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| La Belgique et la Grande Guerre | |
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| Sujet: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:50 | |
| Voir Gendarmes tombés pendant la GM I – Cimetières http://blog.seniorennet.be/rwgd_14_18/ Les Premiers Soldats Belges, Héros de la guerre 1914-1918 Morts au champs d'honneur à Visé
-- Auguste Bouko, Maréchal des Logis 1e cl., Gendarmerie Jean-Pierre Thill, Maréchal des Logis 1e cl., Gendarmerie
Auguste Bouko, Maréchal des Logis 1e cl., Gendarmerie Fiche matricule Fiche carrière Né à Limerlé (Gouvy) prov. Lux. le 15 septembre 1863 Fils de Augustin Bouko et Marie Catherine Pfloug Marié à Marie Josephine HOSSE - Grande Route 688, Trooz Entré à la Gendarmerie le 1 octobre 1884 dans la Compagnie de Brabant, il se réengagera successivement. Matricule 7656 Gendarme à pied le 1-10-1884,engagé pour 8 ans, il passe à la compagnie de Hainaut le 27-12-1884 Passe à la compagnie de Liège le 16-01-1888 Gendarm:e à cheval le 23-01-1888 Un chevron au 01-10-1888 01-10-1892 rengagé pour 2 ans 01-10-1984 regagé pour 6 ans Gendarme à pied 1ère classe 26-09-1895 14-05-1900 passe à la compagnie du Luxembourg puis à celle de Liège le 18 septembre de la même année 01-10-1900 rengagé pour 8 ans puis successivement 2 ans en 1910 et 1912 Brigadier à pied le 05-01-1909 Maréchal de Logis de 1ère classe à pied le 5-07-1909 01-07-1910 décoration militaire de 1ère classe Le 01-10-1910 se réangage pour deux ans puis encore deux ans Membre de la Brigade de Gemmenich Mort pour la Patrie le 4 août 1914, vers 13 h tué au combat de rue de Visé Selon sa fiche, fut enseveli au cimetière de Visé. Pas de trace sur la dalle funéraire de la pelouse d'honneur, en fait il repose à Liège (depuis 22/05/1919), cimetière de Robermont tombe 163-14-1 voir: www.bel-memorial.org Décoration Militaire - A.R. 11409 le 02/05/1895 Décoration Militaire 1ère classe-A.R.38bis le 01/01/1910 Médaille commémorative du règne de S.M. Leopold II A titre posthumeCroix de Chevalier de l'Ordre de Léopold II avec palme Croix de Guerre - A.R. 4592 - 20/04/1917 Médaille de la Victoire - 22/09/1919 Médaille commémorative de la guerre - 22/09/1919 :B: Jean-Pierre Thill maréchal des logis de 1ère classe né le 25 septembre 1883 tué au combat à Visé le 4 août 1914 Né à Tontelange prov Lux. 25 septembre 1883 Fils de Jean Pierre Till et Suzanne Gaul Venu du 13e régiment de Ligne, où il était incorporé comme milicien à partir du 29-07-1903 par tirage au sort N° 26 du 12-10-1903. Il se réengagera plusieurs fois. Il entre à la Gendarmerie le17 décembre 1907. Matricule 12.008 Gendarme à pied de 3e classe le 17-12-1907 puis le 7-02-1908 Brigadier à cheval le 5-7-1909 Maréchal de Logis de 2ère classe à cheval le 21-02-1910 Maréchal de Logis de 2e classe à pied le 20 -12-1910 Maréchal de Logis de 1ère classe à pied le 31-12-1913 Membre de la Brigade de Gemmenich à partir du 20-12-1911 Mort pour la Patrie, le 4 août 1914 à 13h15 tué au combat de rue à Visé (une balle dans la gorge) Inhumé au cimetière communal de Lorette à Visé A titre posthume Croix de Chevalier de l'Ordre de Léopold II avec palme Croix de Guerre A.R. N° 4592 - 20/04/1917 Médaille de la Victoire Médaille commémorative de la guerre 1914-1918 22/09/1919 | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:50 | |
| :B: Le combat des gendarmes Bouko (†) , Thill (†), Noerdinger, Peiffer et Boulanger à Visé. http://www.arquebusiers.be/1914-bouko-thil.htm 4 août 1914, Visé.A 13 h. 15, cinq gendarmes belges, à vélo, arrivant de Gemmenich par Mouland, entrent dans la ville dont le quartier nord paraît désert. Soldats allemands Silencieux, ils passent l'un après l'autre, devant le collège Saint-Hadelin.le collège St Hadelin en 1914 https://i.servimg.com/u/f42/09/02/12/09/recycl11.png Leurs ombres se mêlent à celles des chênes qui bordent la route. A une centaine de mètres du carrefour, le premier lève un bras et pousse un cri. D'un même mouvement les cinq hommes font halte. Les vélos sont prestement jetés sur l'accotement et chacun, d'un coup d'épaule, fait virer le fusil chargé qu'il porte en bandoulière. Devant eux, une fusillade éclate dans un fracas assourdissant. Des centaines de soldats gris, agenouillés, couchés, debout, braquent leur arme sur les cinq audacieux qui, au lieu de faire demi-tour, acceptent froidement cette lutte terrible et inégale. Scène poignante Un genou en terre, le commandant du petit groupe s'est crânement posté au milieu de la rue et a poussé un cri, un rugissement qui domine le carme de la mousqueterie: " Vive le Roi" "Vive la Belgique " Tout autour de lui, ses hommes agenouillés dans la poussière du chemin, se sont mis en position de tir. Sans se soucier des balles qui s'abattent en averses drues, ils se sont placés face aux tirailleurs ennemis, de façon que rien n'obstrue leur champ de vision. Leurs énormes bonnets à poils, assujettis par la jugulaire, leur donnent l'air farouche et redoutable de vieux grognards venus des lointains irréels de la légende. Calmement, ils épaulent, visent, pressent la détente, ouvrent et referment le verrou de leur mauser. Devant eux, plus de deux cents fusils crépitent. Le Vieux Rempart de Visé et la prairie Leers qui s'étale à gauche du chemin, sont hérissés de casques à pointe. Les balles allemandes passent en rafales, raclent la route, écorcent les arbres, arrachent des flocons de poussière rouge aux murs en briques de la maison Brouwers. L'abbé Goffin, directeur du collège Saint-Hadelin, attiré par le bruit de la fusillade, accourt. A peine a-t-il pu se rendre compte de l'effroyable combat où sont engagés les cinq gendarmes belges, qu'il voit l'un d'eux tomber lourdement à la renverse.(Bouko) Le prêtre se précipite, se penche sur le moribond, le prend délicatement entre ses bras et sur sa pauvre figure déjà figée dans la pâleur de la mort, trace un grand signe de croix. Puis, se retournant vers les autres tireurs, il leur crie: "Dites votre acte de contrition, je vais vous donner l'absolution". Vision d'épopée où passe le souffle exaltant de l'idéalisme chrétien. Comme les preux d'autrefois, les quatre héros dédient à Dieu les derniers battements de leur grand cœur. Tout en chargeant et déchargeant leur mauser, posément, sans précipitation, ils prononcent d'une voix vibrante les paroles de repentir qui sont les paroles d'adieu à la vie: "Mon Seigneur et mon Dieu, je suis triste et repentant...." Les verrous des fusils s'ouvrent et se referment avec de brusques grincements métalliques. Les détonations fusent de toutes parts, hachant, de courtes interruptions, l'émouvante prière qui s'égrène imperturbablement et monte vers le ciel comme un appel pathétique. "...mais surtout parce que vous êtes infiniment bon...." La ronde sinistre des balles s'affole. La tempête de feu qui s'acharne sur les quatre hommes s'exaspère en un tumulte dément. Sur le bord de la route, debout, tête nue, indifférent à la mort qui le frôle, le prêtre lève les yeux au ciel, et lentement trace le signe de la rédemption sur ses quatre compatriotes "Ego vos absolvo..." A ce moment, un cri perçant jaillit dans le vacarme. Le gendarme agenouillé près de la maison Brouwers, vient de laisser choir son fusil. Du côté gauche de sa tunique, un jet de sang gicle et ruisselle en longues traînées rouges sur le mur de l'immeuble. Une balle lui a sectionné l'aorte. Le malheureux s'affaisse doucement, la face contre terre.(Thill) Ils ne sont plus que trois... Trois... en face des masses qui submergent Visé. Vont-ils abandonner la lutte, se glisser dans le fossé qui longe la route et battre en retrait vers le nord ? Ou bien l'honneur de leurs armes étant sauf, vont-ils s'incliner devant l'écrasante supériorité numérique de l'adversaire et accepter le sort pénible de captivité ? La mort est là qui passe sans cesse et fait siffler ses ricanements et ses menaces. Mais ici, ce n est pas l'esprit qui raisonne et pèse les risques, c'est le cœur, palpitant de fièvre héroïque, qui déclenche les réflexes. La lutte désespérée continue Ils ne sont plus que trois... Leurs silhouettes noires se détachent en cibles nettes sur la blancheur de la route Pas un ne bouge, ne se déplace pour se mettre hors d'atteinte. On dirait trois statues scellées dans le sol si ce n'étaient les mouvements prompts et nerveux des braves qui, après chaque coup, retirent le verrou du fusil ajustent l'arme à hauteur de la joue droite. A certains moments, les mains plongent dans les cartouchières cuir noir fixées au ceinturon et qui, peu à peu, se vident. Autour de chaque tireur, les douilles fumantes s'accumulent.le 147e de ligne allemand à Visé en 1914 Les Allemands, exaspérés par la folle témérité de trois adversaires qui semblent narguer leurs centaines de fusils, mettent une mitrailleuse en batterie. Bientôt, un crépitement régulier domine le tohu-bohu de la fusillade... Tacatac... Une rafale atteint en plein ventre un des trois Belges. L'homme s'écroule, plié en deux, et se contorsionne dans la poussière du chemin, en poussant des hurlements de douleur. Peu après, un autre se rejette brusquement en arrière, s'abrite la tête de l'avant-bras droit comme pour esquiver le coup, lâche son fusil et s'affale, grièvement blessé. Le troisième brûle ses dernières cartouches, il va se relever lorsqu'une balle lui fracasse le genou et le cloue au sol. Alors seulement, la tragique empoignade prit fin. Soldats allemands 147e ligne Deux morts et trois blessés restent sur le terrain. Grâce à l'admirable dévouement de l'abbé Goffin, les blessés, après de longs mois de traitement, se rétabliront et iront reprendre le combat sur l'Yser. Boulanger sera prisonnier des allemands à partir du 4 août 1914 et rentrera de captivité le 31 décembre 1918. Noerdinger sera soigné en pays occupé puis rejoindra l'armée en passant par les Pays-Bas. Tels furent les premiers de "Ceux de Liège". :B: Ils s'appelaient:
Auguste Bouko (†) Jean-PierreThill (†) Henri Noerdinger Nicolas Peiffer Eugène Boulanger
Cet effort impuissant, mais sublime d'abnégation et d'héroïsme, préfigure, de façon saisissante, la résistance belge à l'invasion Ils étaient de la race de ces hommes courageux qui n'écoutaient que leur devoir, que leur honneur et leur sens patriotique. Des mots qui aujourd'hui n'ont plus beaucoup de sens pour nombre de gens. Ils ont combattu et sont morts pour la liberté de leur pays, parce qu'ils aimaient leur pays.
Henri Noerdinger maréchal des logis-chef 18-04-1877 ? médaille d'or de l'Ordre de Léopold II en 1923 médaille commémorative de la guerre 14-18 chevron de blessure 2 chevrons de front Blessé il sera soigné en pays occupé et rejoindra l'armée en passant par la Hollande
entré en service le 15-01-1902 retraité le 01-07-1923
:B:
Eugène Boulanger maréchal des logis-chef 14-09-1871 ? médaille commémorative de la guerre 14-18 chevron de blessure chevron de front
Prisonnier des allemands il rentrera fin 1918
entré en service le 10-11-1888 retraité le 03-03-1920
:B:
Nicolas Peiffer maréchal des logis de 2e classe 28-5-1887 29-7-1961
Chevalier de l'Ordre de Léopold II en 1917 médaille commémorative de la guerre 14-18 chevron de blessure 2 chevrons de front
entré en service le 16-11-1907 au 13e de ligne gendarmerie le 16-11-1910 retraité le 01-04-1921
:B: En 1920 le 19 septembre, un monument est inauguré devant La Poste,en présence de toute la population, pour rappeler le sacrifice de Bouko et ThillCe monument sera détruit en 1942 par les allemands et remplacé après la guerre par un monument plus petit situé au même endroit
ALLER A : http://www.bel-memorial.org/cities/liege/vise/vise_stele_bouko_thill.htm Les fusils de Bouko et Thill sont visibles au musée de Visé, bizarrement, les crosses avaient été démontées et se trouvaient chez Martine Lambert rue du collège. Lors du décès de cette dernière on ne sait ce qu'elles sont devenues. L'uniforme de Bouko se trouve au musée de l'Armée de Bruxelles et le bonnet à poils de Thill qui était entaché de sang, au Musée de la Gendarmerie Auguste Bouko repose au cimetière de Robermonthttp://www.arquebusiers.be/1914-bouko-thil.htm Texte en néérlandaishttp://www.arquebusiers.be/1914-bouko-thil.htm 4 augustus 1914 - WEZET GEMMENICH: Opperwachtmeester NOERDINGER staat er aan het hoofd van een brigade van vijf man, versterkt met enkele afgedeelden van brigades uit het binnenland. Het zijn deze Rijkswachters die op 25 km vóór de Belgische verdedigingslinie de eerste getuigen van de vijandelijke inval zullen zijn, helaas ook de eerste slachtoffers. Te 8 uur werd de aandacht van de wachtmeesters THILL en HENRION, die de wacht optrokken aan de grens, gewekt door snel naderbij komend hoefgetrappel. Plots daagde een huzarenpeloton op. THILL kende de consignes en deed twee passen voorwaarts. De Duitse officier bracht met een breed gebaar zijn troep tot staan en reed de gendarmen tegemoet. “HALT. Belgische grens!” beval THILL. “Dat weet ik” antwoordde de Duitser. Toen stapte de Duitser van zijn paard , nam een papier uit zijn kaartentas en las de proclamatie van de Duitse opperbevelhebber voor: de Duitsers vragen de vrije doortocht door BELGIE naar FRANKRIJK. De Duitse luitenant klimt terug op zijn paard en trekt minachtend voorbij de Rijkswachters wier taak is niet te vechten, maar inlichtingen te verzamelen. Wachtmeester BECHET heeft van op afstand het toneel gadegeslagen en weet hoe laat het is. Hij fietst zo vlug mogelijk naar de brigade waar hij opperwachtmeester NOERDINGER inlicht. Deze seint onmiddellijk de inlichtingen over en trekt zich met zijn manschappen, overeenkomstig zijn opdracht, terug op MOELINGEN. De wachtmeesters THILL en HENRION hebben de Duitse voorspits laten voorbijtrekken en fietsen via binnenwegen naar MOELINGEN. Hijgend en zwetend onder hun berenmuts bereiken de gendarmen de MAAS. Hier zijn echter alle bruggen vernield. Er zijn twee mogelijkheden: vluchten naar het nabijgelegen NEDERLAND of de strijd verder zetten. Zij kiezen voor het laatste en bereiken samen met hun andere collega’s van de brigade om 13.00 uur WEZET. WEZET is op dat ogenblik reeds bezet door de Duitsers. Pater GOFFIN, die daar een verpleegpost heeft, tracht hen nog te waarschuwen maar te laat. Wanneer de eerste wielrijder het kruispunt van de Moelingenstraat en de Dodémontstraat oprijdt, weerklinken er schoten. Wachtmeester BOUKO stuikt ten gronde. Op bevel van opperwachtmeester NOERDINGER hebben de rijkswachters zich in schietstelling ontplooid en beantwoorden het vuur. Pater GOFFIN heeft BOUKO zien vallen en buigt zich over de dode en zegent hem. De priester zit nu tussen twee vuren, doch stoïcijns keert hij zich naar de gendarmen en steekt de armen op en geeft hen de absolutie. Wachtmeester PEIFFER, die aan de knie en de kuit is geraakt, sleept zich naar de berm. De munitie van zijn geweer is op, maar hij blijft vuren met zijn pistool. Wachtmeester THILL valt neer met een doorboorde keel. Hij tracht het bloeden nog te stelpen met zijn zakdoek maar enkele ogenblikken later is hij doodgebloed. NOERDINGER,JUSTIN, BOULANGER en PEIFFER kunnen zich terugtrekken in de post van pater GOFFIN. Met zijn hulp kunnen de gewonde rijkswachters vluchten via NEDERLAND en zich later terug bij het leger voegen. Auguste BOUKO was 51 jaar en had 30 jaren dienst bij de Rijkswacht. Jean THILL was 31 jaar en 8 jaar gendarm. De met bloed doordrenkte berenmuts van wachtmeester THILL is nog steeds te zien in het Museum van de Rijkswacht te BRUSSEL. Het uniform van wachtmeester BOUKO bevindt zich in het Koninklijk Museum van het Leger te BRUSSEL. 04-08-1999 Julien Faes (bron : De geschiedenis van de Rijkswacht - deel 2) | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:51 | |
| Liège-Herstal-Visé, 31 août 1914, dans le New York Times http://liegecitations.wordpress.com/2007/09/01/liege_vise_herstal_31_aout_1914_newyorktimes/ London, Aug 31 – A Reuter dispatch to Ostend says that a small party which has just returned from a visit to Liege describes the destruction wrought by the war as appalling. « All along the road to Vise, » said one of the party, « there was nothing to be seen but walls blackened by smoke, the remains of factories burned, and mounds of earth freshly dug – the sepulchre of the first Germans to fall. « And then comes Vise. What a painful sight for those who knew the proud city, so typical of Walloon gayety, and now nothing but a mass of ruins, while many of the inhabitants lie all over the place, their chests riddled with bullets! I was told here that the natives were put to work building roads for the invaders from Vise to Aix-la-Chapelle. « On the way to Argenteau we met a procession of able-bodied men marching four abreast and commanded by a non-commissioned officer, all carrying implements for road and trench building. These men have to submit to discipline Draconian in severity. « Herstal, usually filled with the busy hum of activity in factories, coal mines, and workships, we found plunged into deathly silence. liege_destruction_place_universite.jpg« At last we entered Liege.The inhabitants stood at the thresholds of their homes, silent and anxious, but afraid to speak. The streets in the middle of the town wore a deplorable aspect. Many houses had been abandoned. Their doors and windows were shattered and their contents had been removed. « Nobody but soldiers were to be seen. The Place de l’Universite, the Rue des Pitteurs, and the Quai des Pecheurs had been burned. » The New York Times, 1 septembre 1914 | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:51 | |
| :B: Morts au champs d'honneur à Visé:B: http://www.arquebusiers.be/12ligne.htm
:B:
VAN GASTEL Prosper Jean Baptiste Marie, soldat au 12 régiment de Ligne né à Anvers le 18-12-1891, domicilié à Anvers, fils de Van Gastel Corneille Jean Baptiste Edmond et de Cotteler Catherine, époux de Van Heygen Joséphine Jeanne Tué à Visé, le 4-8-1914, Quai du Hallage à Devant-le-Pont
MAULUS Louis Joseph, soldat du 12e régiment de Ligne, né à Anvers le 7-3-1891, domicilié à Anvers, fils de Maulus François et de Aerts Marie-Catherine, époux de Pauwels Marie-Clara Tué à Visé, le 4-8-1914, Quai du Hallage à Devant-le-Pont Belgique - 1914 On a cru longtemps que le premier soldat belge victime de la grande guerre était le fantassin Imschoot, fils d'un notaire des Flandres, tué le 5 août 1914, vers 7 heures du matin, à Forêt, commune de 4.500 habitants, située sur la Vesdre, à mi-chemin à peu près entre Liège et Verviers, à proximité du fort de Chaudfontaine. Comme les Allemands envahirent la commune en force, les troupes belges durent se replier sur Chaudfontaine. L'administration communale de Forêt fit enterrer le soldat Imschoot au cimetière communal. Il paraît, d'autre part, que les soldats qui tombèrent les premiers sous les balles allemandes sont deux Anversois, tués le 4 août 1914, vers 2 heures de l'après-midi, à Devant-le-Pont (Visé), où ils faisaient partie de la compagnie du 12e de Ligne commandée par le capitaine Claude et qui fut la première à ouvrir le feu contre l'envahisseur. A Devant-le-Pont, sur la rive gauche de la Meuse, contre Visé, se trouve le cimetière de la rue de Tongres. A gauche du chemin principal de ce cimetière, se dresse une tombe parfaitement entretenue. Sur une croix de bois noir, on peut lire les mots: " A la mémoire des soldats Van Gastel et Maulus, d'Anvers, premières victimes de la guerre." Le 4 août, vers midi, le capitaine Claude, accompagné d'une vingtaine de ses hommes, avait pris position sur le perron d'une maison située à la droite de la tête de pont. Vers 2 heures, les avant-postes allemands parurent de l'autre côté du fleuve, mais le pont qui avait sauté leur coupait le passage. Le capitaine Claude, qui avait laissé ses hommes à découvert, commanda le feu: des Allemands tombèrent. Les Allemands ayant riposté, les deux Anversois sont tombés à leur tour. Cette escarmouche n'avait duré que quelques minutes. C'est en cet endroit que les premiers soldats belges combattirent. Les journaux liégeois ont confirmé dans les tout premiers jours de la guerre que ce fut en effet le capitaine Claude qui avait vu le feu le premier et ceci n'a jamais été démenti. Mais on dit aussi que les premières patrouilles allemandes arrivées vers 11 heures du matin à hauteur de la croix Polmard, sur la chaussée d'Aix-la-Chapelle à Liège, entre Thimister et Battice, échangèrent quelques coups de feu avec des Belges embusqués là, observant la route. L'un d'eux, le soldat Antoine Fonck, du 2e lanciers de Liège, fut atteint. Son cadavre, ramené à Thimister, fut enterré dans le cimetière de la localité. :B: Il semblerait donc que ce soit au soldat Fonck que revienne l'honneur d'avoir été la première victime de la guerre. Mais la question reste ouverte et nous donnerons volontiers l'hospitalité des colonnes du Courrier de l'Armée aux correspondants qui voudront bien nous éclairer à ce sujet. Le texte ci-dessus provient de la revue 'Le Courrier de l'Armée' No. 715, 15 août 1920. Depuis, le cavalier Fonck a été reconnu comme première victime de la guerre et nos deux soldats ont été reconnus comme les deux premiers fantasins belges tombés au champ d'honneur. | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:51 | |
| ANTOINE FONCK FUT LE PREMIER DE TOUS. http://www.thimister-clermont.be/fr/entites/fonck.htm :B: Le mardi 4 août 1914, le petit village de Thimister est jeté dans le trouble d’un grand conflit qui durera 4 longues années. La première victime fut un vaillant cavalier : Antoine FONCK qui, alors qu’il se portait vers l’ennemi pour défendre sa patrie, fut malencontreusement touché et tomba, fidèle à sa devise « MORT PREMIER COMME DEVANT » au lieu-dit « La Croix-Polinard ». Quelques jours auparavant, le Roi Albert 1er avait rejeté l’ultimatum allemand et refusé le passage des Ulhans. L’armée du Kaiser viola donc la neutralité belge. La malchance de Thimister, c’est de se trouver au début de l’invasion. En effet, le 10ème corps d’armée, sous le commandement du général OTTO VON EMMICH, est concentré dans la région d’Aix-la-Chapelle. Son premier objectif est la prise de la position fortifiée de la ville de Liège. Dès lors, la voie la plus directe pour atteindre son but est la chaussée Aix-Liège. En face, un escadron du 2ème lancier part en reconnaissance vers la frontière sur la route qui traverse le pays de Herve afin de vérifier la réalité de l’invasion allemande. Le cavalier Antoine Fonck marche devant en éclaireur et se retrouve face à un groupe d’ennemis. Des coups de feu éclatent, Fonck sera retrouvé étendu non loin de son cheval mort. Pour la première fois, un soldat belge devenait un héros dans l’histoire de notre pays. Son nom ouvrait malheureusement une longue liste de braves qui allaient, pour l’éternité, être accompagnés de la mention « MORT POUR LA PATRIE ». Depuis ce 4 août, la commune de Thimister-Clermont considère Antoine FONCK comme un de ses enfants. Un monument a été érigé à sa mémoire en bordure de la chaussée Charlemagne le 23 août 1923 et, chaque année, un vibrant hommage est rendu par la population de Thimister-Clermont le 1er dimanche du mois d’août. | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:52 | |
| La Défense de Visé
Le major, devenu général, Charles Collyns du 12e de lLgne d'après le récit du major, adjoint d'état-major, Charles Collyns
