Les prisonniers de guerre français
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Internés en zone occupée, en Allemagne mais aussi en Turquie, en Bulgarie..., les soldats français tombés aux mains de l'ennemi sont astreints à de lourds travaux et connaissent des conditions difficiles ; des soldats mais également des civils, pris en otages et détenus en France, en Belgique ou envoyés en Allemagne.
Prisonniers français et belges en Allemagne. Source : Service historique de la défense
Carte des camps de prisonniers de guerre de l'Empire d'Allemagne 1914-1918
Les prisonniers militaires
Dans les pays ennemisLorsque les opérations commencent sur le front Ouest, en août 1914, le sort des prisonniers de guerre est réglé, depuis le 18 octobre 1907, par la convention de La Haye signée par 44 pays et définissant la responsabilité des États vis à vis de leurs prisonniers en ce qui concerne le mode d'internement, la discipline, le travail, la solde, le courrier, les rapatriements... Les armées allemandes envahissant la France, la Belgique et le Luxembourg lors des batailles des frontières, de nombreux soldats français, souvent blessés, sont capturés au cours des combats en rase campagne ou lors de la reddition des places fortes : Maubeuge (40 000 prisonniers), Longwy, Lille.
Prisonniers français montant dans un wagon sous la garde de soldats allemands.
Source : Coll. Historial de la Grande Guerre
Le sort exact réservé à ces captifs par l'ennemi est ignoré en France durant les premiers mois de la guerre. Il est peu à peu connu grâce aux lettres échappées à la censure ou aux témoignages des premiers évadés. Les visites des Neutres s'organisent dans les camps où pénètrent les délégués du gouvernement espagnol et du Comité international de la Croix Rouge de Genève. Aucun règlement militaire allemand ne fixe vraiment le sort des prisonniers : autant de camps, autant de régimes particuliers. Le traitement des hommes de troupe est sévère, celui des officiers plus adouci. En 1915, les plus durs se trouvent à Lechfeld, Minden, Niederzwehren : pas de chauffage, pas de lit, peu de soins sanitaires, peu de nourriture.
En 1915 l916, à Zoss, une formation spéciale, le camp du Croissant, regroupe les Musulmans : 200 Marocains, 500 Tunisiens, 2 500 Algériens, avec des Tartares de l'armée russe et des Indiens de l'armée britannique, que la propagande ennemie incite à s'engager dans l'armée turque. En février 1917, 2 450 hommes de ce camp partent en Roumanie occupée y effectuer des travaux agricoles. Les épidémies de tuberculose et de typhus du pou, favorisées par la promiscuité, éclatent dans les camps. En 1915, le typhus fait des ravages à Wittenberg, à Cassel (2 000 morts). En 1918, la grippe provoque de nombreux décès. À la fin de 1915, devant tant de misères physiques, le gouvernement français émet des protestations par l'intermédiaire des Neutres, en menaçant d'exercer des représailles à l'encontre des prisonniers allemands qu'il détient. L'Allemagne réagit en réduisant la nourriture et le courrier des prisonniers alliés, dirigeant même des prisonniers de guerre vers des camps spéciaux plus durs, en Lituanie.
En 1916, 300 000 Français sont détenus, dont la plupart, sauf les officiers, astreints au travail en détachements agricoles ou industriels. Plus de 30 000 sont ainsi employés dans les usines Krupp, à Essen. Les conditions épuisantes, les brutalités, la nourriture insuffisante s'avèrent souvent mortelles.En Turquie et en Bulgarie croupissent aussi des prisonniers français dans une misère analogue. En 1915-1916, l'ambassade des États-Unis puis la Hollande unissent leurs efforts pour donner des secours aux Français internés dans l'Empire ottoman. Une oeuvre lyonnaise, le Comité de Secours aux corps expéditionnaires d'Orient, est spécialement créée pour s'occuper d'eux. En Bulgarie, l'assistance est prodiguée par l'ambassade de Hollande, à Sofia. En 1917, en Allemagne, la population effective des camps se réduit considérablement. Au camp de Sprottau, 12 000 prisonniers sont partis en détachements ; il n'en reste dans le camp que 1 000, exécutant des tâches courantes ou attendant leur transfert. Des camps sont par conséquent supprimés.
Punition dite du "Poteau" au camp de Wahn (photo allemande dérobée par un prisonnier). Source Coll J.C. Auriol : DR Les accords de Berne de la fin 1917, qui prennent effet en mars 1918, et le nouvel accord du 26 avril, à effet au 15 mai suivant, améliorent la vie quotidienne des prisonniers de guerre. Certaines clauses de l'armistice du 11 novembre 1918 concernent les prisonniers : leur rapatriement doit être immédiat et sans réciprocité. À cette date, il existe 477 800 prisonniers français vivants, à rapatrier par mer ou par voie ferrée. La Mission française du général Dupont se rend sur place, en Allemagne, pour régler les problèmes de retour. Tout est terminé en janvier 1919. Il ne reste plus alors Outre Rhin que les corps des prisonniers de guerre décédés. Le 28 février 1922, le gouvernement attribue aux prisonniers décédés en captivité la mention "Mort pour la France", les rendant égaux avec leurs camarades tombés sur le front.
