Inflation galopante, pénuries alimentaires, manque de médicaments… Alors qu’il pourrait être l’un des plus riches pays d’Amérique latine grâce à ses ressources pétrolières, le Venezuela connaît une situation économique désastreuse. Et cela ne vaut guère mieux au niveau politique : avec une opposition muselée, le chaviste Maduro n’a pas eu de mal à se faire réélire lors de l’élection présidentielle du 20 mai dernier, cependant marquée par un fort taux d’abstention (54%).
Cet épisode aura été le dernier d’une longue séquence marquée par des tensions entre M. Maduro et le Parlement vénézuélien (majoritairement de centre-droit) et des violences durement réprimées. « L’usage systématique et généralisé de la force lors des manifestations et la détention arbitraire de manifestants ou d’opposants politiques indiquent qu’il ne s’agit pas d’actes illégaux et secrets d’officiels isolés », a ainsi dénoncé un rapport de l’ONU.
En outre, l’armée vénézuélienne constitue un véritable État dans l’État, tout en étant largement acquisie au pouvoir chaviste. Un tiers des ministres sont des officiers d’active ou de réserve pendant que d’autres ont été nommés à la tête d’entreprises d’État.
Par ailleurs, comme le Venezuela est déjà une plaque tournante pour le trafic de drogue, il n’est pas impossible qu’il le devienne aussi pour celui des armes, avec le risque qu’il serve à alimenter les groupes jihadistes de la bande sahélo-saharienne (une « route » suivie par la cocaïne par des côtes vénézuéliennes pour arriver en Afrique de l’Ouest…). Sachant que Caracas a commandé, par le passé, au moins 5.000 missiles sol air de type MANPADS [des SA-25 « Grinch », ndlr] auprès de Moscou dans les années 2000, il en suffirait de quelques uns, obtenus contre une valise de billets, pour qu’un groupe terroriste puisse menacer le trafic aérien.
Qui plus est, le Venezuala entretient des relations houleuses avec la Colombie voisine, que M. Maduro accuse d’être en partie responsable du marasme économique dans lequel se débat son pays et de former des opposants vénézuéllien pour commettre une « une attaque quelconque […] qui sera ensuite comme excuse par le gouvernement colombien pour déclarer un conflit armé contre notre patrie pacifique. »
En août 2017, alors que M. Maduro venait d’installer une assemblée « constituante » pour contourner une Parlement ayant lancé contre lui une procédure pour « manquements au devoir de sa charge », le chef de la Maison Blanche, Donald Trump, aurait mis sur la table l’idée d’une intervention militaire au Venezuela. C’est, en effet, ce qu’a confié une source haut-placée au sein de l’administration américaine à l’agence Associated Press.
« Alors que la rencontre […] était sur le point de s’achever, le président Donald Trump s’est tourné vers ses conseillers les plus proches et leur a posé une question déconcertante : avec la dégradation rapide de la situation au Venezuela, qui menace la sécurité régionale, pourquoi le président des États-Unis ne pourrait-il pas simplement envahir le pays? « , aurait lancé M. Trump, lors d’une réunion avec ses conseillers.
De tels propos ont sidéré le conseiller à la sécurité nationale, H.R McMaster, et le secrétaire d’État, Rex Tillerson (ces derniers ont depuis quitté leurs fonctions). Pendant cinq minutes, ils ont tenté d’expliquer à M. Trump qu’une telle action « pourrait avoir de graves conséquences et risquerait de faire perdre aux États-Unis le soutien durement gagné des gouvernements d’Amérique latine. »
Cela éclaire la déclaration faite par M. Trump le 11 août 2017 (soit peu après cet échange). « Nous avons de nombreuses options pour le Venezuela, y compris une possible option militaire si nécessaire », avait-il dit, ce jour-là, à des journalistes. « Nous avons des troupes dans le monde entier qui sont parfois très loin. Le Venezuela n’est pas très éloigné et les gens souffrent et les gens meurent », avait-il ajouté.
A priori, M. Trump aurait abandonné son idée après un dîner privé avec quatre chefs d’États d’Amérique latine, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, en septembre. Ces derniers se seraient « empressés » de le « dissuader » d’entreprendre une action militaire au Venezuela.
En tout, ces révélations risquent de renforcer M. Maduro et de nuire à l’opposition vénézuelienne.
Le 4 juillet, M. Maduro a ainsi demandé aux forces armées du pays, dont 16.900 militaires viennent d’être promus pour « loyauté » [tandis que 11 officiers ont été arrêtés pour « conspiration contre le gouvernement, ndlr], de se préparer à contrer une action militaire américaine.
« Vous ne pouvez baisser la garde une seule seconde, parce que nous défendrons le droit le plus essentiel obtenu par notre nation dans toute son histoire, celui de vivre en paix », a lancé M. Maduro lors d’une cérémonie militaire. Et il s’en est une nouvelle pris à ses opposants, coupables selon lui de préparer le terrain à une opération américaine.
« Une intervention du pouvoir des États-Unis ne sera jamais une solution aux problèmes du Venezuela, jamais, mais nos forces armées ont la responsabilité d’être prêtes à défendre le territoire national », a insisté M. Maduro.