du 12e régiment de Ligne, qui commandait le 2e bataillon http://www.arquebusiers.be/12ligne.htm Afin que le lecteur puisse raccorder les épisodes dont le récit va suivre, il est utile de rappeler dans leurs grandes lignes les préliminaires de la guerre. Le 2 août 1914, à 19 heures, l'Allemagne signifia un ultimatum à la Belgique, auquel le Gouvernement répondit, le lendemain à 7 heures " qu'il repousserait par tous les moyens en son pouvoir toute atteinte portée au droit de la Belgique ". Dès le matin du 4 août, l'extrême droite allemande, composée de 12 régiments de cavalerie et de bataillons de chasseurs transportés en automobiles, franchit la frontière et chercha à s'emparer du pont de Visé. Elle ne réussit pas, étendit son mouvement vers le nord, passa la Meuse au gué de Lixhe et tenta alors de briser la résistance de la place de Liège: dans la journée du 5 août, des troupes des IIIe , IVe et VIIIe corps donnèrent l'assaut à la partie du front de défense comprise entre la Meuse et la Vesdre. Devant les forts de Barchon, d'Evegnée et de Fléron, les assaillants furent refoulés avec des pertes sanglantes. Entre le fort de Barchon et la Meuse, le VIIe corps força les lignes, il fut contre-attaqué à la baïonnette par la 11e brigade et rejeté vers la frontière hollandaise dans le désordre le plus complet. Les assauts furent repris dans la nuit du 5 au 6 août. De nouvelles troupes appartenant au VIIIe , IXe , Xe et XIe corps y participèrent et l'attaque s'étendit sur tout l'espace compris entre le fort de Liers et la Meuse, en aval de Liège, soit sur un front de 35 kilomètres environ. Les troupes belges firent face au danger partout à la fois et, après une défense héroïque, la 3e division, épuisée, se retira; les forts continuèrent à résister; le dernier tomba le 17 août... Plan d'attaque allemande du 4 et 5 août Dans la nuit du 1er au 2 août 1914, le lieutenant-général Léman, gouverneur militaire de la position fortifiée de Liège, me confie la défense des ponts de Visé et d'Argenteau. C'est une mission importante. Des forces allemandes sont massées à la frontière et se préparent à violer notre neutralité. Je cours à la caserne, rassemble mon bataillon, fort d'environ 400 hommes, et pars pour Visé où j'arrive à 7 heures du matin. La journée est employée à l'organisation de la défense: une compagnie occupe chacun des ponts de Visé et d'Argenteau, distants de 3 kilomètres; un peloton de 30 hommes garde le gué de Lixhe, à 10 kilomètres au nord; des avant-postes sont disposés sur la rive droite avec instructions de détacher des patrouilles et des reconnaissances vers la frontière; enfin le restant du bataillon est laissé en réserve à Haccourt. Les soldats sont pleins d'entrain et de confiance; la plupart considèrent la guerre comme une partie de plaisir, une distraction à la vie monotone de garnison, et cette bonne humeur est augmentée par l'accueil cordial de la population. Dans la soirée survient, avec une soixantaine d'hommes, le capitaine Chaudoir, commandant les chasseurs à cheval de la Garde Civique de Liège. Ce sont de braves garçons, remplis de courage et de bonne volonté, mais dont l'équipement est fort défectueux: ils manquent même de carabines! J'accepte néanmoins leurs services et leur donne la surveillance des vallées de la Meuse et du Geer. Des habitants de Visé m'offrent également leur concours. " Je suis bon fusil, me dit un avocat, je veux contribuer à la lutte. Mettez-moi dans la ligne de feu ". - " Non, pas de civils ", répliquai-je catégoriquement. Et je les renvoyai. Le lendemain, 3 août, arrive M. Delattre, ingénieur spécialiste en explosifs, chargé par l'état-major de l'obstruction de la rive droite et de la destruction des ponts. Sous sa direction, des équipes de travailleurs abattent des arbres en travers des routes, placent des mines dans les piles et dans les tabliers, disposent des saucissons le long des garde-fous, bref, mettent tout en œuvre pour la rupture des ponts au moment opportun. Assaut de Liège Cette responsabilité, qui m'incombe, n'est pas un de mes moindres soucis. Il est fort difficile de se rendre compte de la situation. Des nouvelles extraordinaires circulent et trouvent créance, quelle que soit leur invraisemblance. L'état-major de la 3e division d'armée m'annonce même par téléphone que des troupes allemandes ont traversé les Pays-Bas et s'avancent par le Limbourg. Grâce aux communications téléphoniques que j'ai établies avec les postes de gendarmerie et avec le lieutenant de Menten, en observation avec un peloton du 2e lanciers, près de la frontière hollandaise, j'obtiens des renseignements précis sur les mouvements de l'ennemi et je peux à diverses reprises informer le commandant de la division de l'inexactitude de racontars, inventés par les espions boches et colportés par les froussards. Vers le soir, le général Léman me prévient que deux divisions de cavalerie ennemie ont envahi notre territoire et m'ordonne de faire sauter les ponts de Visé et d'Argenteau. Je transmets l'ordre à Delattre; pendant qu'il prend ses dernières dispositions, je retire mes avant-postes de la rive droite et, de crainte d'accidents, procède à l'évacuation des maisons voisines. Enfin, tout est prêt. Delattre me rejoint. " Soyez tranquille, me dit-il; par excès de prudence, nous avons mis une double charge, quoique... " Une explosion lui coupe la parole. Nous courons, pleins de confiance. Quelle désillusion! Des blocs entiers de macarite n'ont pas détoné: A Visé, le pont est ébranlé, mais il reste praticable, même aux voitures. A Argenteau, m'annonce-t-on, le résultat n'est pas plus heureux. " C'est pas de la belle ouvrage ", me déclare un sergent, qui paraît aussi mortifié que moi. Quelques civils ricanent; je les enguirlande et cela me calme les nerfs. De nouveau le téléphone marche; nous demandons à l'état-major de Liège de nous expédier en toute hâte d'autres explosifs. L'attente est interminable. L'ennemi va-t-il nous surprendre ? Enfin, voici des autos. Vite nous plaçons les poudres et, à 18 heures, toutes les mesures sont prises. Cette fois, l'explosion est formidable. Des blocs de pierre de 1 mètre cube sont projetés à 200 mètres et la partie centrale du pont, sur une longueur de 50 mètres, s'effondre dans la Meuse.Le pont de visé détruit, en face les maisons dans lesquelles le 12e de ligne se retranche face aux allemands Un fâcheux contretemps surgit: l'ébranlement produit par l'explosion brise les lignes télégraphiques et téléphoniques et interrompt nos communications. Que faire? Maintenant que les ponts sont rompus, ma mission n'est-elle pas terminée? Dois-je rejoindre la position fortifiée ou défendre le passage du fleuve? Aucun des courriers que j'envoie au général Léman ne reparaît. Tant pis, ma décision est prise: j'y suis, j'y reste. Dès l'aube du 4, je m'efforce de compléter la défense en utilisant les maisons qui donnent sur les ponts et qui permettent de battre la rive adverse. Mais mon service d'informations laisse beaucoup à désirer. De temps à autre, des soldats passent le fleuve sur deux petites nacelles découvertes par hasard et s'en vont aux nouvelles. J'apprends ainsi qu'à Berneau se trouve un corps important de cavalerie ennemie, suivi à courte distance d'une nombreuse infanterie. Tout à coup, nous entendons un ronflement, et un taube apparaît dans les airs. Pendant quelques minutes, le sinistre oiseau plane au-dessus de nous, lançant des proclamations du général von Emmich; puis il regagne les lignes ennemies, porteur de renseignements fort inexacts, car il ne peut apercevoir mes troupes dissimulées derrière les maisons, et il est même probable, étant donné sa hauteur, qu'il ne remarque pas la rupture du pont dont la partie centrale gît en contrebas dans la Meuse. Averti par ce vol, je modifie mes dispositions et rassemble toutes mes forces à Visé, à l'exception d'une compagnie laissée à Argenteau. Bien m'en prend. A une heure, des hussards de la mort débouchent sur la rive et, sans hésitation, se dirigent vers le pont. Mes soldats, anxieux, le cœur battant, le doigt sur la gâchette du fusil, les suivent de l'œil. " Attendez, dis-je, attendez, laissez-les approcher. " Quand je les vis engagés dans la première partie du pont, - " Feu! " hurlai-je. - Pan! Pan! Pan! La fusillade crépite. Effrayés, les chevaux se cabrent, ruent, se débattent; des cavaliers roulent dans le fleuve; d'autres, faisant demi-tour, se jettent dans les rangs qui suivent, les bousculent et, dans une course éperdue, s'échappent à travers les champs de trèfle et d'avoine. Quelle débandade! A cet instant, un feu intense part des maisons de la rive droite, avoisinant le pont. Ce sont les Allemands qui, à notre insu, ont occupé ces bâtiments et protègent la retraite de leur cavalerie. Alors, d'une rive à l'autre, la fusillade se poursuit, intermittente sans causer grand dommage. Pendant une accalmie, je crie à mes braves: " Permission d'en griller une."soldat du 12e de Ligne Et il faut voir avec quelle joie ils savourent leur cigarette; chez aucun, le baptême du feu n'a produit la moindre émotion, tous les visages sont souriants; on plaisante, on blague, et au premier coup de feu de l'ennemi, gaiement, on recommence le combat. Allongés à l'abri d'un mur, la vareuse déboutonnée, les hommes de mon peloton de réserve reprennent des forces en dévorant à belles dents des tartines beurrées. L'idée me vient de tenter une expérience. " Eh bien, demandai-je, êtes vous fiers de participer au feu? Comme vous voyez, ça va bien, les Boches sont arrêtés. Seulement ce n'est pas fini et, tout à l'heure, j'aurai besoin de trois gars déterminés, de trois braves, des vrais, n'ayant peur de rien; qui s'offre? " Avant la fin de ma phrase, tout le peloton est debout et crie:? " Moi, mon major." Voilà que l'artillerie allemande entre en ligne. Deux ou trois batteries, en position du côté de Fouron, au nord-est de Visé, ouvrent le feu. Malgré leur courage, il me paraît nécessaire de réconforter mes hommes qui au nombre de 400, sans artillerie ni mitrailleuse, luttent contre un ennemi infiniment supérieur. Je parcours les différents abris et, affectant une bruyante gaîté: " Eh bien, ricanai-je on va rire. Jamais les Boches n'ont réussi à diriger un coup de canon et cette fois encore leurs projectiles tomberont partout excepté dans les maisons que nous occupons. " Cette plaisanterie réussit étonnamment et mes hommes saluent par des éclats de rire les shrapnels allemands qui éclatent d'ailleurs à des hauteurs démesurées. Ma joie est extrême; car si l'artillerie avait tiré en plein sur les maisons, la position aurait été intenable et nous aurions été immédiatement contraints à la retraite. Ah! si nous avions eu quelques pièces, que d'ennemis nous aurions culbutés! Au cours du combat, des cavaliers de la garde civique, sans doute mal renseignés, me signalent qu'une grosse colonne d'infanterie a franchi la Meuse au nord de Visé et que déjà une batterie dirige son tir contre nous. Cette nouvelle a d'autant plus de vraisemblance, qu'un grondement de canon semble provenir d'une hauteur de la rive gauche. Isolé, sans instructions, ma situation devient inquiétante. Afin d'assurer ma retraite, je prescris à la 2e compagnie d'entraver par son feu tout mouvement de l'ennemi vers le sud, et à la 1re compagnie de se porter vers Hallembaye et de soutenir le poste placé à Lixhe, tout en observant le terrain vers le nord. Bientôt la 2e compagnie subit un feu de mousqueterie et de mitrailleuse si violent que son commandant, le capitaine François, est obligé d'évacuer certaines maisons longeant la Meuse, dont les murs sont percés par les balles. D'autre part, le capitaine De Burghraeve, commandant la 1ère compagnie, m'avertit que l'artillerie allemande envoie une vraie trombe d'obus de tous calibres sur les troupes qui défendent le gué de Lixhe, que ses hommes, couchés sous les rafales, sont incapables de répondre au tir ennemi et encore plus incapables d'observer le pays; que les Allemands peuvent par conséquent traverser la Meuse sans qu'il s'en aperçoive et sans qu'il soit à même de me prévenir. - " Tenez bon, répondis- je, tout va bien. " Et de mon côté, je continue à encourager mes braves qui, à Visé, résistent énergiquement. Cependant, vers 16 heures et demie, le développement de plus en plus grand du front ennemi, joint à la faiblesse de mes forces, dont une partie est immobilisée par le feu de l'artillerie adverse, me détermine à pon,t allemand à lixhe en 1914évacuer ma position, en me couvrant, aux divers points occupés, par des arrière-gardes. Cette retraite se fait dans un ordre parfait et sans que l'ennemi s'en aperçoive. La 1re compagnie, malgré sa situation dangereuse, parvient également à se retirer groupe par groupe. Seul le poste de Lixhe nous cause de vives inquiétudes. Vautrés dans les champs de betteraves, nos camarades attendent une accalmie de l'ouragan d'acier pour se lever et se précipiter en avant; puis, après 50 mètres, ils se jettent de nouveau à terre. L'artillerie allemande multiplie ses coups, le sol tremble, des nuages de poussière volent de toutes parts. Avec une émotion intense, je suis des yeux cette course angoissante. Enfin, grâce à Dieu, les voici: les soldats ont leurs capotes, leurs shakos, leurs sacs criblés de balles: deux hommes ont vu les bicyclettes qu'ils tenaient à la main fracassées par des obus. Par une chance inouïe, personne n'est blessé. Nos pertes totales sont d'ailleurs minimes et s'élèvent, c'est incroyable à dire, à deux tués (Louis Maulus et Prosper Van Gastel) et à une dizaine de blessés. Par contre, des habitants de Visé nous confirment que l'ennemi a beaucoup souffert et que de nombreux chariots emportent ses blessés. | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:52 | |
| VISE Armée belge, infanterie à Herstal en 1913 Armée belge 1914, infanterie de ligne Armée belge 1914, les lanciers Armée belge en 1914, infanterie au repos Le 147e de lgne allemand à Visé en 1914 Camp allemand près de Visé Camp allemand près de Visé Officiers allemands dinant à la gare de Visé Les allemands installés dans le jardin du maire, ou plutôt du bourgmestre Pont de Visé détruit, ouvriers à la gare Le Général COLLYNS LIEGEMédaille commémorative de la défense de Liège Attaque de Liège en 1914 Attaque de Liège en 1914 Les allemands défilent dans les rues Attaque de Liège en 1914 Un zeppelin Arrivée de l'Etat-major allemand à Battice http://www.arquebusiers.be/12ligne.htm | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:53 | |
| Liège – Lettre du Général Léman au Roi Albert 1er
http://liegecitations.wordpress.com/2007/08/16/general-leman-aout-1914-defense-de-liege/ Sire, Après d’honorables engagements livrés les 4, 5 et 6 août, je jugeai que les forts de Liège ne pouvaient jouer d’autre rôle que celui de forts d’arrêt. Je maintins néanmoins le gouvernement militaire pour coordonner la défense autant que possible et pour exercer une influence morale sur la garnison. Votre Majesté n’ignore pas que j’étais au Fort de Loncin le 6 août, à midi. Vous apprendrez avec chagrin que le fort a sauté hier, à 5 h. 20 du soir, et que la plus grande partie de sa garnison a été ensevelie sous ses ruines. Si je n’ai pas perdu la vie dans cette catastrophe, cela tient à ce que mon escorte m’a retiré de la place forte au moment où j’étais suffoqué par le gaz qui se dégageait après l’explosion de la poudre. On me porta dans une tranchée, où je tombai. Un capitaine allemand me donna à boire, puis je fus fait prisonnier et emmené à Liège. Je suis certain d’avoir manqué d’ordre dans cette lettre, mais je suis physiquement ébranlé par l’explosion du fort de Loncin. Pour l’honneur de nos armes, je n’ai voulu rendre ni la forteresse ni les forts. Daignez me pardonner, Sire! En Allemagne, où je me rends, ma pensée sera, comme elle l’a toujours été, avec la Belgique et le roi. J’aurais volontiers donné ma vie pour les servir mieux, mais la mort ne m’a pas été accordée. Général Léman » http://liegecitations.wordpress.com/2007/08/16/general-leman-aout-1914-defense-de-liege/ | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:53 | |
| Liège – Lettre du Général Léman au Roi Albert 1er
http://liegecitations.wordpress.com/2007/08/16/general-leman-aout-1914-defense-de-liege/ Sire, Après d’honorables engagements livrés les 4, 5 et 6 août, je jugeai que les forts de Liège ne pouvaient jouer d’autre rôle que celui de forts d’arrêt. Je maintins néanmoins le gouvernement militaire pour coordonner la défense autant que possible et pour exercer une influence morale sur la garnison. Votre Majesté n’ignore pas que j’étais au Fort de Loncin le 6 août, à midi. Vous apprendrez avec chagrin que le fort a sauté hier, à 5 h. 20 du soir, et que la plus grande partie de sa garnison a été ensevelie sous ses ruines. Si je n’ai pas perdu la vie dans cette catastrophe, cela tient à ce que mon escorte m’a retiré de la place forte au moment où j’étais suffoqué par le gaz qui se dégageait après l’explosion de la poudre. On me porta dans une tranchée, où je tombai. Un capitaine allemand me donna à boire, puis je fus fait prisonnier et emmené à Liège. Je suis certain d’avoir manqué d’ordre dans cette lettre, mais je suis physiquement ébranlé par l’explosion du fort de Loncin. Pour l’honneur de nos armes, je n’ai voulu rendre ni la forteresse ni les forts. Daignez me pardonner, Sire! En Allemagne, où je me rends, ma pensée sera, comme elle l’a toujours été, avec la Belgique et le roi. J’aurais volontiers donné ma vie pour les servir mieux, mais la mort ne m’a pas été accordée. Général Léman » http://liegecitations.wordpress.com/2007/08/16/general-leman-aout-1914-defense-de-liege/ | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:54 | |
| http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_02.htm de la revue ‘Revue de la Presse', du No. 142, 28 juin 1918 'La Belgique Héroïque et Vaillante' 'La Prise du Premier Drapeau Allemand' Recueillis par le Baron C. Buffin :B: La Prise du Premier Drapeau Allemand D'après le récit du major adjoint d'état-major Collyns, du 12e régiment de ligne. :B: 5 Aout 1914En quittant Visé, je gagne Milmort, où je reçois, le 5 août, du général Léman l'ordre de me rendre immédiatement à Wandre et d'interdire à tout prix aux Allemands l'accès du pont sur la Meuse. Dès mon arrivée, je fais une reconnaissance sommaire de la position: étant donné le minime effectif de mon bataillon - quatre cents hommes - la défense consiste princi- palement dans la construction de barricades et dans l'utilisation de maisons et de murs, donnant des feux croisés et obliques sur le pont de la Meuse, sur le pont du canal, situé à l'ouest, et sur les chemins d'aboutissement. Avec une activité fiévreuse, les soldats se mettent à la besogne; dans les maisons désignées, ils cassent les carreaux et disposent des literies et des sacs de terre sur les appuis des fenêtres, de façon à abriter parfaitement les tireurs; puis ils traînent des chariots, transportent des planches et des tonneaux, et amoncellent sur le pont de la Meuse des matériaux de tout genre, ne laissant qu'un étroit passage, à peine suffisant pour une personne. D'autre part, une barricade coupe la route d'Herstal à Vivegnis, tandis que le cimetière, vaste rectangle placé en marteau entre la route et le canal, a ses murs percés de meurtrières et se transforme en véritable redoute. Bientôt, postés derrière les fenêtres des maisons, derrière les meurtrières du cimetière, derrière les barricades, les lignards attendent, le mauser prêt, l'œil aux aguets. Ces préparatifs gênent évidemment les projets des Allemands et leurs espions mettent tout en œuvre pour m'écarfer. Par téléphone, un de leurs agents m'enjoint, au nom de l'état-major, de me retirer de Wandre. Surpris, puisque, j'avais l'ordre de défendre le pont à outrance, je demande la communication avec le quartier général. - « Jamais, s'écrie le général Léman, quand on lui transmet ma question, jamais je n'ai donné pareilles instructions. Croyez-vous que Collyns soit encora là-bas et que je peux compter sur lui? » Je fais assurer au général que je ne partirai que sur son ordre formel. A mon retour au pont, mon étonnement est extrême: des individus enlèvent les véhicules composant la barricade. Furieux, je les interpelle; ils prétendent agir sur l'injonction du commissaire de police. J'apostrophe ce dernier et lui reproche sa conduite: « On ne sait plus à quoi s'en tenir, replique-t-il avec mauvaise humeur; le général vient encore de me téléphoner que le pont doit être débarrassé. » - « Monsieur le commissaire, lui dis-je, je vais donner l'ordre aux sentinelles de tirer sur tous ceux qui toucheront aux barricades et je vous rends responsable de ce qui arrivera ». Mon attitude énergique fait heureuse impression et personne ne tente plus de désobéir. La journée du 5 août se passe sans autre incident. Prévoyant une attaque de nuit, j'inaugure un nouveau système d'éclairage et fais amonceler, sur plusieurs points, hors de la vue de l'ennemi, des tas de paille imbibés de goudron, que des sentinelles allumeront en cas d'alerte. Aucun renseignement ne me parvient, si ce n'est que l'ennemi bombarde violemment les forts. A proprement parler, ma position du pont de Wandre constitue une deuxième ligne de défense, car, en avant, à une certaine distance, des troupes de forteresse occupaient le terrain entre le fort de Pontisse et la Meuse. Je n'avais qu'une médiocre confiance dans la valeur de ces soldats, provenant encore de notre ancien système de recrutement, et qui, après avoir quitté le régiment pendant de longues années, avaient pris les armes depuis quatre jours. Mon appréciation était juste. A minuit, une fusillade nourrie éclate à l'avant, et peu après, les troupes de forteresse cherchent à gagner la ville par les voies que je défends. Je cours à leur rencontre et les somme de regagner leurs positions, menaçant de mort ceux qui désobéiront. Les troupes repartent; l'obscurité m'empêche de vérifier si elles reprennent leurs postes, et elles en profitent pour se glisser sur le flanc gauche. Vers 1 heure, mes sentinelles tirent des coups de feu et, au même instant, les différents bûchers s'allument. Alors commence une fusillade intense, partant surtout de la route principale Herstal-Vivegnis, fusillade à laquelle répondent la mousqueterie et les mitrailleuses allemandes. Au bout de quelques minutes, le feu décroît, se perd dans l'éloigne-ment; en effet, l'ennemi est obligé de se retirer; mais il ne tarde pas à revenir en plus grande force par des rues parallèles. De nouveau notre tir l'oblige à la retraite; alors il se jette dans les jardins, traverse les maisons et s'avance par la rue qui coupe perpendiculairement la route Herstal-Vivegnis. Cette rue est balayée dans toute son étendue par les tireurs cachés dans les maisons bordant la droite de la place; après avoir subi des pertes épouvantables, les Allemands sont contraints de s'enfuir et de s'abriter dans les jardins. Déjà, d'autres troupes paraissent et tentent de forcer le passage. Les attaques se succèdent sans interruption. Aux commandements, aux ap- pels, aux cris de « Vorwaerts » se mêlent les détonations de la fusillade et le bruit sourd des corps qui tombent. Des groupes de fantassins allemands sont étendus dans les rues, à intervalles égaux, les mains crispées sur la crosse de leurs fusils, gardant leurs rangs même dans la mort. Ils sont là, étalant leur poitrine déchirée par les balles, leur éventrement hideux. Du sang gicle sur les trottoirs, sur les pavés, sur la façade des maisons, du sang partout. Des bûchers, une belle flambée illumine cette scène de carnage, les flammes dansent, sautent, s'enlacent en guirlandes d'or, faisant monter et courir le long des murailles des ombres allongées... Peu à peu, la vigueur de l'adversaire faiblit, ses efforts s'amoindrissent, ses attaques ne se produisent plus qu'à de longs intervalles. Dès que les têtes des colonnes d'assaut atteignent le rayon de notre tir, elles sont fauchées; le reste se débande, s'éparpille et court se cacher dans les jardins et les caves. Pendant une accalmie, quelques-uns de mes braves explorent les alentours et, peu d'instants après, le soldat Lange me rapporte le drapeau du 89e régiment de grenadiers mecklembourgeois, qu'il a trouvé au pied des maisons faisant face à la route de Vivegnis. Autour du glorieux trophée, le colonel, l'adjudant-major, le porte-drapeau, de nombreux officiers gisent. Je saisis le drapeau et m'avance vers mes soldats en criant: « Victoire! Victoire! » Un enthousiasme inouï! Spontanément, tous entonnent la Brabançonne entremêlée de cris de « Vive le Roi! Vive la Belgique! Vive le major »! Des officiers courent à moi pour me féliciter et, pourquoi ne l'avouerai-je pas, dans une exaltation qui leur fait oublier toute hiérarchie, des soldats s'élancent sur moi et m'étreignent les mains. Ah! les braves garçons! Le feu se ralentit de plus en plus et, vers 8 heures du matin, l'ennemi bat définitivement en retraite. Alors commence dans les jardinets des maisons une étrange chasse à l'homme. Des Boches sont cachés dans les buissons, tapis derrière des tas de feuilles; les uns lèvent les bras en criant: « Kamarade, nicht schiessen! » D'autres, au contraire, se défendent jusqu'à la dernière extrémité. Dans un jardin, une douzaine refusent obstinément de se rendre et sont massacrés. Après avoir confié le drapeau à l'ingénieur Hiard qui se charge de le porter au général Léman, je parcours les rues de la ville. Des brancardiers relèvent les blessés allemands et les pansent. Près de la place, j'assiste à une scène pénible. Voyant un infirmier s'approcher, un officier allemand lève son pistolet; l'autre le lui arrache, mais pendant qu'il appelle un de ses collègues à son secours, le Boche saisit un canif et se coupe la gorge. Des casques, des sabres, des fusils, des débris de toute espèce jonchent le sol et je ne peux résister à la tentation d'en envoyer un lot à l'Hôtel de Ville de Liège. A ce moment j'apprends des nouvelles alarmantes: on m'annonce que le général Léman a été l'objet d'une tentative d'assassinat; que les Allemands ont pénétré dans Liège, que déjà ils occupent Herstal et menacent de me couper. Malgré notre succès, notre situation est périlleuse. Quoi qu'il en soit, j'ai donné au général Léman l'assurance formelle que je garderais le pont, je suis décidé à tenir mon engagement. Je préviens le gouverneur de ma position, je lui annonce que les Allemands se sont retirés et se tiennent vraisemblablement à une certaine distance de mes lignes, que je vois la possi- bilité de me porter en avant et de les rejeter sous le feu du fort de Pontisse; mais que je ne peux entreprendre cette attaque que si j'ai la certitude que les hauteurs de Wandre, situées sur la rive droite, sont encore au pouvoir de nos troupes, sans quoi je m'expose à ce que l'ennemi passe le pont et me prenne à revers. Successivement, j'envoie au quartier général un, deux, trois cyclistes; à mon grand dépit, je ne reçois aucune réponse et n'ose sortir de mes abris. Vers 10 heures, survient le capitaine Gross-man, ancien officjer de mon bataillon, passé lors de la mobilisation au 2e bataillon du 32e de ligne: « Mon major, dit-il, j'étais établi sur la rive droite de la Meuse et j'ai reçu l'ordre de me retirer; mais ayant appris en même temps que vous étiez sur l'autre rive, je viens me mettre à votre disposition. Mon major, ne me remballez pas, utilisez mes 150 hommes. » Ce secours tombait à pic. « Grossman, répiiquai-je, je vous reconnais bien là. Je suis très content de votre démarche. Nous avons réussi à Visé, ici nous avons pris un drapeau et fait de nombreux prisonniers, je vais vous donner l'occasion de vous signaler. Voici la situation: L'ennemi est en pleine retraite devant moi, mais mon flanc gauche et mes derrières sont menacés et je sais qu'une force allemande assez importante se trouve au cimetière de Rhèes et peut me tourner. Portez-vous par Basprial vers les hauteurs, déblayez le terrain des partis qui s'y trouvent, contenez à tout prix les troupes qui occupent Rhèes et cherchez à leur en imposer. J'ai dans l'idée, Grossman, que vous allez faire un bon coup. » Le commandant partit immédiatement avec sa compagnie, et, vers 1 heure de l'après-midi, il repassait le pont, suivi de 400 prisonniers dont 7 officiers, parmi lesquels le lieutenant comte de Moltke, petit-fils du célèbre maréchal. « Je vous félicite de tout cœur, Grossman, lui dis-je, et, pour votre récompense, vous mènerez les prisonniers à Liège. » Quelques instants plus tard, je reçus avis que le général Bertrand se transportait avec sa brigade sur la rive gauche, que je devais couvrir son passage par le pont de Wandre et former ensuite l'arrière-garde de ses troupes qui se retiraient vers Ans... http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_02.htm | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:54 | |
