Depuis le début de cette année, et malgré plusieurs dispositifs mis en place depuis plusieurs années, comme les accompagnements psychologiques et les commissions locales de prévention, au moins 28 militaires de la Gendarmerie ont mis fin à leurs jours. Soit 12 de plus par rapport à l’an passé.
Directeur de la Gendarmerie nationale [DGGN], le général Richard Lizurey s’est dit « beaucoup préoccupé » par ces chiffres, qui n’avaient pas atteint un tel niveau depuis dix ans.
« Ces actes individuels ne me semblent pas refléter un malaise général à la gendarmerie mais ils doivent nous mobiliser : il faut réfléchir aux moyens d’éviter ces dramatiques passages à l’acte », a-t-il déclaré lors d’une audition à l’Assemblée nationale.
Cela étant, pour le général Lizurey, le « bien-être » des gendarmes est « un enjeu d’importance ». Et pour l’améliorer, il a avancé plusieurs pistes.
« Il y a d’abord la mise à disposition de nouveaux outils pour les personnels et l’amélioration des infrastructures. […] Les familles sont très présentes au sein de l’univers de la gendarmerie : qu’elles puissent être logées dans des conditions normales est un élément déterminant », a affirmé le DGGN.
Ensuite, a-t-il poursuivi, le « sens de la mission » est un autre « élément déterminant ». Citant une phrase faussement attribuée à Confucius (« Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour »), le général Lizurey a expliqué que « donner à nos personnels les moyens de travailler au service de la population contribue à leur bien-être. »
« Pour ces deux raisons, j’ai lancé depuis quelques mois un chantier portant sur l’évolution des astreintes afin que chaque militaire ait davantage de temps à accorder à sa famille et trouve un plein sens à son action », a indiqué le DGGN. « Les permanences se multiplient tous azimuts, dans toutes les unités, et concernent chaque jour un tiers des 100 000 civils et militaires, ce qui est beaucoup trop. Certes, elles garantissent une grande réactivité mais compte tenu de la réalité des besoins, nombre d’entre elles se révèlent inutiles. Elles apparaissent dès lors comme des contraintes et suscitent des interrogations », a-t-il expliqué.
Un autre facteur sur lequel le général Lizurey s’appuie est la « perspective de l’avancement », qui entre aussi en ligne de compte pour le « bien-être ». Il « permet à chacun d’être reconnu dans son métier grâce à l’ascenseur social », a-t-il fait valoir, avant de souhaiter que « toutes les personnes qui rentrent dans la gendarmerie, dès lors qu’elles en ont l’ambition, puissent monter en grade, de gendarme adjoint volontaire jusqu’à général. »
« Le bien-être se manifeste, en outre, par la solidarité dans les moments difficiles. […] On a coutume de dire que la gendarmerie est une famille. Cela a des mauvais côtés mais aussi des bons et mon travail consiste à développer ces bons côtés », a également avancé le DGGN.
Cela étant, il y a un autre « élément déterminant » que le général Lizurey n’a évoqué qu’à la fin de son intervention, au moment d’aborder le cas de la Compagnie de sécurité de l’Hôtel de Matignon [CSHM], où des gendarmes ont récemment mis en cause leur encadrement dans une lettre qui lui était adressée.
D’ailleurs, ce qu’ont dénoncé ces militaires rappelle aussi les motifs du suicide de l’un de leurs camarades, affecté à la gendarmerie des transports aériens (GTA). « Nous avions besoin d’un chef et nous avons obtenu un tyran totalement imbu de lui-même, colérique, méprisant avec tous, incapable d’humilité et d’humanité, qui ne respecte ni les vivants, ni les morts », a écrit ce sous-officier dans sa lettre d’adieu.
« Le besoin de concertation et de dialogue social est très clair », a admis le général Lizurey à propos de la CSHM. « Il faut remettre de l’humain dans les choses », a-t-il poursuivi. « Le statut militaire n’empêche pas le respect, la concertation et le dialogue, mais doit, au contraire, les favoriser. Dans ce cas-ci, il y a manifestement des marges de progression », a-t-il conclu. « Ah, qu’en termes choisis ces choses là sont dites! ».