Décès de Jacques Hébert, ancien de la 2e DB et Compagnon de la Libération
« Je vous mets 14. Eh bien, mon vieux, vous en avez mis du temps pour faire votre première année! », dit un jeune professeur de médecine à son élève. « J’avais une guerre à faire, monsieur », lui répondit ce dernier.
Cet élève était Jacques Hébert. Compagnon de la Libération, ancien de la 2e Division Blindée (DB) du général Leclerc, il s’est éteint à l’âge de 97 ans, le 15 février, à Falaise, sa ville natale.
Le 21 juin 1940, et alors que l’armistice demandé par le maréchal Pétain à l’Allemagne n’est pas encore signé, Jacques Hébert décide d’abandonner ses études de médecine et embarque, avec son frère, à bord du navire polonais MS Batory, qui doit alors appareiller de Saint-Jean-de-Luz pour rallier le Royaume-Uni.
Arrivé à Londres, le jeune homme rejoint le général de Gaulle et s’engagé dans les Forces françaises libres en tant que 2e classe. Il est ensuite affecté à la 1ère Compagnie autonome de chars de combat. Il n’a pas 20 ans. Pourquoi avoir choisi les blindés? « Parce que que la mécanique était ce qui se rapprochait le plus de l’anatomie », dira-t-il.
En septembre 1940, Jacques Hébert participe à l’expédition de Dakar (opération Menace), qui se soldera par un échec après des combats entre Français libres et les forces françaises obéissant à Vichy. Le jeune homme prend part ensuite à la campagne du Gabon qui permettra le ralliement de l’Afrique-Équatoriale française (AEF) à la France libre. Mais, le 23 octobre, il se blesse accidentellement à Oyem.
Quelques mois plus tard, Jacques Hébert est affecté à la Brigade française libre d’Orient. Promu caporal, il est une nouvelle fois blessé, cette fois par un éclat d’obus, lors de combats à Néjah, près de Damas, lors de la campagne de Syrie.
En août 1941, nommé sergent, il est sélectionné pour suivre le cours des aspirants à Damas. Trois mois plus tard, il est affecté à la 3e section de la 1ere Compagnie de chars de combat. Par la suite, il continue sa formation à l’école des chars du Middle East à Héliopolis. Puis il retrouve l’action, en Libye. En octobre 1942, il reçoit sa troisième blessure, lors de la bataille d’El Alamein.
Une fois remis, promu sous-lieutenant, Jacques Hébert continue la guerre en Tunisie (mars/mai 1943). Puis il est affecté au 501e Régiment de chars de combat, intégré à la 2e Division blindée qui vient alors d’être créée. En avril 1944, avec son unité, il quitte l’Afrique du Nord pour l’Angleterre.
En août de la même année, le lieutenant Hébert retrouve le sol français, après avoir débarqué Utah Beach. Au cours de la bataille de Normandie, le jeune officier s’illustre à plusieurs reprises au mépris du danger (et des tirs nourris des canons anti-chars ennemis). Les 24 et 25, il se distingue à nouveau lors de la libération de Paris, notamment à Fresnes, aux Tuileries et place de la Concorde, et parvient à assurer la liaison avec les unités de son groupements.
En septembre, le jeune officier prend part à la bataille des Vosges et d’Alsace. Et il trouve encore l’occasion de s’illustrer à maintes reprises, grâce à son calme et son sang-froid face aux tirs nourris de l’ennemi. En 1945, nommé à la tête de la compagnie d’appui du 501e RCC, il combat en Allemagne. Dans la nuit du 4 au 5 mai, son unité reporte des succès décisifs sur la route menant au nid d’aigle d’Hitler, à Berchtesgaden. Mais il est une nouvelle fois blessé accidentellement. Cette année-là, il est fait Compagnon de la Libération.
Après la capitulation allemande, Jacques Hébert est affecté au Secrétariat particulier du ministre de la Guerre, puis au cabinet militaire du résident général de France à Tunis. En 1946, la guerre « faite », il quitte l’uniforme pour reprendre, à 26 ans, ses études de médecine qu’il avait abandonnées alors qu’il était en première année. Spécialisé en cardiologie, il devient médecin-chef du Centre interprofessionnel de Médecine du Travail à Cherbourg, ville dont il deviendra le maire (1959-1977) et le député (1962-1973) avec l’étiquette UNR (le parti gaulliste à l’époque).
Au Palais-Bourbon, il assurera les fonctions de vice-président de la commission de la Défense nationale entre 1968 et 1969. Il cessera ses activités professionnelles et politiques en 1982.
Compagnon de la Libération, Jacques Hébert était aussi Grand Officier de la Légion d’Honneur et titulaire de la Croix de Guerre 39/45 (avec 4 citations), de Médaille coloniale avec agrafes « Libye » et « Tunisie », de la Presidential Unit Citation (États-Unis) et de Médaille des Services Volontaires dans la France Libre.
« Mon engagement fut le résultat de la conjonction en moi du refus total de l’inadmissible défaite de 1940, de la volonté de résister à l’ennemi et de l’amour de la France. Nos hommes avaient une âme de feu dans un corps de fer. Nous n’avons pas été des héros, seulement des hommes libres », a écrit Jacques Hébert, dans ses mémoires. (*)