En Suisse En 1915, les pourparlers entre belligérants et Neutres ont porté sur la possibilité d'interner des prisonniers des deux camps en Suisse. L'Allemagne s'est décidée à tenter l'expérience sur les instances du Vatican, du roi Alphonse XIII d'Espagne et de la Croix Rouge internationale. L'accord est réalisé le 15 janvier 1916, et les premiers convois arrivent en Suisse le 26 janvier. Au 1er août, sous 1a responsabilité du médecin colonel helvétique Hauser, 11 689 militaires et civils français, ainsi que 3 629 Allemands se trouvent internés en Suisse dans des conditions de séjour plus satisfaisantes.
Au 1er janvier 1918, 10 734 militaires et 1 392 civils français séjournent, la plupart comme convalescents, à Genève, Lausanne, Aigle Leysin, Montreux, Fribourg, Berne, Lucerne, Interlaken...
Dans des zones occupées Dès 1914, l'armée allemande garde une proportion de prisonniers de guerre à l'arrière de son front pour accomplir des travaux sur les voies de communications, notamment au tunnel explosé de Montmédy (Meuse) destinés à rétablir la voie ferrée Lille Metz. En 1916-1917, les prisonniers français travaillent surtout à l'arrière des fronts de Verdun, de l'Aisne et de Champagne. Beaucoup succombent malades dans les lazarets installés en France et en Belgique envahies ou en Alsace Lorraine annexées. Environ 4 000 prisonniers périssent en France dans la zone occupée par l'ennemi.
Prisonniers français travaillant dans les rues de Munster, en Westphalie. Source : Service historique de la défense
Camp de Meschede (Westphalie) - Intérieur d'une baraque. Source : Service historique de la défense
Les prisonniers civilsLes civils pris en otages, hommes et femmes, quelquefois avec leurs enfants, et les raflés de Lille, Roubaix, Tourcoing, Douai, Laon, Saint Quentin, sont internés en France et en Belgique ou envoyés en Allemagne, dans les camps de Celle, de Merseburg, Niederzwehren, Langensalza, Grafenwôhr, Altengrabow, Quedlinburg, Erfurt, Rastatt, Gustrow, etc. Leur nombre est estimé à 180 000. 30 000 d'entre eux meurent durant leur internement et sont inhumés, comme les militaires, près du lieu de détention. Dans les départements envahis, soumis à un pillage systématique, la population des départements occupés (2 125 000 personnes) est considérée comme un "matériel humain". Recensée, dépouillée, contrôlée, elle devient un réservoir d'otages et de main d'oeuvre où l'armée impériale allemande puise sans ménagement.
Prélevées de force, des colonnes de travailleurs partent pour l'arrière front y entretenir des routes, poser des voies ferrées. Sous les menaces de représailles et de mort, il faut oeuvrer contre sa propre patrie. Le 3 avril 1916, le GQG impérial crée les ZAB (Zivil arbeiterbataillon, bataillon de travailleurs civils) où les hommes de 14 à 60 ans subissent les travaux forcés. En 1917, pour d'autres travaux, ce sont les femmes de 15 à 45 ans qui sont transférées dans la zone des armées. Les hommes des ZAB portent un brassard rouge marqué des trois initiales et sont soumis à une discipline dure : comme les prisonniers de guerre militaires, ils sont sous alimentés, subissant les coups, les punitions. Les fortes têtes partent pour la compagnie disciplinaire de Longwy extraire du minerai de fer ou pour le bagne de Sedan. Celui ci, "camp de concentration impérial des prisonniers punis de travaux forcés", reçoit aussi les condamnés pour rébellion; évasion, sabotage, refus d'obéissance, non paiement d'amende, etc. Son effectif oscille autour de 600 détenus, sans cesse renouvelé à cause des décès dus aux tâches infernales accomplies 12 à 15 heures par jour, sous le régime de la faim et de la terreur. À leur libération, suivant l'Armistice, les survivants pèsent de 30 à 40 kg. Le commandant du bagne et plusieurs gardiens vont figurer sur la liste des criminels de guerre réclamés par les Alliés, établie après la signature du Traité de Versailles.
Cette liste comporte aussi le nom du docteur Michelsohn, major chef de l'hôpital d'Effry, dans l'Aisne. Dans ce vrai mouroir, sorte de hall d'atelier désaffecté et non chauffé, croupissent, sans soins ni nourriture, jusqu'à 1 600 malades provenant des ZAB, voire de camps de prisonniers. Le rythme de décès, de 5 à 6 par jour en moyenne, atteint 20 ou 30 en plein hiver. Ces criminels sont acquittés, au début des années 20, par la cour des juges allemands de Leipzig. Au lendemain de la Grande Guerre, il est créé une médaille des prisonniers civils, déportés et otages. Lorsque, après la Seconde Guerre mondiale, est institué le statut d'interné et de déporté, celui ci est étendu aux victimes de mesures analogues prises entre 1914 et 1918.
Source : MINDEF/SGA/DMPA : http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/les-prisonniers-de-guerre-francais-1914-1918
Rapatriement de prisonniers malades par la Suisse, Engelberg. Source DR
Diplôme décerné avec la médaille des prisonniers civils. Source : Collection privée
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