Certains responsables politiques se plaisent à évoquer une hypothétique « armée européenne ». Mais jusqu’à présent, aucun n’avait songé à prendre cette mesure de simple bon sens qui consiste à faciliter les déplacements des militaires des pays membres dans l’espace de l’Union européenne (UE). Mieux vaut tard que jamais, c’est désormais chose faite.
En effet, ce 28 mars, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) a présenté un plan d’action [.pdf] visant à améliorer la mobilité militaire au sein de l’UE. « L’objectif est de travailler ensemble au niveau européen afin de garantir que les réseaux routiers et ferroviaires soient adaptés au transport militaire et de simplifier et de rationaliser les règles nationales pour le déplacement rapide et sans heurt des troupes et des véhicules militaires sur le continent en cas de crise », explique-t-il.
La difficulté de passer d’un pays à un autre afin d’envoyer, par exemple, des renforts militaires pour assister un membre de l’UE menacé avait été soulignée par un récent rapport de l’Otan.
En réalité, il existe actuellement deux types de problèmes. Le premier relève des infrastructures, notamment dans les pays de l’ex-bloc soviétique. Certaines n’ont pas les mêmes normes que celles en vigueur en Europe occidentale. Ce qui peut donner lieu à des souci quand il s’agit de faire passer des chars dans un tunnel ou sur un pont. Une brigade blindée américaine devant se rendre en Pologne en fit les frais, en janvier 2017.
« À quoi servent les systèmes d’armes les plus coûteux lorsqu’ils ne peuvent pas être transportés là où ils sont le plus nécessaires? », avait ainsi demandé le rapport de l’Otan.
Pour y remédier, le plan proposé par le SEAE prévoit d’abord de définir les exigences militaires au niveau européen puis d’identifier les tronçons du réseau de transport routier adaptés au transport militaire et de les mettre à niveau si nécessaire. « L’objectif est de renforcer les synergies civiles et militaires », lit-on dans le document. Pour cela, un soutien financier pour des projets d’infrasctructures à double usage (civil et militaire) sera possible.
Le second type de problèmes se résume en un mot : bureaucratie. Ainsi, les convois militaires ne sont pas exempts de procédures douanières. Et l’on ne parle pas du transport de « matières dangereuses » (comme des munitions par exemples), lesquelles font souvent l’objet de législations particulièrement contraignantes.
Le plan européen propose donc de rationaliser, voire de simplifier, les règles « relatives aux douanes » et au « transport de marchandises dangereuses » tout en soutenant les États-membres dans « l’élaboration d’arrangements » concernant les « les autorisations de circulation transfrontalières. » En clair, il s’agit de faire un « Schengen militaire », comme l’a réclamé l’Otan.
Ce plan « identifie une série de mesures opérationnelles pour s’attaquer aux barrières physiques, procédurales ou réglementaires qui entravent actuellement la mobilité militaire », résume le SEAE. « Faciliter la circulation des troupes et des moyens militaires est essentiel pour la sécurité des citoyens européens. Il est essentiel de bâtir une Union plus efficace, réactive et intégrée et d’utiliser plus efficacement les fonds publics », fait-il encore valoir.
Et cela est d’autant plus « essentiel » que, comme l’a souligné, à l’AFP, Elisabeth Braw, une analyste suédoise de l’Atlantic Council, « l’attitude de la Russie impose de se concentrer à nouveau sur la défense du territoire. »
Les mesures de ce plan ont été élaborées en coordination avec l’Otan, qui a, par ailleurs, créé un nouveau commandement afin d’améliorer « le mouvement de troupes et d’équipements au sein de l’Europe ». Et en particulier vers son flanc oriental.
Ce plan d’action dévoilé par le SEAE veut aller vite. Dès cette année, les exigences en matière de transport militaire devront être validées. Puis l’Agence européenne de défense (AED) prendra le relai. À la fin 2018, la Commission européenne se penchera sur les possibilités de simplification des formalités douanières, avant d’établir une liste de projets d’infrastructures prioritaires.