"Migrants: ces campements dont on ne parle pas"Hommes politiques ou médias français et britannique n'ont d'yeux que pour Calais et sa jungle. A quelques kilomètres, des petites communes accueillent aussi des dizaines de migrants mais restent dans l'ombre.
Après la visite du ministre de l'Intérieur Cazeneuve
le 20 août dernier, en compagnie de son homologue britannique Theresa May, c'est au tour de Valls
de se déplacer à Calais lundi.
Si la visite du centre d'accueil de jour Jules-Ferry, au coeur de la Jungle, semble incontournable, les autres campements de migrants installés, spontanément ou non, aux alentours ne figurent pas au programme.
Pourtant, au moins six communes sont concernées.
Grande-Synthe et Téteghem sur la côte dunkerquoise, Angres, Steenvoorde, Tatinghem et Norrent-Fontes à l'intérieur des terres. Situées le long des autoroutes A25 et A26, elles possèdent souvent une aire de repos avec une station service.
Les camions s'y arrêtent et les migrants en profitent pour monter dans le véhicule pour rejoindre Calais ou le port de Zeebruge, en Belgique.
"Quand des rencontres officielles ont lieu, il n'y en a que pour Calais et nous ne sommes jamais invités", s'indigne Franck Dhersin, le maire (Les Républicains) de Téteghem, ville de 7000 habitants près de Dunkerque.
Ces derniers jours, il a enchaîné les coups de gueule dans la presse locale. Et conseillé au sous-préfet de Dunkerque lors d'une réunion locale de faire remonter son message au ministre de l'Intérieur.
"Il a tenté de nous rassurer sur la situation mais ça n'a pas vraiment fonctionné car nous sommes conscient qu'en cadenassant Calais comme l'Etat s'apprête à le faire, les migrants arriveront de plus en plus nombreux dans nos communes." Le campement de Téteghem ne ressemble en rien à la jungle calaisienne.
Ici, le maire a fait installer des bungalows avec chauffage et l'eau courante, et les migrants sont conduits régulièrement aux douches du stade municipal par des bénévoles.
"J'ai passé un deal avec ma population : je m'engage à ce qu'il n'y ait pas plus de 100 personnes sur le camp", précise-t-il.
La semaine dernière, ils étaient 88, quasiment tous d'origine syrienne, irakienne, kurde, iranienne ou vietnamienne.
Si la cohabitation se passe plutôt bien pour le moment, le maire est confronté quotidiennement aux passeurs qui font payer une sorte de "loyer" aux réfugiés les plus riches. Des maires dépassés par les événementsEntre Béthune et St Omer, la petite commune de Norrent-Fontes compte 1500 habitants et pas moins de 150 migrants, regroupés sur un terrain agricole, à moins d'un kilomètre d'une aire de repos.
Depuis 2008, l'association Terre d'errance intervient sur ce campement et a construit des abris en palette : deux pour les hommes, un pour les femmes et un pour la cuisine.
En avril, deux abris ont brûlé accidentellement sans faire de blessé.
La mairie a offert un hébergement pendant dix jours, Emmaüs a distribué des tentes mais les bénévoles de Terre d'errance ont décidé de reconstruire les habitations.
"C'est insupportable que des personnes soient obligées d'être à genoux pour s'abriter", déclare Nan Suel, présidente de l'association.
Dès le mois de juillet, un procès-verbal d'infraction est dressé puis le maire de Norrent-Fontes, Bertrand Cocq, prend un arrêté interruptif de travaux.
"Ce camp n'a aucune existence légale et a été démantelé à deux reprises : en décembre 2007 et en janvier 2012, affirme la préfecture du Nord-Pas-de-Calais.
Toute nouvelle construction sur ce campement contrevient aux lois et règlements, notamment sur les aspects sanitaires et urbanistiques."
Terre d'errance compte déposer un recours en référé assez rapidement tandis que la préfecture affirme que des discussions sont en cours.
S'il continue à fournir aux migrants 1000 litres d'eau tous les deux jours et à mettre une salle à leur disposition l'hiver, Bertand Cocq ne peut plus assumer cette situation.
"Le personnel des services techniques passent environ 10% de leur temps de travail à s'occuper du camp en remplissant la tonne d'eau ou en nettoyant les alentours, explique-t-il. Nous n'avons pas d'aide financière et les dotations de l'Etat sont en baisse." Des difficultés économiques qui détériorent les relations entre les migrants et les habitants de ces communes.
A Steenvoorde, le maire Jean-Pierre Bataille est démuni. "Les citoyens ont beaucoup de problèmes d'argent alors ils pensent forcément que les migrants et tous ceux qui sont sur leur sol les privent de quelque chose, confie-t-il. Et tout ça, ça fait le jeu du FN !"
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