| http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_03.htm de la revue ‘Revue de la Presse', du No. 142, 28 juin 1918 'La Belgique Héroïque et Vaillante' 'l'Attaque des Bureaux de la 3e Division Liège' Recueillis par le Baron C. Buffin le général Leman et son quartier-général à Liège l'Attaque des Bureaux de la 3e Division LiègeD'après les récits du général-major Stassin, des commandants Vinçotte et Buisset, des capitaines Lhermite et Renard, de l'adjudant Burlet, du soldat Poncelet. 6 Aout 1914Quel spectacle inoubliable offre la rue Sainte-Foi, le 5 août 1914! Par les quais, par les rues Saint-Léonard et Defrecheux, des officiers et des soldats, couverts de poussière, se précipitent vers les bureaux de l'état-major de la position fortifiée. Agités, fiévreux, ils se faufilent hâtivement à travers la foule de jenes gens entassés dans la rue, qui, la cocarde tricolore à la boutonnière, criant et chantant, viennent offrir leur vie pour la Patrie. Partout régnent l'entrain, la confiance, la certitude de la victoire; gaiement d'un groupe à l'autre, on s'interpelle, on plaisante; des lazzis signalent l'arrivée et le départ des courriers militaires: « Rapporte-moi un casque! - Moi, je préfère une lance, j'en ferai une épingle à chapeau pour ma femme ». Et des rires éclatent au milieu de cette insouciante jeunesse, où riches et pauvres se coudoient, fraternisent, entraînés par un bel élan d'enthousiasme patriotique. Çà et là, faisant contraste avec cette joie bruyante, des fermiers, des marchands de bestiaux, en blouse, bâton ferré à la main, la mine inquiète, l'air anxieux, discutent âprement le prix des réquisitions. « Place, faites place! » crie une voix autoritaire, et un gendarme tenant un pigeon blotti daris un chapeau de femme fend la cohue. A sa suite, se glissent une malheureuse en pleurs, les cheveux flottants, et un individu au regard fuyant qui se tasse, se rapetisse et répète machinalement: « Barton, barton. » « Mort aux espions! » hurle la foule, et des poings menaçants se tendent vers les Boches, qui déjà disparaissent sous le porche. Voilà que, sous la conduite d'un sous-officier, s'avancent des charrettes remplies d'armes et d'objets d'équipement. Et immédiatement circule la nouvelle que 15000 fusils ont été découverts dans une cave de la rue Sainte-Marguerite et plus de 50000 lances, selles, revolvers et mitrailleuses dans une maison de la rue Jonckeu, transformée de la cave au grenier en un véritable arsenal. Un frémissement de colère secoue la foule. A l'intérieur de l'hôtel de l'état-major règne une activité fébrile. Sans trêve ni repos, jour et nuit, les officiers peinent à la tâche. Pourquoi ne pas l'avouer? Trop confiants dans la loyauté de nos voisins, nous avons été surpris par l'ultimatum. En quelques jours, il faut tout prévoir, tout organiser. Réquisitionner des automobiles, des chevaux, du bétail, du fourrage, détruire les maisons gênant le tir, construire des tranchées et des abris, enfin préparer mille choses pour achever, compléter, perfectionner la défense des forts. Sans cesse, résonnent les sonneries du téléphone; à tout instant partent des estafettes qui sillonnent les routes et portent vers les points menacés les ordres du gouverneur. Vers minuit, la rue Sainte-Foi devient silencieuse. Dans le bâtiment de l'état-major les officiers continuent leur besogne; devant la porte stationnent encore une voiture-bureau et quelques automobiles. Tout à coup, s'élèvent des cris et des vivats. Entourée d'une foule en délire, une automobile ouverte paraît. Debout sur les coussins, l'ingénieur Hiard brandit un drapeau allemand, le drapeau du 89e régiment des grenadiers mecklembourgeois, dont un soldat du 2e bataillon du 12e de ligne, Fernand Lange, vient de s'emparer au pont de Wandre, à Herstal. Les fenêtres s'ouvrent, des têtes aux yeux bouffis de sommeil se montrent, des bras nus agitent des mouchoirs. L'enthousiasme est indescriptible. Peu à peu le tumulte s'apaise; le silence règne à nouveau. Le jour se lève et enveloppe la rue d'une lueur incertaine. De la brume surgit une automobile contenant deux lanciers qui crient à tue-tête: « Voici les Anglais, voici les Anglais! » Derrière, cinq officiers allemands s'avancent, précédant des soldats en uniforme gris, marchant sur deux rangs, fusil sur l'épaule. Des hommes et des femmes du peuple les accompagnent, leur font une joyeuse escorte et clament: « Vivent les Anglais! » Sur le seuil de la porte de l'hôtel de l'état-major, le commandant Marchand fume une cigarette. Il regarde le cortège avec étonnement. Sont-ce des parlementaires? Sont-ce des déserteurs? Hésitant, il fait quelques pas à leur rencontre. A l'état-major, les officiers achèvent leur travail, insouciants des bruits du dehors. Par hasard, le commandant Delannoy, dont le bureau, situé au deuxième étage, donne sur la rue Saint-Léonard, s'approche de la fenêtre et aperçoit une trentaine d'Allemands éparpillés dans la rue. Il bondit sur le palier et vocifère: « Les Allemands sont là! » A ce cri, le commandant Vinçotte, qui se trouve au premier, dégringole l'escalier, en armant son browning; le commandant Buisset et le lieutenant Renard le suivent. Cependant les cinq officiers allemands se dirigent à pas lents vers le commandaut Marchand, et, tout en avançant, ils glissent leurs mains derrière leur dos et s'arment, la main droite d'un revolver, la gauche d'un poignard. Parvenu à deux mètres du commandant, leur chef, un grand gaillard de forte corpulence, le major comte Joachim von Alvensleben, apprit-on plus tard, s'adresse en anglais à l'officier belge. Quels propos échangèrent-ils? On ne sait: « Vous ne passerez pas! » crie tout à coup Marchand. Et alors les officiers allemands, jetant le masque, font feu précipitamment. Les commandants Marchand et Vinçotte ripostent. Trois des officiers allemands tombent. Alvensleben se précipite vers la porte d'entrée, mais Vinçotte, à bout portant, lui tire quatre coups de revolver dans le flanc et le major s'écroule, la tête en avant: à ses côtés roule le dernier officier allemand, assomé à coups de crosse par le capitaine Lhermite. A l'exemple de leurs chefs, les soldats ennemis ont ouvert le feu, la crosse du fusil à la hanche et leurs balles, mal dirigées, écornent les murailles. De la voiture-bureau, le commandant Sauber s'élance dans la rue, met le genou en terre et décharge son browning sur les assaillants. Un Allemand se glisse le long du trottoir, s'abrite derrière les automobiles stationnées et vise Sauber. Ses balles passent au-dessus du commandant et vont frapper Marchand qui s'affaisse, atteint à la nuque et à la poitrine. A ce moment, une vingtaine d'Allemands tournent le coin de la rue Saint-Léonard et viennent prêter main-forte à leurs camarades. Dissimulés derrière une barrière Nadar, ils tirent dans les croisées et dans le couloir d'entrée. Le colonel Stassin, chef d'état- major, travaillait avec le lieutenant-général Léman dans une pièce d'arrière du rez-de- chaussée. Au bruit des détonations, il traverse le corridor, malgré une grêle de balles, et gagne la rue. Quel spectacle! Dans une mare de sang gît le commandant Marchand et autour de lui quatre officiers belges luttent intrépidement contre une trentaine d'Allemands. Le colonel n'hésite pas: avant tout, il faut sauver le gouverneur! Il rentre dans le bureau et entraîne le général dans la fonderie royale, qui est attenante; puis, aidé des capitaines de Krahe et Lebbe, les deux officiers supérieurs escaladent le mur de clôture et, par la rue Saint-Léonard, ils gagnent la gare de Vivegnis. De là, un wagonnet les mène au fort de Loncin où le gouverneur se retire. Pendant ce temps, le commandant Vinçotte, afin de couvrir la retraite du général, rassemble les soldats et les gendarmes de garde et les mène à l'attaque, secondé par les capitaines Buisset et Lhermitte et par le lieutenant Renard. Ramassant un fusil dans la rue, le commandant Hautecler fait le coup de feu de son côté. Les Belges sont dix contre trente! Néanmoins ils soutiennent le combat avec avantage. A genoux sur le pavé, accroupis sur le trottoir, abrités derrière les portes, ils évitent les balles ennemies, tandis que leur feu bien dirigé frappe de nombreuses victimes. Une dizaine des assaillants tombent. Les autres, blessés pour la plupart, prennent la fuite. Seul, un dernier, plus acharné, posté vis-à-vis de l'hôtel de l'état-major, tire obstinément dans les fenêtres. L'adjudant Burlet l'abat du balcon. Indécis sur la direction à prendre, les Allemands s'arrêtent au coin de la rue Saint-Léonard. Quelques-uns agitent des drapeaux blancs. « En avant », crie Vinçotte, et à la tête de sa vaillante petite troupe, il s'élance à la poursuite de l'ennemi. Dans la rue Saint-Léonard, deux Allemands sont en- core massacrés; malheureusement les Belges ne sont armés que de revolvers, ce qui permet aux derniers Boches d'échapper à la mort. Après avoir placé des postes aux extrémités de la rue, les officiers reviennent à l'hôtel de l'état-major et transportent le corps du commandant Marchand dans une salle du rez-de-chaussée. Le malheureux officier ne donne plus signe de vie. Il porte une affreuse blessure à la nuque et sur sa poitrine s'étale une large tache de sang. Une seconde victime, le gendarme Houba, est placée à son côté. Dans une pièce voisine deux soldats blessés sont rapidement pansés. Ensuite les cadavres ennemies sont relevés et fouillés. Dans la poche du manteau du major von Alvensleben on trouve une carte de Liège au 1/60 000 sur laquelle est tracé au crayon bleu un itinéraire de Hermée à Coron-Meuse. Les Allemands ont-iis suivi cette voie? Sont-ils parvenus à passer inaperçus dans les terrains vagues des Vignes et à s'introduire dans la ville. C'est possible. En tout cas, leur départ fut aussi mystérieux que leur arrivée et sur aucun point de l'enceinte fortifiée, on ne signala ni l'entrée ni la sortie d'une troupe ennemie. Aussi semble-t-il plus vraisemblable qu'ils-préparèrent leur expédition, cachés à l'intérieur de la ville, et la version suivante, qui courut dans le public, se rapproche sans doute de la vérité. Quelques jours avant la déclaration de guerre, raconte-t-on, des Danois louèrent un appartement à Thier à Liège; dans la soirée du 5 août, ils réglèrent leur note et déclarèrent à leur propriétaire, une brave femme sans défiance, que la ville n'offrait plus aucune sécurité et qu'ils partiront la nuit suivante. Vers 3 heures du matin, enîen-dant du bruit, la propriétaire se lève pour souhaiter bon voyage à ses locataires. A sa profonde stupeur, elle les trouve revêtus d'uniformes allemands. Sans s'expliquer, les Boches s'éclipsèrent. Etaient-ce Alvensleben et ses amis?. Quels qu'aient été les moyens employés, le coup de main tenté contre les bureaux de la 3e division fut audacieusement combiné et sans l'héroïque résistance des officiers de l'état-major et des soldats de garde, les Allemands auraient sans doute réussi à capturer le gouverneur de la place fortifiée et à s'emparer des dossiers relatifs à la défense. http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_03.htm
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:54 | |
| http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_04.htm de la revue ‘Revue de la Presse', du No. 142, 28 juin 1918 'La Belgique Héroïque et Vaillante' 'Combat de Sart-Tilman' Recueillis par le Baron C. Buffin Combat de Sart-Tilman
d'après le récit du P. de Groote, aumônier du 1er régiment des chasseurs à piedLe 4 août 1914, les habitants de Charleroi, entassés dans la rue, aux croisées, sur les balcons, acclament le 1er régiment des chasseurs à pied qui, musique en tête, part pour défendre la patrie: « Vive le Roi! Vive la Belgique! Vivent les chasseurs! » Chacun crie ce qui lui monte aux lèvres. Et les petits chasseurs, l'œil brillant, le sourire aux lèvres, défilent fièrement sous une pluie de fleurs et de rubans tricolores. Écartant les rangs de soldats, une femme tend à un volontaire une fillette de trois à quatre ans, et le père, les larmes aux yeux, embrasse une dernière fois son enfant, aux applaudissements du public. A ce moment, la foule, envahissant la chaussée, entoure les soldats et emplit leurs poches de tabac, de chocolat, de mille friandises. Les officiers, moitié riants, moitié fâchés, s'efforcent de rétablir l'ordre. Quant à moi, j'ai fort à faire: des inconnus m'agrippent, me serrent les mains, me recommandent leurs fils, me glissent de l'argent: « Prenez, prenez, c'est pour les soldats. » Je parviens à sortir de la cohue et je cours chez moi. Quelle contrariété! Ma nomination d'aumônier n'est pas arrivée. Que faire? Les soldats me réclament; dans un pareil moment, puis-je les abandonner? Tant pis, je me précipite à la gare et m'installe dans un wagon avec huit officiers. Au bout de deux heures de voyage, le train s'arrête: nous sommes à Huy. Après avoir organisé la tête de pont et protégé la destruction des ponts d'Engis et d'Hermalle, le régiment, dans l'après-midi du 5 août, est transporté par chemin de fer à Liège, gare de Longdoz. Ici aussi les chasseurs sont ovationnés et l'enthousiasme redouble quand on voit un prêtre dans les rangs. On nous place sur la route de Jupille à Bellaire, en réserve derrière la IIe brigade qui livre un violent combat aux environs du fort de Barchon. Les soldats forment les faisceaux et se couchent au bord de la chaussée. Passe un régiment de ligne: du haut de mon cheval, ja fais à ces braves un discours patriotique, qui semble leur plaire. Tous s'agenouillent devant moi et me demandent ma bénédiction. Que Dieu leur donne la victoire! Vers le soir, nous retraversons Liège, gagnons Fragnée et faisons halte dans une prairie. Il est 10 heures. Je m'allonge dans l'herbe, à côté du commandant Henseval. Depuis trois nuits, je n'ai pas fermé l'œil, je tombe de fatigue. Le commandant, qui prépare son stylo pour écrire à sa femme, remarque ma lassitude: « Dormez tranquillement, me dit-il, je vous réveillerai s'il arrive quelque chose. » Je ne me le fais pas dire deux fois. Dix minutes plus tard, retentit un vibrant appel: « Aux armes! aux armes! » Que se passe-t-il? Je bondis sur mes pieds et m'im-forme. L'état-major allemand, ayant échoué à l'est, emploie une de ses manœuvres favorites et développe son action par son aile gauche, vers un secteur plus vulnérable, celui d'Embourg- Boncelles. Effectivement, de notre position de rassemblement de Fragnée, nous apercevons vers Boncelles les lueurs des shrapnells lancés de part et d'autre. Nous sommes envoyés avec le 4e chasseurs à Ougrée. Je m'avance en tête de la colonne, derrière le général Massart. Une pluie torrentielle nous inonde; l'eau ruisselle, se déverse à flots sur nos têtes. N'importe! Nous continuons notre marche, le long de la route qui s'étend blanchâtre entre deux rangées d'arbres. Lancée à toute vitesse, une auto survient. C'est le commandant Marchand, attaché à l'état-major du lieutenant-général Léman. « Les lignards sent débordés à Sart-Tilman, dit-il au général, il faut que les chasseurs défendent à tout prix le hameau. - C'est le sacrifice que vous demandez? interroge Massart. - Oui, mon général. - Eh bien, soit. En avant! » Le commandant du régiment, le colonel Jacquet, parcourt rapidement les rangs, stimulant l'ardeur des soldats, proclamant son bonheur et sa fierté de marcher à leur tête. Voulant joindre l'exemple à la parole, il se place à l'avant-garde et s'avance prudemment à travers un terrain inconnu et accidenté, dans lequel auraient pu s'infiltrer des patrouilles adverses. Sart-Tilman est la clef d'un plateau boisé, dont le débouché est couronné d'une série de redoutes et de tranchées hâtiyement construites et dont le champ de tir est incomplète- ment dégagé. Nous traversons le hameau vers minuit. Dès la sortie, le major du 1er bataillon déploie trois compagnies dans les intervalles des redoutes, face aux bois de Saint-Jean et de Sclessin, et en garde une en réserve. De ce côté, le vacarme est assourdissant. Tout gronde, fusils, mitrailleuses, canons: dans la nuit sombre, l'éclatement des shrapnells illumine le ciel de lueurs sanglantes. A droite et à gauche, les forts de Boncelles et d'Embourg semblent enveloppés d'une ceinture de flammes. Par intervalle, on entend dans la nuit claire le son lugubre des fifres sonnant le ralliement et la marche en avant. C'est un spectacle grandiose et saisissant. C'est la guerre dans toute sa tragique beauté! Le déploiement des chasseurs s'opère comme sur la plaine d'exercices. Par pelotons, ils escaladent les pentes; de-ci, de-là, gît un cadavre de soldat belge. - « Halte! » Maintenant, établis dans une position avantageuse, abrités autant que possible, ils tirent au jugé et pour cause. On n'aperçoit aucun des soldats ennemis; cachés dans des tranchées, c'est à peine si leurs têtes dépassent le parapet. Mais voilà que des lignards, traînant des mitrailleuses, fuient à toutes jambes, en criant: « Les Allemands sont là! Sauve qui peut! » Impossible de les arrêter, c'est une véritable débandade. C'étaient, nous l'apprîmes depuis, des Allemands déguisés en soldats belges, qui cherchaient à provoquer une panique. Une légère hésitation se produit; les officiers se jettent au milieu des tirailleurs pour les porter en avant et les entraîner vers les positions à occuper. Un violent feu de mousqueterie les accueille, particulièrement dans le bois de Saint-Jean, dont une parcelle n'a pu être abattue. Éparpillés, les chasseurs avancent en s'abritant d'arbre en arbre, malgré la fusillade ininterrompue. Les balles crépitent et, avec un claquement sec, coupent les branches ou pénètrent dans les troncs. Je vois encore un petit caporal, touché d'une balle à la tête, d'une autre à la poitrine, se diriger, rouge de sang, vers le major Le Doseray. « Major, j'ai fait mon devoir, n'est-ce pas? Êtes-vous content de moi? » A peine le major lui a-t-il serré la main, que le malheureux s'affaisse. Je cours à lui, il est mort. La bataille se développe avec violence. Les éclaireurs allemands qui précèdent les lignes de colonnes sont chassés; mais la compagnie de droite (capitaine commandant Rochette) subit des pertes cruelles et demande du renfort. Bientôt la réserve du 1er bataillon et deux compagnies du 2e bataillon se fondent dans la chaîne; le combat se déroule jusqu'à l'aube avec des alternatives de calme et de violence; les Allemands se faufilent habilement à travers les fourrés, obligeant des patrouilles de notre réserve régïmentaire à explorer les flancs et même les derrières de nos positions. Les chasseurs se félicitaient déjà d'avoir accompli leur mission et croyaient tenir la victoire, lorsque à la pointe du jour, devant l'aile gauche, des Boches agitent des drapeaux blancs, et des sonneries retentissent: « 1er chasseurs, cessez le feu », ce qui surprend les officiers et suspend un instant le feu de nos tirailleurs; tout de suite on comprend que c'est une nouvelle ruse, que les Allemands imitent nos sonneries, et le combat recommence. Peu après, des groupes ennemis, qui se sont glissés à la faveur de l'obscurité dans les maisons encore intactes de Sart-Tilman, prennent à revers nos tranchées et nos explorateurs de terrain. Il y a un moment de désarroi; un chasseur de la réserve tombe aux pieds du colonel, face contre terre, se disant frappé dans le dos par des camarades. Pour faire renaître le calme et la confiance, le commandant du 2e bataillon envoie un peloton en reconnaissance vers la ferme de la Cense-Rouge; celui-ci revient sans avoir rien aperçu, mais ayant perdu des hommes atteints par derrière; un autre peloton visite le champ d'avoine attenant à la ferme; notre adjudant-major parcourt les jardins; dans les maisons, on voit des militaires dont la tenue ressemble étonnamment à celle des chasseurs. Le colonel les invite à descendre et à faire le coup de feu sur la ligne: ils refusent. On enfonce les portes, mais le tir à bout portant de ces faux chasseurs oblige à reculer. Les capitaines Fleuracker et Rochette, les lieutenants Sohier, Pereaux, Dufrane sont tués. Il faut se résoudre à retirer la réserve et à commencer l'attaque des habitations pied à pied, sans être munis des moyens incendiaires ou asphyxiants dont les Allemands sont si largement pourvus. Puis, les événements se précipitent, des mitrailleurs allemands, postés à 400 mètres nord-est de Sart-Tilman, et protégés par une haie de fils de fer, lancent leurs rafales dans le hameau et sur ses abords; le capitaine Vergeynst, suivi de quelques hommes courageux, s'élance au pas gymnastique vers eux et parvient à abattre le commandant boche ainsi que ses mitrailleurs; malheureusement, dans nos rangs les ravages ont été considérables. La réserve régimentaire, un instant dispersée, se rallie autour des officiers pendant que la première ligne exécute une furieuse contre-attaque, qui dure encore lorsque, vers 5 heures, le 3e bataillon avec le drapeau, les mitrailleuses et l'artillerie de la 15e brigade mixte, débouchent du bois Saint-Laurent et commencent l'attaque des tranchées abandonnées; celles-ci sont reprises. A ce moment, le capitaine Henseval, commandant la 3e compagnie du 3e bataillon, aperçoit un drapeau blanc au milieu d'un groupe d'Allemands qui lèvent les bras en criant: « Kamarades! Kamarades! » On leur fait signe d'approcher, mais, comme ils ne bougent pas, Henseval, accompagné d'une dizaine d'hommes, s'avance pour les prendre. Il est sur le point de les atteindre, quand les Alle- mands se jettent à plat ventre, démasquant une mitrailleuse qui fauche le petit groupe belge, y compris le capitaine, qui reçoit plusieurs balles en pleine poitrine: de ces braves, un seul échappe à la mort. A gauche, vers Boncelies, des masses grises piétinent les champs de betteraves. Ce sont les 73e et 74e régiments d'infanterie allemande qui, en rangs serrés, poussant des hourrahs, montent à l'assaut du fort. Les obus, les mitrailleuses creusent des trouées dans les colonnes des assaillants. A la voix des officiers, les bataillons serrent les rangs et poursuivent leur marche sans arrêt. Trois fois, les lignes sont rompues, trois fois elles se reforment; enfin, décimées elles viennent s'effondrer près des fossés. Seuls, une centaine d'hommes restent debout; démoralisés, privés d'officiers, ils agitent un drapeau blanc. Le capitaine Lefert, coirimandant du fort, et le lieutenant Montoisy, grimpent sur les banquettes et, à leur vue, les Allemands lèvent les bras. En même temps, deux coups de feu partent on ne sait d'où; le capitaine tomhe, une balle dans chaque cuisse. Cependant, les Allemands se rendent et, à la file indienne, ils disparaissent à l'intérieur du fort. L'assaut a échoué. L'ennemi se retire vers 7 heures et ne tente plus que de rares contre-attaques; les chasseurs restent maîtres du terrain; leur drapeau flotte devant Sart-Tilman. Hâtivement, je parcours le champ de bataille. Quel abominable tableau! Autour des tranchées, des cadavres belges et allemands sont amoncelés et forment des parapets de trois mètres de haut. Je descends dans une tranchée: une mare de sang, un amas de corps enchevêtrés. Hélas! que de petits chasseurs sont là, pauvres garçons que des mères anxieuses attendent au foyer. Enjambant les cadravres, je panse et j'encourage nos blessés. Résignés, ils souffrent sans se plaindre, mais avec quelle angoisse ils me regardent de leurs yeux aux prunelles déjà troubles! Avec quelle ferveur se joignent nerveusement leurs mains pour une dernière prière! Quand j'adresse quelques mots dans leur langue aux blessés allemands, éclate un tapage assourdissant. Ils pleurent, gémissent, se lamentent, et, me prenant pour un des leurs, me chargent d'adieux pour leurs parents, pour leurs femmes, pour leurs enfants. Ils s'accrochent à moi, me baisent les mains, me supplient de ne pas les abandonner. Je m'enfuis de cet enfer et, de nouveau, je sillonne le champ de bataille, à la recherche de blessés à panser, de mourants à administrer. Là, devant moi, gisent plus de 5 000 soldats des corps de Brandebourg, de Hanovre et de Poméranie. Le sol est couvert d'un manteau gris, parsemé çà et là de taches sombres d'uniformes de chasseurs. De ce champ de douleur, des plaintes, des sanglots, des râles s'élèvent. C'est épouvantable! Couché sur le dos, les intestins s'échappant d'une affreuse plaie, un volontaire de dix-sept ans appelle lamentablement: « Ma mère, ma mère! Je voudrais te voir. » Je m'agenouille près de lui et le pauvre enfant me tend une pièce de cinquante centimes: « C'est tout ce que j'ai, c'est pour l'église où j'ai été baptisé. » Je repars. Un commandant me défend d'avancer. « Aussi longtemps qu'il reste des blessés, protestai-je, j'ai une mission à remplir. » II cède et me donne deux soldats pour ma défense. La précaution n'est pas inutile. Un instant après, un officier allemand, qui semblait mort, me tire deux coups de revolver, sans m'atteindre heureusement. Je n'ap- proche plus les officiers ennemis qu'avec une prudence extrême. Quelle que soit la gravité de leurs blessures, tous, hautains, silencieux, ont la main crispée sur leur sabre, afin d'éviter l'humiliation du désarmement. « Je voudrais être enterré avec mon sabre et mes décorations », me déclare un hauptmann mourant; je le lui promets et il meurt satisfait. Avec un dévouement admirable, les infirmières transportent les blessés et bientôt, sur la route d'Angleur, chemine un long convoi d'ambulances d'où partent, à chaque cahot, des cris et des gémissements. Vers le soir, je reste seul sur le champ de bataille. Un crépuscule sinistre enveloppe la plaine des morts. Des puanteurs animales se mêlent aux senteurs des bois; pas un murmure, pas un bruissement: partout la paix, le silence. Sur le sol raviné, creusé, tourmenté, se dressent des amoncellements de choses sombres, horribles, terrifiantes... http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_04.htm
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:54 | |
