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| Sujet: Les fusillés pour exemple en 1914 Lun Juin 02 2014, 07:21 | |
| Première Guerre mondiale France Suivant la défaite de Charleroi et l’échec de la Bataille des frontières, les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets, deux décrets du 2 août et du 6 septembre 1914 furent promulgués qui instituaient des Conseils de guerre spéciaux, s’ajoutant aux Conseils ordinaires qui continuaient de se tenir. Avec une procédure simplifiée et expéditive, s’inspirant des cours martiales de 1870, ces conseils s’exercèrent jusqu’à leur suppression en 1917. Pendant la Première Guerre mondiale, en France 2 400 « poilus » auront été condamnés à mort et 600 fusillés pour l’exemple [2],[3], les autres voyant leur peine commuée en travaux forcés. Ces condamnations ont été prononcées pour refus d’obéissance, mutilations volontaires, désertion, abandon de poste devant l’ennemi, délit de lâcheté ou mutinerie (en 1917). Les exécutions sommaires[modifier | modifier le code] Cette estimation de 600 fusillés pour l’exemple ne prend pas en compte les exécutions sommaires. Celles-ci sont relatées dans les carnets de guerre des soldats. Ainsi les Mémoires d’un troupier d’Honoré Coudray du 11 e bataillon de chasseurs alpins explicite les exécutions sommaires auxquelles il dit avoir assisté :
- En juillet 1916, un chasseur est accusé de dévaliser les morts ; blessé par les artilleurs, il est abattu par son commandant. Coudray commente « le taré P.... a trouvé un moyen rapide de suppléer au conseil de guerre,....aucun interrogatoire, aucune enquête ». Pour masquer son crime, le commandant inscrit la victime dans la liste des morts au champ d’honneur ;
- En octobre 1916, un jeune chasseur de la classe 1915, paniqué, fuit le front pendant un bombardement. Le commandant le convoque : « monte sur le parapet », le commandant le suit et le tue d’une balle dans la tête.
Outre les informations d’Honoré Coudray, il est intéressant de connaître ses convictions : fervent partisan de l’ordre, il reproche aux mutins de 1917 leur attitude de rébellion. Ainsi il démontre que la critique des exactions de cet officier n’est pas liée à un parti pris contestataire [4]. Les motifs des condamnations[modifier | modifier le code] En 1914, les condamnés sont principalement accusés de s’être volontairement mutilés un membre (main, pied). Laisser sa main traîner au-dessus de la tranchée était passible du conseil de guerre. [réf. nécessaire]En 1915 et 1916, on assiste de plus en plus à des désertions, puis se développent deux formes de crimes :
- le refus d’obéissance devant l’ennemi. Cette dénomination issue de la justice militaire est le prétexte à des condamnations totalement arbitraires notamment lorsque les généraux n’étaient pas satisfaits d’un repli de troupes ;
- l’abandon de poste. Il s’agit de désertion dans la majeure partie des cas.
En 1917, les condamnations concernent des comportements collectifs. Les célèbres mutineries du Chemin des Dames restent gravées dans les mémoires tant par leur caractère exceptionnel que dans la répression qui suivit [5]. Le Poilu ne refuse pas de se battre mais il refuse d’attaquer à outrance. À Craonne, lors des sanglants assauts commandés par le général Nivelle, ce sont 30 000 hommes qui meurent en 10 jours (et 100 000 sont blessés). En 1918, en France comme chez les Alliés, on constate un déclin des exécutions. En effet, les commandements militaires comprennent mieux l’état mental des soldats, les conséquences du « Shell-Shock », ce choc psychologique provoqué par les conditions de vie des soldats notamment sous les bombardements. L’évolution de la justice militaire pendant la guerre[modifier | modifier le code] Conseil de guerre dans une église (journal L’Illustration, octobre 1917). Au tout début de la guerre, les militaires ont obtenu du gouvernement la présentation des prévenus devant le conseil de guerre sans instruction préalable. Début septembre 1914, le ministre de la guerre abolissait les possibilités de recours en grâce et en révision. De plus, Joffre réussit à imposer aux politiques, la constitution de cours martiales dénommées « les conseils de guerre spéciaux », qui devaient juger rapidement et durement pour l’exemple. Les prévenus était jugés par une « cour » composée en général du commandant de régiment assisté de deux officiers. Ils votaient et la majorité scellait le sort du soldat. En cas de condamnation à mort la sentence était applicable dans les 24h selon les préconisations de Joffre. Ainsi les principes d’indépendance des juges, de débats contradictoires et enfin de recours ont été abolis. Sur