- bretirouge a écrit:
Ci-dessous, la version du sergent Raymond Cloarec, de la section du lieutenant Roher, adjoint le sergent-chef Sentenac :
« Quand René Sentenac fut touché, j'étais à ses côtés. Le Lieutenant Roher, en bas, essayait de venir vers nous en faisant gaffe car ça tirait de partout.
Aussitôt je descends Sentenac en bas de la dune pour le mettre à l’abri des tirs.
Et là Sentenac me dit :
- Clo Clo laisse moi c'est la fin… occupe toi des gus…du reste de la section … car les fellouzes sont derrière les dunes.
Il avait tout vu avant de tomber. Il s'est retrouvé face à un tireur d'élite qui avait un fusil à lunette et qui a eu Sentenac. Moi il m'a loupé. La balle n'est pas passée loin. Sentenac souffrait terriblement. Je dis à l'infirmier Roland Fialon :
- Fais lui une piqûre de morphine.
A cet instant le radio Rock me crie :
- Sergent le lieutenant est tombé.
Il s’agit du Lieutenant Roher, le chef de la section.
- Je dis à Fialon d’aller vite voir le lieutenant.
Il est mort sur le coup. Mais Fialon au lieu de tirer le corps du lieutenant vers le bas comme je l’ai fait pour Sentenac et nous protéger ainsi des coups de feux, resta à cheval sur la dune pour le dégrafer, et là, dans la minute, le même tireur lui logea une balle dans la carotide le tuant sur le coup. Le tireur était un adjudant de l'armée française qui s’était enterré, caché dans le sable. Et nous ne le voyons pas, Sentenac l'avait vu. Pas moi. Devant, derrière les dunes, tous les méharistes déserteurs. Je n'ai pas voulu quitter Sentenac de peur qu'on vienne l'achever. J'aurais préféré crever avec lui.
Mais en attendant les ordres de ‘Bruno’ Bigeard, il n'y avait plus de chef. J'étais l'adjoint de Sentenac qui a continué à me parler, en particulier de son fils qui avait 6 ans et de son épouse, avant de sombrer dans le coma.
Nos armes automatiques étaient enrayées par le sable ; autour de nous, des morts et des blessés graves cloués au sol par le tir ennemi. Avec le radio Rock, nous avons essayé de joindre le colonel Bigeard avec le poste de radio SCR 300 par l'intermédiaire du Piper. Non sans mal, la liaison fut établie :
- De Bruno… m’entendez vous… parlez...
- 5 sur 5 Bruno.
Et je lui explique la situation. Voici ses ordres :
- Bruno à 31 (notre indicatif). Faites Nettoyer vos armes deux par deux et faites placer sur le sol vos panneaux fluorescents sur vos musettes car le piper n'arrive pas à vous situer par rapport aux fellouzes. Ils sont tous autour de vous. Restez en défensive. Utilisez vos grenades et vos lances grenades. Ne bougez plus. Gardez les corps et les blessés. Je vais faire venir un barlu Mammouth (Hélicoptère lourd Sikorski équipé d'une mitrailleuse 12 m/m 7 de gros calibre) pour éviter l'assaut des rebelles et en attendant le parachutage au nord de votre position de la 4e compagnie du capitaine Douceur. Nous allons avec votre aide essayer de les coincer en tenaille. Tenez bon et Bonne Chance. »
Selon la version du sergent Raymond Cloarec, le Lieutenant Roher aurait semé la compagnie en accélérant le mouvement des hommes de sa section. Il avait fait couper la liaison radio. Le capitaine De Llamby , ne cessait pas de hurler des ordres afin de faire ralentir le mouvement pour effectuer un regroupement des autres éléments qui ne suivait plus la cadence de marche commando que faisait subir le lieutenant en tête de la progression. Il souhaitait accrocher le premier comme il n'arrêtait pas de le dire. Il allait en tête contre la réprobation de Sentenac qui voyait le danger de l’action à se retrouver isolés en cas d’accrochage en tombant sur un effectif important.
Toujours avec cette référence de 'Timimoun', le souvenir vivace que le général Marcel Bigeard indicatif 'Bruno' garde en lui, car Sentenac, depuis Dien Bien Phu, n'a jamais été oublié, fidèle à sa mémoire, ce souvenir est partagé aussi fidèlement avec Raymond Cloarec dit 'Cloclo'.