Comme chaque année, le Stockholm International Peace Research Institute (Sipri) a publié une étude sur l’évolution des dépenses militaires au niveau mondial. Un tel exercice n’est pas toujours aisé dans la mesure où certains pays, comme la Chine, ne sont pas aussi transparents que d’autres quand il s’agit de leur effort de défense.
Par ailleurs, il faut regarder ce que le Sipri entend par « dépenses militaires ». En effet, l’institut suédois englobe « toutes les dépenses publiques actuelles pour les forces et les activités militaires, y compris les salaires et les avantages sociaux, les frais de fonctionnement, les achats de matériel militaire et d’armes, les infrastructures militaires, la recherche et développement, l’administration centrale, le commandement et le soutien. »
Ainsi, en France, l’an passé, le budget de la mission Défense était annoncé à 32,4 milliards d’euros [hors pensions, hors gendarmerie] alors que le Sipri évalue les dépenses militaires françaises à 57,8 milliards de dollars [soit 48 milliards d’euros au cours actuel, ndlr], en baisse de 1,9% par rapport à 2016. Le périmètre retenu par le Sipri est même plus large que celui donné par l’Otan car ce montant serait dans les clous des fameux « 2% du PIB », en le dépassant de 0,3%.
Quoi qu’il en soit, selon le Sipri, les dépenses militaires mondiales ont progressé de 1,1% « en termes réels par rapport à 2016 », pour s’établir à 1.739 milliards de dollars, ce qui représente 2,2% du PIB mondial et 230 dollars par personne.
« L’augmentation des dépenses militaires mondiales de ces dernières années est largement dues à la croissance substantielle des dépenses des pays d’Asie et Océanie et du Moyen-Orient, tels que la Chine, l’Inde et l’Arabie Saoudite », relève le Dr Nan Tian, chercheur au programme Armes et Dépenses militaires (AMEX) du Sipri.
Dans la région Asie-Pacique, où les dépenses militaires ont augmenté pour la 29e année consécutive, la Chine mène, sans surprise, le bal, avec une hausse de 5,6% des moyens alloués à ses forces armées, quo ont ainsi disposé d’une enveloppe de 228 milliards de dollars. Or, en mars 2017, Pékin avait annoncé vouloir augmenter son bugdet militaire d’environ 7%.
Reste que la part des dépenses militaires chinoises au niveau mondial a plus que doublé en 10 ans, passant de 5,8% à 13% en 2017.
Quant à l’Inde, elle n’est pas en reste, avec une hausse de 5,5% de ses dépenses militaires, lequelles s’établissent à 63,9 milliards de dollars. Sur fond de tensions avec la Corée du Nord, la Corée du Sud, a augmenté les siennes de 1,7%, ce qui les a portées à 39,2 milliards de dollars.
« Les tensions entre la Chine et plusieurs de ses voisins entraînent une augmentation des dépenses militaires en Asie », a précisé Siemon Wezeman, principal au programme AMEX du Sipri. Cela étant, une telle explication était déjà valable pour les années précédentes, comme elle le sera pour celles qui viennent étant donné que les différends territoriaux ne sont pas près d’être réglés.
Au Moyen-Orient, les dépenses militaires ont globalement augmenté de 6,2% en 2017. Là encore, au regard des tensions dans le golfe arabo-persique, marquées par la rivalité chiites/sunnites, cette tendance n’est guère étonnante, même si les prix bas du pétrole auraient pu avoir un effet. Ainsi, l’Arabie Saoudite, après une baisse en 2016, a relancé son budget militaire en l’augmentant de 9,2% pour le porter à 69,4 milliards. L’Iran n’est pas en reste, avec une hausse de 19%, de même que l’Irak (+22%), confronté à l’État islamique (EI ou Daesh).
Au-delà du golfe arabo-persique, c’est au Moyen-Orient que l’on trouve 7 des 10 pays ayant la plus grande « charge militaire », avec, par ordre décroissant, Oman (12% du PIB), l’Arabie Saoudite (10% du PIB), le Koweït (5,8% du PIB), la Jordanie (4,8% du PIB), Israël (4,7% du PIB), le Liban (4,5% du PIB) et Bahreïn (4,1% du PIB).
Sans surprise, là aussi, les dépenses militaires des États-Unis sont sans équivalent dans le monde, avec 610 milliards de dollars. En 2017, leur montant a été identique à celui de 2016.
« La tendance à la baisse des dépenses militaires américaines amorcée en 2010 a pris fin », relève Aude Fleurant, directrice du programme AMEX de l’institut suédois. Et il est attendu qu’elles progressent à nouveau l’an prochain. Elles devraient même « augmenter considérablement en 2018, pour soutenir l’augmentation du personnel militaire et la modernisation des armes classiques et des armes nucléaires », souligne la chercheuse.
Les 29 États membres de l’Otan ont également augmenté leurs budgets militaires, dont le total s’élève à 900 milliards de dollars (52% des dépenses mondiales). Cela étant, les États-Unis y sont ppur beaucoup… Dans un contexte marqué par le conflit dans l’est de l’Ukraine et les activités militaires russes dans leur voisinage, les pays d’Europe centrale ont réalisé un effort conséquent, en relevant leur effort de défense à 12% (contre +1,7% pour ceux d’Europe occidentale).
A contrario, la Russie, engagée militairement en Syrie, a réduit ses dépenses militaires en 2017 étant donné qu’elles ont été inférieures de 20% par rapport à celles consenties un an plus tôt. Une première depuis 1998, constate le Sipri. « La modernisation militaire reste une
priorité en Russie, mais le budget militaire [66,3 milliards de dollars, ndlr] a été limité par des problèmes économiques que le pays connaît depuis 2014 », explique Siemon Wezeman.
Par ailleurs, les dépenses militaires ont augmenté en Amérique du Sud, grâce l’Argentine (+15%) et le Brésil (+6,3%), mais ont baissé en Amérique centrale, le Mexique ayant réduit son effort de défense (-8,1%). Enfin, en Afrique, les budgets militaires ont également reculé (-0,5%) pour la troisième année consécutive. Pour la première fois depuis plus de 10 ans, l’Algérie a baissé les siens de 5,2% en 2017.