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par le capitaine.....du 14e régiment de ligneParmi les épisodes de la guerre, il en est un qui, par le brillant résultat obtenu, mérite d'être mentionné dans les pages glorieuses de notre histoire : c'est la retraite exécutée par deux bataillons d'infanterie, l'un du 14e de ligne, l'autre de forteresse, huit jours après l'occupation de Liège par les troupes allemandes, alors que l'investissement de la place semblait complet. Le 1er bataillon du 14e de ligne, après avoir organisé des travaux de défense à Werchet, dans le secteur Barchon-Pontisse, avait été envoyé dans la matinée du 4 août, dans l'intervalle Embourg-Chaudfontaine, avec mission de défendre la vallée de la Vesdre, contre les attaques qui se produiraient par la route de la Vesdre ou par celle de Ninane: aussitôt des retranchements sont élevés, des fossés creusés, de nombreux sacs de terre amoncelés, bref l'intervalle se transforme en une véritable forteresse. Le commandant, apprenant que l'ennemi s'avance vers Liège et a déjà lancé des reconnaissances dans la direction de Chaudfontaine, charge une patrouille d'explorer le bois de la Rochette, au nord-est du fort; cette patrouille rentre vers 16 heures, amenant prisonnier le baron von Zutfen, lieutenant au 2e chasseurs de Ziethen. Ce retour est acclamé, et c'est avec une vive curiosité que les soldats entourent le premier prisonnier allemand. L'ordre de retraite donné le 6 août aux troupes qui combattent dans les intervalles de la position de Liège n'ayant pas touché le bataillon, les journées des 5, 6 et 7 août sont/employées à compléter la défense de la vallée. Dans la matinée du 8 août, la nouvelle se répand que les troupes allemandes sont entrées à Liège, et des mesures sont immédiatement prises pour repousser toute agression du côté de la ville. On espère encore que, si l'ennemi a pénétré dans la place, il n'a forcé que les intervalles de Fléron, d'Evegnée et de Barchon. Mais même dans cette hypothèse, la situation du corps belge est critique et son commandant s'étonne de ne recevoir aucune instruction. D'autre part, des bruits persistants circulent, annonçant l'arrivée par Waremme de l'armée de campagne, renforcée d'un contingent français. Que croire? Des émissaires envoyés au général Léman ne reparaissent pas; les journées se passent dans une attente anxieuse; à chaque instant des renseignements apprennent que le cercle se rétrécit. Officiers et soldats sont préoccupés et se demandent avec angoisse s'ils pourront se dégager. Déjà le 10, le 11 et le 12 diverses escarmouches ont mis aux prises des détachements ennemis, qui s'approchent en abusant du drapeau de la Croix-Rouge, et des patrouilles d'une compagnie retranchée sur la route de la Vesdre, à hauteur de la borne 2. Quelques prisonniers sont faits à l'ennemi. Le 12, à 16 heures et demie, commence contre le fort de Chaudfontaine un bombardement terrible qui ne cesse que vers 21 heures et demie. Le lendemain, dès 5 heures, la canonnade reprend avec une violence inouïe, le fort saute et l'ennemi, qui l'enveloppe, monte de toutes parts à l'assaut; puis le fort d'Embourg éprouve le même sort. Enfin le 13, vers 9 heures, un courrier apporte au château Nagelmackers, où cantonne le commandant, un ordre du général Léman appelant les troupes à Awans. Au moment du départ, la 2e compagnie, qui garde les routes de Chaudfontaine et de Ninane, est enveloppée par une colonne ennemie et faite prisonnière. Les deux compagnies restantes grimpent la côte et gagnent le, château de Henné et la ferme de la Basse-Mehagne; arrivée là, la lre compagnie, qui forme l'arrière-garde, attaquée de flanc par un détachement venant de Chênée, exécute un tir à volonté sur l'adversaire, dont le feu, d'abord très nourri, devient de moins en moins intense, et qui bientôt se retire, laissant la petite colonne belge continuer sa marche vers Embourg, où elle rejoint la 3e compagnie ainsi qu'un bataillon de forteresse qui, également sans instructions, cherche à s'échapper. Ces diverses troupes, après avoir passé l'Ourthe, les unes en barquette, les autres au moyen d'une passerelle de fortune, jetée en face de l'île Rousseau, escaladent le Sart-Tilman, longent le fort de Boncelles, déjà surveillé par l'ennemi, traversent le village en ruines, repoussent les sentinelles qui occupent le bois de la Vecquée et, évitant un détachement de cavalerie, atteignent enfin les Communes. Nos braves soldats sont exténués, accablés par la chaleur, torturés par la faim, par la soif; heureusement la population, quoique ahurie de leur arrivée, fait tout son possible pour les ravitailler. La retraite continue vers le pont du Val Saint-Lambert qui, d'après divers renseignements, est défendu par une vingtaine d'hommes. Bien qu'obstrué par un train et par des défenses accessoires, il peut encore être franchi à la file indienne. Toutes les mesures sont prises pour un assaut à la baïonnette, et, au milieu de la nuit, les lignards s'avancent en silence. O surprise, il n'y a plus personne! Que sont devenues les troupes qui avaient la garde du pont? Ont-elles fui? Mystère. Quoique ce passage ait pris beaucoup de temps, ce succès encourage, et la colonne repart, dépasse Flémalle et Mons-Crofteux, et après une marche des plus pénibles, à travers des embûches de toute espèce, arrive le 14 août, vers 2 heures et demie, à Awans-Bierzt où elle cantonne, attendant les ordres du général Léman. L'ennemi a été aperçu dans les localités environnantes, aussi les routes sont gardées et d'urgentes mesures de sécurité sont prises; néanmoins la journée ne se passe pas sans incidents, et l'on doit disperser des détachements allemands qui se sont approchés du fort de Loncin, ce qui nous occasionne quelques pertes. Des renseignements recueillis de différents côtés annoncent que l'ennemi s'efforce de couper la retraite. Dans ce cas, il ne reste plus qu'à combattre jusqu'à la mort; les sol- dats et les officiers sont soucieux; ils craignent de n'avoir pas rendu à la patrie tous les services qu'elle est en droit d'attendre de ses défenseurs. D'autre part, le bombardement du fort de Loncin, qui a commené vers 15 heures, croît rapidement en intensité, et pour des militaires qui ont assisté à l'écrasement de Chaudfontaine, il paraît certain que Loncin subira le même sort. Une résolution s'impose: rejoindre, coûte que coûte, l'armée de campagne, dont certains éléments se trouvent aux environs de Huy. Après tant d'émotions et d'excitations nerveuses, après tant de combats et de marches pénibles, les hommes sont épuisés; mais les paroles enflammées de leurs chefs et le désir ardent de ne pas tomber aux mains de l'ennemi les décident à entreprendre un suprême effort pour échapper à l'étau dont les mâchoires se referment de plus en plus. Les postes sont retirés en grand silence, entre 20 et 21 heures, et la colonne, rassemblée derrière l'église, va tenter la fortune. Les commandants des forts de Hollogne et de Flémalle sont prévenus que des troupes amies vont passer sous leur rayon d'action, essayant de rejoindre l'armée de campagne. Un itinéraire quelque peu excentrique est choisi, de façon à éviter les routes les plus fréquentées: Awans-Bierzet, Hollogne, Mons-Crotteux, Horion-Hozémont, Haneffe, Chapon-Seraing, Villers-le-Bouillet et Huy. Malgré une fatigue qui rend cette marche de nuit excessivement difficile, pas un homme ne traîne, pas un n'abandonne. Chacun a la ferme volonté de réussir. Au petit jour, la colonne est en vue de Haneffe, qui doit être au pouvoir de l'ennemi, car un peloton de uhlans est aperçu patrouillant dans la campagne. Heureusement, c'est un détachement de peu d'importance, qui, après une faible résistance, est chassé du village, et la troupe belge continue sa marche vers le sud. A 7 heures, elle surprend une flanc-garde de même cavalerie au bivouac dans un champ. A environ 500 mètres, les éléments de tête de la colonne ouvrent le feu et les uhlans, sans avoir le temps de remonter en selle, s'enfuient dans toutes les directions: gênés par leurs bottes et leurs éperons, certains tombent, se relèvent et repartent au plus vite, ce qui excite nos hommes à courir à leur poursuite. Deux cavaliers, les moins agiles, sont attrapés et emmenés prisonniers. Affolés, les chevaux se détachent, galopent en tout sens dans la campagne, et, s'il n'y avait pas sur le sol des morts et des blessés, le spectacle provoquerait nos rires. La vaillante petite troupe poursuit maintenant sa course vers Chapon-Seraing, où les soldats reçoivent quelques rafraîchissements, ensuite elle gagne Villers-le-Bouillet, indiqué comme le terme de ses peines, car, d'après les derniers renseignements, le 28e de ligne se trouve dans cette localité. Cruelle désillusion! Les troupes qui occupaient ce village sont parties depuis la veille! Heureusement, il n'y a plus que 8 kilomètres jusqu'à Huy. Encore un effort. Et lentement, les pieds en sang, épuisés de fatigue, mourant de faim, de soif, les soldats, appuyés sur des bâtons arrachés aux arbres de la route, se traînent le long de la chaussée poussiéreuse. Cette étape, la plus courte, est la plus pénible. Enfin, voilà Huy! Nouvelle désillusion. Le 28e de ligne a quitté la ville vers minuit. De la hauteur qui domine la rive gauche de la Meuse, on distingue les patrouilles ennemies. D'un instant à l'autre, des forces nombreuses peuvent surgir. Les hommes sont atterrés: par une chaleur accablante, en deux jours, ils ont accompli deux étapes de 16 heures chacune. Auront-ils la force de repartir, de continuer cette marche épuisante jusqu'à Couthuin, localité vers laquelle le 28e s'est retiré! Dans la gare, pas une machine, pas un wagon. Cependant, après des pourparlers, le chef de gare de Huy-Statte réussit à obtenir un train de Namèche, et à 12 h. 30 la colonne part en chemin de fer pour Namur. Malgré l'extrême fatigue dont ces braves sont accablés, il est impossible de dépeindre la joie qui illumine tous les visages. Rien ne prouve mieux la ferme volonté que chacun avait d'échapper à l'ennemi que le résultat obtenu dans ce suprême effort: pas un de ceux qui ont quitté Awans le 14 au soir n'a abandonné la colonne et c'est au grand complet que la petite phalange est cantonnée à Namur, au collège de la Paix, où les médecins pansent rapidement les pieds ensanglantés. Grâce à leur force de caractère, à leur endurance exceptionnelle, à leur courage extraordinaire, ces héros ont échappé à une humiliante captivité et, peu de jour après, nous les retrouvons sur les champs de bataille d'Anvers et de l'Yser, luttant avec acharnement contre l'ennemi, et prêts à sacrifier leur vie pour la Patrie. http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_05.htm
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:55 | |
| http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_06.htm de la revue ‘Revue de la Presse', du No. 142, 28 juin 1918 'La Belgique Héroïque et Vaillante' 'le Fort de Chaudfontaine Aout 1914' Recueillis par le Baron C. Buffin le Fort de Chaudfontaine - Aout 1914 par le comte Gaston de Ribaucourt, sous-lieutenant au corps des obusiers lourds Dès que la mobilisation fut décrétée, je courus au ministère de la guerre demander quels étaient les services que j'étais à même de re dre comme ingénieur électricien. 0n me co seilla de gagner aussi rapidement que possible la position fortifiée de Liège, dont la défense avait besoin de concours techniques. Arrivé dans la soirée du 3 août, je fus désigné, dès le lendemai matin, pour le fort de Chaudfontaine. Restait à m'équiper. J'allai de suite à la citadelle, qui présentait l'aspect d'une grande ruche; tous les services fonctionnaient avec le plus grand ordre et la plus grande activité, et dix minutes plus tard, transformé es artilleur, me voilà en route, le sac à la main, les jumelles au dos, passant d'un train à l'autre, jusqu'au pied de la colline qui domine le fort. Par une chaude et claire journée du mois d'août, je gravis la côte escarpée d'un pas rapide, sans même songer à admirer le paysage radieux qui se déroule autour de moi, et, au bout d'une heure, j'arrive à ce petit coin de défense que l'on nomme un fort, heureux de pouvoir mettre tout ce que j'ai d'énergie, d'intelligence et de connaissance au service de mon pays, symbolisé à mes yeux par le drapeau qui flotte au haut du mont. Tout comme ce déjà à avoir un aspect belliqueux. De-ci, de-là, des arbres fauchés dans toute leur verdeur, des treillis de fil de fer barbelé tendu dans les passes les plus accessibles, des sentinelles jalonnées qui m'arrêtent, me questionnent et me lancent un amical bonjour, dès qu'elles appre nent le motif de ma venue. Me voici conduit aux officiers par le planton de garde, reçu, installé, accueilli avec enthousiasme, avec cette fièvre d'énergie et de gloire qui caractérisèrent les combattants de la résistance héroïque. Et tout de suite, à la besogne. J'avais beaucoup à apprendre: l'observation du tir, le réglage des pièces, le mécanisme électrique intérieur des services accessoires, le repérage fougasses, des enchevêtrements de fil de fer, etc. Toutes ces études absorbèrent le reste de la matinée et ce ne fut que plus tard que je pus me rendre compte des fonctions qui m'étaient réservées. Caché dans les collines qui dominent l'est de Liége, protégé en demi-cercle par un des méandres de la Vesdre, le fort de Chaud-fontaine, de forme triangulaire, était destiné à couvrir, avec les forts de Fléron et d'Évegnée, le plateau de Hervé. Par sa position, il semblait donc devoir attirer les premiers efforts de l'enemi. Derrière le fort, dans les escarpements brusques de la vallée, on voyait se profiler un coin de Liège, celui que l'exposition du 75e anniversaire avait rendu familier à tous les Belges. En avant-plan, un peu sur la droite, à distance de 2 à 3 kilomètres, se dressait l'abbaye de Chèvremont, puis, sur les pentes, s'accrochaient les villages de Romsée, Magnée, jetant une note gaie dans le tableau avec leurs toits rouges et leur vie intense de cités faubouriennes. Un coup de téléphone vient brusquement rompre le calme, en signalant l'approche de l'ennemi: le village de Forêt, situé à l'est, devient l'objet de toute l'attention et bientôt, on aperçoit la sombre théorie des uniformes gris qui s'y infiltrent. Le commandant du fort réunit ses hommes sur les parapets, et, après quelques mots prononcés avec chaleur, il donne, devant sa petite garnison, l'ordre d'ouvrir le feu. Le premier coup de canon tiré, chacun regagne son poste en toute hâte. Désigné pour l'observation du tir, je me glisse dans la plaine et, à travers les bois environnants, j'atteins la place qui m'a été indiquée. Grâce au téléphone portatif dont je suis muni, je peux diriger ce premier tir. Déjà, au deuxième coup, les obus, et les shrapnells éclatent sur le village et, presque aussitôt, il devient évident que les feux accélérés du fort et des batteries produisent d'excellents effets. Avec mes jumelles, je vois distinctement l'ennemi s'arrêter, hésiter, puis finalement se retirer, impuissant à contrebattre un ennemi invisible. Cette défense décidée préserva peut-être le fort des assauts terribles dont ses voisins furent l'objet pendant la nuit. Ce fut un des spectacles les plus impressionnants auxquels j'assistai durant la campagne, que cette attaque simultanée de tous les forts du secteur Vesdre-Meuse. Dès le soir, elle débute par un bombardement intense de l'artillerie légère allemande, auquel toute la défense de Liège réplique avec héroïsme. La canonnade incessante est dominée par la voix plus sourde des grosses pièces de forteresse. Par milliers brillent les éclairs blafards des coups de canon, et, jaillissant à travers l'obscurité, la lumière crue des projecteurs cherche les batteries ennemies. Puis, de temps en temps, quand se produit un moment d'accalmie, retentissent les cris et les gémissements des blessés allemands empêtrés dans les fils de fer et écrasés par les mitrailleuses. Tout cela donne au tableau un caractère à la fois grandiose et affreux. Le lendemain, la matinée se déroulait plus calme, quand brusquement on signala qu'un régiment d'infanterie, se faufilant à travers bois, était venu occuper le château de Forêt. Posté sur le parapet, je règle le tir ouvert contre eux. La distance ayant été exactement repérée, c'est une proie facile, aussi le premier obus vient-il s'abattre sur le bâtiment. Comme d'une fourmilière qu'un passant aurait détruite d'un coup de pied, des myriades de Boches s'enfuient précipitamment et cherchent un refuge dans les bois du parc et dans un chemin creux voisin. Bien dirigés, les projectiles les suivent partout, les attrapent dans leurs cachettes et bientôt les pelouses sont jonchées de blessés ou de tués. De nouveau l'ennemi est contraint de disparaître, et l'on ne voit plus que des convois de voitures-ambulances qui s'avancent pour recueillir ceux que la mort n'a fait qu'effleurer. La résistance devenait cependant plus difficile, des batteries étant parvenues à s'établir sur des points suffisamment rapprochés du fort pour l'atteindre sans se découvrir. ïl fallut alors chercher de nouveaux observatoires. Je fus désigné à cet effet et, accompagné d'un brigadier, je me mis en route et je m'avançai pendant près d'une heure en me terrant avant de découvrir les positions ennemies. Ce fut mon premier contact avec les shrapnells fouillant partout le sol pour empêcher l'observation. Les Allemands tiraient par salves de quatre coups et chaque fois qu'on entendait des projectiles arriver, il fallait se coucher et se redresser aussitôt après l'explosion pour chercher l'emplacement des batteries. Enfin, je les aperçus dans un jardin de Romsée, derrière une haie. Sitôt le fort prévenu, après quelques coups de repérage, les batteries allemandes furent arrosées d'un feu tel qu'en moins d'un quart d'heure la position, jugée intenable, était évacuée par eux. , Le cercle de fer se rétrécissait cependant. Après deux jours d'efforts héroïques, la 3e division avait dû se retirer, abandonnant les forts à leur sort; aussi, menacés de toutes parts, était-il indispensable pour nous d'établir un observatoire élevé qui suppléât aux renseignements faisant absolument défaut depuis le départ de l'infanterie de couverture. A quelques kilomètres à gauche du fort, se profilait fièrement la flèche de l'église de Chèvremont. La vieille abbaye, vestige d'époque ancienne, allait aider aux puissants moyens de défense contemporains. Sur l'ordre du commandant du fort, je partis pendant la nuit afin d'établir aussi invisiblement que possible une ligne téléphonique reliant l'observatoire au fort. Tantôt insinuant le fil au travers des ronceraies abondantes à cet endroit, tantôt le traînant le long des routes, je fus assez heureux pour voir mes efforts couronnés de succès. Faire entrer le fil dans l'abbaye semblait difficile: heureusement je pus utiliser les poteaux servant à l'éclairage électrique. Remplacer le long d'un piquet le fil du paratonnerre par un fil téléphonique, puis en suivant les autres canalisations l'amener jusqu'à l'église, fut l'œuvre de la matinée et dès 10 heures du matin, après avoir combiné tout un système de cordes et d'échelles, me voilà établi au sommet de la flèche. Grâce à une ardoise enlevée, j'observe le pays à l'est et au nord- est, et par l'intermédiaire des lignes téléphoniques souterraines, je communique le moindre incident à Fléron et à Evegnée et rends ainsi de précieux services à la défense. Pendant quatre ou cinq jours, je vécus dans cette flèche, en compagnie d'un sous-officier. Deux fois seulement une patrouille belge vint nous visiter. Le reste du temps, c'étaient les Allemands qui rôdaient autour de nous. Nombreuses furent les alertes qui nous surprirent. Un jour, douze hommes d'infanterie allemande consacrèrent une demi- journée à inspecter l'abbaye pour voir si réellement aucun soldat belge ne s'y cachait. Un autre jour, au moment où nous regardions par la fenêtre, nous aperçûmes une patrouille ennemie qui nous observait. Ce fut un moment émotionnant. Que faire? Se retirer, c'était modifier d'une façon quelconque l'aspect de la fenêtre; rester, c'était se trahir et s'exposer à la mort. Ce supplice dura une demi-heure. Un instant même, je vis les six hommes de la patrouille mettre la fenêtre en joue; heureusement se ravisant, le sous-officier n'ordonna pas le feu. Notre immobilité nous avait sauvés! Deux hommes qui avaient inspecté la tour, ayant rapporté à leur chef qu'il n'y avait rien ae suspect, les sept Boches s'éloignèrent lentement, en chantant. Le 11 août nous devint fatal. Le matin, vers les 6 heures, bien que j'eusse eu la pru- dence de me cacher dans une chapelle fermée,, je fus remarqué par un homme des environs. Deux heures après, comme je me trouvais à mo poste d'observation, je constatai que l'abbaye, et surtout l'église, était devenue l'objectif de l'ennemi. Après trois ou quatre coup de réglage, un premier obus vint atteindre le toit de l'église et bientôt les salves se succédèrent rapidement. J'étais à ce moment occupé à rechercher une batterie ennemie qui, de Beau-Tilly, bombardait Fleron. Et tandis que je donnais des indications sur ce point, je fus contraint de grimper dans le clocher qui seul encore échappait aux coups. Des batteries cachées derrière la gare de Chenée détruisaient l'abbaye. Quels instants terribles je passai ainsi! Seul, dans ce clocher, car mon compagnon était allé chercher son repas et ne pouvait plus me rejoindre, je restai aussi longtemps qu'il me fut possible de donner des indications utiles. Pendant deux longues heures, les projectiles pleuvent sur l'abbaye. Bientôt le clocher lui-même est atteint; un brisant éclate dans la charpente au-dessus de ma tête, m'enlève mon bonnet de police et brise le téléphone que j'ai devant moi. Presque enseveli sous des monceaux d'ardoises et de bois, je suis comme assommé par la violence du coup et je crois ma dernière heure arrivée. Seulement alors, je songe à ma position tragique et, me retournant, j'aperçois le toit du chœur en feu. Il est temps de me sauver. En descendant l'échelle je remarque que je suis légèrement blessé au genou, une large écorchure superficielle. Je rassemble ce qui me reste d'énergie; je dégringole rapidement et, fuyant au travers des débris qui tombent de toutes parts, je me dirige vers les caves que les Pères, les jours précédents, avaient transformées en abri. Une scène impressionnante m'y attendait: au milieu d'un souterrain, deux Pères et mon compagnon d'armes étaient agenouillés autour du Saint Sacrement, apporté de l'église au début du bombardement, et priaient. Ce fut une joie pour eux de me revoir, car ils me croyaient mort depuis longtemps. La journée du 12 août se passe tristement; plus d'observation possible. Les grosses pièces ont commencé leur tir et l'agonie approche. Lentes s'écoulent les heures où l'on tire sans aucune indication, avec les pièces restant en service, tant pour consommer les munitions que pour essayer dç nuire à l'ennemi: Chaudfontaine est du reste gravement atteint. Vers 9 heures, tandis que je me trouvais dans la chambre de tir des officiers, une secousse accompagnée d'un bruit formidable ébranle toute la partie interne du fort. Un gros 38 est venu éclater dans la chambre aux poudres: le fort saute! Jeté contre le mur opposé, je me traîne vers la porte à travers les débris. Avec un autre officier, je traverse le vestibule, jadis transformé en caserne, et un affreux tableau s'offre à mes yeux. Au moment de l'explosion, cent quarante hommes de la garnison étaient là, étendus sur de la paille ou sur des matelas, et dans une tragique horreur, je vois toute jcette salle en feu. Paille, matelas, soldats, tout brûle! Dans ce brasier, des malheureux se débattent, les vêtements en flammes, véritables torches vivantes! A peine pouvons-nous en tirer un hors de la fournaise. Horrible mort, digne des martyrs de l'antiquité! Du milieu de l'incendie, dominant les gémissements, les plaintes, les hurlements de douleur, on entend retentir des cris suprêmes de: « Vive le Roi! Vive la Patrie! » http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_06.htm | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:55 | |
| http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_07.htm de la revue ‘Revue de la Presse', du No. No. 145, 18 juillet 1918 'La Belgique Héroïque et Vaillante' 'Fort de Loncin' Recueillis par le Baron C. Buffin carte postale allemande de la prise du fort de Loncin Fort de LoncinD'après les récits des médecins militaires: Maloens, de la 3e batterie d'obusiers lourds; Courtin, du 1er chasseurs à pied; Rotkam, du 14e de ligne; Defalle, directeur de l'ambulance de la crèche municipale à Calais; du maréchal des logis de gendarmerie Krantz. Dans la matinée du 6 août 1914, le lieutenant général Léman se présenta au fort de Loncin: « Je viens d'être l'objet d'un attentat, dit-il au capitaine Naessens, commandant du fort, et je me retire à l'abri de vos canons. » Et comme le capitaine lui demandait ses ordres: « Je n'en ai pas à vous donner, déclara-t-il, dans le fort, vous êtes chez vous. Moi, je m'occupe de la défense de la position fortifiée. » Le commandant du fort rassembla aussitôt ses hommes et leur tint ce discours, en français et en flamand: « Mes amis, le général Léman nous a fait le grand honneur de se réfugier parmi nous. Livrerons-nous le général? » Cris de toutes parts: « Non, non. » - « Alors, si nous sommes décidés à ne pas livrer le général, nous devrons périr ici. Car, ou bien le fort sautera et je sauterai avec vous, ou bien les Allemands monteront à l'assaut et, quand ils franchiront les défenses accessoires au-dessus des cadavres de leurs compagnons, nous formerons un dernier carré; j'aurai sept balles dans mon browning, six pour mes ennemis, la dernière pour moi, et tous ensemble nous irons au paradis. » Petit, trapu, avec une tête très énergique et des yeux bleu d'acier, au regard scrutateur, le commandant Naessens était adoré de ses soldats, aussi son discours souleva-t-il un enthousiasme indescriptible. - « Vous allez tous jurer que vous ne vous rendrez jamais », cria-t-il au milieu du tumulte. Et un par un, les hommes défilèrent devant le commandant et prêtèrent ce serment solennel. A partir de ce moment, Naessens eut ses soldats complètement en main; ils lui étaient dévoués jusqu'à la mort et sa plus grande fierté fut de pouvoir répondre au général qui lui demandait: « Êtes-vous sûr de vos hommes? - Comme de moi-même, mon général. » C'était vrai. Ils étaient absolument emballés; si l'on demandait des volontaires pour une expédition dangereuse, il s'en présentait le double du nombre exigé et tous suppliaient le commandant de les prendre. S'il refusait, ceux qui étaient éliminés se retiraient fort dépités. Trois ou quatre de ces braves avaient formé une équipe surnommée la « bande Bonnot ». Armés de fusils et de carabines, ces lascars partaient chaque jour en automobile et servaient soit à établir la liaison entre Loncin et les forts qui résistaient encore, soit à patrouiller et à renseigner le commandant sur la présence de l'ennemi. Ils étaient d'une audace extraordinaire. Ainsi, un jour, le cheval du commandant, qui pâturait dans un enclos voisin, ayant été tué, ils se promirent de lui en amener un autre. Et, en effet, quelques heures après, ils revinrent avec deux chevaux d'officiers allemands, chargés de casques et de lances. Après les combats qui se livrèrent autour de Liège, des soldats des 1er et 4e chasseurs à pied, des 9e et 14e de ligne, des hommes perdus, étaient venus chercher un refuge dans le fort; mais, dès le lendemain, le commandant chargea un officier de les conduire à Waremme, ne conservant que sa garnison qui comprenait environ 500 hommes. C'était d'ailleurs suffisant et pendant les terribles journées du 6 au 15 août, ces soldats furent admirables de calme et d'insouciance; au cours d'un violent bombardement, le général Léman étant entré avec le commandant Naes-sens dans le massif central, vit un tableau qui l'émut jusqu'aux larmes: les hommes, disséminés par petits groupes, jouaient aux cartes ou devisaient tranquillement; dans un coin, indifférent au vacarme, un soldat jouait des « cramignons » liégeois sur une flûte et des camarades qui l'entouraient reprenaient les refrains en chœur. Le maréchal des logis de gendarmerie Krantz, attaché à la personne du lieutenant général Léman, et qui, après l'explosion du fort de Loncin, fut transporté au collège Saint-Servais, à Liège, atteint de huit graves blessures, a bien voulu me communiquer son carnet de campagne, dans lequel, jour par jour, il a noté ses impressions: 7 août. - L'infanterie de forteresse, envoyée en reconnaissance, nous signale une patrouille de uhlans se dirigeant d'Ans vers Loncin; elle est aussitôt dispersée par un de nos sous-officiers, à la tête de sa section. Nous avons appris par des hommes dévoués que l'artillerie de campagne allemande a pris position près du champ d'aviation d'Ans. 8 août. - Dans la matinée, des patrouilles allemandes s'étant avancées à Awans sont repoussées par notre tir à shrapnells et par notre infanterie. Après-midi: diverses escarmouches. A 3 heures, le fort ouvre le feu avec ses pièces de 12 centimètres sur le champ d'aviation d'Ans, où nos reconnaissances ont indiqué des batteries ennemies et des mouvements de troupes. 