À l’avenir, les opérations aériennes se feront de plus en plus dans le cadre d’un réseau global d’informations, lequel permettra le combat « collaboratif », avec le traitement et l’exploitation en temps réel d’une masse importante de données (big data).
En conséquence, les avions et drones des systèmes de combat aérien du futur seront interconnectés et mis en réseau avec des sytèmes de commandement « robustes », c’est à dire protégés contre d’éventuelles cyberattaques.
« Pour le système de combat aérien futur que l’armée de l’Air conceptualise, le mot-clef est bien « système ». Car il ne s’agira ni d’un avion piloté, ni d’un drone, mais d’un système de systèmes intégrant, au sein d’un véritable Cloud, des senseurs et des effecteurs de différentes natures et de différentes générations. Son épine dorsale sera un noyau C4ISTAR (Command, Control, Communications, Computers, Information/ Intelligence, Surveillance, Targeting Acquisition and Reconnaissance) », a expliqué, en 2015, le général Denis Mercier, l’actuel commandant suprême allié Transformation (SACT)de l’Otan, dans les colonnes de la Revue européenne d’études militaires [.pdf].
Et l’ex-chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA) d’ajouter : « Système fédérateur, il obéira également à une logique distributive : diffusion des informations fusionnées en une image synthétique (Recognized Air Picture) à l’ensemble du réseau, mais aussi distribution en temps réel de la capacité de contrôle opérationnel des moyens à partir du système le plus pertinent. »
Ainsi, le général Mercier a mis le mot « Cloud » sur ces réseaux d’informations interconnectés. Seulement, à l’heure où les opérations militaires se font le plus souvent en coalition, la question de savoir qui aura la clé de ce « Cloud », autrement dit son contrôle, se pose.
« C’est un sujet politique, opérationnel et industriel », a estimé Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, lors d’une audition devant la commission de la Défense nationale, à l’Assemblée nationale.
À vrai dire, cette question se pose déjà. « Quand vous prenez un drone de surveillance Reaper, l’information est détectée, puis va dans un tube virtuel d’ondes et ensuite vers l’opérateur de l’armée de l’Air. […] Mais ne vous faites aucune illusion. Le tube passe d’abord par un centre d’analyse aux États-Unis », a expliqué M. Trappier. « Le F-35, c’est ça aussi. C’est un capteur qui vole, tout est ramené dans un centre d’informations aux États-Unis avant d’être redistribué. Et vous n’avez aucune capacité de vérifier que votre tuyau n’est pas passé par une moulinette américaine […] qui vous transforme l’information », a-t-il ajouté.
C’est ainsi que, a rappelé le Pdg de Dassault Aviation, que le programme de satellites de reconnaissance Helios a été conforté après le constat que les pays européens engagés dans la guerre d’Irak, en 1990, dépendaient trop des États-Unis dans ce domaine.
« Les images issues des satellites américains étaient fausses, sur l’affaire de l’Irak. Donc, il y a eu grosse fâcherie à l’époque et on a lancé la filière des satellites d’observation pour être sûr d’avoir la bonne information », a raconté M. Trappier.
Aussi, a-t-il continué, c’est « cette intégrité des réseaux qu’il va falloir préparer ». Et cela suggère une autre question : « Comment fait-on le Cloud tout en étant interopérables avec nos amis américains? », a-t-il demandé. D’autant plus que l’arrivée du F-35 remet en cause les normes établies au sein de l’Otan en matière d’interopérabilité. Ce qui met en colère M. Trappier.
« Le modèle américain du F-35 casse ces codes et vous dit : ‘il n’y a plus d’interopérabilité, il y a intégration avec le F-35’. C’est à dire que vous êtes Américains ou vous n’êtes pas. C’est proprement scandaleux que l’Otan accepte ça. Normalement, c’est l’interopérabilité et on est train de passer à l’uniformisation et à l’intégration dans les armées américaines », s’est emporté le patron de Dassault Aviation.
Sur ce point, a-t-il continué, « l’industrie n’y peut pas grand chose. Elle peut trouver des solutions d’interopérabilité. Mais le choix est politique. »
Aussi, M. Trappier souhaite que la France exerce son influence au travers de ses contributions à l’UE et à l’Otan afin d’être « capable de définir les standards qui nous permettront de travailler ensemble tout en ayant des matériels différents. »