Le quinquagénaire soupçonné d’être le « violeur de la Sambre », qui a avoué une quarantaine de viols et d’agressions sexuelles dans le Nord, constitue un « cas exceptionnel » pour la psychiatre Sophie Baron-Laforêt. Mis en examen et écroué mercredi, ce père de famille de Pont-sur-Sambre, près de Maubeuge, doit être entendu dans les semaines à venir par le juge d’instruction en charge de l’enquête.
Agent d’entretien, père de famille et habitant impliqué dans la vie associative de sa commune. Le profil du Nordiste soupçonné d’être le « violeur de la Sambre », qui a avoué une quarantaine de viols et d’agressions sexuelles, intrigue. Comment ce quinquagénaire sans casier judiciaire, décrit comme un « homme sans histoire » mais agissant « sous le coup de pulsion », a-t-il pu mener la double vie qu’on lui attribue depuis plus de 20 ans ?
Il sera entendu par le juge d’instruction de Valenciennes, en charge de l’enquête, d’ici à « trois semaines » d’après son avocat, Me Moreau. Il est, pour l’heure, mis en examen et écroué pour 19 viols et agressions sexuelles, dans le cadre d’une information judiciaire ouverte depuis 1996. Toujours selon le même mode opératoire : attaquer ses victimes de dos, avant l’aube, muni de gants et le visage en partie masqué.
Certains faits pourraient néanmoins remonter jusqu’à 1988. D’après BFM TV, les enquêteurs envisagent de réexaminer pas moins de 70 cas d’agressions signalées dans les environs. Il avait été confondu, lundi, grâce à des analyses ADN à la suite d’une agression sexuelle commise début février, à Erquelinnes, en Belgique.
Pour la psychiatre et présidente de l’association française de criminologie Sophie Baron-Laforêt, ce dossier est d’ores et déjà « hors normes ». Entretien.
En quoi cette affaire est-elle exceptionnelle ?
Je crois que nous pouvons parler d’un cas exceptionnel car il y a 40 actes reconnus par la personne. C’est un cas hors norme surtout lorsque l’on sait que parmi les personnes aujourd’hui incarcérées dans les prisons françaises pour des actes à caractère sexuel, on a moins de 2 % d’entre elles qui ont commis cinq actes.
Par ailleurs, ces agressions sont étalées sur une période de trente ans. Ce qui m’interroge dans ce parcours hors norme, c’est comment cela a commencé ? Les actes étaient-ils rapprochés ? Qu’est-ce qui a fait qu’il a eu besoin de répéter ces actes et qu’est-ce qui lui a permis, paradoxalement et monstrueusement, de continuer une vie à deux niveaux ? Toutes ces questions pourtant fondamentales sont pour l’heure sans réponses.
Sommes-nous face à un profil atypique ?
Dans ce cas, nous sommes face à un homme, père de trois enfants, qui travaille, qui n’est pas connu des services de police. En somme, un bon père de famille. Manifestement, l’auteur vit un niveau de dissociation. C’est comme s’il vivait avec deux personnalités. C’est assez fréquent.
Quand ils vivent dans le côté relationnel, au travail ou dans le cadre familial par exemple, l’autre partie n’existe pas, elle émerge par moments et elle prend le dessus par moments. Ces pulsions peuvent s’entendre comme quelque chose qui les dépasse, qui les angoisse, qui les menace et, en général, c’est quelque chose qui se construit. C’est-à-dire que face à des désorganisations d’ordre psychiques, on peut penser qu’un premier acte leur a permis de se sentir mieux.
Comment expliquer qu’il soit passé aux aveux ?
Je pense que dans ces aveux, il y a une part de soulagement. Nombre d’entre eux sont soulagés que l’on sache qui ils sont. Certains peuvent être dans le déni, mais pas lui. Globalement, dans les cas à caractère sexuel, on constate qu’une fois arrêtés les auteurs sont soulagés à l’idée de parler.
Grâce à l’ADN mais aussi à la libération de la parole des victimes, on les sort d’un cycle infernal dans lequel ils se sont eux-mêmes enfermés. Les plaignantes, lorsqu’elles parlent, permettent qu’ils puissent en parler et qu’on arrête le plus vite possible un processus. Pour cela, il faut dire bravo à ces femmes.