9 août. - Je vais à Liège et j'apprends que les Allemands amènent de l'artillerie lourde pour attaquer les forts. Je rends compte du fait au général, qui me charge de surveiller les mouvements et le passage de cette artillerie; il me donne également pour mission d'examiner si le tunnel de Nasproué, près de Dolhain, est hors d'usage, et je constate que la voie, détruite par nous, a été réparée par les Allemands, ceux-ci n'ayant pas d'autre passage pour leurs pièces de 420. L'après-midi, le fort canonne diverses batteries ennemies; nous constatons qu'un taube a atterri au champ d'aviation d'Ans; aussitôt nous dirigeons contre l'appareil un feu violent de shrapnells. Dans cette même après-midi, sur la route de Tongres, nous faisons prison-sonnière une patrouille de uhlans. Pendant la nuit, nous bombardons une masse de troupes, cantonnées dans la direction d'Awans. 10 août. - L'ennemi fait un bombardement d'une trentaine d'obus de petit calibre, sans causer d'autre dégât que d'écorner une cheminée. Le fort riposte à ces batteries établies près d'Ans. Je suis envoyé pour découvrir les mouvements de troupes et je rapporte des renseignements importants, entre autres l'installation par les Allemands d'un poste d'observation dans le clocher de l'église du plateau d'Ans; nous avons exécuté un tir sur ce clocher et nous sommes parvenus à en abattre la tour, ce qui le rend inutilisable. 11 août. - Calme. Des reconnaissances sont effectuées en auto dans toutes lès direc- tions. 12 août. - Matin, bombardement foudroyant et rapide par les Allemands. Nous ripostons coup pour coup avec grande énergie et avec un tir très précis; malheureuse- ment une de nos coupoles de 12 centimètres est bientôt détériorée; pendant un répit, nous parvenons à la réparer. L'entrée du fort est également endommagée. Nous capturons encore 4 uhlans. Pendant la nuit, bombardement réciproque. 13 août. - Nous constatons l'entrée en action de l'artillerie lourde allemande; nous subissons un violent tir de pièces de 150 millimètres, qui nous mettent deux coupoles hors de service. 14 août. - A 3 heures du matin, nous sommes bombardés par des obusiers de 280 et de 305. Le fort tremble jusque dans ses fondements, un ouragan de fer s'abat par avalanches sur la surface extérieure et les rafales perdurent durant des heures, de deux en deux minutes. Après chaque ébranlement, des fragments de béton fissuré, pulvérisé, dégoulinent sur notre tête. Une poussière .grise, mêlée de mille éclats de vitres, craque sous le pied, chatouille et dessèche la gorge et les narines. Le fort s'effrite peu à peu. Un obus de 305 milimètres pénètre dans l'infirmerie, tue et blesse plusieurs soldats; à 11 heures, le magasin d'habillement subit le même sort et successivement divers locaux sont détruits: matériel électrique, ventilateurs, pont roulant à l'entrée du fort. Dans l'après-midi, vers 3 ou 4 heures, un parlementaire demande à entrer en communication avec le commandant du fort. - « Nous préférons mourir plutôt que de nous rendre », répond le capitaine Naessens; fière réponse qui exprime le sentiment général. Vers le soir, le tir se ralentit; tout le monde peut se reposer. Toutefois, pendant la nuit, un officier d'état-major se glisse au dehors, emportant les diverses valeurs de la position. 15 août. - Quelle journée terrible! Depuis 5 heures du matin, le bombardement est continuel et par rafales; on entend quatre coups se succédant, puis les sifflements, les chutes, les explosions dans le béton. Les obus pénètrent à une profondeur de 50 centimètres et creusent des trous de 4 mètres carrés. Vers 8 heures, les chambres des soldats sont enfoncées, les lits renversés; les fenêtres, fermées par des poutrelles de fer de 18 centimètres d'épaisseur, sont brisées; l'infirmerie, la salle d'opération, la cuisine, le réfectoire, la chambre du général sont balayés. Tout est détruit, plus un endroit ne peut servir d'abri; le fort est bouleversé de fond en comble; nous sommes dans une obscurité complète, respirant avec peine, à cause de l'invasion des gaz toxiques et délétères; plus un ventilateur ne fonctionne. Il reste encore deux coupoles plus ou moins en état de riposter à la terrible avalanche de l'ennemi. Mais on ne tire plus; on ne connaît pas l'emplacement des batteries ennemies, d'ailleurs hors de portée. Dans la matinée, pendant une accalmie, nous recevons encore la visite d'un parlementaire non escorté, porteur d'un drapeau blanc. La sentinelle lui ordonne de s'arrêter et de faire demi-tour afin qu'il ne puisse communiquer aucun renseignement sur le résultat du tir adverse. Sur le refus du Boche, elle lui intime une seconde fois l'ordre de s'arrêter et, comme il n'obéit pas, elle fait feu. L'Allemand, qui a eu le temps de faire un signal avec son drapeau blanc, tombe frappé à mort. Nous croyons, et c'est l'avis de nos officiers, que ce pseudo-parlementaire venait traîtreusement repérer le tir des pièces de 420 et qu'il s'était sacrifié pour donner le point exact à l'artillerie. Immédiatement nous subissons un bombardement précis et serré de l'ennemi. C'est ce jour-là, 15 août, que les Allemands ont employé leurs fameux obusiers de 420. Parfois, on voyait le général ainsi que les officiers se promener à découvert sur les glacis du fort et observer l'ennemi, avec un sang-froid admirable et un mépris complet du danger, et, chose surnaturelle et incompréhensible, aucun ne fut atteint par les explosions qui jaillissaient de toutes parts. A 17 h. 20, le général Léman, le capitaine commandant Naessens, le lieutenant Mottard, leurs deux sous-lieutenants, divers sous-officiers et moi, nous étions au bureau du tir et, quoique le fort fût pour ainsi dire détruit, nos braves et vaillants chefs continuaient à donner des ordres; les autres se trouvaient assis dans le couloir central, attendant les événements. On entend le sifflement allongé d'un gros projectile. « Encore un », dit-on dans le couloir. Une gerbe de flammes, une secousse formidable qui nous projette tous contre le mur; puis plus rien... le silence! Ici s'arrête le journai du maréchal des logis Krantz, qui s'est évanoui et n'a repris connaissance qu'à l'hôpital. Le docteur Courtin, qui a eu la chance de sortir indemne de l'explosion, a retrouvé presque immédiatement sa présence d'esprit: « J'étais couché à terre, m'a-t-il raconté, sortant d'un évanouissement, la respiration coupée. Heureusement, un peu d'air me parvient par une fenêtre brisée. Je réussis à.me lever. A côté de moi gît le docteur Maloens, dont la figure est ensanglantée, et à qui je fais prendre quelques gouttes de cognac. Presque instinctivement les hommes ont protégé leurs yeux. Tous se souviennent de leur serment et refusent de se rendre. Un étonnant exemple d'héroïsme est donné par un petit soldat, retiré au fond d'un couloir. Noir de poudre, les vêtements en lambeaux, ayant des trous saignants en guise de prunelles, il continue à tirer dans le noir jusqu'à sa dernière cartouche. Quand on s'approche de lui, on constate qu'il a un pied coincé entre deux blocs de pierre et on doit l'amputer pour le dégager. « Pendant ce temps, quelques rescapés s'échappent par la fenêtre, après en avoir enlevé les barreaux. Connaissant le couloir, je m'avance doucement dans l'obscurité; toutes les fenêtres sont obstruées. Tout d'un coup j'aperçois un rayon de lumière qui filtre à travers des morceaux de béton écroulés. En élargissant cette ouverture, je parviens à sortir. Tout autour du fort, des malheureux courent, en flammes, à moitié fous de douleur; d'autres, à genoux, récitent des prières. C'est un spectacle épouvantable! » Dans la soirée, un colonel allemand vint annoncer à l'hôpital militaire de Liège qu'une explosion terrible avait détruit le fort de Loncin. Deux ou trois médecins, parmi lesquels le docteur Defalle, partirent immédiatement. « Déjà, m'a dit ce dernier, quelques blessés descendaient la route de Thier d'Ans, et au fur et à mesure que nous avancions, nous rencontrions plus d'autos, plus de piétons. Dans les villages, presque tous les habitants se tenaient anxieusement sur leurs portes. A Ans-Plateau, dont le clocher était rasé, nous croisâmes le général Léman, couché dans une charrette traînée par deux chevaux. Il était accompagné du commandant adjoint d'état-major Collart et d'un officier allemand. Le général, qui venait d'être retiré des décombres par un trou de l'escarpe était encore suffocant, son visage était bleu; mais il n'avait aucune blessure apparente et jouissait de toute sa connaissance. A mon arrivée, le fort était entouré de nombreuses troupes ennemies, appartenant à diverses armes, surtout au génie, et quelques soldats agitaient un grand drapeau de la Croix-Rouge, dans le but d'arrêter le tir du fort de Hollogne. « L'explosion avait surtout atteint la partie sud-est, dont les fossés étaient comblés par des débris. Le massif central était bouleversé et encombré de gros blocs de béton; la coupole était renversée. Il y avait très peu de fumée; de temps à autre retentissaient encore des détonations, causées par des magasins à cartouches explosant par suite de la chaleur. « De ces ruines sortent des gémissements, des cris inhumains. Ce sont des malheureux qui brûlent et qui supplient qu'on les sauve. Il faut soulever des blocs de pierre ou de béton, parfois scier un membre pour arriver à dégager ces braves, qui, aux trois quarts carbonisés, tout noirs, presque nus, sont transportés dans une prairie voisine, et de là dirigés vers la ville. Dans la contrescarpe, séparée par le fossé, se trouvent des coffres flanquants, dont les occupants n'ont pu rejoindre le massif central le souterrain étant obstrué. Après quelques heures de labeur, on parvient à enfoncer la grille d'aérage et à les retirer à moitié asphyxiés. » Les habitants de Loncin contemplent, atterrés, ce spectacle épouvantable, craignant, le recrutement étant régional, de reconnaître un des leurs dans ces corps tuméfiés, méconnaissables, qui, les cheveux grillés, sont extraits des décombres. Ils aident les médecins à les panser, à pratiquer des piqûres de morphine pour atténuer l'ébranlement traumatique; ils leur donnent à boire et les installent dans leurs demeures: presque toutes les maisons contiennent des blessés, qui au fur et à mesure sont menés à Liège, à l'hôpital militaire, aux ambulances des Filles de la Croix, des Jésuites et de la rue des Rivageois. Les Allemands semblent surpris de la grandeur de la catastrophe. Leurs officiers, sur- tout ceux du génie, s'efforcent de soulager les victimes. Quelques coups de fusil ayant été tirés du bois de Waroux, ils changent d'attitude, incriminent les Belges et parlent de représailles, mais nos médecins leur font remarquer que leur vie est également exposée et que cela ne les empêche pas de remplir leur devoir. Confus, les Boches se taisent. Vers 10 heures du soir, tous les blessés sont évacués. « J'étais à l'hôpital Saint-Laurent, m'a confié le docteur Roskam, lorsque vers 9 heures du soir les blessés furent apportés: l'arrivée de ces misérables, aux cheveux crépus, aux mains et au visage noircis, aux vêtements roussis, fut épouvantable. Les Allemands les prenaient pour des Sénégalais! Dans la salle d'opération, se passèrent des scènes qui nous remplirent d'horreur: en enlevant les vêtements, nous arrachions des lambeaux de chair; les jambes, les bras se désagrégeaient. Des plaies horribles, des brûlures de tous les degrés apparaissaient. Dans l'atmosphère flottait une odeur affreuse de chairs et de graisses carbonisées. Et ce qui rendait ce spectacle plus poignant, c'était le courage, le stoïcisme de tous ces hommes, qui ne se plaignaient pas. A peine revenus de l'étour-dissement dans lequel ils étaient plongés et d'où les tirait la douleur causée par le lavage des plaies au savon vert, afin d'enlever la poussière, la fumée, les débris de toutes sortes, ils s'enquéraient de leur commandant et de leur lieutenant; beaucoup avaient les larmes aux yeux en apprenant que leurs chefs étaient sauvés, et ils exigeaient qu'on les transportât dans la salle où se trouvaient Naessens et Mottard, grièvement brûlés. C'est à peine si ceux-ci purent reconnaître leurs hommes sous la poudre, ia bouffissure des traits, les escarres, les bandages. Néanmoins, ils les encouragèrent et les félicitèrent. Et c'était justice. Pendant toute la période qu'ils passèrent à l'hôpital, ils furent admirables. Brûlés au dernier degré, parfois aveugles ou borgnes, souvent le tympan perforé et souffrant d'otite, ils enduraient leurs douleurs avec résignation, sans se plaindre, sans récriminer, sans protester contre le sort; c'étaient des héros. Au moment où les premiers guéris partirent pour l'Allemagne, Naessens et Mottard, qui s'étaient promis de ne jamais quitter leurs soldats et qui durent rester à Liège pour achever leur guerison, se firent porter dans la cour à dos d'infirmiers et ainsi ils purent, avant leur départ, étreindre une dernière fois ces braves qu'ils adoraient. » http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_07.htm | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:56 | |
| http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_08.htm de la revue ‘Revue de la Presse', du No. No. 145, 18 juillet 1918 'La Belgique Héroïque et Vaillante' 'Haelen - 12 Aout 1914' Recueillis par le Baron C. Buffincarte-postale des combats à Haelen Haelen - 12 Aout 1914Après avoir défendu Liège, la 3 division a rejoint l'armée belge, qui a pris position sur la Gette: en première ligne sont placées les 1re, 3e et 5e divisions; en deuxième ligne, les 2e et 6e divisions; la 4e division défend Namur, Ces forces sont couvertes par la division de cavalerie qui, placée d'abord à Waremme, se replie sur Saint-Trond, puis sur la gauche de l'armée dont elle prolonge la ligne, du nord de Tirlemont jusque vers Diest. Le 12 août, la cavalerie ennemie cherche à forcer à Haelen le passage de la Gette: à six régiments des 2 et 4 divisions de cavalerie allemande, soutenus par les 7e et 9e bataillons de chasseurs et par trois batteries, soit 4000 cavaliers, 5 000 fantassins et 18 canons, la division de cavalerie belge oppose victorieusement 2 400 cavaliers, 410 cyclistes et 19, canons. (Voir rapport du commandement de l'armée). Depuis plusieurs jours déjà, des détachements de cavalerie ennemie sont venus audacieusement tâter en tous ses points notre ligne de déîense de la Gètte; partout ils l'ont trouvée bien gardée. Aujourd'hui, 12 août, l'ennemi s'est renforcé partout, nous disent nos intrépides reconnaissances d'officiers de guides et de lanciers, et nous avons l'impression assez nette qu'il va tenter un effort sur Haelen pour y percer notre ligne. Nous sommes sur nos gardes, et si réellement la division de cavalerie allemande espère passer par là, elle y rencontrera la masse principale de la division de cavalerie de l'armée belge. Elle nous croit échelonnés, comme les jours précédents, tout le long de la rivière, depuis Diest jusqu'à Drieslinter, mais elle ignore que, par une habile manœuvre, le lieutenant général de Witte, ne laissant aux points de passage secondaires qire le minimum de forces, s'est constitué une réserve imposante, prête à foncer sur l'ennemi. Pendant que cette masse se forme, le général de Witte remet entre les mains du colonel du 5e lanciers l'étendard que ce régiment de nouvelle formation vient de recevoir. Le jour même cette vaillante troupe mérite l'honneur de faire inscrire « Haelen » sur la soie encore immaculée. Le Terrain du CombatLe soleil, qui à son lever paraissait maussade, éclate maintenant dans toute sa splen- deur, éclairant les fermes et les métairies blanches égrenées le long de la route qui réunit Loxbergen à Haelen, en serpentant entre les champs fertiles, garnis encore en partie de leurs riches récoltes de blé et d'avoine. Le quartier général de la division a mis pied à terre à la lisière de Loxbergen, d'où la vue s'étend au loin. A gauche, une vallée étroite, dans un encadrement de peupliers et de saules; çà et là émergent quelques toits rouges. Sur la croupe qui domine la vallée, une batterie belge est installée. Les clochers de Diest lancent leur sonnerie claire et recueillie, au loin se profile dans le ciel le petit clocher trapu de Haelen. Cette bourgade, hier encore ignorée, sera le témoin de l'effort violent et brutal que fera la cavalerie allemande pour déloger la cavalerie belge et s'ouvrir le chemin vers le cœur du pays, après avoir gagné le flanc de l'armée belge que couvre la division de cavalerie. Les Allemands escomptent bien, pour aujourd'hui, une revanche de tous les succès que la division belge a obtenus pendant les huit premiers jours de la campagne. Ils espèrent tirer vengeance des Belges, qui leur ont enlevé toutes leurs reconnaissances, leurs patrouilles, leurs postes de liaison et leurs centres de renseignements, et ont désorganisé leur savant mais fragile réseau de découverte. Les Premiers Coups de FusilBientôt des lueurs d'incendie apparaissent, c'est le signal donné par les reconnaissances allemandes pour annoncer aux leurs que nous sommes en travers de leurs projets. Là-bas, nos vaillants carabiniers cyclistes sont déjà au feu et défendent chèrement les positions qu'ils occupent: avec le concours des pionniers-pontonniers cyclistes, ils ont fouillé la terre, approfondi les fossés, organisé les haies et les clôtures, barricadé les chemins et les routes, installé leurs fusils mitrailleurs aux endroits favorables et ils sont décidés à infliger un rude châtiment à l'envahisseur. Dès qu'apparaissent les premiers escadrons de dragons et de hussards, la fusillade crépite; l'ennemi, un instant, hésite; puis, poussé par ses chefs, il se ressaisit et dirige sur nos petits cyclistes le feu de ses fusils, de ses mitrailleuses et de ses canons. Les lâches hobereaux qui les conduisent ou les poussent se font couvrir par d'inoffensifs habitants qu'ils traquent devant eux, mais les carabiniers, bien dissimulés, ajustent froidement chaque coup de fusil et, chaque fois, un casque à pointe, un colback ou un schapska roule à terre, et un homme vêtu de gris s'écroule dans les moissons. « Nos diables noirs » reculent pas à pas, défendent chaque sillon, chaque buisson. carte-postale des combats à Haelen Les Charges de Cavalerie AllemandeTout à coup, l'avalanche des escadrons allemands surgit, et, dans un galop furieux, se précipite sur les fantassins, qui reçoivent le choc sans sourciller, à coups de feu et de baïonnettes. Les escadrons, entraînés par leur élan, poursuivent leur route et arrivent vers les lanciers belges, qui ont mis pied à terre, en arrière des cyclistes, et qui reçoivent la charge par un feu roulant à courte distance. Le galop de ces masses hurlantes et cliquetantes fait vibrer le sol, les longues lances acérées et tenues en arrêt semblent devoir renverser tout sur leur passage; mais, à la première décharge des carabines de nos lanciers, aidés puissamment par les quatre fusils mitrailleurs que dirigent avec sang-froid les lieutenants Scouvemont et Ouverleaux, et de loin par le feu de trois escadrons du 1re guides, placés à droite du champ de combat, la masse pirouette et se désagrège. Les premiers escadrons sont suivis d'autres. Cette deuxième charge est reçue comme la première, la troisième comme la seconde. Sept charges successives sont ainsi écrasées. Le moment est tragique, quantité de chevaux errant à l'aventure, fous de terreur et de douleur, rouges de sang, galopent éperdus; quelques-uns d'entre eux viennent bousculer les chevaux haut-le-pied de nos lanciers; la panique se propage parmi ceux-ci et, à un moment, un immense troupeau dévale dans la plaine, au milieu des coups de fusil et des éclatements secs des schrapnells. Stoïques, nos soldats rechargent leurs armes et s'apprêtent à repousser de nouveaux assauts, jetant à peine un regard de commisération aux cadavres amis et ennemis qui les entourent, aux blessés qui hurlent leurs douleurs. Nouvelles Attaques de l'EnnemiLes chefs de la cavalerie allemande, reconnaissant l'inutilité de l'action à cheval, font cesser les charges et n'envoient plus contre nous que des cavaliers pied à terre, destinés à agir par le feu de leurs carabines et soutenus par leurs mitrailleuses. Ils s'avancent dans la plaine, rampant dans les blés, se terrant dans chaque repli du sol, s'abritant derrière chaque gerbe pour échapper au feu terrible de nos courageux et adroits cavaliers. Déjà six régiments de dragons, de hussards et de cuirassiers sont engagés et avancent péniblement, quand le secours de deux bataillons de chasseurs leur est envoyé. Notre artillerie, alors, entre en action. La première batterie à cheval, maniée par un chef énergique et sûr de lui-même, envoie avec précision ses obus et ses shrapnells sur les cavaliers et les fantassins qui inondent la plaine, et, en même temps, elle couvre de ses obus brisants le pont de Haelen et le village où s'entassent alors de nouveaux régiments de cavalerie accourus pour renforcer et soutenir leurs camarades. Sous la poussée du nombre, nos cavaliers tiennent difficilement, mais ne reculent cependant pas d'une semelle et donnent à notre infanterie le temps d'arriver. Les Premiers Renforts Nous ArriventIl est 15 heures, quand enfin apparaissent les premiers secours: trois bataillons du 4e de ligne et deux du 24e, accompagnés d'un groupe d'artillerie, partis de Hautem-Sainte- Marguerite à 10 heures et demie. Une partie de l'infanterie fut dirigée sur Velpen, pour de là gagner Haelen, l'autre fut envoyée en renfort des défenseurs de la ferme de l'Yserbeek; l'artillerie soutint ces deux attaques; malheureusement, des deux batteries qui prirent position au moulin de Loxbergen, une seule put ouvrir le feu sans être immédiatement contrebattue par l'artillerie allemande qui était en position au nord de Velpen. Pendant que l'infanterie progressait vers Velpen et la ferme de l'Yserbeek, la 1re brigade de cavalerie était reformée à cheval et dirigée vers l'aile gauche du champ de bataille. La 2e brigade, qui est au feu depuis sept longues heures, se met à la recherche de ses chevaux. A 19 heures, la ferme de l'Yserbeek ou plutôt les ruines fumantes de cette ferme sont reprises par le bataillon Leconte, et le bataillon Rademaekers a reconquis Velpen. Autour de nous, des chevaux aux membres mutilés, naseaux en sang, flancs déchirés, râleat dans les fossés de la route ou dans les champs; d'autres galopent éperdument, ensanglantés et la selle ballottant entre les jambes. Puis commença le lamentable cortège des blessés, qui, l'œil hagard, se traînent péniblement vers l'arrière, tantôt seuls, courbés, marchant da- s les fossés, tantôt soutenus par des ambulanciers ou des prêtres de la colonne d'ambulance, tantôt, transportés sur des civières ou même dans leurs propres manteaux tenus aux quatre extrémités. Debout, au milieu de la route, méprisant les obus brisants qui abattent des chevaux autour d'eux, les shrapnells qui atteignent leurs chevaux de main, les balles qui sifflent dans les branches, le général de Witte et son état-major, donnant aux troupes l'exemple du mépris du danger, suivent les phases de la lutte. Déjà des débris de toutes sortes jonchent le sol, des caissons à munitions galopent sur la route pour porter aux tireurs des cartouches de ravitaillement, et sur tout le front, des incendies allumés par les obus lancent dans le ciel pur leurs lueurs sinistres et leur fumée acre. Victoire!La bataille, quand déjà le soleil descendait à l'horizon, semblait encore indécise. A ce moment, nos artilleurs observent un mouvement de recul de la ligne ennemie qui, sous la poussée de notre infanterie, commence à refluer vers le pont et le village de Haelen. Aussitôt, ils font feu de tous leurs canons vers le couloir où s'engouffrent les fuyards; ceux-ci entraînent, malgré les efforts et les menaces des officiers, les régiments de cavalerie arrivant encore à la rescousse. La fuite, à la nuit tombante, dégénère en une débandade folle qui ne s'arrêta qu'à Hasselt et à Herck-Saint-Lambert où les troupes battues se fortifièrent hâtivement pour s'opposer à toute poursuite éventuelle. Des corbeaux jettent leur croassement lugubre dans la nuit, presque noire déjà. La galopade des chevaux effarés et éperonnés cruellement par leurs cavaliers martèle le pavé. Sous la pluie incessante de projectiles belges, les dix régiments allemands, magnifiques le matin, ne forment plus qu'une cohue désordonnée qui foule aux pieds les fantassins, les morts et les blessés et abandonne les officiers et les généraux. A l'autre extrémité du champ de bataille, nous entendons s'élever les chants de victoire des troupes belges qui saluent leur premier fait d'armes. La Nuit Après le CombatPeu à peu, le champ de bataille devient muet, un voile de ténèbre, de deuil et de terreur couvre cette terre où tant d'hommes jeunes et qui, hier encore, souriaient à la vie, dorment leur dernier sommeil, ou gémissent de douleur, abandonnés. Le silence nocturne qui suit ce vacarme infernal semble plus profond que jamais; les étoiles qui déjà scintillent et la lune qui brille de tout son éclat font un contraste saisissant avec les horreurs dont nos yeux sont encore pleins. Nos pensées se précisent pendant que nous cheminons lentement, les nerfs enfin détendus, vers nos cantonnements... La marche à pied dans l'obscurité (beaucoup d'eitre nous n'ayant pas retrouvé leurs chevaux disparus ou tués dans la tourmente) ramène petit à petit le calme dans nos esprits et nos souvenirs parviennent à se condenser. Les Héros - Traits de Courage de Nos Soldats et de Nos OfficiersNous songeons alors à ce vélocipédiste, attaché au quartier général de la division de cavalerie, le brave Royer, qui se porta résolument au cœur du combat pour rapporter un officier, le lieutenant de Waepenaere, blessé à la cuisse alors qu'il entraînait au feu des fantassins intimidés et non encore faits au combat. Ce généreux soldat retourna une deuxième fois dans la fournaise pour reprendre et rapporter sur une charrette une mitrailleuse abandonnée; puis une troisième fois pour aller tuer, à coups de revolver, deux cavaliers allemands embusqués derrière des gerbes et qui avaient tiré sur lui quand il revenait avec son lieutenant d'abord, avec la mitrailleuse ensuite. Il rapporte, cette fois, les deux casques. Ce « valeureux Liégeois », qui avait accompli ces trois traits de bravoure et de dévouement sous nos yeux, n'en parla jamais; il trouvait qu'il avait fait tout simplement son devoir de soldat. Aussi fut-il très étonné quand il fut