Ce sont deux noms gravés sur une stèle à Fontenoy dans l’Aisne : «Léonard Leymarie du 305e R.I. fusillé en 1914 ; Lucien Bersot fusillé le 13 février 1915. Reconnus innocents et réhabilités en 1922-1923». A l’instar de ces deux destins de poilus condamnés puis réintégrés, la Ligue des droits de l’homme (LDH) a exigé vendredi la réouverture des dossiers des fusillés pour l’exemple de la première guerre mondiale à l’occasion du 90e anniversaire de l’armistice de 1918, en demandant «la poursuite» de leur «réhabilitation». «Comme l’avait demandé en 1998 Lionel Jospin, leur histoire doit prendre place dans la mémoire nationale de la Grande Guerre, affirme la LDH. Près d’un siècle après ces événements, les dossiers des victimes des tribunaux militaires doivent être rouverts et les historiens doivent pouvoir accéder à l’ensemble des archives du conflit».
Maculé. A Besançon, Joseph Pinard, agrégé d’histoire en ancien député PS du Doubs, est l’un de ces chercheurs opiniâtres qui exhume les injustices de la Grande Guerre. Il vient de consacrer une exposition au destin tragique de Lucien Bersot (1), maréchal-ferrant habitant le quartier Battant à Besançon, et incorporé comme nombre de Francs-Comtois au 60e Régiment d’infanterie (60e RI) à la déclaration de la guerre. En janvier 1915, le 60e RI est durement éprouvé lors de sanglants combats près de Soissons dans l’Aisne : 1 500 hommes sont blessés ou morts, le commandant de l’unité est tué et son remplaçant fait régner une discipline de fer. Ainsi, quand le 12 février 1915, Lucien Bersot refuse de porter le pantalon maculé de sang et de boue qu’on vient de lui donner pour remplacer le sien hors d’usage, il est déféré devant un conseil de guerre. Le soldat bisontin, qui ne voulait pas revêtir «le pantalon d’un mort», est lui-même condamné pour «avoir refusé d’obéir à un ordre donné par son chef en présence de l’ennemi». Il est fusillé le lendemain, à 6 heures du matin. Avant de mourir, ses derniers mots furent «Marie-Louise ! Marie-Louise !», sa fille âgée de 5 ans, relate Joseph Pinard. Elie Cottet-Demoulin, frère d’arme de Bersot et lui aussi originaire de Battant, fut condamné à dix ans de bagne pour avoir protesté contre la sanction qui frappait son ami.
En 1916, la Cour de cassation cassa une première fois pour «vice de forme» le jugement qui avait envoyé le soldat Bersot au peloton d’exécution et, en 1922, la plus haute juridiction ordonnait sa réhabilitation. Le 19 avril 1924, Lucien Bersot fut réinhumé à Besançon alors que les autorités redoutaient une manifestation antimilitariste.
Mutilé. Le cas de son compagnon de stèle est tout aussi emblématique du destin des fusillés pour l’exemple. Léonard Leymarie fut légèrement blessé à l’index gauche alors qu’il était de garde à son poste de guetteur dans une tranchée de l’Aisne. Parce qu’un médecin militaire conclut qu’il s’était mutilé lui-même alors que ses camarades l’innocentaient, selon l’historien Joseph Pinard, Leymarie fut traduit devant le conseil de guerre et fusillé le 12 décembre 1914.
Quatre-vingt-quatorze ans plus tard, un hommage sera rendu le 12 décembre au soldat Leymarie avec l’inscription de son nom sur le monument aux morts de son village natal à Seilhac en Corrèze. Selon Joseph Pinard, 2 400 condamnations à mort ont été prononcées contre des soldats entre 1914 et 1918 et 600 d’entre eux ont été fusillés.
Qui sommes nous pour juger ces hommes et ne pas leurs rendent leurs honneur !