les 600 fusillés pour l’exemple environ 430 l’ont été en 1914 et 1915 (selon André Bach). Devant les abus révélés par la presse et les associations, le parlement tenta d’atténuer cette justice expéditive. À la fin de l’année 1915, les conseils de guerre spéciaux sont supprimés. Enfin le 27 avril 1916, une loi permet d’atténuer et de contrôler cette justice militaire. Dans le monde[modifier | modifier le code] La France avec environ 600 fusillés se situerait en seconde position derrière l’Italie, qui a exécuté 750 de ses soldats, et devant le Royaume-Uni avec 306 fusillés dont le plus jeune exécuté durant la guerre, âgé de dix-sept ans [6]. L’Allemagne indique officiellement 48 fusillés (ce qui paraît cependant peu [non neutre]) et le Canada 25 fusillés [7]. Il y eut aussi de nombreuses exécutions dans l’armée russe. L’armée américaine fait état de seulement 11 exécutions et essentiellement pour des viols et des meurtres ; ce petit nombre s’expliquerait par le meilleur encadrement médical des soldats, plus au fait des questions de psychiatrie. Seules les forces d’Australie n’exécutaient leurs soldats sous aucun motif. Quelques fusillés pour l’exemple[modifier | modifier le code] Parmi les 600 fusillés pour l’exemple français, certains sont restés dans les mémoires, soit parce qu’ils ont été réhabilités, soit parce qu’ils sont représentatifs du traitement qu’ont subi leurs confrères. Ces exemples ne représentent toutefois que quelques cas sur des milliers, et ne doivent pas faire l’objet d’une généralisation abusive. France, 1914[modifier | modifier le code]
- Le 1er septembre 1914, à Remenoville, Frédéric Henri Wolff est le premier fusillé pour l’exemple. Il était chef de bataillon du 36e Régiment d’infanterie coloniale.
- Le 7 septembre 1914, 7 soldats du 327e sont exécutés : Barbieux, Clément, Caffiaux, Hubert, Delsarte, Dufour et François Waterlot. Ce dernier sort indemne de la fusillade et meurt sur le front le 10 juin 1915. En 2012, un livre lui a été consacré, « Fusillé vivant » (par Odette Hardy-Hémery, aux éditions Gallimard). Lui-même y décrit, au travers des nombreuses lettres qu'il a adressées à sa famille et à ses amis, cette expérience d'avoir été fusillé et d'en avoir réchappé. L’affaire dite « des fusillés du 327e » a fait l’objet d’une campagne de réhabilitation très importante de la Ligue des droits de l’Homme mais qui n’a pas a abouti[8].
- Le 18 septembre 1914, le conseil de guerre de la 29e division d’infanterie, à Verdun, condamne à la peine de mort six hommes.
- Le 19 septembre 1914, les soldats Auguste Jules Léon Odde (24e bataillon de chasseurs, né le 29 novembre 1892 à Six-Fours, Var) et Joseph Tomasini sont fusillés tandis que les quatre autres ont leur peine commuée en vingt ans de détention, puis annulée par la Cour de cassation le 10/03/1915[9].
- Alphonse Brosse et Jean Boursaud du 238e R.I. fusillés le 10 octobre 1914 à Ambleny (02). Condamnés par jugement du Conseil de guerre de la 63e division tenu à Ambleny le 10 octobre 1914 pour abandon de poste en présence de l’ennemi
- Arnold Maille du 1er R.I., fusillé le 22 octobre 1914 à Cormicy (51). Joseph Auguste Charles Henry Bonnin du 137e RI, fusillé dans la Somme le 16 octobre 1914. Albert Arjailles du 42e RIC fusillé le 11 septembre 14 à Ville devant Belrain (55). Alfred Désiré Fernand Bayard du 128e RI fusillé le 12/09/1914 à Vouillers (51). Léon Appolinaire Bazin du 16e RIT fusillé le 16 octobre 1914 à Bavincourt (62). Bellal Mohammed Ben Mohammed Ben Salem du 6e R tirailleurs fusillé le 31 décembre 1914 à Tracy le Mont (60).
- Eugène Bouret, du 48e régiment d’artillerie, victime du « Shell-Shock » le 29 août 1914, il s’égare et erre à l’arrière du front. Il est arrêté, jugé pour abandon de poste et fusillé le 7 septembre 1914 avec cinq autres coaccusés (Claudius Urbain du 299e RI né le 1er janvier 1882 à Chuzelles (38), mineur à Vienne - Ernest François Macken chasseur du 53e BCA, né le 3 novembre 1889 à Saint-Denis (93), cultivateur à Liancourt (60), inculpé d’abandon de poste en présence de l’ennemi à Rougiville le 2 septembre 1914 - Benoît Manillier du 22e RI, né le 22 mai 1887 à Leyrieu (38), cultivateur, inculpé d’abandon de poste en présence de l’ennemi à Rougiville le 03/09/1914 - Francisque Jean Aimé Ducarre du 30e RI, né le 04/01/1892 à St Quentin Falavier (38), voiturier, inculpé d’abandon de poste en présence de l’ennemi à Taintrux le 3 septembre 1914 - Francisque P. chasseur du 11e BCA, né le 1er février 1882 à La Grand Croix (42), métallurgiste à Rives de Gier, inculpé d’abandon de poste en présence de l’ennemi à Taintrux le 3 septembre 1914). Il sera réhabilité dès 1917[10].