nommé caporal en récompense de sa belle conduite. Il se montra, dans la suite digne de ses débuts, allant, le jour et la nuit, aux expéditions les plus périlleuses et terminant glorieusement sa noble carrière en se faisant tuer, dans une auto blindée, au combat de Pellenberg. Nous nous souvenons aussi de ce petit soldat blessé horriblement, le bras déchiqueté, qui, de son bras valide, tendait un morceau de fusil vers le général et criait: « J'ai encore mon fusil! » Et de cet autre qui, s'appuyant sur deux infirmiers, traînait obstinément une lance allemande comme un trophée. Nous revoyons, dans nos souvenirs, ces vaillants cavaliers: Thiery et le prince Baudouin de Ligne, volontaires engagés pour la durée de la guerre comme automobilistes, demandant et obtenant l'autorisation d'aller au feu avec les fantassins, pour les stimuler par leur exemple, en levant et occupant à six une tranchée, où, pendant une heure, ils tinrent seuls contre des forces très supérieures, cherchant à prendre une mitrailleuse. Nous reportons nos pensées émues vers tant de héros dont il serait trop long de citer tous les traits de bravoure: les majors Bour-gouis et Stacquet; les commandants Demaret, Vandamme, Wacquez; les capitaines Lequeux, Panquin, Van Vlierberghen; le lieutenant Stoops et le sous-lieutenant Marrée, tués; le major Rademaekers; le commandant Dujardin; les lieutenants Mortier, M. Van Damme, A. Desmet, Ch. Albert et le chevalier de Waepenaere, blessés. Notre race belge, notre corps d'officiers montra là dès ce premier choc, dès son premier baptême du feu, toute la valeur de sa froide énergie et de sa ténacité inébranlable. Lendemain de VictoireLe lendemain, il fait déjà grand jour quand nous nous reportons en avant, vers Haelen. Un mouvement intense règne à Loxbergen; les autos, les ambulances amènent constamment leur charge de blessés à l'infirmerie, installée dans l'école. Ils sont là, couchés côte à côte, sur la paille ensanglantée, dans une atmosphère imprégnée de l'odeur des désinfectants, tandis que des religieuses, des prêtres, des médecins, des infirmiers s'empressent autour d'eux, leur prodiguant les soins et les consolations, cherchant à soulager leurs souffrances, à amener dans leurs regards éteints un éclair où se lit le souvenir de la famille absente, du toit paternel, de la femme aimée, des enfants chéris... Le cœur le plus endurci est prêt à chavirer au spectacle de ces torses nus que la douleur étreint, de ces membres mutilés, de ces bras tordus et de ces regards suppliants au milieu des linges et des bandages, parmi les bottes, les équipements, les armes jetées en tas dans un coin, sur les pupitres de la classe, où peu de jours auparavant, une jeunesse insouciante apprenait à lire et à aimer la patrie belge. Le Spectacle du Champ de BatailleAu sortir de cet antre de douleur, nous éprouvâmes une sorte de soulagement à nous retrouver à l'air libre, mais nous sommes bientôt ressaisis par le spectacle du champ de bataille. Devant l'église du petit village gisent, déjà couverts de poussière, des cadavres de chevaux, des voitures renversées, de la paille piétinée, des restes de nourriture et de feux, le chaos infâme que laisse une armée derrière elle. A la limite du village, sur le chemin de Haelen, nous vîmes les premiers cadavres d'Allemands, la face tuméfiée, les membres crispés, couchés dans les positions les plus diverses et les plus surprenantes. Voici un cuirassier tenant encore en mains un chargeur muni de ses cartouches; plus loin, un dragon, couché la face contre terre, une jambe repliée en arrière. Nous arrivons à la petite ferme que l'on se disputa toute la journée; la maison est éven- trée à coups d'obus, la grange réduite en cendres. Les porcs, en liberté, rôdent autour de cette ruine. A mesure que nous avançons vers Haelen, le nombre de cadavres augmente. A l'endroit où le choc entre tirailleurs a eu lieu, une ligne presque continue de cadavres allemands et belges montre quel fut ici l'acharnement des deux partis. Un officier du 24e de ligne et un officier de dragons sont là côte à côte. Quel est celui qui a vu mourir l'autre? Quel drame cache le voisinage de ces deux corps?... A Haelen, le drame est poignant: la plupart des maisons montrent des trous béants et des murs déchiquetés. La rue est couverte de débris de toutes sortes. Des centaines de chevaux gisent, têtes fracassées, ventres ouverts, reins brisés. Et sur tout cela, se répand une odeur nauséabonde qui étreint la gorge. Des habitants dévoués ont déjà enterré les morts dans de grandes fosses creusées près du village et ils commencent à évacuer les cadavres des chevaux. Ici, à l'angle de la rue, un caisson et un canon ont été abandonnés, roues cassées; plus loin, un autre caisson encore rempli de munitions et qu'il faudra noyer dans la petite rivière; là, dans un large fossé, un cadavre de cheval recouvre en partie le corps d'un officier de dragons, dont la tête seule est visible et émerge de l'eau croupissante. Sur la place, nous ramassons le drapeau belge qui flottait à la maison communale; il a été arraché par les Prussiens, lacéré et traîné dans la boue. Nous le faisons arborer tel qu'il est, à sa place, et nous nous inclinons profondément, ne pensant pas à ce moment qu'il sera bientôt l'emblème de notre pauvre Patrie déchirée, violée et piétinée par une soldatesque barbare. Au retour, nous parcourons le sentier tragique où nos indomptables cyclistes résistèrent héroïquement: les vélos brisés, les cadavres de nos « diables noirs » et de leurs ennemis attestent leur vaillance et le mal qu'ils firent à ces cavaliers allemands, particulièrement à ceux du 17e dragons, régiment d'élite, composé de la fleur de la noblesse du Mecklembourg. Plus loin, nous rencontrons des soldats portant sur une échelle un sous-officier de lanciers blessé au genou. Il nous raconte, le sourire aux lèvres: « J'ai passé une nuit terrible, blessé, couché dans un champ de betteraves, à côté d'un sous-officier allemand blessé aussi qui, après m'avoir injurié, me tira trois balles de revolver, puis se logea la dernière dans la tête. Il est encore là dans ce champ ». Comme ce chemin de retour nous parut long! Nous aurions voulu fermer les yeuxl Nous songions aux mères, aux sœurs, aux familles de tous ceux que nous venions de voir là, morts pour leur Patrie, victimes d'un despote sanguinaire, brutal et parjure. Pensées affligeantes qui jetèrent un voile sombre sur les sentiments de fierté que faisaient naître en nous le souvenir de notre 1re victoire? http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_08.htm
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:56 | |
| http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_09.htm de la revue ‘Revue de la Presse', du No. No. 145, 18 juillet 1918 'La Belgique Héroïque et Vaillante' 'Combat de Budingen 18 Aout 1914' Recueillis par le Baron C. Buffin Combat de Budingen - 18 Aout 1914 Mort du Lieutenant Comte W. d'Ursel
par le colonel de Schietere de Lophem, commandant le 4e lanciersLe combat de Budigen est un épisode du forcement de la Gette par les avant-gardes de l'armée du général von Kluck. L'attaque s'étendit de Diest à Tirlemont et fut particulièrement violente â Tirlemont et à Hauthem-Sainte-Marguerite. Le 17 août, vers 18 heures et demie, je reçus l'ordre de me rendre à Budingen avec l'état-major du 2e groupe du 1er guides. De grand matin, les deux escadrons sous mon commandement avaient été envoyés de Geet-Betz en reconnaissance: le 3e vers Looz, le 4e vers Oreye. C'est donc sans troupe que j'arrive à Budingen vers 19 heures et demie et je m'instalie à la ferme Dubois, où se trouve déjà un poste de secours. Le passage de la Gette, dont le pont a été détruit, est défendu par une compagnie du 4e de ligne, installée dans de bonnes tranchées, mais son commandant, le lieutenant Dothée, me prévient qu'il a pour instructions de gagner Cumptich pendant la nuit. Comme je ne peux rester seul dans une localité si accessible à l'ennemi, je lui enjoins de prolonger sa mission jusqu'à ce que d'autres troupes viennent le remplacer et j'avertis mon colonel de la situation. Dans la soirée, je reçois comme soutien le capitaine commandant de Favereau, à la tête du 1er escadron du 2e guides qui s'établit au bivouac dans un champ voisin de ma ferme et qui, après avoir soigné ses chevaux et alimenté ses hommes, relève à 2 heures et demie la compagnie du 4e de ligne: le lieutenant de Formanoir occupe le pont et la rive gauche de la Gette, le lieutenant comte d'Ursel les tranchées au sud, étendant sa surveillance jusqu'au moulin de la ferme Saint-Job, et entre eux s'intercale le peloton du lieutenant vicomte de Jonghe d'Ardoye; établi à la chapelle, à 300 mètres à l'est du pont, un poste surveille les routes de Graesen et de Léau. Pendant la nuit, aucun indice ne signale l'approche de l'ennemi et la tranquillité était complète lorsque vers 6 heures et demie arrive le 4e escadron du 1er guides (commandant van den Branden de Reeth), dont les hommes, épuisés par une pénible reconnaissance, prennent quelque repos et se ravitaillent avant d'occuper le secteur nord. Vers 7 heures, je fais une inspection des positions: la défense ne s'étend pas suffisamment vers Geet-Betz, aussi envoyé-je, à 300 ou 400 mètres plus au nord, l'élève à l'Ecole militaire baron de Crombrugghe avec une dizaine de cavaliers; d'un autre côté, près du moulin de Saint-Job, je découvre une petite passerelle que j'ordonne immédiatement d'encercler de ronces artificielles, arrachées aux propriétés voisines; ce passage devient ainsi impraticable. Partout les soldats sont à leur poste, impatients de combattre, désireux de se distinguer. Lors de mon retour le long de la Gette, une détonation retentit. C'est le lieutenant d'Ursel qui vient de tirer sur des soldats allemands, cachés dans les couverts, à quelques centaines de mètres. Je m'arme également d'une carabine et, bientôt, j'aperçois deux Allemands accroupis, se disposant à nous fusiller. J'en abats un, d'Ursel se charge de l'autre; nous tiraillons depuis quelques instants et nous avons déjà mis plusieurs adversaires hors de combat, lorsque soudain une balle siffle et produit un léger claquement à ma droite. Tournant la tête, je vois d'Ursel, étendu inanimé, sur le talus de la tranchée. Il semble mort. Le cavalier Simon s'approche, soulève le colback et découvre une plaie béante que le malheureux officier porte à la partie postérieure de la tête. Quelle pénible impression! Quel sentiment de profonde tristesse étreint le cœur d'un chef en voyant tomber à ses côtés un de ses plus braves officiers. Le combat s'est engagé sur toute la ligne, de nombreuses balles sifflent à nos oreilles. En toute hâte, je cours à la ferme Dubois et ordonne au commandant van den Branden de mener ses chevaux à la place de rassemblement, à l'ouest de la gare, et d'occuper immédiatement, avec le plus grand nombre d'hommes possible, les tranchées au nord du pont, tandis que l'escadron du 2e guides continuera à défendre celle du sud. Après avoir expédié une patrouille à cheval vers Glabeek, surveiller le cours d'eau entre ce hameau et la Gette, j'invite les médecins du poste de secours à relever d'Ursel et à le soigner. Le combat continue, violent, l'ennemi nous envoyant continuellement des balles et des shrapnells. Nos cavaliers ripostent avec précision; tous les tirailleurs ennemis qui s'avancent en dehors des couverts sont abattus. Heureusement, vers 8 heures, survient le maréchal des logis Bonnejonne, du 1er chasseurs, avec un fusil mitrailleur, qui se place en position au sud du pont, sous la direction du lieutenant de Jonghe. Quelques minutes plus tard, je reçois par téléphone l'ordre suivant: « Au cas où la ligne d'eau serait forcée, ralliement au Grootenbosch pour se porter sur Vroen et Kersbeck-Miscom », et en même temps l'avis: Commandant escadron 2e guides à Budingen. Par ordre général commandant division cavalerie, vous passez sous mes ordres et avez pour mission de défendre à outrance le pont de Budingen. Une mitrailleuse est à votre disposition. Communiquez avec moi à Geet-Betz. - Colonel 1er guides. Comme j'avais la direction du combat de Budingen, je m'attribuai ces prescriptions. Parcourant de nouveau les tranchées au sud du pont, je parviens à l'endroit où d'Ursel a été frappé. Le lieutenant, couché au bas du talus, paraît dormir; une blessure presque imperceptible marque d'un point rouge le coin de l'œil gauche. « Eh bien, d'Ursel, demandai-je, comment vous sentez-vous? » Avant même d'ouvrir les yeux il me répond: « Ah! c'est vous, major? » et j'ai la surprise de lui voir un regard clair et vif. « Souffrez- vous beaucoup? » - « Pas trop. » - « J'ai donné des ordres pour que vous soyez relevé et transporté au poste de secours. Entouré de bons soins, vous serez vite rétabli. » II me remercie beaucoup, me disant toutefois: « Si je n'en échappe point, dites à ma femme que ma dernière pensée a été pour elle. » Je le lui promets et l'assure encore que sa blessure n'est nullement mortelle et que des médecins le panseront à l'instant. En le voyant si conscient, si calme, parlant si aisément, j'espérai que la balle avait contourné le crâne et que la plaie de la partie postérieure de la tête n'était qu'un arrachement produit par la sortie du projectile. En partant, je recommande à mon adjoint, le capitaine Baes, de faire évacuer le blessé. L'attaque allemande devient plus forte et décidée; les shrapnells ennemis atteignent les tranchées; le nombre des assaillants augmente de minute en minute; à la chapelle, dont le poste de surveillance s'est replié, se présentent des masses de fantassins ennemis que décime le feu du fusil mitrailleur et des pelotons des lieutenants de Jonghe et d'Ursel. Il est 9 heures et quart. Un nouvel ordre me parvient: « Au cas où l'eau serait forcée, se rallier sur Vroen. - Le colonel 1er guides (porteur: brigadier Brewer, 1er groupe, 5e escadron). » Ayant reçu précédemment des instructions me prescrivant de tenir à outrance, j'estime que mon devoir est de résister encore. Mes cavaliers se comportent toujours très vaillamment; cependant plusieurs prétendent entendre siffler des balles dans leur dos. « Vous faites erreur, répliquai-je, le bruit que vous entendez provient des balles qui s'écrasent sur les murs des maisons avoisinantes ». Le fusil mitrailleur s'étant encrassé, il faut interrompre le tir; le maréchal des logis Bonnejonne est blessé; le lieutenant de Jonghe parvient à remettre en marche le mécanisme et tire lui-même. A 9 h. 30, je me rends sur la place du village, où se trouve le commandant van den Branden: deux obus éclatent à peu de mètres de nous. A ce moment, le brigadier Desterbeck, du 4e escadron du 1er guides, de patrouille vers Glabeek, accourt m'avertir qu'une compagnie ennemie, précédée de nombreux tirailleurs, se dirige le long du chemin de fer de Geet-Betz vers Budingen. Dès lors, mon dispositif est tourné, des forces supérieures vont m'attaquer en flanc et rendre toute résistance inutile: je donne l'ordre de retraite et désigne Grootenbosch comme point de rallie: ment. Déjà des Allemands occupent les maisons du village; d'autres ont gagné la grande ferme et les bâtiments à l'ouest de la halte. C'est donc dans des conditions désavantageuses que s'effectue la retraite des deux escadrons qui, pour regagner leurs chevaux, doivent traverser un espace déjà battu par le feu de l'adversaire. Fâcheux contretemps! Au cours du combat, un certain nombre de chevaux, affolés par le bruit de la fusillade et de l'éclatement des shrapnells, se sont échappés des mains de leurs gardes et galopent dans la plaine. Alors, sous la protection du peloton du lieutenant Terlinden, commence une poursuite folle des cavaliers derrière leurs montures. Quand, enfin, ils sont en selle et effectuent leur retraite, les Allemands cachés dans les fermes tiraillent tant qu'ils peuvent. Heureusement leurs coups, mal ajustés, ne portent pas, ce qui fait qu'un petit nombre seulement d'hommes sont frappés, plus ou moins gravement, entre autres le capitaine commandant de Favereau, qui a le bras gauche fracturé par une balle et son cheval tué sous lui. Le moment est critique, car les fantassins ennemis garnissent, de plus en plus nom- breux, les maisons voisines et nous envoient toujours aussi maladroitement d'innombrables balles. Si leur tir avait été bien dirigé, pas un de nous n'aurait échappé. Il n'y a pas de temps à perdre et une galopade rapide soustrait les escadrons aux projectiles ennemis. Comme j'étais resté un des derniers sur le lieu du combat, quand je me rends à l'emplacement des chevaux haut-le-pied, cavaliers et montures sont partis. Il ne reste plus que le maréchal des logis Keucker de Wattlet et deux ou trois autres cavaliers. Impossible de retrouver mon cheval. Pour me soustraire au danger, car les balles sifflent de plus belle, je m'abrite derrière une maison proche. Quelle veine! un cheval passe, je l'attrape, saute en selle et me dirige au galop vers le Grooten-bosch, à travers un espace découvert, frôlé par des centaines de balles. Comment échappai-je? C'est incompréhensible. Je m'arrête près d'une briqueterie et appelle à moi des cavaliers qui courent épars dans la campagne: une quarantaine d'hommes m'ont déjà rallié quand un groupe nombreux d'autres guides, revenant vers moi, me signalent la présence de cavalerie entre Dries et Miscom. A la tête de ces hommes, je me porte vers Hoogen, à cent mètres à l'Est du Grootenbosch, où je rencontre le lieutenant de Formanoir avec son peloton. Aussitôt je donne l'ordre à cet officier de reconnaître la cavalerie signalée dans la plaine. Il revient vingt minutes après et m'apprend que c'est le 1er régiment de guides qui gagne Kersbeek-Miscom. Il est environ midi. Je crois intéressant de reproduire un extrait d'une lettre que m'adressa le docteur Lepape, blessé durant le combat et fait prisonnier: « Au début de l'engagement, je me trouvais avec le docteur Spelkens, près de la ferme Dubois, aménagée tant bien que mal en poste de secours; nous nous sommes alors quittés afin de prendre les dernières mesures pour l'acheminement de nos blessés. A ce moment rares étaient les balles qui sifflaient sur la route tandis que quelques coups de feu venaient, parallèlement au chemin de fer et le railway. Ce fut de ce côté que je fus appelé en premier lieu pour donner mes soins: pendant que j'effectuais mais pansements, j'assistai à la débandade des chevaux, se cabrant et tiraillant leurs longes pour fuir; les gardes et maréchaux ferrants se démenaient en vain, puis s'efforçaient de les ralier vers le passage à niveau; pendant cette opération, je constatai la mort du maréchal ferrant Gevaert, atteint d'une balle au front. C'est au moment précis oh, voyant l'inutilité de mes soins, je me relevais, qu'une balle m'atteignit au genou; heureusement, il me fut possible, après extraction immédiate et pansement compressif, de continuer mon service. Je vis ainsi arriver des soldats en retraite, suivis à une centaine de mètres d'uniformes gris se faufilant le long du chemin de fer. D'autre part, mon ordonnance accourait m'annoncer que nous nous retirions. Rentrant alors dans la ferme, je détruisis tous les papiers y laissés par des sous-officiers surpris par l'alerte (états des cadres, feuilles à en-tête du régiment, carnets de campagne, correspondance, etc.), puis je m'acheminai vers les troupes. J'eus la malencontreuse idée d'enfourcher un cheval sans tenir compte de ma jambe; aussi quelques mètres plus loin, je tombai et me fracturai une côte. Quand je revins à moi, j'étais dépouillé de tous mes papiers et armes; la plupart des maisons flambaient et quelques Belges, enfermés dans l'une d'elles, tiraient encore. Peu après, je voyais défiler, pendant près de deux heures, des troupes d'infanterie avec mitrailleuses et canons. « Quelques constatations me reviennent à l'esprit: « 1 Les officiers allemands avaient fait croire à leurs hommes que nous étions des Français et non des Belges (les culottes rouges en témoignaient). » 2 Systématiquement les portes et les fenêtres des maisons étaient enfoncées à coups de crosse de fusil, puis les habitations étaient incendiées au moyen de rondelles empilées en paquet que portaient certains soldats; en quelques secondes, la flamme apparaissait et s'étendait rapidement. » 3 Les Allemands voulaient fusiller des prisonniers, dont un maréchal des logis, parce qu'ils avaient tiré d'une fenêtre « ce qui, disaient-ils, était contraire aux lois de la guerre »; connaissant un peu la langue aile-allemande, j'ai voulu m'interposer, ce qui m'a valu des bourrades. Je ne sais ce qui en est résulté. » 4 Sur ma demande, les Allemands ont consenti à ne pas brûler le poste de secours ainsi qu'une maison voisine habitée par une femme in articula mortis. » 5 Les soins médicaux ont été parfaits; le service d'inhumation au contraire fut défectueux, les fossoyeurs ne s'occupant pas des cadavres belges, ceux-ci devant être inhumés par les habitants: inutile de dire qu'ils étaient dévalisés. » ... En ce qui concerne le lieutenant d'Ursel, je le savais blessé sous la tempe gauche, mais j'ai appris la nouvelle de sa mort, alors que j'étais à Saint-Trond; d'après les renseignements qui m'ont été fournis, quand on a identifié le cadavre de cet officier des guides, il était atteint à la figure et au cœur. » II résulte de ce récit que les Allemands ont attaqué le pont de Budingen avec des forces considérables, que les deux escadrons de guides ont résisté avec la plus grande bra- voure et, conformément à leurs instructions, ont défendu à outrance le passage de la Gette. A mon profond regret, j'ai dû abandonner le lieutenant d'Ursel sur le champ de bataille, mais j'affirme qu'il n'avait à ce moment qu'une blessure à la tête et que s'il a été frappé au cœur, c'est qu'il a été achevé, au mépris des lois de la guerre. http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_09.htm | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:56 | |
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Recueillis par le Baron C. Buffin d'après le rapport du capitaine commandant Gilson commandant la 4e compagnie du 1er bataillon du 9e de ligneL'armée belge, forte de 2 corps, avait conservé sa position d'observation du 5 au 18 août; elle avait résisté aux attaques de la cavalerie et des troupes légères de l'ennemi. Mais attaquée par 11 corps ennemis et 3 divisions de cavalerie, soit environ 500 000 hommes appuyés par 600 mitrailleuses et 1 800 canons, elle se retira sur Anvers. Une vive action d'arrière-garde s'engagea entre le IIe corps allemand et les 9e et 14e de ligne portés vers Aerschot. Le 18 août 1914, le 9e de ligne fut chargé de protéger le flanc droit de l'armée de campagne qui se retirait vers Anvers. Le régiment quitta Kessel-Loo à 14 heures et demie, atteignit Aerschot à 19 heures et s'établit au nord, sur la rive droite du Démer: le 1er bataillon faisant face à la route Aerschot-Hersselt; le 2e un peu à l'est, défendant le Doorenberg; château habité en temps de paix, dit-on, par un officier allemand; le 3e fut tenu d'abord en réserve, mais après la reconnaissance du terrain, deux de ses compagnies prirent des positions de repli, à l'effet de rallier les 1er et 2e bataillons et de couvrir la retraite. Les renseignements qui parviennent successivement apprennent que les Allemands s'avancent par la route Aerschot-Hersselt, occupée par la 4e compagnie du 1er bataillon. Aussitôt, son commandant, le capitaine Gilson, officier de grande bravoure, qui a fait ses preuves au Congo, s'efforce de consolider sa position par des ouvrages de défense: des barricades, des madriers, des amas de terre rapportés obstruent le passage à niveau du chemin de fer Anvers-Hasselt; des fils de fer barbelés sont tendus en travers de la route menacée, dont les plaines sont battues par deux mitrailleuses, placées à gauche et à droite et protégées par des épaulements en gazon. Quant à la compagnie, elle est disposée de la façon suivante: le 1er peloton (lieutenant Fauconier) s'échelonne le long du chemin de fer Aerschot-Herenthals; le 2e peloton (lieutenant Jaquet) et le 3e peloton (adjudant Theys) se déploient sur le remblai courbe de la route de Hersselt et gardent, l'un le secteur ouest, l'autre le secteur est. Un poste de surveillance, composé de douze hommes, commandé par le premier sergent Scheenaerts, est placé à 600 mètres de la borne 2, près du moulin d'Aurodenberg, sur le faîte duquel grimpe une vigie. Enfin, des sentinelles et des patrouilles sont poussées en avant et postées sur les flancs, de façon à empêcher toute surprise. Le 19 août, vers 5 heures, la vigie signale l'approche par la route de Hersselt d'une co- lonne d'infanterie et de cavalerie allemande. Ses éclaireurs atteignent bientôt le poste de surveillance qui se replie. Au loin, s'entend le bruit caractéristique de pièces d'artillerie roulant sur le pavé. La compagnie d'avant-garde ennemie s'arrête à la lisière des couverts, à environ 400 mètres au nord du chemin de fer, tandis que, à l'extrême droite, six éclaireurs continuent à s'avancer vers le passage à niveau. Le commandant Gilson recommande à ses tirailleurs de se dissimuler et de laisser approcher les ennemis; puis, lorsqu'il les voit à une centaine de mètres, il saisit un fusil, vise tranquillement, posément, et abat trois Boches coup sur coup; épouvantés, les trois autres se précipitent dans un fossé. De nouveaux éclaireurs, plus nombreux, les remplacent immédiatement et la compagnie allemande d'avant-garde se déploie à l'est et à l'ouest de la route et engage la fusillade. Les Belges ne ripostent pas, mais la compagnie ennemie ayant fait, de toute sa ligne, et quasi sans se cacher, un bond en avant, Gilson ordonne l'ouverture du feu, fusils et mitrailleuses. Ce dernier tir est remarquable et si précis que le commandant ne peut s'empêcher de crier « bravo » au pointeur le plus proche: sous cette avalanche, la compagnie ennemie est presque anéantie. A partir de ce moment, les Allemands ne cessent d'envoyer des renforts à la droite et à la gauche de leur déploiement initial. Ils débouchent des bois à 300 ou 400 mètres au nord de la ligne belge, mais, dès qu'ils se trouvent à découvert, leur marche est para- lysée par le feu de leurs adversaires. Quatre compagnies tentent en vain le passage et se retirent dans les bois, abandonnant un grand nombre des leurs dans la plaine. Vers 16 heures, l'artillerie allemande, placée au delà de la crête, sans doute vers la borne 3, ouvre le feu d'abord sur la lisière nord d'Aerschot, ensuite plus au sud, sur l'intérieur de la ville; quelques obus éclatent même dans la ligne belge. Une demi-heure après, deux mitrailleuses allemandes sont mises en action et l'on perçoit nettement leur « taratara » au milieu des détonations de la