Pour la première fois depuis la fin des années 1990, un projet de Loi de programmation militaire (LPM), en l’occurrence celui qui va être débattu au Parlement pour les années 2019-2025, ne prévoit pas d’imposer des suppressions de postes et de réduire des moyens.
Ces dernières dix dernières années, comme d’ailleurs ses homologues, l’armée de l’Air a dû revoir son organisation en profondeur, ce qui l’a conduit à fermer 17 bases et à supprimer la moitié de ses commandements. Avec les contraintes budgétaires, elle a également dû jongler avec des programmes décalés et/ou reportés, comme dans les domaine des drones MALE, du ravitaillement en vol et de l’aviation de combat. En outre, les problèmes liés à l’A400M « Atlas » compliquent encore la donne dans le secteur du transport aérien, pour lequel le renouvellement de ses moyens a trop tardé.
Résultat : avec la forte activité opérationnelle actuelle (et même passée), il manque « plusieurs milliers d’effectifs » à l’armée de l’Air pour « fonctionner correctement ». Et la sur-sollicitation de cette dernière a aussi des conséquences sur la disponibilité de ses appareils.
L’on sait que le projet de LPM 2019-2025 prévoit le remplacement des hélicoptères Puma, une hausse de la commande d’avions-ravitailleurs A330 MRTT « Phénix » (+3 exemplaires), un effort sur les appareils légers de surveillance et de reconnaissance ainsi que sur les systèmes de guerre électronique (programme CUGE), le nouvellement des C-130H Hercules et des Alphajet, la reprise des livraisons de Rafale, le lancement du standard F4 de ce dernier et, enfin, la modernisation des Mirage 2000D (attendue depuis longtemps), et celle de l’avionique des 4 E-3F « AWACS » (avant leur remplacement ultérieur. En outre, une attentation particulière sera accordée aux infrastructures. Mais cela sera-t-il suffisant pour renverser la tendance, d’autant plus que les programmes évoqués, pour la plupart, se concrétiseront après 2025?
« On ne répare pas vingt ans de sous-investissements en quelques mois », a estimé le général André Lanata, le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA), lors de son audition par les députés de la commission de la Défense, dans le cadre de l’examen du projet de LPM 2019-2025. Pour lui, ce dernier est globalement positif puisqu’il « répare » et « prépare ».
« La question est donc non seulement de savoir si les dispositions qui ont été prises sont globalement satisfaisantes – la réponse est oui – mais aussi de savoir comment elles sont. Nous avons fait le choix de ne pas abandonner l’avenir – et donc de moderniser – et de réparer pour tirer le meilleur parti des dispositifs existants en portant une attention particulière aux hommes et aux femmes qui servent leur pays. Cela me paraît être des dispositions de bon sens », a ensuite expliqué le CEMAA.
« Le reste arrivera au fur et à mesure, à la cadence que prévoit cette loi de programmation militaire. En outre, cela signifie aussi que nous continuerons de notre côté, c’est-à-dire en interne de l’armée de l’Air, à nous adapter afin d’accompagner cette remontée en puissance, en procédant aux réglages fins qu’imposeront les circonstances, aux adaptations qui en toutes hypothèses resteront indispensables et en poursuivant les différents chantiers de modernisation que nous lançons actuellement », a continué le général Lanata, qui a dit ne pas vouloir s’inscrire « dans une logique de concurrence entre les armées, consistant à comparer les scores de ceux qui se seraient mieux ou moins bien débrouillés dans cet exercice de LPM. »
Un autre aspect important de ce projet de LPM concerne le Maintien en condition opérationnelle (MCO), qui doit faire l’objet d’une remise à plat avec la création – annoncée en décembre 2017 – de la DMAé [Direction de la maintenance aéronautique] et bénéficier de 35 milliards d’euros de crédits sur la période 2019-2025.
Quant à la préparation de l’avenir, le général Lanata note que le projet de LPM lance de « nombreux axes d’études, ce qui va nous permettre dans un premier temps de faire des choix et dans un second temps, d’engager les opérations d’armement retenues », en particulier dans le domaine de l’aviation de combat.
« En la matière, l’une des difficultés provient du fait que différentes dimensions se trouvent étroitement entrelacées dans cette question : la dimension stratégique avec le renouvellement de la composante aéroportée de la dissuasion, la dimension industrielle, celle de la coopération internationale, la dimension budgétaire – car à un moment ou à un autre se posera la question des équilibres entre nos ambitions et les ressources dont nous disposons », a fait valoir le CEMAA.
Et ce dernier de prévenir : « Je précise à cet égard que si nous entendons maintenir le rang de la France dans ce domaine, il faudra investir de façon significative. C’est une question de choix. »
À ce sujet, deux projets sont sur la table : le renouvellement de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire, qui prévoit « que l’avion qui remplacera le Mirage 2000D devra être capable d’emporter le futur missile nucléaire, à l’horizon 2030-2035 » et la mise en oeuvre, à l’horizon 2040, du système de combat aérien futur (SCAF), développé dans le cadre d’une coopération européenne afin de remplacer le Rafale et l’Eurofighter.