Le sommet promettait d’être d’autant plus « historique » qu’il était totalement inespéré après des mois de tensions. Prévu le 12 juin prochain, à Singapour, il n’aura finalement pas lieu. En effet, ce 24 mai, le président Trump a annoncé qu’il ne rencontrerait finalement pas Kim Jong-Un, le chef du régime nord-coréen.
Pourtant, le 27 avril, le maître de Pyongyang s’est engagé, avec le président sud-coréen, Moon Jae-in, à oeuvrer à la dénucléarisation « totale » de la péninsule coréenne et à mener à bien un « désarmement par étapes. » Puis, en gage de bonne volonté, les autorités nord-coréennes ont libéré trois ressortissants américains (d’origine coréenne) arrêtés entre 2015 et 2017.
Enfin, ce 24 mai, la Corée du Nord a procédé au démantèlement de son site de Punggye-ri, où elle a mené ses 6 essais nucléaires entre 2006 et 2017. Seulement, ce dernier ne lui était plus utile (Kim Jong-Un l’a dit lui-même, estimant que son but a été atteint). Sauf que ce démantèlement n’a pas pu être constatée par des inspecteurs ou des experts internationaux, même si des journalistes occidentaux ont été conviés à y assister.
Cela étant, ce sommet entre Donald Trump et Kim Jong-Un avait déjà un peu de plomb dans l’aile, le président américain ayant laissé entendre, il y a deux jours, qu’il envisageait de le reporter à une date ultérieure.
« Il est possible que ça ne marche pas pour le 12 juin. […] Si la rencontre n’a pas lieu, elle aura peut-être lieu plus tard », avait-il dit en présence de Moon Jae-in, en évoquant « certains conditions » qu’il s’était gardé de préciser.
Pour rappel, Washington exige de Pyongyang une dénucléarisation « complète, vérifiable et irréversible ». Seulement, pour la Corée du Nord, il n’est pas question que cela se fasse unilatéralement. En clair, la Corée du Sud devrait également renoncer au parapluie nucléaire américain.
D’ailleurs, le 16 mai, Kim Kye Gwan, le ministre adjoint nord-coréen des Affaires étrangères, avait prévenu que le sommet du 12 juin pourrait être annulé car Washington « nous met au pied du mur et exige unilatéralement que nous renoncions à l’arme nucléaire, nous n’aurions plus d’intérêt pour des discussions. »
Aussi, M. Trump a pris les devants. Au moment d’évoquer un simple report du sommet de Singapour, il avait noté un changement d’attitude de la part de Pyongyang, notamment après une nouvelle rencontre entre Kim Jong-Un et Xi Jinping, le président chinois.
« Les choses ont changé après cette rencontre et je ne peux pas dire que cela me rende très heureux », avait dit M. Trump, pour qui le « président Xi est un joueur de poker de niveau mondial. »
Dans la lettre qu’il a envoyée à Kim Jong-Un, le locataire de la Maison Blanche justifie sa décision d’annuler la rencontre de Singapour par « la colère » et « l’hostilité » dont a récemment fair preuve Pyongyang. « Vous parlez de vos capacités nucléaires, mais les nôtres sont si massives et puissantes que je prie Dieu pour qu’elles n’aient jamais à être utilisées », a-t-il aussi fait valoir.
Plus tard, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a expliqué devant le comité des Affaires étrangères du Sénat qu’il n’était pas envisageable de croire qu’il « pouvait y avoir un résultat positif » à l’issue de ce sommet. « Nous n’avons reçu aucune réponse à nos demandes » de la part de Pyongyang, a-t-il déploré.
Reste à savoir ce que deviendront les engagements pris lors de la recontre inter-coréenne d’avril dernier. L’un de leurs effets a été une remise en cause de certains programmes d’armement sud-coréen, pour lesquels Séoul avait prévu une enveloppe de 230 milliards de dollars entre 2019 et 2023.
En effet, la stratégie sud-coréenne repose sur trois axes : les frappes préventives contre des cibles nord-coréennes, une défense antimissile multicouches (KAMD) et une stratégie de représailles massives en cas d’attaque. Évidemment, en cas de normalisation des relations avec Pyongyang, ces « pilliers » n’auront plus lieu d’être.
« La situation a changé avec le remarquable rapprochement inter-coréen, de sorte que les autorités militaires sont confrontées à un dilemme concernant leurs programmes d’acquisition d’armes, en particulier ceux concernant le plan à trois axes », a ainsi expliqué Kim Dae-Young, de l’Institut coréen de recherche pour la stratégie nationale, dans les colonnes de Defense News.