Le dernier Camerone à GUELMA du LTN Colonel Jeanpierre avril 58 avant sa mort le 29 mai 1958
SOLEIL s'est éteint mais son aura rayonne toujours......
Soldat de légende, archétype de l’homme de guerre et du chef prestigieux, le lieutenant-colonel Jeanpierre fut et demeure une figure héroïque de la Légion étrangère. Il a sa place dans le panthéon glorieux constitué par ceux dont la vie et la mort exemplaires servent à bâtir des légendes.
Blessé deux fois, titulaire de neuf citations dont six à l’ordre de l’armée, il était grand officier de la Légion d’honneur.
Le 42e Régiment d'Infanterie tient garnison au quartier Hatry où son père est capitaine. Il sera tué au front en 1916. En 1930, dès l'âge de dix-huit ans, Pierre Paul Jeanpierre s'engage au 131e R.I. en qualité de simple soldat. Quelques années plus tard, il est admis à l'Ecole de Saint-Maixant dont il sort brillamment en 1936, avec le grade de sous-lieutenant. Le jeune officier choisit aussitôt la Légion Étrangère en Afrique Française du Nord.
La deuxième guerre mondiale éclate. Le lieutenant Jeanpierre combat en Syrie où il se distingue au sein du 6e R.E.I.. De retour en France, il se porte volontaire pour combattre dans les rangs de la Résistance sous le nom de Jardin, mais il sera arrêté et déporté en Autriche au camp de Mauthausen, avant d'être libéré en 1945. En 1946, après avoir réintégré les rangs de la Légion, il crée le 1er Bataillon Étranger de Parachutistes. Celui-ci, après avoir sauté sur That Khé se sacrifiera sur la tristement célèbre Route Coloniale N°4. Jeanpierre est l'un des 24 survivants sur l'effectif de près d'un millier d'hommes engagé dans cette action...
Soleil est mort...
En 1955, c'est l'Algérie, où le lieutenant colonel Jeanpierre prend le commandement du 1er R.E.P. Il participe à la bataille d'Alger, et aux combats dans la région de la frontière tunisienne où les bandes rebelles s'emploient sans relâche à franchir le barrage. C'est ainsi que le 29 mai 1958, au cours d'une opération dans la région de Guelma, le lieutenant colonel Jeanpierre se déplace à bord de son hélicoptère Alouette de commandement. L'appareil vole à très basse altitude dans le djebel Marmera afin de repérer et signaler aux unités de légionnaires les positions de l'ALN. Son indicatif radio est "Soleil". Touché par un tir rebelle, l'hélicoptère s'écrase au sol et le colonel Jeanpierre trouve la mort dans cet évènement. "Soleil est mort..."
Le corps du lieutenant colonel Jeanpierre repose dans la nécropole de Puyloubier, au pied de la montagne Sainte Victoire, où se trouve l'institution des Invalides de la Légion Etrangère.Son béret vert est exposé au Musée de la Légion à Aubagne..
Ce chef prestigieux, redouté de ses ennemis et aimé de ses légionnaires, est entré dans la légende. Grand officier de la Légion d'honneur, il avait reçu deux blessures au combat et était titulaire de neuf citations, dont six à l'ordre de l'Armée, et avait reçu de nombreuses décorations. Une promotion de l’École spéciale militaire de Saint Cyr Coëtquidan porte son nom. A Nice, le square de la rue Trachel a été baptisé "Square lieutenant colonel Jeanpierre". La ville de Cagnes sur Mer a donné son nom à l'une de ses avenues. Une plaque a été apposée à Belfort, sur la façade de sa maison natale.
Témoignage du général LENNUYEUX
Son père, officier de carrière, est tué quelques années plus tard sur la Marne, pendant la guerre de 1914-1918. Quant à lui, à 18 ans il s'engage.
5 ans plus tard (1935), il est admis à l'Ecole militaire de l'Infanterie et des Chars de combat de Saint-Maixent. Il en sort l'année suivante Sous-lieutenant, deuxième au classement, ce qui lui permet de choisir son affectation : le 1er Régiment Etranger.
Depuis cette date (octobre 1936) il sert sans interruption à la Légion et, après 1939, presque toujours dans une unité combattante.
D'avril 1939 à août 1941, c'est la Syrie ; puis ensuite, quasiment sans interruption, la Résistance et la déportation, l'Indochine et enfin l'Algérie, où il trouve la mort le 29 mai 1958.
JEANPIERRE n'exerçait pas sa fonction comme un métier journalier. Là était le secret de la puissance de commandement qui était en lui.
Tout être sous ses ordres percevait aussitôt en lui le représentant d'un devoir strict, d'une loi morale, en même temps qu'il avait l'impression d'une force sûre, continue, irrésistible.
On le sentait en possession d'une faculté supérieure de décision. On lui aurait obéi sans le comprendre. Il était celui qui, au milieu de l'égarement général, alors que les règles habituelles manquent, savait encore ce qu'il faut faire. Jeune Capitaine, en Indochine, il l'avait déjà prouvé.
Gardiens des disciplines et de l'honneur d'une troupe née sous ce sigle, son autorité reposait sur ce sentiment qu'il savait inspirer du devoir collectif.
Certes ses subordonnés étaient d'élite. Mais ils étaient une arme dure et tranchante qu'il fallait savoir manier. Ardents, résolus et fiers, il fallait savoir les conduire comme ils devaient l'être. JEANPIERRE savait.
Il savait que si ses hommes au combat n'étaient aptes qu'à recevoir et traduire machinalement sa volonté, ils ne seraient encore qu'une chose inerte, mais qu'il fallait les pénétrer d'activité propre et de vie. Il avait le don de communiquer la vie.
Il réalisait au plus haut degré cette "communauté morale de soldats et des chefs" que JAURES appelait de sa grande voix pour l'Armée qui fut celle de 1914.
Maître de lui, étranger à toute affection, il apparaissait dans la gravité simple de l'homme livré à une oeuvre qui absorbe son attention et exige tous ses efforts. Son langage net, sobre et ferme, sa voix précise, impérieuse, son âme simple, sans faiblesse, sans sourire, reflétaient sa conviction. Tenace, c'est à dire incapable d'admettre par lassitude des résultats insatisfaisants, il gardait le sens juste et droit des réalités.
Sa loyauté enfin, faisait la sûreté de ses relations. Ce soldat complet, équilibré, n'était fait ni pour rester dans l'ombre, ni pour se contenter du médiocre.
Lorsque le 29 mai 1958, le Colonel JEANPIERRE sera mortellement frappé dans son hélicoptère guidant l'assaut de ses légionnaires, à nul autre mieux qu'à lui ne s'appliquera la phrase du Maréchal GALLIENI : "La première condition pour une vie d'homme, c'est qu'il ait le droit d'être satisfait de lui-même en étant satisfait de son œuvre."
JEANPIERRE avait ce droit.