jens Stoltenberg, l’adhésion de Skopje à l’Otan permettra de « renforcer la paix et la stabilité » dans les Balkans occidentaux. Et peut-être d’éviter les frottements entre Albanais et Macédoniens… et d’y réduire encore davantage l’influence russe.
Pour la Russie, une éventuelle adhésion de Skopje à l’Otan isolerait la Serbie [candidate à l’UE, ndlr] dans la région des Balkans occidentaux et pourrait contrecarrer le projet de gazoduc « Turkish Stream » qui, passant par la Turquie, la mer Noire, et le territoire macédonien, permettrait de livrer 31,5 milliards de mètres cubes de gaz vers l’Europe (en particulier l’Autriche et la Hongrie). D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, s’oppose à l’accord sur le nom de la Macédoine du Nord…