Cela fait plus d’un an qu’il est question de créer une alliance « stratégique » dans la construction navale militaire avec le rapprochement du français Naval Group et de l’italien Fincantieri, lequel a pris le contrôle du chantier naval de Saint-Nazaire, appelé à tenir un rôle de premier plan pour la construction du futur porte-avions promis à la Marine nationale.
Initialement, il s’agissait de s’inspirer de l’alliance entre Renault et Nissan dans le secteur de l’automobile. Ce qui supposait des échanges d’actions entre les deux industriels, ainsi que la recherche de synergies et le lancement de projets soit communs, soit partageant la même base technologique. Appelé Poséidon, ce projet aurait dû aboutir en juin dernier.
Cependant, plusieurs difficultés apparurent. Au-delà des tensions entre Paris et Rome sur d’autres sujets, il fallait régler la question des équipementiers, sans lequel un navire n’est qu’une coque. D’où les inquiétudes de Thales, fournisseur (et actionnaire) de Naval Group, et celle de Leonardo, partenaire de Fincantieri.
Début octobre, l’industriel italien a annoncé son intention de prendre à son compte les activités « systèmes de combat » de Leonardo. L’on aurait pu penser que ce mouvement allait contrarier le projet Poséidon.
« Ce rapprochement était réalisé à notre demande. C’est nous qui avons insisté pour que la partie systèmes de Leonardo passe sous le contrôle de Fincantieri, sinon l’accord serait complètement déséquilibré […]. L’objectif de l’alliance est d’être prime contractor de systèmes navals complets et pas juste de coques », assura alors Hervé Guillou, le Pdg de Naval Group, à l’hebdomadaire L’Usine nouvelle.
Reste que, finalement, ce rapprochement entre Naval Group et Fincantieri n’aura pas pris la forme espérée. Du moins pour le moment. En effet, le 23 octobre, et comme l’avait sous-entendu Florence Parly, la ministre des Armées, lors de l’ouverture du salon Euronaval, un accord a été trouvé par les deux industriels concernés pour créer une co-entreprise à parts égales.
« L’objectif est de mettre en œuvre des synergies commerciales et industrielles » et « ces mesures doivent améliorer la compétitivité des offres de cette Alliance sur le marché mondial, et leur permettre de continuer à répondre aux besoins des marines italienne et française avec les solutions les plus modernes », est-il expliqué dans un communiqué signé conjointement par Mme Parly et Bruno Le Maire, le ministre français de l’Économie, ainsi que par leurs homologues italiens, respectivement Elisabetta Trenta et Luigi di Maio.
« L’alliance industrielle proposée par Fincantieri et Naval Group ne doit avoir aucun impact sur la capacité de chacun des gouvernements à maîtriser les capacités et les ressources stratégiques de chacune de ces sociétés », ont souligné les deux ministres, qui précisent également que Paris et Rome ont « ont initié les discussions relatives à un accord de gouvernement à gouvernement, qui devra permettre de fluidifier la collaboration entre les industriels italiens et français, et donner un cadre clair et simple aux opérations de l’alliance, tant sur le plan national qu’à l’export. »
De leur côté, Naval Group et Fincantieri parlent d’une « première étape », qui devra toutefois être confirmée les conseils d’administrations respectifs. Il s’agit, expliquent-ils, de « préparer conjointement des offres pour des programmes binationaux et les marchés export », de mettre en place une chaîne d’approvisionnement « plus efficiente » avec des achats communs qui, grâce à des effets de volume, permettront d’obtenir un meilleur rapport qualité/prix.
En outre, les deux industriels se donnent l’objectif de mener « conjointement des projets de recherche et d’innovation afin de garantir la supériorité opérationnelle de leurs clients » et d' »encourager la fertilisation croisée entre les deux sociétés, avec le partage de centres et moyens d’essais ainsi que des réseaux d’experts. »
Parmi les dossiers qui attendent Naval Group et Fincantieri figure celui relatif aux quatre futurs pétroliers-ravitailleurs destinés à la Marine nationale, dans le cadre du programme FLOTLOG. Pour rappel, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit la commande de trois unités, dont la conception sera inspirée du modèle italien Vulcano. Enfin, les deux industriels vont examiner « la possibilité de présenter une offre commune pour les premières études de la refonte à mi-vie des frégates françaises et italiennes de classe Horizon, avec un système de gestion de combat (combat management system, CMS) commun. »