mousqueterie. Cependant par suite de l'absence de toute fumée, les Belges ne parviennent pas à discerner leurs emplacements. Enfin, grâce à ses jumelles, le commandant Gilson découvre sur un tas de bois une des mitrailleuses ennemies: un observateur accroupi donne des indications au pointeur. Il renseigne aussitôt l'objectif à la mitrailleuse voisine ainsi qu'à quelques tirailleurs et, en peu de minutes, la pièce allemande est réduite au silence. Les Boches en amènent une autre, dont Gilson, malgré sa proximité, a beaucoup de peine à déterminer l'emplacement exact. Dès qu'il le distingue, toujours grâce à ses jumelles, il dirige lui-même le feu et atteint deux servants. Ne parvenant pas à enfoncer le front belge, les Allemands exécutent un mouvement tournant vers notre gauche. Trois ou quatre compagnies glissent le long du remblai ouest du chemin de fer de Herenthals, tandis que d'autres troupes débouchent du bois « De Heide », situé plus à l'ouest encore. En outre l'artillerie se rapproche et se poste à environ 700 mètres, à côté du moulin, dont la galerie cache un observateur. Quatre pièces exécutent un tir rapide de shrapnells exactement au-dessus de la ligne belge; les autres continuent à bombarder la ville d'Aerschot et ses lisières. Sur la crête, à l'est, se profilent dans le lointain des masses grises qui dévalent. Afin de s'opposer à ce mouvement tournant et d'empêcher l'ennemi de le couper, le colonel Flébus, commandant le 9e de ligne, envoie une compagnie occuper la voie ferrée derrière Aerschot, à hauteur du kilomètre 23. Par là, il aura une retraite sûre, si la position devient intenable. Cependant tout l'effort ennemi porte sur la 4e compagnie du 1er bataillon, dont les hommes soutiennent depuis plusieurs heures un combat fort inégal. Par un cycliste, le commandant Gilson expédie un billet au major, notifiant: « 4/1 fortement engagée, Allemands nous débordent à gauche, puis-je compter sur renfort? » Cette demande ayant été transmise au colonel, celui-ci charge une compagnie de soutenir la 4/1, mais pour arriver à l'emplacement qu'occupe le commandant Gilson, cette compagnie doit traverser une zone découverte, balayée par l'artillerie ennemie à Geymelberg, dont le tir de barrage rend toute avance impossible. En vain les hommes essaient-ils de se creuser rapidement dés abris, la mitraille prend les tranchées d'enfilade et cause de nombreuses victimes. Dans ces conditions, le colonel juge la retraite nécessaire et il ordonne aux diverses compagnies de se retirer par la voie du chemin de fer, sous la protection des troupes placées en réserve. Mais les porteurs de l'ordre destiné à la 4e compagnie sont tués en cours de route et le commandant Gilson, resté sans instructions et sans renfort, voit successivement les compagnies qui occupaient sa droite se retirer vers Aerschot. Quel sera le sort de cette troupe qui va soutenir seule le choc del'ennemi? Le rapport du commandant Gilson nous l'apprend: « En voyant, dit-il, les compagnies prendre définitivement la direction d'Aerschot, je compris que la position du régiment était devenue intenable. Deux éventualités se présentèrent aussitôt à mon esprit: a) ou bien l'ordre de retraite m'a été envoyé et ne m'est pas parvenu; b) ou bien on me laisse d'office le soin de protéger la retraite. Étant donné la situation précaire du régiment en marche sous le feu de l'artillerie allemande, situation dont le danger s'aggraverait considérablement si je cessais d'arrêter les forces importantes de l'ennemi et si Je lui laissais la faculté de se jeter sur les nôtres, je résolus de couvrir le régiment, et de lutter au besoin jusqu'à l'épuisement de mon effectif. Néanmoins, afin d'encourager mes hommes, je leur criai: « Courage, tenons encore quelques instants, « voici les camarades qui viennent nous secourir. » Mais le renfort n'arrivant pas, mes soldats se rendirent bientôt compte de l'ultime sacrifice qu'on attendait d'eux. Au milieu du fracas du combat, je leur rappelai la promesse qu'ils m'avaient faite à Liège de lutter jusqu'à la mort. « C'est maintenant, ajoutai-je, qu'on connaîtra les braves. » Tous ceux qui m'entendirent répondirent pas un geste d'approbation, par un geste de défi aux Allemands. En même temps, j'adressai à mon major deux nouveaux billets, exposant ma situation et ma résolution; ils ne parvinrent pas à destination, les porteurs furent tués dans la rue d'Aerschot dont l'entrée était littéralement soumise à une pluie de projectiles. « Vers 7 heures, j'envoyai au carrefour un soldat chargé de s'assurer si tout le régiment s'était écoulé vers le sud. Lors de ma retraite, je trouvai son cadavre à l'entrée de la ville, la tête à moitié enlevée par un schrapnell. Je le reconnus aisément à sa besace en toile blanche. » A partir de 7 heures et quart, nous fûmes quasi entourés par des forces que j'estime au minimum à dix compagnies. Le feu était devenu tellement violent qu'il m'était impossible de communiquer avec le peloton du lieutenant Fauconier, en crochet défensif à ma gauche. « Vers 7 h. 30, le lieutenant Jacquet, placé à gauche de la route, me cria que la position était intenable, que les Allemands nous avaient tournés et nous tiraient dans le dos. Je le voyais bien, cependant j'estimai qu'il était trop tôt pour lâcher prise, l'ennemi pouvant encore accrocher le régiment. J'indiquai au lieutenant Jacquet, tant par cris que par gestes, qu'il fallait encore tenir malgré tout. Cet officier me répondit « compris » simplement en faisant le salut militaire. Le combat se poursuivit de la façon suivante: les Allemands avaient amené six mitrailleuses, deux sur notre front, deux sur notre droite, deux en seconde ligne. Les pièces d'artillerie tiraient continuellement les unes sur la ville, les autres sur notre ligne. Nous atteignîmes ainsi 7 h. 55. Une de mes mitrailleuses était hors de service (manchon crevé de balles), j'essayai de sauver la seconde: les servants tentèrent de la traîner en arrière; pendant les quelques minutes que demanda ce recul, la pièce fut frappée de balles et détériorée. Nous la jetâmes dans le fossé. A ce moment, le régiment devait être hors d'atteinte, il ne me restait plus qu'à sauver ce qui me restait d'hommes indemnes. Une centaine, tués ou blessés, étaient couchés sur le remblai, à leur poste de combat; d'autres étaient allés tomber à quelques mètres en arrière. Je sifflai pour la retraite, en commandant: « Par échelon, par la gauche, nous allons battre en retraite et lentement; adjudant Theys, avec votre section de droite vous protégerez le reste de la compagnie. » A cet instant, une balle me frappa au visage. Je fis signe au lieutenant Fauconier de commencer le mouvement; il partit, suivi du peloton Jacquet, puis du peloton Theys avec la dernière section, que j'accompagnais. La retraite s'effectua sans précipitation, de la seule manière possible: en rampant; malgré cela, beaucoup d'hommes tombèrent encore sur l'espace qu'il fallait parcourir avant d'atteindre l'entrée de la ville, entrée littéralement balayée par les balles et par les shrapnells; étant resté tout à fait à l'arrière, je me collai avec sept hommes, dont deux blessés, contre une habitation; je tirai encore cinq cartouches sur les ennemis qui nous serraient de plus près, ensuite j'enlevai à un soldat tué le rouleau de cartes au 1/40 000e dont je l'avais chargé et le jetai dans un puits. Pendant une accalmie, nous nous remîmes en marche et enfin nous atteignîmes la gare déserte. Nous nous enquîmes du régiment. Quelques habitants, affolés d'ailleurs, nous assurèrent que les troupes avaient pris la route de Louvain, nous suivîmes à pied la voie du chemin de fer pendant un certain temps, traversâmes des jardins, puis nous engageâmes dans la même direction. » J'ai l'honneur de signaler en tout premier lieu l'admirable intrépidité de mes trois chefs de peloton: lieutenant Fauconier, lieutenant Jacquet, adjudant Theys. Je ne trouve pas de mots assez forts pour dire combien leur conduite a été héroïque, combien elle a été sublime. Sous un feu décimant, ils sont restés absolument calmes et, avec un mépris complet de la mort, ils ont exécuté leurs ordres et accompli parfaitement la mission de protection que nous avions le grand honneur de remplir. Leur sang-froid, leur esprit d'abnégation, leur sentiment de compréhension d'un devoir sacré s'est transmis à leurs hommes. Je me permets d'insister pour l'obtention d'une distinction honorifique pour les trois chefs de peloton, qu'ils soient morts ou vifs. « Je ne sais pas encore quels sont les survivants de la compagnie, je sais seulement que les pertes sont grandes. Je salue avec une émotion intense la mémoire des braves qui sont tombés; je salue avec respect le courage de ceux qui vivent encore. Tous, je dis tous, se sont conduits en héros. Cependant, je signale particulièrement ceux qui sont restés auprès de moi en dernier lieu: sergent-fourrier van Wynendael; caporal Deltombe (blessé); caporal Bauwens (Fernand); soldat Berlens. Ces quatre militaires m'ont soutenu, presque porté par moment, pendant la retraite, quand par suite de la grande perte de sang je commençais à m'affaiblir et que ma vue se voilait... » « Le commandant Georges Gilson » Anvers, ambulance du gouvernement provincial http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_10.htm | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:57 | |
| http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_11.htm de la revue ‘Revue de la Presse', du No. No. 145, 18 juillet 1918 'La Belgique Héroïque et Vaillante' 'Quelques Épisodes de la Retraite de Namur' Recueillis par le Baron C. Buffin Quelques Épisodes de la Retraite de Namur par le capitaine commandant d'artillerie PaulisLe bombardement de Namur commença le 21 août à 10 heures et s'adressa simultanément aux forts d'Andoy, de Marchovelette et de Cognelée, ainsi qu'aux intervalles. Le 22 août, dans la matinée, la garnison poussa des pointes vers les lignes des assiégeants; elles furent accueillies par une fusillade nourrie et par le feu des mitrailleuses. Vers 10 heures, à l'arrivée de trois bataillons français, on tenta une attaque sur Wartet, mais les troupes durent se replier et le bombardement se poursuivit sans relâche. Le dimanche 23 août, à 3 heures du matin, après les rudes combats des jours précédents, accablé de fatigue morale et physique, j'avais fini par trouver un sommeil agité; un ordre qu'on apportait me jeta sur pied: les dernières batteries disponibles devaient être menées immédiatement à la citadelle, pour la défense du réduit de la ville. C'était la fin de la résistance. Namur, écrasée par le canon, vivait ses dernières heures, la retraite des troupes mobiles allait commencer. Un nouvel ordre m'enjoignit de conduire mon détachement d'artillerie à Bois-de-Villers et d'y attendre des instructions. Dans la radieuse clarté de ce beau matin d'été, tandis que crépitait la fusillade et grondait le canon, je dirigeai ma petite troupe vers l'Entre-Sambre-et-Meuse. Mes hommes étaient silencieux et mornes. Je voyais se refléter sur leurs visages les angoisses de mon âme. Nous avions vu à Liège, après une défense héroïque, les nôtres obligés de reculer devant l'étranger. A Namur, l'histoire se répétait; là-bas, comme ici, jusqu'à la dernière minute, nous avions tant espéré l'arrivée de renforts amis! Cependant, quelle différence! De Liège, on se repliait vers le centre du pays, on restait chez soi, on allait glorieusement rejoindre les camarades de l'armée en campagne. De Namur, hélas! on s'acheminait vers la frontière, on s'éloignait de ses frères d'armes, de ses amis, de sa famille... Après Liège, dans notre détachement, tout le monde avait répondu à l'appel; en quittant Namur, nous pensions douloureusement à ceux des nôtres qui dormaient pour l'éternité à la lisière du bois des Grandes-Salles ou qui agonisaient, dans la douleur, sur des lits d'hôpital. Allons! haut les cœurs! Jetons un voile sur le passé et regardons devant nous: il faut sauver les braves gens qui me sont confiés. Les renseignements que j'avais sur l'ennemi étaient très vagues; on disait les Alle- mands d'un côté arrêtés sur la Sambre et d'un autre refoulés vers Dinant, loin de la Meuse. La vérité, telle qu'elle nous apparut bientôt, était toute différente. A Bois-de-Villers, où j'arrivai vers 9 heures, je perçus une fusillade nourrie dans la direction de Sart-Saint-Laurent; le doute n'était pas permis, les Allemands avaient forcé les passages de la Sambre. Je poussai une reconnaissance rapide vers la vallée de la Meuse; les habitants m'y ap- prirent que les Français avaient placé des avant-postes jusqu'à Profondeville, mais qu'ils les avaient retirés la veille; des patrouilles ennemies circulaient sur la rive droite. Il était donc impossible de s'engager avec une colonne sur la route de Profondeville à Dinant; cette route, courant le long du fleuve, est en effet commandée, à courte distance, par les hauteurs de la rive droite. Il ne me restait qu'un parti: retourner à Namur chercher des instructions. A une heure de l'après-midi, je me retrouvais à hauteur du fort de Saint-Héribert. Le commandant m'apprit qu'il n'avait plus de communication téléphonique avec le gouverneur de la position; il pouvait, toutefois, me donner des renseignements qu'il tenait de source personnelle: les Allemands avaient passé la Sambre par grandes masses et étaient contenus, en ce moment, entre Fosse et Saint-Gérard, par une armée française; d'autre part la Meuse avait été forcée à Dinant. La situation était donc des plus critiques pour la garnison de Namur; elle était menacée d'un encerclement complet et n'avait déjà plus qu'un seul chemin pour assurer sa retraite vers la France. Je pris la résolution de me rendre à Ermeton-sur-Biert par Arbre et Bioul, et d'y attendre les événements. En route! Au moment où je faisais remonter à cheval, je jetai un dernier regard vers la ville. Le spectacle était grandiose et terrible. Dans Namur même, de nombreuses maisons brû- laient; la citadelle était auréolée par les éclatements floconneux des shrapnells; plus loin, les villages de Champion, Bonnine, Bouge étaient en flamme; de sourdes détonations, que se renvoyaient les échos, se répercutaient dans toutes les directions. Sur tous les chemins montant de Namur et de Flawinne apparaissent les têtes de colonnes des troupes de la 4e division, qui allaient tenter d'échapper à l'étreinte de l'ennemi. Pauvre Namur! Le cœur serré, nous commençâmes alors cette longue retraite qui, par les routes de Belgique et de France, devaient nous conduire jusqu'aux environs de Paris. J'arrivai à Ermeton-sur-Biert vers 8 heures et demie du soir! je dépassai quelque peu le village et allai établir le bivouac dans un champ d'avoine. Une fusillade ininterrompue s'entendait vers le nord; sur la moitié du tour de l'horizon, les villages et les fermes en flammes jalonnaient la marche des troupes allemandes; dans la direction du sud-est, une immense lueur, tranchant dans la nuit noire, nous révélait le crime incroyable de Dinant. Pendant que quelques-uns de mes canon-niers pansaient une demi-douzaine de blessés français que nous avions recueillis à Denée, pendant que les conducteurs ramassaient un peu de paille d'avoine pour leurs chevaux harassés, je me tenais anxieusement au bord de la route, interrogeant les ombres qui passaient dans la nuit. Les bruits les plus contradictoires circulaient; d'après les uns, les troupes britanniques avaient refoulé les Allemands entre Mons et Charleroi; d'après les autres, au contraire, nous étions déjà tournés par ces mêmes Allemands. Je me trouvais depuis une heure à mon poste d'observation, quand des batteries françaises défilèrent au trot; elles se dirigeaient vers le sud. Plus de doute, les Français battaient en retraite. Quelle que fût notre fatigue, il était indispensable pour nous de suivre le mouvement. En route encore! Il nous fallut trois heures pour parcourir les 8 kilomètres qui séparent Ermeton de Rosée; la route était encombrée de caissons, fourgons, de chariots d'émigrants, de véhicules de toutes formes, qui avançaient péniblement à trois ou quatre de front; des quantités de fuyards des villages voisins, hommes, femmes, enfants, se glissaient entre les voitures et les chevaux et ajoutaient à la confusion. La nuit, particulièrement sombre, n'était coupée que par les lueurs lointaines des incendies et, de temps à autre, par les éclairs lumineux des phares du fort de Saint-Héribert, qui semblaient nous adresser un ultime adieu. A 4 heures du matin, le lendemain, nous entrions à Philippeville. Pendant la nuit, ma colonne s'était augmentée de soldats de toutes les armes ayant perdu leurs unités; ils avaient senti d'instfnct qu'ils étaient perdus s'ils ne ralliaient pas un groupement commandé. La première personne que je rencontrai, en arrivant à Philippeville, fut le chef de bataillon français Duruy, que j'avais connu jadis comme attaché militaire à Bruxelles; il devait, trois mois plus tard, se faire tuer bravement dans les Flandres, à la tête d'un régiment colonial. Je le mis rapidement au courant de ma situation, puis lui demandai des nouvelles de la bataille; elles n'étaient guère rassurantes; sous le flot envahisseur, les alliés avaient été écrasés; ils reculaient pied à pied. Des instructions à notre sujet me parvinrent bientôt; l'officier général français, qui commandait dans la région, m'ordonnait de rassembler toutes les troupes belges qui se trouvaient à Philippeville et de les conduire à Rocroi. Nous devions être rendus à Rocroi dans la journée. Trente-cinq kilomètres à faire avec des troupes marchant depuis 24 heures; mais l'ordre était formel, et j'en sentais d'ailleurs la nécessité. En route encore une fois! Avant de partir, j'allai silencieusement serrer la main à mon brave camarade Hankar, hier encore fringant sous-lieutenant de l'école d'application, gisant aujourd'hui le pied fracassé par un obus, au fond d'une voiture automobile. Je ne pouvais rien faire pour lui. Quelle terrible chose que la guerre! Je fis également déposer, à une ambulance, les blessés français que nous avions recueillis à Denée. Je ne raconterai pas ce que fut le calvaire de cette longue route et les souffrances de mes soldats exténués; il était 8 heures du soir quand nous arrivâmes à Rocroi; les hommes purent prendre leur premier repas de la journée. Il fallait aussi songer aux chevaux et leur procurer de l'avoine. Je m'accuse ici d'une incorrection qui, je l'espère, me sera pardonnée. A cette heure tardive, le magasin à fourrages était fermé et le préposé ne se croyait pas obligé de me ravitailler avant le lendemain. Nécessité ne connaît pas de loi. Fort de cette morale facile, mais indispensable à la guerre, j'ordonnai d'enfoncer la porte du magasin à fourrages et fis enlever manu militari, l'avoine qui m'était nécessaire. Honnêtement d'ailleurs, je laissai un reçu de ce que j'avais pris. Je passai la nuit, au milieu de mes hommes, sur la grand'place de la ville, mais ne pus fermer l'œil. Trop de préoccupations \assaillaient mon esprit; ce que j'avais vu et entendu en cours de route me confirmait dans l'opinion que les Allemands seraient bientôt à Rocroi et qu'il fallait encore s'éloigner vers le sud. Mais où aller? Comment faire pour rejoindre l'armée belge dont nous ne savions rien? Je n'avais même pas une carte de la région. Dès qu'il fit jour, mon premier soin fut de me mettre à la recherche d'une carte; où la trouver dans une ville endormie? J'avais déjà frappé infructueusement à de nombreuses portes, quand je rencontrai un jeune cycliste, porteur d'une carte routière du nord de la France. Je m'arrête un moment, car j'ai à faire l'aveu de ma seconde indélicatesse; je m'approchai hypocritement du jeune cycliste: - Combien avez-vous payé votre carte? - Trois francs. - Je vous l'achète, voici cent sous. - Je ne la vends pas, je ne pourrai pas m'en procurer une autre. - Dix francs? - Non! - Dans ce cas, je vous la prends! Et avant que le jeune cycliste fût remis de sa surprise, je m'emparai du précieux papier et filai comme un voleur, que j'étais. Après avoir examiné différents projets qui se présentaient à mon esprit, je m'arrêtai à celui de me rendre à Rethel: c'est un nœud important de chemins de fer et de routes; je m'y mettrais en relations télégraphiques avec notre attaché militaire à Paris et pourrais ainsi recevoir des instructions. Nous partons. Comme je l'ai dit, mon détachement se composait en ce moment, de soldats de toutes armes, dont la plupart étaient nécessairement à pied. Ma marche était donc assez lente. Le problème de la nourriture de mon personnel me causait de sérieux tracas quand, à quelques kilomètres de Rocroi, je rencontrai, stationnant dans un petit village, une colonne de vivres. Un sous-officier, que j'envoyai en reconnaissance, revint me dire que l'officier commandant cette colonne avait reçu ordre de ne donner des vivres aux troupes belges que sur réquisition écrite du général commandant la 4e division belge. J'ai déjà avoué un bris de clôture et un vol, il me reste à avouer un abus de confiance: je fis un « bon » pour des vivres, que je signai bravement de mon nom, précédé de la formule. « Par ordre du général commandant la 4e division belge. » Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net... mais j'avais des vivres et, comme on le lira plus ioin, le lieutenant général Michel en personne pn fita quelque peu de mon indélicatesse. La scène se passe à Liart, où nous arrivâmes le surlendemain, voici dans quelles circonstances: Instruit par l'expérience, je m'arrangeais toujours pour bivouaquer à proximité d'endroits où cantonnaient des colonnes de vivres; j'envoyais ensuite un sous-ordre qui établissait une liaison intéressée entre cette colonne et la mienne. Une nuit donc, que nous logions à proximité de Liart, mon agent de liaison, en m'en- voyant des vivres, me fit savoir qu'un train de matériel devait retourner à vide, le lendemain, à Reims; il s'était arrangé avec le commandant militaire de la gare et je pourrais utiliser ce transport. C'étaient des fatigues épargnées et du temps gagné; j'acceptai. Je n'attendis pas le jour pour me mettre en route et me diriger vers Liart. Une surprise m'y était réservée. J'y trouvai le lieutenant général Michel, à la tête de sa division. Il n'était plus question pour nous d'utiliser le chemin de fer; à juste titre, il avait été réservé aux troupes à pied. Les armes montées devaient se rendre à Laon par la voie ordinaire; on en forma une colonne sous les ordres du colonel Iweins. Pendant que les hommes mangeaient, je me souvins fort à propos de quelques beeîsteaks que j'avais en réserve; le général Michel, qui passait aux environs, voulut bien me faire l'honneur de s'asseoir à ma tabie et de partager notre repas. Vous en souvient-il, mon général? Je ne vous ai pas avoué, à cette époque, que c'était vous qui m'invitiez, puisque c'était « par ordre » de vous que j'avais obtenu de la viande. Il nous fallut deux jours pour arriver à Laon; nul incident ne vint troubler le voyage. Une chose pourtant nous étonnait: nous ne rencontrions aucune troupe française. On croisait bien, de temps à autre, des colonnes de vivres ou de munitions, des voitures de services accessoires; mais de troupes combattantes, point. Cet étonnement alla croissant après que nous eûmes dépassé Laon; ni à Soissons, ni à Château-Thierry, ni à Coulommiers, ni nulle part, sur cette longue route qui nous conduisit au sud-est de Paris, nous ne rencontrâmes d'infanterie, ni d'artillerie, ni de cavalerie. Et nous nous demandions: « Mais où se trouve donc l'armée française? Y a-t- il vraiment une armée française? » Ce n'est que quelques jours plus tard, après la victoire de la Marne, que nous com- prîmes la merveilleuse manœuvre du général Joffre. Mais n'anticipons pas, et revenons à Laon. Nous y séjournâmes deux jours; ce temps fut mis à profit pour réorganiser notre colonne. Les canons et caissons d'ancien modèle furent embarqués et expédiés vers le sud de la France; les chevaux furent répartis entre les unités existantes; le personnel en surplus fut dirigé sur Rouen. On forma ainsi une colonne composée de cavallerie, d'artillerie, de gendarmerie et de services accessoires. Je me trouvai dès lors sans commandement, mais comme on parlait en ce moment de participation aux opérations de l'armée française, il ne me convenait nullement d'être envoyé dans un dépôt. Je sollicitai donc, et j'eus la chance d'obtenir, une place vacante d'adjoint à un com- mandement de groupe. Nous quittâmes Laon assez brusquement, nous dirigeant vers Soissons. Mes nouvelles fonctions m'obligeaient à faire les avant-gardes; avec quelques'adjoints, j'arrivais inopinément dans les villages où nos uniformes étrangers jetaient, la plupart du temps, un grand désarroi: on nous prenait pour des patrouilles allemandes. Afin d'éviter des méprises, je pris l'habitude de nous faire précéder d'un cavalier, chargé d'annoncer l'arrivée d'amis. Le talpack d'astrakan, dont j'étais coiffé, avait le don de plonger certaines populations dans la plus profonde stupéfaction; c'est ainsi que, d'un groupe de villageois, j'entendis partir la réflexion suivante: - Tu vois bien celui-là, avec son bonnet de fourrure; eh bien! c'est un officier de l'avant-garde russe. A quoi un autre, sans doute plus renseigné sur les distances, répliqua: - C'est impossible, les Russes ne pourraient pas être déjà ici! Il est juste de dire qu'à cette époque tous les journaux annonçaient, en grands caractères, des avances formidables de l'armée russe. Le lendemain de notre départ de Laon, nous arrivâmes à Sermoise-sur-Aisne; il s'y trouvait une patrouille anglaise commandée par un officier qui nous apprit que l'on signalait des forces allemandes au nord de l'Aisne. Le colonel Iweins, qui précédemment avait reçu le même renseignement, dit à l'officier anglais que des escadrons avaient déjà été envoyés en reconnaissance et qu'on attendait des nouvelles avant d'autoriser l'établissement du bivouac. Il ajouta qu'il chargerait un officier de transmettre les renseignements qui seraient recueillis au général anglais en ce moment à Soissons. Comme je servais d'interprête et que j'étais arrivé en avant-garde au gîte d'étape, le colonel Iweins me désigna pour cette mission. Il me fit savoir, en outre, que le détachement dont il avait le commandement devait s'embarquer par chemin de fer, le lendemain, à Soissons; j'avais à faire la reconnaissance de la gare et y attendre son arrivée. Les escadrons revinrent bientôt sans avoir rien signalé d'anormal; le bivouac fut dressé et je me mis en route. J'étais enchanté de ma mission qui me permettrait, lorsqu'elle serait remplie, d'abord de dîner avec autre chose que du lapin, qui faisait notre ordinaire depuis quelques jours, ensuite de me reposer dans un bon lit