- Henri Bourgund a été fusillé le 8 novembre 1914 « pour avoir abandonné son poste en présence de l’ennemi » lors des combats de Saint-Laurent Blangy, près d’Arras. Il a été exécuté et enseveli dans un pré, à la lisière de Sainte-Catherine et au nord de la Scarpe [11].
- Marcel Loiseau, du 106e régiment d’infanterie, blessé se rend à l’infirmerie. Il est accusé d’abandon de poste avec mutilation volontaire et fusillé le 12 octobre 1914 à Mouilly. Il est réhabilité le 17 mars 1922, l’accusation étant infondée.
- Les Martyrs de Vingré, du 298e régiment d’infanterie, le caporal Henri Floch, les soldats Jean Blanchard, Francisque Durantet, Pierre Gay, Claude Pettelet et Jean Quinault, réhabilités solennellement par la Cour de cassation le 29 janvier 1921.
- Léonard Leymarie, du 305e régiment d’infanterie, condamné pour mutilation volontaire, n’a été réhabilité mais est mentionné comme « Mort pour la France ».
- Deux soldats du 2e Régiment de Tirailleurs Marocains sont fusillés à Tracy-le Mont (60) : Ben Abdel K. Berrafaa (fusillé le 7 octobre 1914, condamné le 6 octobre 1914 pour abandon de poste en présence de l’ennemi. Au cours du jugement fut également condamné pour la même raison M. Kiname Daoudji mais qui ne fut pas exécuté car il s’évada) et Ben Zineb Amar (fusillé le 11 octobre 1914 pour abandon de poste en présence de l’ennemi)[12]
- François Marie Laurent du 247e régiment d’infanterie, originaire de Mellionnec est souvent cité comme ayant été exécuté « parce que ce Breton ne savait pas le français ». N. Offenstadt produit (page 41) le certificat du médecin militaire, le docteur Buy, qui le soupçonne de mutilation volontaire, alors qu’il est blessé à la main gauche. La contre-expertise de 1933 conclut que la pièce médicale du dossier est insuffisante pour prouver une mutilation volontaire. Il est réhabilité en décembre 1933[13].
- Élie Lescop, du 336e régiment d’infanterie, fusillé le 18 octobre 1914, pour abandon de poste et mutilation volontaire, à Souain. Il est réhabilité par la Cour spéciale de justice militaire en 1934.
- Jean-Julien Chapelant, sous-lieutenant commandant la 3e section de mitrailleuses du 98e régiment d’infanterie, a été capturé avec une poignée de survivants. Blessé, il réussit à regagner les lignes françaises. Pourtant, il sera condamné à mort pour « capitulation en rase campagne ». Le 10 octobre 1914, il sera fusillé attaché à son brancard dressé contre un pommier[14].
- Sont également fusillés en 1914 dans l’Aisne : Paul Pessina (soldat du 144e RI, fusillé le 29 septembre 1914 à Cuiry les Chaudardes), Georges Paul Voyer (soldat du 1er Régiment de génie, fusillé le 15 novembre 1914 à Braine), Louis Goffin (soldat du 12e RI, fusillé le 12/12/1914 à Saint-Aubin), Jean Grateloux (soldat du 238e RI, fusillé le 12 décembre 1914 à Nouvron-Vingré, condamné pour mutilation volontaire par le conseil de guerre de la 63e division), Léon Georges Coulon (soldat du 1er Régiment de génie, fusillé le 15 novembre 1914 à Braine), Louis Abadie (soldat du 246e RI, fusillé le 24 décembre 1914 à Vauxbuin, inhumé au cimetière militaire de Vauxbuin, condamné pour abandon de poste en présence de l’ennemi et vol par le conseil de guerre de la 55e division le 29 octobre 1914), Émile Guiraud (soldat du 42e RI, fusillé le 16 novembre 1914 à Nouvron-Vingré, condamné le 15 novembre 1914 pour abandon de poste en présence de l’ennemi), Henri Joseph Jolbert (tambour du 42e RI, né le 15 octobre 1889 à Luxeuil les bains, fusillé le 16 novembre 1914 à Nouvron-Vingré, inhumé au cimetière militaire d’Ambleny, condamné pour abandon de poste en présence de l’ennemi)[15].
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