Peut-on prédire les évènements à venir en faisant appel au Big Data et à l’intelligence artificielle? C’est ce que des chercheurs et des grandes entreprises ont tenté de faire à l’occasion de la dernière coupe du Monde de football. Et le résultat n’est pas mirobolant. En compilant des données provenant de différentes sources, comme les classements FIFA, les pronostics des bookmakers, les profils des joueurs (âge, appartenance à un même club, palmarès, etc…) ou encore le PIB des pays participants, les algorithmes ont fait de nombreuses simulations.
Seulement, les Bleus ont fait mentir l’intelligence artificielle, qui voyait l’Espagne ou l’Allemagne gagner la coupe du Monde (la France n’aurait eu que 11,2% de chances de remporter le tournoi). Seul Electronic Arts (qui produit FIFA) avait vu juste, en prédisant, dès le 28 mai, l’élimination de l’Argentine, de l’Uruguay et de la Belgique par la France (sans donner les scores exacts). En revanche, l’éditeur de jeux vidéos n’avait pas vu la Croatie arriver en finale…
Aussi, tout dépend de la pertinence des données que l’on doit prendre en compte (par exemple, en quoi le PIB d’un pays peut-il influencer les résultats d’une équipe de football?). Et encore, le résultat n’est pas totalement garanti. Quoi qu’il en soit, pour aider les planificateurs des états-majors, la Darpa, l’agence de recherche et développement du Pentagone, estime a confié, en juin dernier, un contrat de phase 1 d’un montant de 4,2 millions de dollars à BAE Systems pour développer une solution devant leur permettre de « comprendre et de gérer les dynamiques complexes à l’origine des conflits. »
Basée sur le logiciel CONTEXTS [Causal Modeling for Knowledge Transfer, Exploration, and Temporal Simulation], cette solution vise à « créer le modèle interactif d’un environnement opérationnel » afin de permettre « aux planificateurs [d’un état-major] d’explorer les causes d’un conflit et d’évaluer les approches potentielles », a expliqué BAE Systems.
« Les planificateurs militaires effectuent souvent des recherches manuelles et utilisent des outils de modélisation limités pour générer des modèles et évaluer les situations conflictuelles, ce qui prend beaucoup de temps et exige beaucoup de main-d’œuvre. Pour surmonter ces obstacles, CONTEXTS utilisera des algorithmes et des simulations dans le but de donner aux planificateurs une compréhension plus rapide et plus approfondie des conflits afin d’éviter des résultats inattendus et contre-intuitifs », a fait valoir Chris Eisenbies, un responsable de BAE Systems.
En France, il est aussi question d’avoir recours à l’intelligence artificielle et au Big Data pour aider les états-majors. En effet, la Direction générale de l’armement [DGA] vient de lancer un nouveau défi qui, appelé « Commandement et Contrôle des opérations Interarmées » [C2IA], est « destiné à faire émerger dans l’année une solution exploitable par les forces armées pour soulager le commandement opérationnel des tâches ancillaires, répétitives et à faible valeur ajoutée qui pourraient être fortement automatisées. »
En clair, l’idée est d’augmenter la capacité de traitement et l’accès à l’information des planificateurs afin qu’il puisse se concentrer sur l’analyse et l’élaboration de « solutions opérationnelles et d’anticipation. »
Ce défi s’adresse aux start-up, au PME/ETI et aux laboratoires de recherche ayant des compétences dans les domaines « de la fusion, du traitement, de l’analyse de la diffusion et du partage de données complexes structurées et non structurées (images, textes, données chiffrées, géolocalisées, etc) et/ou des solutions dans le « Big Data, l’IA prédictive, d’interfaces cartographiques, de réalités virtuelles ou augmentées. »
Visiblement, la DGA veut aller vite : la date limite du dépôt des candidatures (https://defenselab.typeform.com/to/S9UJ8L%20) est fixé au 14 septembre et les solutions retenues feront l’objet d’une démonstration le 4 décembre.
Cela étant, des projets basés sur l’intelligence artificielle ont d’ores et déjà été lancés. Tel est le cas, pour l’armée de l’Air, de SAFIR [Site d’analyse et de fusion intelligente du Retex], né du Hackathon organisé par le centre d’expertise aérienne militaire [CEAM] de Mont-de-Marsan en septembre 2017, vise à faciliter la gestion et le partage des retours d’expérience afin d’en tirer les enseignements opérationnels « avec rapidité et efficacité. » Ce projet a vocation à devenir interarmées.
L’intelligence artificielle et le Big Data ne sont pas les seules technologies qui feront leur entrée dans les états-majors. Ainsi, la réalité virtuelle s’impose déjà pour tenir des réunions ou bien encore pour améliorer l’aide à la décision (des entreprises comme Manzalab, KTM Advance et Eversim ont présenté des solutions de ce type au DGA Lab).
« Les technologies numériques peuvent constituer une aide précieuse pour l’analyse opérationnelle et la planification. Dans un contexte ou de plus en plus de données sont disponibles, le recours à des outils de traitement pour pouvoir les traiter en temps et en heure, et éclairer la prise de décision. […] Sans perdre de vue qu’un outil ne vaut que par la main qui l’anime, elles peuvent se révéler des outils indispensables d’aide à la conduite et à la planification », souligne ainsi le DGA Lab.