À l’occasion de l’ouverture du salon Euronaval, ce 23 octobre, la ministre des Armées, Florence Parly, a donné le coup d’envoi officiel de la phase d’étude portant sur le prochain porte-avions de la Marine nationale, lequel succédera au Charles-de-Gaulle.
Mais avant d’aborder ce sujet, la ministre a tenu à souligner que, désormais, « l’océan est plus que jamais au centre des enjeux et des incertitudes de notre monde ». Aussi, a-t-elle continué, « il nous faut donc, plus que jamais, maîtriser les flots » car « la paix et la sécurité se construisent au large. »
« Aujourd’hui, la Chine agit en mer de Chine méridionale comme dans une mer intérieure tandis que dans le golfe de Guinée ou au large de la corne de l’Afrique, les pirates et bandits pillent les ressources, font fuir les opportunités, enrayent le développement. Il faut que la mer reste un espace de liberté, que son accès y soit garanti, la liberté de navigation, assurée », a expliqué Mme Parly.
Conformément à la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25, Mme Parly a donc lancé « officiellement le programme de renouvellement de notre porte-avions », avec le début de la phase d’étude, dont l’enjeu sera de « déterminer ensemble ce que nous voulons et comment nous le voulons. »
Cette phase d’étude, qui durera 18 mois, aura à répondre à au moins trois questions. La première, a avancé Mme Parly, portera sur les « menaces » que ce futur porte-avions aura à affronter. « De ces réponses, nous pourrons déduire les contraintes d’emploi, les besoins en termes de systèmes de combat et l’articulation nécessaire avec son escorte », a-t-elle précisé.
La seconde question concernera les caractéristiques de ce navire annoncé, « en fonction de ce que sera l’état de l’art technologique en 2030 » (ce qui donne une idée de l’année où débutera éventuellement sa construction). Évidemment, ce porte-avions devra être en mesure de mettre en oeuvre le Système de combat aérien du futur [SCAF], un programme mené en coopération avec l’Allemagne (et objet de désaccords, apparemment, avec Airbus Defence & Space).
« Le mode de propulsion, nucléaire ou classique, sera examiné. Nous devrons prendre en compte, aussi, les ruptures technologiques à venir. Je pense, par exemple, à la révolution que représentent les catapultes électromagnétiques« , a continué Mme Parly.
Sur ces deux points, le choix d’une propulsion classique et celui de catapultes à vapeur seraient surprenants.
« En répondant à cette question, nous devrons toujours garder un oeil sur les coopérations que nous pourrions mener. Des coopérations pour le navire lui-même, peut-être, mais aussi des coopérations pour permettre au porte-avions nouvelle génération d’accueillir des aéronefs de nos partenaires européen », a ensuite affirmé Mme Parly.
En Europe, pour le moment, deux pays ont (ou auront) des chasseurs-bombardiers capables d’opérer depuis le pont d’un porte-avions, à savoir le Royaume-Uni et l’Italie, avec le F-35B [version STOVL, c’est à dire à décollage court et à atterrissage vertical, ndlr]. Lors de son allocution, Mme Parly a indiqué qu’elle aurait très bientôt des annonces à faire, après avoir rencontré Elisabetta Trenta, son homologue italienne. Une coopération dans le domaine aéronaval serait-elle déjà dans les tuyaux, alors que les relations entre Rome et Paris sont à couteaux tirés en ce moment et que l’idée d’un rapprochement entre Naval Group et Fincantieri battrait de l’aile?
Quoi qu’il en soit, a poursuivi la ministre, « ce porte-avions pourra servir jusqu’aux dernières décennies du XXIe siècle, nous ne pouvons pas nous permettre de le concevoir avec un horizon étriqué. »
Justement, la dernière question à laquelle devra répondre cette phase d’étude concernera l’innovation. « Ne limitons ni notre horizon, ni notre imagination. Nous ne devons pas refaire à l’identique, mais chercher les capacités les plus ingénieuses, les plus utiles et les plus efficaces. Faisons de ce porte-avions, une véritable base avancée de notre marine », a plaidé Mme Parly.
« Nous devrons être réalistes mais ambitieux. Et grâce à ces études approfondies, imaginatives et rigoureuses, nous pourrons établir l’architecture de ce futur porte-avions et poser les bases de l’organisation industrielle nécessaire pour le bâtir en respectant les délais et les coûts », a-t-elle encore fait valoir.
Quant au nombre de porte-avions qui pourraient être construits, la ministre ne s’interdit rien. « Par ces études, nous pourrons déterminer, aussi, le nombre d’unités dont la France et l’Europe auront besoin à terme. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs, le temps est à la conception, pas encore à déterminer combien de navires sont nécessaires », a-t-elle affirmé.