« Nous serons au rendez-vous de toutes les attentes, de toutes les exigences, mais il ne faut pas sur ce sujet mener des batailles d’arrière-garde, de couloirs ou de coursives, en voulant toujours pousser davantage et encore davantage pour que l’État dépense, pour combler les besoins de l’un ou de l’autre », avait lancé le président Macron, lors de ses premiers voeux aux Armées, en citant l’exemple du « deuxième porte-avions ».
Le projet de Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 évoque un effort particulier, avec « un budget moyen de 1,8 milliard d’euros pasr an consacré, dès le début de période », en faveur de la conception « des futurs grands programmes d’armement. » Et d’ajouter que, sur le plan opérationnel, « cela permettra de mener les études utiles à la conception d’un nouveau porte-avions, du char de combat et du système de combat aérien futurs, qui entreront en service après 2030. »
Seulement, pour Naval Group, un problème risque de se poser sans tarder, c’est à dire après la fin du chantier de rénovation à mi-vie du Charles-de-Gaulle. En effet, pour le constructeur naval, l’un des enjeux sera de rester « compétent pour être capable de construire, en France et en temps utile, [c’est dire ] quand le président le décidera, le futur porte-avions ». Tel est, en effet, le message qu’a fait passer son Pdg, Hervé Guillou, aux députés de la commission de la Défense.
« Il y a des domaines de compétences que nous appelons ‘orphelines’, c’est à dire que nous ne pouvons pas entretenir en dehors du domaine strict des porte-avions, ni par l’export, ni par le civil », a expliqué M. Guillou. Et cela n’est d’ailleurs pas propre à Naval Group, qui, plus globalement, doit entrenir pas moins de 400 spécialités. « C’est pour nous le sujet le plus difficile à gérer à travers l’emsemble du portefeuille de nos activités », a-t-il confié.
S’agissant du porte-avions, qui doit permettre à la Marine nationale de « rester en première division », Naval Group doit conserver des compétences « en matière de catapultes » ainsi qu’à celles nécessaires « pour gérer toute la flotte aéronavale sur un navire, avec la nécessité de faire cohabiter dans le futur des avions et des hélicoptères […] avec des drones à voilure tournante ou à voilure fixe », a expliqué M. Guillou.
La question se posera également pour TechnicAtom (ex-Areva TA), pour les « compétences en matière d’architecture de propulsion nucléaire », a relevé le Pdg de Naval Group.
Aussi, a-t-il prévenu, « le premier sujet pour nous est d’enclencher un certain nombre d’études dans ces domaines de compétence, faute de quoi, nous ne serons les garder ». Ce qui compliquerait évidemment le chantier de ce futur porte-avions. « Les derniers des Mohicans des générations précédentes sont utilisés sur la refonte du porte-avions Charles de Gaulle qui se termine cet été. Et après, il n’y a plus d’activité, en tout cas pour l’instant contractualisée », a-t-il ajouté.
Le second sujet concernant le porte-avions du futur consiste à « proposer à notre ministre, à notre marine et à notre président un certain nombre d’options pour ne pas les enfermer dans la pensée unique », a poursuivi M. Guillou.
Et pour ça, a-t-il donc estimé, il « faut aussi engager en temps utiles, probablement vers la fin de l’année, un certain nombre d’études d’architecture générale et d’aménagements généraux qui devront se faire évidemment en étroite coopération d’abord avec Dassault pour pouvoir anticiper les besoins de la flotte aéronavale. Et puis aussi avec STX, qui aura vocation à construire la plateforme et TechnicAtom, qui doit avoir son avis sur les questions de propulsion. » En clair, il y a un gros travail de coordination à réaliser… ce qui ne sera pas simple au regard du nombre d’inconnues.
Cela étant, le Pdg de Naval Group s’est félicité de l’ambition du projet de LPM en matière d’études amont, dont l’enveloppe passera de 750 millions à 1 milliards d’ici 2020. Pour lui, cet effort est en effet absolument essentiel « pour être capable de garantir dans la durée, c’est à dire dans les 5 à 30 ans qui viennent la supériorité technologique de notre marine. »
D’autant plus que, comme l’a souligné M. Guillou, il faut relever le défi que représente « la rotation extrêmement rapide des technologies de rupture et celle des technologies du numérique. » Ainsi, a t-il noté, « il y aura probablement 5 6 7 générations de télécommunication pour une génération de frégate. Ce sera la même chose sur les data center, l’analyse numérique, la cybersécurité. » D’où la nécessité de « ne pas rater de marche technologique dans des cycles qui sont de plus rapides et qui nécessiteront […] de trouver les processus qui permettent d’intégrer plus rapidement les technologies de rupture sur nos plateformes. »
Parmi les grandes évolutions dans le domaine naval, M. Guillou a parlé évidemment des technologies de l’information (avec la cybersécurité), la capacité de « survivre à la mer longtempts » (ce qui n’est pas donné à tput le monde) et celle permettant d’exploiter et faire fonctionner ensemble, et en temps réel, tous les moyens d’une flotte de combat (guerre électronique, réseau, drones, etc…).
Sur ce dernier point, l’intégration de drones (voire d’essaims de drones) aux navires de surface et aux sous-marins, alliée à l’intelligence artificielle, est un enjeu « fondamental » pour Naval Group. « Pourquoi? parce que moins vous avez de plateformes, plus il faut essayer d’augmenter leur rayon d’action ou leur capacité à absorber de l’information », a expliqué M. Guillou.