Face à l’inflation des données, la Direction du renseignement militaire mise sur l’intelligence artificielle
Collecter des flux toujours plus importants de données grâce à une multitudes de capteurs dont la qualité ne cesse de s’améliorer n’est pas très utile si l’on ne dispose des moyens nécessaires pour trouver, vérifier et recouper la bonne information au moment opportun.
Cela peut même « paradoxalement devenir un handicap », a souligné le général (air) Jean-François Ferlet, le Directeur du renseignement militaire (DRM), lors d’une rencontre avec l’Association des journaliste de défense.
Par exemple, le flux d’images satellitaires que reçoivent les analystes de la DRM sont déjà conséquents. Or, dans un avenir proche, son volume sera multiplié par 10, voire 20. Cette tendance est la même aux États-Unis. « Si nous devions exploiter manuellement toutes les images satellites que nous nous attendons à recevoir au cours des 20 prochaines années, il faudrait embaucher huit millions d’analystes spécialisés dans l’imagerie », avait indiqué, en juin 2017, Robert Cardillo, le directeur de la National Geospatial-Intelligence Agency.
Cela vaut aussi pour ceux du Centre de formation et d’emploi relatif aux émissions électromagnétiques (CF3E), du Centre interarmées de recherche et de recueil du renseignement humain (CI3RH) ou encore du Centre de recherche et d’analyse du cyberespace (CRAC), étant donné que plusieurs programmes satellitaires, comme MUSIS et CERES, augmenteront significativement les capacités d’écoute, de surveillance et d’observation.
D’où, d’ailleurs, la création, en mars 2017, sur la base de Creil, de « l’Intelligence Campus« , c’est à dire du « premier écosystème européen civil et militaire en traitement de la donnée », avec l’idée de réunir la communauté du renseignement (et en particulier la DRM) et des entreprises innovantes ainsi que des laboratoires spécialisés dans l’intelligence artificielle (« un élément de notre souveraineté nationale », avait affirmé Jean-Yves Le Drian l’ex-ministre de la Défense), le big data et le machine learning.
L’enjeu, pour la DRM, est donc de trouver des moyens pour analyser automatiquement ces flux de données. Et c’est donc la priorité du général Ferlet. « Si on veut continuer à être performants et éviter le risque de décrochage, on a intérêt à anticiper un certain nombre de problèmes structurants pour l’avenir, et parmi eux, l’évolution des technologies », a-t-il dit, selon les propos rapportés par l’AFP.
« Il faut qu’on se fasse aider par des outils d’intelligence artificielle qui vont nous aider à exploiter dans ce nuage de données l’information pertinente quand on en a besoin », même si « cela ne remplacera pas les analystes » a expliqué le général Ferlet.
« Ce n’est pas tant une question de financement » mais plutôt de « solutions techniques », a-t-il ajouté.
Outre-Atlantique, la communauté du renseignement mise aussi sur l’intelligence artificielle, avec l’appui de la Silicon Valley. La CIA, notamment, a au moins 137 projets visant. Comme l’a expliqué Dawn Meyerriecks, son responsable du développement technologique, ces outils lui pourraient lui permettre de « prédire des évènements importants, politiques ou autres, en trouvant des corrélations entre des changements dans les flux de données et d’autres informations. »