L’appel à la raison de Nicole Belloubet, la garde des Sceaux, n’a pas suffi. Tout comme les 1 100 postes promis par le gouvernement et sèchement rejetés par la base. Le conflit entre les gardiens de prison et le gouvernement est entré, hier, dans sa deuxième semaine. Les négociations avec les syndicats n’ont pas pu aboutir. Et les appels aux blocages se poursuivent. Trop de frustrations et de colères accumulées.
Au-delà des salaires, des créations d’emplois et de la sécurité des personnels, c’est la question même de la politique pénale française qui est sur la sellette. Les prisons sont surpeuplées, vétustes. On s’y entasse dans des conditions qui n’honorent pas la patrie des droits de l’homme. Une gestion qui a été épinglée à de multiples reprises dans des rapports et plus récemment par le conseil des droits de l’homme de l’ONU. Les agressions se multiplient : entre prisonniers mais aussi en direction des surveillants. S’y ajoute un sujet plus récent mais tout aussi explosif celui du traitement des détenus islamistes radicalisés. Ce premier vrai conflitqu’affronte le gouvernement s’annonce miné.
Emmanuel Macron a conscience de l’urgence de la situation. Une réforme pénale est promise pour le printemps ainsi qu’une mise à plat de la politique pénitentiaire. Devant la Cour de cassation, il a rappelé sa promesse de construire 15 000 places supplémentaires de prison. Et défendu l’idée de développer les travaux d’intérêt général ainsi que le bracelet électronique.
C’est bien une prison hors les murs qu’il faut enfin inventer. Plus de la moitié des peines de prison sont aujourd’hui inférieures à six mois et liées à de petites infractions. Développer une politique de travaux d’intérêt général serait plus approprié. Avec un double avantage : faciliter la réinsertion des condamnés et éviter de faire cohabiter des délinquants chevronnés avec des auteurs d’infractions mineures.
Parler d’humanité et d’efficacité
Ces Travaux d’intérêt général (TIG) existent depuis 1983. Mais les magistrats y ont peu recours : 7 % des peines en 2016. Alors on condamne à de la prison. Et tant pis si cette politique fait de la casse. Le nombre de détenus a doublé entre 1980 et 2017. En décalage avec les tendances observées dans d’autres pays européens, comme l’observe une étude du Conseil de l’Europe. L'ONU également a épinglé la France sur sa mauvaise gestion des prisons.
Cette crise que certains identifient comme la plus grave depuis 1990 peut être l’occasion de purger cet abcès. La politique pénale n’est jamais un sujet simple tant elle suscite de fantasmes : celui par exemple des prisons cinq étoiles qui n’ont jamais existé. Les prises de position sont souvent caricaturales ou caricaturées quand il faudrait parler d’humanité et d’efficacité.
Dans ce contexte, deux initiatives méritent d’être soulignées. La première portée par Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois à l’Assemblée nationale. Elle a constitué quatre groupes de travail sur le traitement psychiatrique en prison, l’activité en détention, la réinsertion professionnelle et la sécurisation différenciée des établissements. Parallèlement, Didier Paris, un député de La République en marche, travaille sur des propositions pour créer une Agence du travail d’intérêt général.
En espérant que les arbitrages législatifs et réglementaires permettent enfin d’aller au bout d’un sujet que la France traîne comme un boulet depuis trop longtemps. C’est une question de justice et d’intérêts bien compris.