COLONEL EMILE GUEGUEN
Né le vendredi 13 février 1925 à Morlaix en Bretagne, Émile René Gueguen a quinze ans quand l'armée allemande victorieuse arrive chez lui.
Ceci va décider de son destin car il commence aussitôt des actions de résistance, d'abord à son initiative personnelle et quelques camarades du collège de Morlaix, ce qui lui valu de connaître les geoles allemandes en 1941 et en 1943. Par la suite dans le cadre du mouvement Libération-Nord il se retrouve dans un groupe action aux ordres de son camarade Gildas Lebeurier, lui aussi un autre grand soldat.
Le 6 juillet 1944, Gueguen, maquisard breton de 19 ans, est pris dans une embuscade montée par des feldgendarmes de Morlaix et cent cinquante parachutistes allemands des anciens vainqueurs d'Héraklion en Crète du général Ramke, et arborant le brassard "Kreta" qui atteste de leur valeur.
Reconnu par des feldgendarmes à qui il avait eu affaire au cours de ses précédentes incarcérations mineures, il est aussitôt interrogé et torturé sur place puis embarqué dans un side-car pour être emmené. Alors qu'ils le conduisent à la torture et à la mort, il s'échappe en sautant du side-car en marche sous les rafales des armes automatiques du convoi. Il n'avait certainement pas une chance sur mille de s'en tirer, mais il a la baraka.
Le dimanche 10 décembre 1944, le bouclage autour de la poche de Lorient, s'étendait sur plus de cinquante kilomètres, les allemands dans leur seule tentative de passage en force durant les neuf mois de siège, choisissent d'attaquer exactement la position occupée, derrière un vieux talus, par la section du Lieutenant Gueguen, composée en grande partie de ses camarades de lycée. À la stupéfaction générale, cette section de trente adolescents, abandonnée à elle-même avec ses seules moyens légers d'infanterie va repousser tous les assauts des six cents vétérans du 683ème bataillon de fusillers-marins de la "Kriegsmarine", des hommes endurcis par cinq ans de guerre et soutenus, eux, par une puissante artillerie. Celle-ci va déverser sur la position un millier d'obus fusants et percutants durant les six heures de combat. Côté allié, le colonel Jouteau commandant le 118 RI, étant persuadé que la section ne tiendrait pas cinq minutes face à une attaque de cette envergure, avait tout simplement replié en toute hâte l'ensemble du dispositif, y compris la batterie d'artillerie américaine dont la mission aurait voulu qu'elle applique des tirs d'arrêt. Quoi qu'il en soit, les Allemands ont perdu dans cette affaire près de deux cents hommes, tués, blessés et prisonniers. Cette héroïque action prit par la suite le nom de "la bataille des trente".Ce fait de guerre extraordinaire provoque la stupéfaction admirative des forces alliées.
En Indochine, Gueguen arrive le 7 septembre 1950 au sein du 10°BPCP , puis il sera repéré par le ROI JEAN et confié au Capitaine parachutiste de Cavalerie Pierre Gautier pour la création du 8°BPC, Gueguen simple lieutenant s'illustra à la tête de sa fameuse 16ème compagnie de parachutistes du 8°BPC, la compagnie la plus décorée de toute l'armée française. Du 3 au 8 octobre 1951 il a combattu isolé face aux milliers de "bodois" d'un des meilleurs régiments de l'armée de Giap. Au cours de cette bataille, il a plusieurs fois couru les mêmes risque mortels que Bonaparte au pont d'Arcole et ceci au même age de 26 ans. "C'est pourquoi je sais, dit-il, que Napoléon n'a jamais eu d'ambition à long terme. Ceux qui fréquentent les champs de bataille ont tout juste l'ambition de faire leur "job" quotidien le mieux possible car ils savent que le soleil peut se lever le lendemain pour d'autres, mais pas pour eux. La 16 reçoit deux citations à l'ordre de l'Armée et est la seule unité à pouvoir arborer deux palmes sur son fanion.
Pendant la guerre d'Algérie, capitaine au 9e RCP, il conduit ses Amarantes aux limites de la résistance humaine. De djebel en djebel, à travers les Aurès, la Petite Kabylie et jusque sur la frontière tunisienne, il accumule les exploits.
Le 29 avril 1958, à Souk-Ahras, au cours de la plus grande bataille rangée de toute la guerre d'Algérie, le Capitaine Gueguen, avec sa compagnie, les amarantes du 9 RCP composée de quatre vingt-dix appelés du contingent, a taillé en pièces le 4ème Faïlek (300 hommes) dit bataillon de choc de l'ALN, qui venait de submerger, une heure plus tôt, la troisième compagnie du capitaine Beaumont, tué au cours de l'engagement.
Si le colonel Guegeun était un combattant émérite dont les faits de guerre sont célèbres dans toute l'armée française.
C'était aussi un sportif accompli, major de sa promotion d'officiers à l'École Normale Supérieure d'Éducation Physique de Paris en 1947, champion de France de pentathlon militiraire en aout 1948 à Antibes, champion du monde de pentathlon militaire en 1950 et international de course d'orientation, il créa et entraîna l'équipe de France de pentathlon moderne qui remporta une médaille aux jeux olympiques de Mexico. Il fut à l'origine de l'adoption par les armées de la méthode sportive en remplacement de la méthode Hébert.
S'il quitta l'armée à l'âge de 44 ans, alors que les plus hauts grades lui étaient promis, ce fut pour prendre la direction du centre international de préparation olympique de Vittel.
Depuis 1988, date où il s'était installé en Californie du Sud, il se battit pour tout ce qui touche à l'image de la France, à l'amitié franco-américaine et donc à la mémoire de Napoléon "Bien méconnu dans ce grand et beau pays, immergé dans la langue et donc la culture anglaise", comme il le soulignait parfois.
C'est lui aussi qui a voulu et obtenu, au prix de bien des efforts, que quarante vétérans parachutistes américains et anglais sautent à Sainte-Mère-Église le 5 juin 1994 pour le 50ème anniversaire de D-Day. Ce saut a été accompagné d'une ferveur populaire extraordinaire et s'est avéré être le temps fort de l'ensemble des grandioses manifestations, comme l'ont reconnu et célébré, après coup, la Maison Blanche, L'Élysée, Matignon et le Pentagone.
Ayant élevé le colonel Gueguen à la dignité de Grand Officier de la Légion d'Honneur, le Président de la République Jacques Chirac a tenu à lui remettre en personne les insignes afférents, le 15 octobre 1996, dans la Cour d'Honneur des Invalides, à l'endroit même où Napoléon avait décoré ses Maréchaux le 15 juillet. 1804.
Le Colonel Gueguen était tittulaire de 12 croix de guerre.
Au cours d'une carrière militaire suscitant l'admiration, et d'une destinée exceptionnelle qu'il s'est lui-même forgée, ce grand combattant volontaire, a reçu douze citations. Il est notamment titulaire de la croix de guerre 1939-1945, de la croix de guerre des T.O.E., et de la croix de la valeur militaire avec palmes. Il a été un des plus jeunes chevalier, mais aussi l'un des rares lieutenants à être décorés de la rosette d'officier de la Légion d'honneur pendant la guerre d'lndochine. Il a toujours fait preuve au combat d'un esprit chevaleresque reconnu par tous ses adversaires, Allemands, Vietnamiens et Algériens.
L'une des expressions favorites de ce magnifique soldat était : "Quelle connerie, la guerre..."
Ses paras, qui le vénéraient, disaient de lui :
"Nous l'aurions suivi en enfer".
Grand respect pour ce Combattant Parachutiste
et Ancien du 9°RCP.