Depuis 2014, Washington accuse Moscou de mettre au point un missile de croisière terrestre à capacité nucléaire en violation du traité sur les Forces nucléaires intermédiaires (FNI), signé en 1987 par Ronald Reagan et Mikhael Gorbatchev. Ce qui, à l’époque, mit un terme à la crise dite des Euromissiles.
Pour rappel, ce traité oblige les deux signataires « à détruire leurs missiles balistiques et de croisière sol-sol ayant une portée comprise entre 500 et 1.000 km ainsi que ceux dont la portée est comprise entre 1.000 et 5.500 km. »
En 2017, le numéro deux de l’état-major interarmées américain, le général Paul Selva, confirma des informations du New York Times selon lesquels ce nouveau missile de croisière russe, désigné « SSC-X-8 » par le Pentagone, avait été déployé près de Volgograd, dans le sud-ouest de la Russie.
« Le dispositif présente en lui même un risque pour la plupart de nos installations en Europe et nous pensons que les Russes l’ont délibérément déployé pour constituer une menace contre l’Otan et contre les installations situées dans la zone de responsabilité de l’Otan », avait expliqué le général Selva, lors d’une audition parlementaire.
« La Russie a toujours été, elle reste et elle restera fidèle à toutes ses obligations internationales, y compris celles liées au traité sur les Forces nucléaires intermédiaires », fit alors valoir le Kremlin.
On en était resté là jusqu’au propos tenus lors d’une conférence de presse, le 2 octobre, par Kay Bailey Hutchison, la représentante des États-Unis auprès de l’Otan. Paroles confuses? Maladroites? Toujours est-il que la diplomatie a provoqué un incident diplomatique.
« Ils construisent un missile balistique à moyenne portée en violation du trait FNI. C’est un fait que nous avons prouvé », a répondu la diplomate américaine alors qu’elle était interrogée sur ce sujet.
« Les contre-mesures consisteraient à supprimer les missiles développés par la Russie en violation du traité » FNI, a enchaîné Mme Hutchison qui, par ailleurs, s’est emmêlée les pinceaux en évoquant un engin « balistique » (et non de croisière) qui serait encore en cours de développement alors que l’état-major américain a confirmé qu’il avait déjà été déployé.
« Je pense donc qu’il est important que nous continuions à tout faire en tant qu’alliance pour faire pression sur la Russie pour qu’elle […] admette qu’elle est en violation [par rapport au traité FNI], puis pour qu’elle mette fin à cette violations », a ajouté Mme Hutchison.
« Les États-Unis restent attachés à une solution diplomatique mais sont prêts à envisager une frappe militaire si le développement d’un système de missiles de moyenne portée se poursuit », a ensuite déclaré Mme Hutchison. « À ce stade, nous examinerions la possibilité de détruire un missile (russe) qui pourrait frapper » l’un des pays de l’Otan, a-t-elle ajouté. Et d’insister : « Ils [les Russes] sont prévenus ».
L’ambiguïté du propos a laissé entendre que les États-Unis pourraient frapper préventivement la Russie pour éliminer les missiles en question. Il n’en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres, obligeant la diplomatie américaine à corriger le tir.
« Ce dont l’ambassadrice Hutchison parlait, c’est d’améliorer la position générale en matière de défense et de dissuasion », a précisé, plus tard, Heather Nauert, la porte-parole du département d’État. « Les États-Unis sont déterminés à respecter leurs engagements en matière de contrôle des armements et attendent de la Russie qu’elle fasse de même », a-t-elle insisté.
Puis Mme Hutchison a tenu à faire une mise au point sur ses propres déclarations. « Je ne parlais pas d’une frappe préventive contre la Russie. Mon opinion est que la Russie doit se conformer au traité FNI sinon nous aurons à nous doter de capacités correspondantes pour nous protéger. La situation actuelle, avec une Russie en violation flagrante, est intenable », a-t-elle affirmé via Twitter.
Cela étant, le mal était déjà fait. « De telles déclarations sont dangereuses », a estimé Maria Zakharova, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères. « Il semble que les personnes qui font de telles déclarations ne réalisent pas le niveau de leurs responsabilités et le danger d’une rhétorique agressive », a-t-elle fait valoir.
« Qui a autorisé cette dame à faire de telles allégations? Le peuple américain? Les Américains ordinaires savent-ils qu’ils paient de soi-disant diplomates aux comportements aussi agressifs et destructeurs? », a encore demandé Mme Zakharova.
« Il est très facile de tout casser et de tout écraser. Il est difficile de réparer et de restaurer. La diplomatie américaine devra faire beaucoup pour réparer les séquelles de ses erreurs. Pour l’essentiel, nos experts militaires donneront une réponse » à Washington, a conclu la porte-parole russe.
En attendant, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a également abordé la question de ce nouveau missile de croisière russe, en affirmant que les Alliés restaient « préoccupés par le manque de respect de la Russie à l’égard de ses engagements internationaux, y compris avec le traité sur les forces nucléaires à moyenne portée. »
« Après des années de dénégations, la Russie a récemment reconnu l’existence d’un nouveau système de missiles, baptisé 9M729. La Russie n’a fourni aucune réponse crédible sur ce nouveau missile », a encore avancé M. Stoltenberg.