d'hôtel au lieu de m'étendre sur la paille du bivouac. Suivi de mon seul ordonnance, le cœur léger, la cigarette aux lèvres, j'entrai dans Soissons, après une charmante promenade. Il commençait à faire nuit. Personne dans les rues, un silence de mort planant sur la ville. Que signifie? Je rencontrai enfin un peloton cycliste anglais dont le chef m'apprit que les Allemands étaient aux portes de la ville, de l'autre côté de l'Aisne. Voyons! il doit y avoir erreur! Et le général anglais qui était à Soissons? - Nous avons battu en retraite dans la direction du sud-ouest et nous formons l'extrême arrière-gauche, me répondit l'officier cycliste. Je me rendis à la station, que je trouvai évacuée de tout son matériel roulant; je finis pourtant par rencontrer un employé. Étes-vous prévenu de ce que des troupes belges doivent venir s'embarquer demain à Soissons? L'employé semblait ahuri. - Demain! mais les Boches sont là, de l'autre côté de l'eau. La gare est évacuée et... Je n'en écoutai pas davantage et galopai jusqu'à la préfecture, où l'on me confirma que les avant-gardes allemandes étaient à proximité de la ville. - Mais, enfin! il reste bien une autorité militaire à Soissons? - Peut-être trouverez-vous encore le commandant d'armes; il habite par là, première rue à gauche, une maison à perron. Je finis par trouver. - Mon colonel, je viens de Sermoise et suis porteur d'une communication pour un général anglais que je comptais trouver ici; je suis chargé, en outre, de préparer un embarquement par chemin de fer pour des troupes belges. - Mais, monsieur, vous ignorez donc que les Allemands peuvent entrer d'un moment à l'autre en villle; j'ai donné l'ordre de faire sauter les ponts quand ils seraient en vue, et je pars moi-même, immédiatement après, pour Reims. Le quartier général anglais a été transféré aujourd hui à une quinzaine de kiiomètres d'ici; si j'ai un conseil à vous donner, allez-y porter votre communication et restez-y: la route n'est pas sûre. A cet instant, j'entendis de fortes détonations; les ponts de l'Aisne sautaient. - Au revoir, me dit alors le commandant d'armes en montant en auto, et bonne chance. Je restai un moment abasourdi; la communication dont j'étais porteur était devenue sans valeur; bien plus, elle était dangereuse, puisqu'elle donnait des renseignements erronés; il ne me restait qu'à crever mon cheval pour retourner à Sermoise et prévenir mon chef du danger qui nous menaçait. Une heure après, je pénétrais, tout essoufflé, chez le colonel Iweins; il était occupé à dicter ses instructions pour l'embarquement du le demain. Je le mis rapidement au courant de ce que je savais. Le bivouac fut levé en toute hâte et un officier, le major Joostens, monta en auto pour aller prendre les instructions du quartier général français. Il revint bientôt, avec l'ordre de partir immédiatement pour Château-Thierry. La grande route de Sermoise à Château-Thierry traverse Soissons; il existe un autre chemin, mais en terrain tourmenté, difficilement praticable à l'artillerie; on risquait de s'y attarder alors que les instants étaient comptés. Le colonel Iweins décida donc d'envoyer ses cavaliers garder les passages de l'Aisne; pendant ce temps les batteries et les voitures des services accessoires traverseraient Soissons au galop; les escadrons, se repliant ensuite, protégeraient éventuellement la retraite. Il fut ainsi fait; il n'était que temps. Le fourgon de la gendarmerie, qui était resté quelque peu en arrière, fut attaqué et capturé par les Allemands. Sur la route de Château-Thierry, je vis se renouveler les mêmes spectacles de désolation que j'avais déjà vus en Belgique; je veux parler de l'exode des populations. C'est un entassement de gens et d'animaux qui se pressent et se heurtent, de véhicules qui s'accrochent, qui encombrent; dans leur affolement, dans leur hâte de fuir, les conducteurs entravent tout passage et augmentent la confusion. De toutes les misères de la guerre, celles qui atteignent des êtres inoffensifs et faibles sont certainement les plus poignantes. Au cours de cette longue étape, je rencontrai des familles belges du Hainaut, qui, chassées par les barbares de leurs paisibles villages, erraient depuis des semaines. Partout où elles avaient trouvé asile, elles y avaient été traquées et elles allaient mainte- nant, résignées, vers l'inconnu. Quand donc, pour elles et pour nous, sonnera l'heure de la délivrance? Nous nous arrêtâmes une nuit à Château-Thierry; le lendemain, notre colonne fut scindée; un détachement se dirigea yers Coulommiers, l'autre vers La Ferté-Gaucher. Je faisais partie de ce dernier détachement, qui était commandé par le major Capilion, et comme d'habitude, j'en assurais l'avant-garde. Les batteries arrivèrent assez tard au gîte d'étape; il faisait nuit quand l'installation fut terminée. Très fatigué, j'allais aller me reposer, qua d j'appris que les deux détachements devaient s'embarquer, le lendemain, par chemin de fer, pour le Havre. Des ordres ultérieurs devaient nous parvenir. Quand tout le monde fut couché, avant d'en faire autant, poussé par je ne sais quel pressentiment, je me rendis à la gare. Il était à ce moment 10 heures du soir. Au moment où j'arrivai, le chef de station était au téléphone; ce que j'entendis, malgré moi, me fit sursauter: les Allemands étaient à Château-Thierry, que nous avions quitté dans la matinée; ils y étaient entrés dans l'après-midi, avaient bombardé la station, dépassé la ville et s'avançaient vers iSeulom-miers et La Ferté-Gaucher! Je me précipitai au téléphone, demandai la communication avec Coulommiers et fit chercher un officier. Ce fut le major Joostens qui répondit à mon appel. - Savez-vous que Château-Thierry a été occupé aujourd'hui par les Allemands et qu'ils ont dépassé la ville? - Que me racontez-vous là? C'est impossible! Nous avons fait 80 kilomètres depuis Soissons; une armée ne marche pas à cette allure. - C'est pourtant ainsi; informez-vous sans tarder, car nous risquons d'être enlevés. - Attendez, je vais aux renseignements et vous téléphonerai aussitôt que j'aurai des nouvelles. Un quart d'heure plus tard, le major Joostens me confirmait ce que je lui avais appris et m'annonçait qu'il faisait envoyer, d'urgence, des trains à La Ferté-Gaucher. Il me priait de donner l'alerte dans le cantonnement et de faire commencer l'embarquement la nuit même. Jamais un homme, à lui tout seul, ne fit, je crois autant de tapage nocturne que j'en effectuai cette nuit-là à La Ferté-Gaucher. Nous croyant suffisamment loin de l'ennemi, les logements avaient été répartis très largement, dans toute l'étendue de la ville. Pour la première fois, depuis un mois, chaque homme avait un lit. On peut me croire quand j'affirme qu'ils n'étaient pas faciles à réveiller. A minuit et demi pourtant, la première batterie arrivait à la gare et l'embarquement commençait immédiatement. Par suite des installations défectueuses, les opérations prirent un temps considérable; à midi, nos éclaireurs nous signalaient l'approche des Allemands. On prit des dispositions pour faire évacuer par la route ce qu'on n'aurait pas le temps d'embarquer, mais on ne dut pas en venir à cette extrémité; il y eut heureusement un temps d'arrêt dans la marche de l'ennemi, qui s'arrêta à quelques kilomètres de La Ferté-Gaucher. J'avais été désigné pour commander le dernier échelon; à 4 heures, tous les caissons étant sur wagons, je fis replier et embarquer le peloton de gendarmerie qui me servait de soutien et le train partit. Quel soupir de soulagement je poussai alors; nous avions maintenant la certitude de pouvoir rejoindre l'armée belge et de contribuer avec elle à la défense de la Patrie. On sait que Coulommiers et La Ferté-Gaucher furent les points extrêmes atteints par l'invasion allemande sur le sol français. Du Havre, des transports nous ramenèrent à Zeebrugge d'où nous rejoignîmes Anvers par voie ferrée. Nous y retrouvâmes nos régiments d'infanterie qui nous avaient précédés; la 4e division se trouva dès lors reformée et contribua glorieusement, par la suite, à la défense d'Anvers et à celle de l'Yser. Je dédie, les quelques pages qui précèdent aux soldats qui se trouvèrent sous mes ordres, pendant cette période de la guerre. Ils se composaient d'hommes des plus anciennes classes (14e et 15e) et de jeunes volontaires. Tous se sont conduits en gens de cœur. Plusieurs semaines après les événements que je viens de raconter, alors que j'avais cessé d'être le chef direct de ces braves soldats, je reçus d'eux la lettre collective suivante, qui m'émut jusqu'aux larmes, et que je conserve comme ma plus belle récompense. « Vieux-Dieu (fort 4), le 21-9-14 « A notre commandant Paulis, « Les sous-officiers de votre ancien groupe vous prient d'accepter, en leur nom et celui de tous les brigadiers et soldats ayant été sous vos ordres, leurs respectueux hommages et l'assurance de leurs plus sincères sentiments de reconnaissance, en souvenir de la façon avec laquelle vous les avez conduits au feu et sauvés pendant les retraites de Liège et de Namur. « Soyez persuadé, commandant, que nous garderons de vous un souvenir impérissable et que nous mêlerons intimement votre nom aux vœux ardents que nous formons tous pour notre Roi, notre Patrie et nos familles. » (Suivent les signatures.) Pervyse, le 15 octobre 1915 http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_11.htm | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:57 | |
| http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_12.htm de la revue ‘Revue de la Presse', du No. No. 147, 4 aout 1918 'La Belgique Héroïque et Vaillante' 'Mort du Caporal Trésignies' Recueillis par le Baron C. Buffin soldat belge mettant le feu pour détruire un pont Mort du Caporal Trésignies d'après le récit du premier sergent-major ... du 2e régiment de chasseurs à piedLe 20 août, l'armée belge, appuyée sur la ligne des forts d'Anvers, a pris position sur le Rupel et la Nèthe; devant elle sont établis les III" et IXe corps allemands. Le haut commandement, apprenant que de violents combats se livrent sur la Sambre et vers Mons, exécuta une sortie les 25 et 26 août: la 6e division s'empara de Hofstade et des bois de Schiplaeken, les 1re et 5e divisions prirent Sempst, Weerde et Eppeghem; mais à l'aile gauche, la 2e division ne put déboucher sur la rive ouest du canal de Louvain et au centre la 6e division ne put occuper Elewyt; aussi l'armée rentra-t-elle dans le camp retranché. Le 26 août 1914, vers 9 heures du matin, un peloton du 2e chasseurs à pied, commandé par le premier sergent-major ..., occupe à Pont-Brûlé une tranchée construite par les Allemands sur la rive sud du canal de Willebroeck. Des lignes ennemies part une pluie de balles qui rend bientôt, même pour les tireurs couchés, la position intenable. D'aucun côté la retraite n'est possible, il faut traverser le canal, coûte que coûte: un pont existe à quelques mètres, mais son tablier est levé et la manivelle du treuil se trouve sur la rive opposée. Que faire? Le sergent essaie de construire un radeau, travail rendu presque impossible par le manque de matériaux et par la fusillade de l'ennemi. Il faut y renoncer. « Un nageur de bonne volonté pour passer le canal, crie-t-il alors. - Présent! » répond le soldat Trésignies. Et il se lève. « Mon ami, dit le sergent, il s'agit d'aller baisser le pont. - Bien, sergent. » Et tranquillement, en s'appliquant, Trésignies sur un bout de papier écrit ces mots pour sa femme: « Adieu, c'est pour le Roi », et confie le message à son chef. Alors, en un clin d'œil, il s'est déshabillé et a sauté dans l'eau. Il nage déjà lorsque le sergent lui crie: « Trésignies, au nom du colonel, je vous nomme caporal. » Et Trésignies, ayant remercié par un sourire, traverse le canal, atteint la rive, grimpe sur la culée du pont et empoigne la manivelle. D'abord, il tourne en sens inverse et le pont se relève davantage, mais vite, il remarque son erreur et rectifie son mouvement. Le pont s'abaisse graduellement. La haute stature de l'homme se profile sur l'horizon, semblable à une statue antique. De toutes parts des coups de feu sont dirigés contre lui. Déjà Trésignies est atteint aux cuisses et aux bras; le sang jaillit, coule en ruisselets le long de son corps; impassible, il tourne encore, accomplissant son œuvre de délivrance, il tourne, il tourne jusqu'au moment où une dernière balle le frappe au cœur et l'abat sur la pierre bleue; quelques soubresauts, et le corps reste inerte, la tête pendant dans le vide... En souvenir de ce héros, le conseil communal de la ville d'Anvers a décidé qu'une des rues de la métropole porterait à l'avenir le nom du caporal Trésignies et qu'une souscription serait ouverte au profit de sa veuve et de ses deux enfants. http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_12.htm
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:57 | |
| http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_15.htm de la revue ‘Revue de la Presse', du No. No. 147, 4 aout 1918 'La Belgique Héroïque et Vaillante' 'Le 1er Régiment de Lanciers à Termonde' Recueillis par le Baron C. Buffin soldats belges à Termonde Le 1er Régiment de Lanciers à Termonde par le colonel adjoint d'état-major E. Joostens Les opérations du siège d'Anvers commencèrent le 28 septembre. L'ennemi bombarda les forts, dont la résistance fut compromise par le tir des pièces de 42 cm; en même temps, il chercha à forcer l'Escaut entre Termonde et Gand, dans le but de couper la retraite à l'armée belge. Le fleuve fut défendu par la 4e division d'armée, postée principalement vers Termonde. Le 1er lanciers était à l'extrême droite de cette division. Plus à l'ouest, vers Wetteren, s'échelonnait la 1er division de cavalerie qui surveillait la rive gauche de la Dendre. L'organisation de l'armée belge sur pied de guerre prévoyait un régiment de cavalerie pour chaque division d'armée. Les hasards de la campagne firent que seuls les 1er et 3e lanciers restèrent d'une façon permanente auprès des grandes unités auxquelles ils étaient organiquement attachés. Alors que la majeure partie de notre arme s'attendait à garder des éperons chaussés bien haut et préparait ses fanfares, le 1er lanciers, au point de vue cavalier, ne pouvait émettre les mêmes prétentions puisqu'il était destiné à suivre le sort de la 4e division d'armée pendant presque toutes ses opérations. Néanmoins, il y avait du bon ouvrage à faire et, dès le début, tant sur les rives de la Meuse qu'autour de Namur, des reconnaissances hardies firent voir ce que valait l'outil. Dans le secteur nord, le major adjoint d'état-major Lemercier, aujourd'hui brillant colonel du 5e lanciers, prend la direction des combats de Boneffe et du Moulin de Sauvenière. Au sud, notre regretté camarade, le lieutenant Moreau, pousse une reconnaissance avec la plus grande hardiesse. A la tête de deux pelotons, il atteint Ciney, encombré d'Allemands. Au retour, sa petite troupe est complètement cernée, mais le lieutenant ne se laisse pas intimider, il bouscule son adversaire et, grâce à son énergique intervention personnelle, sauve la vie ou tout au moins la liberté d'un de ses camarades, entouré par des uhlans qui s'apprêtaient à lui faire un mauvais parti. L'esprit de nos cavaliers est merveilleux; combien d'entre eux se livrent à des prouesses individuelles. Je me souviens, entre cent, de ce joyeux trompette qui s'était spécialisé dans la chasse aux Boches. Partant seul à l'affût, il était tout penaud quand il n'en portait que deux ou trois à son tableau journalier. Parfois pourtant, il en accusait une dizaine et, ces jours-là, son œil éveillé brillait un peu plus que de coutume. Vint l'évacuation de Namur le 23 août: pénible et douloureuse retraite! L'étape était longue, les montures épuisées, la température très haute, les uhlans parfois un peu près, mais qu'importait tout cela? Il nous fallait avant tout rejoindre nos frères d'armes à l'armée de campagne. Et l'on arrive ainsi, après de nombreux incidents, à Coulommiers et à La Ferté! Puis c'est le Havre et les quelques jours de vie calme au milieu d'une population accueillante qui laissera tant de souvenirs reconnaissants dans nos cœurs belges, et enfin quatre steamers qui nous ramènent à la mère patrie. Le temps de nous rééquiper et au bout de quelques jours passés à Contich, nous parti- cipons aux opérations autour du camp retranché. Ce sont alors des reconnaissances au nord de Malines, vers Louvain, Lippeloo, etc., etc.. Partout nos officiers rivalisent d'entrain et d'audace; la troupe n'a rien à envier à ses chefs. Au début d'octobre, les assiégeants prononcent l'attaque générale de la position organisée sur la rive nord de la Nèthe. En même temps, ils font des tentatives pour le passage de l'Escaut à Baesrode, Ter-monde et Schoonaerde. La 4e division d'armée et la 1re division de cavalerie les arrêtèrent. Le rôle du 1er lanciers, pendant cette période, fut de lancer des reconnaissances au delà de Termonde, à Gyseghem etAudeghem; puis, quand l'ennemi devint par trop pressant, d'assurer la surveillance de l'Escaut et, le cas échéant, la défense du fleuve, entre Dyck et Schoonaerde. Vers le 4 octobre, la situation devint assez critique. Voici un extrait d'une relation du capitaine commandant Cartuyvels de Collaert qui la dépeint fidèlement pour son escadron; les autres sont logés à peu près à la même enseigne: « Une compagnie d'infanterie en première ligne et mon escadron en deuxième ligne devaient empêcher les Boches de passer le pont à moitié détruit de Schoonaerde. » Le 4 octobre après-midi, nous subissons un feu des plus violents; vite j'évacue les chevaux, et une partie du hameau de Dac!, au sud de Beriaere, où ils se trouvaient, est littéralement broyée. » Pendant le bombardement, le colonel adjoint d'état-major Joostens, alors major, arrive à Beriaere pour se porter au pont de Schoonaerde. Je suis arrêté par les obus aux dernières maisons au sud de Dael et me jette dans un fossé à deux mètres à l'est de la route, en avant d'une ferme qui reçoit bien quatre à cinq projectiles. Peu après, accourt le commandant adjudant-major adjoint d'état-major Yperman: « - Où est le major? me demande-t-il. « - Là, lui dis-je, en montrant l'Escaut. Et au même instant une salve d'artillerie salue son arrivée. A tout seigneur, tout honneur! « - Je crois, me crie en riant le commandant Yperman, que tu veux me faire tuer! « A ma droite, de l'autre côté de la route, se trouvait un champ cultivé, puis une petite ferme entourée de haies. Je vis là un effet de feu qui me parut extraordinaire: les obus pleuvaient; tout à coup un globe de feu, qui pouvait avoir trois ou quatre mètres de dia- mètre, s'avance avec vitesse parallèlement à la route, vers la petite ferme, en rasant la terre, et franchit la haie, en l'effleurant à peine, comme aurait fait un bon cheval de chasse c'était très joli! « Nous n'avons pas eu de pertes ce jour-là. Hélas! ce ne fut pas la même chose le lendemain. A la fin de la journée, je reçus l'ordre de reculer et d'occuper avec mon es- cadron la lisière sud de Beriaere. Le lieutenant Roup reçut une balle de shrapnell dans la jambe, sans gravité heureusement. Le soir, nouvelle communication de service; mes braves lanciers devaient aller s'installer dans les tranchées que j'avais été reconnaître près du pont de Schoonaerde: les Boches étaient de l'autre côté du fleuve. « Le lendemain matin, 5 octobre, nous devions nous trouver à 4 ou 500 mètres à l'est du pont pour permettre à notre artillerie de tirer sur schoonaerde. A cet endroit, l'Escaut fait une petite courbe à concavité vers le nord, donc de notre côté. A 5 heures, les deux artilleries ouvrent le feu. J'avais deux craintes; d'abord que les Allemands, couverts par leur artillerie, ne passent le fleuve sans être vus de nous, qui étions assez loin du pont; ensuite, je redoutais d'être pris à revers à cause du mouvement de l'Escaut, car les sentinelles boches étaient visibles sur une espèce de coupole qui surmontait une usine allemande, près de la station de Schoonaerde, usine qu'en avait interdit d'incendier huit jours auparavant. Aussi, vers 6 heures et demie, je me porte au pont, ayant bien recommandé à mes hommes de se cacher dans les petites tranchées faites la nuit dans le remblai de l'Escaut. En arrivant à hauteur de l'église, j'entends un roulement de canon... mon cœur se serre et je me dis avec effroi que leur cible sera peut-être mon pauvre cher escadron. En effet, deux minutes après, une formidable rafale écrasait, et cela pendant une demi-heure, nos misérables petites tranchées... « Il ne restera pas un homme, pensais-je, et les projectiles passaient et passaient à vingt mètres devant moi avec un bruit d'enfer! Le sifflement des shrapnells, le ronflement des obus étaient épouvantables. L'air, comme déchiré, donnait des commotions terribles... « Voici un épisode de ce qui se passait dans les tranchées, d'après une lettre que m'écrivit, quelques jours plus tard, le lieutenant de Burlet: « A Schoonaerde, j'ai perdu sept hommes de mon peloton, dont un sous-officier et mon infortuné ordonnance que vous avez vu près de moi dans la tranchée: un shrapnell a éclaté à deux mètres de nous, enlevant la figure de mon pauvre Tuitinier. Je me suis couvert de son cadavre de 6 heures et demie à 7 heures trois quarts, heure à laquelle, après avoir évité mille dangers, et senti tressaillir sous des éclats d'obus le corps qui me protégeait, j'ai battu en retraite à votre coup de sifflet! »... « Enfin, continue le commandant Cartuyvels, vers 7 heures et demie le feu cesse. Je sors de mon abri et j'entends parler allemand de l'autre côté de l'eau... Pan!... Une balle m'arrive en pleine poitrine et, miracle, dévie sur un petit canif, puis une seconde me troue le genou gauche. « J'avais pour instructions de rester aussi longtemps que je jugerais la chose possible. Estimant la situation intenable et voyant que nous ne faisions aucun mal à l'ennemi, je donne ordre à mon escadron de battre en retraite. Je tâche de partir comme je puis, à trois pattes; j'entre dans un premier, puis dans un second fossé plein d'eau. J'en avais jusqu'au coup et je me traînais sur l'herbe mouillée, quand une balle me casse la cuisse droite, près de la hanche. J'étais bloqué! Je fis le mort; malgré cela, ces « cultivés » continuaient à tirer sur moi... Quelle retraite morale on fait lorsqu'on reste pendant douze à treize heures sous les balles ennemies! « J'écrivis sur mes manchettes à ma femme, à ma mère, leur disant « adieu », et j'attendis la mort! les obus continuaient à faire rage au-dessus de ma tête, les balles à siffler...; un fantassin rampait à quelque mètres de moi; une balle lui traversa la tête: il poussa un cri rauque et rendit l'âme; l'après-midi, je reçus une balle dum-dum ou de ricochet dans la cuisse gauche qui me fit beaucoup souffrir. « A la nuit tombante, grâce à un petit sifflet dont je me servais pour donner des ordres, je fus retrouvé par le maréchal des logis de Looz-Corswarem et le cavalier Thibaut de mon escadron; aidés d'un civil et d'un soldat d'infanterie, nommé Ledent, je pense, ils me placèrent sur une brouette et m'amenèrent à Dael: j'étais sauvé! « Sous la direction du docteur tjodenne, de Looz et Thibaut ramenèrent encore plusieurs blessés: ils furent décorés. Dix-sept hommes ont été tués ou ont disparu ce jour-là; sept ont été blessés et portés à l'hôpital. Sur trois officiers engagés dans le combat, deux furent grièvement blessés, un seul échappa en se faisant un bouclier du corps de son ordonnance. « Le 4e escadron avait bien mérité de la Patrie ». La journée du 6 n'eut rien à envier aux précédentes, les escadrons en réserve inter- vinrent à leur tour et tinrent à merveille; rien ne put les émotionner. Quels braves gens! Ils sont prévenus que si l'ennemi tente de les bousculer, ils devront se défendre avec la crosse de leurs carabines à défaut de baïonnettes! Ils acceptent cette perspective avec sang-froid et cette décision qui toujours fut leur caractéristique. Le lieutenant-général Michel voulut bien leur adresser, le lendemain, par mon inter- médiaire, ses chaleureuses félicitations. Je les transmis à ma troupe par l'ordre du jour suivant: « A la suite des combats livrés aux environs de Schoonaerde et Appels, le lieutenant- général commandant la 4e division d'armée a bien voulu me charger de transmettre ses plus chaleureuses félicitations à tous les officiers, sous-officiers, brigadiers et cavaliers du régiment, qui ont accompli pendant plusieurs jours consécutifs un service particulièrement pénible et exposé dans les tranchées. La tenue exceptionnellement ferme du 1er régiment de lanciers a provoqué l'admiration du lieutenant-général Michel et je suis infiniment fier et heureux de transmettre à qui de droit le témoignage de sa haute satisfaction. « Nous garderons un ineffaçable et pieux souvenir de nos camarades tombés au cours de ces cruelles journées, ainsi que de tous ceux que nous aurons perdus depuis le début de la campagne, et nous redoublerons de courage et d'activité pour venger et honorer leur mémoire. » La retraite devait ensuite nous conduire vers l'Yser, nous mettant souvent en contact très serré avec la cavalerie adverse, à Thourout, à Moerbeke, à Vladsloo, à Bovekerque, etc., puis, enfin, après la grande bataille, les escadrons, renonçant momentanément à leurs éperons, s'intercalèrent pendant de longs mois dans les rangs des fantassins pour participer avec eux à l'organisation et à la défense des tranchées. Le Roi daigna estimer que le 1er régiment de lanciers s'était particulièrement distingué à Schoonaerde, à Selzaete et en avant de Dixmude, et récompensa de nombreux de mes braves officiers en leur accordant les distinctions suivantes: Colonel A. E. M. Joostens; major A. E. M. Lemercier; capitaine commandant Cartuyvels: officiers de l'Ordre de Léopold. Major A. E. M. Yperman; capitaine commandant Chr de Mélotte: chevaliers de la Légion d'honneur. Capitaine commandant de Thier; Rossels: chevaliers de l'Ordre de Léopold. Lieutenants Pulincx; Delfosse; Deboek; Laffineur; Orban: chevaliers de l'Ordre de Léopold. Sous-lieutenants Dugardin; Cartuyvels de Collaert; Chrde Mélotte: chevaliers de l'Ordre de Léopold. Médecins Brasseur; Hallez; Godenne: chevaliers de l'Ordre de Léopold. Lieutenants Moreau; de Kerchove de Denterghem: chevaliers de l'Ordre de Léopold et cités à l'ordre du jour de l'armée. Lieutenant Rolin: chevalier de l'Ordre de Léopold et décoré de l'Ordre de Sainte-Anne (3e classe). Lieutenant Bertrand: chevalier de l'Ordre de la Couronne. Commandant Bosquet: cité à l'ordre du jour de l'armée. Médecin de régiment Evrard: cité à l'ordre du jour de l'armée. Lieutenants Verhaegen; Roup; Fichefet; comte d'Ursel (Georges): cité à l'ordre du jour de l'armée. Sous-lieutenant baron Sloet van Oldruyten-borg: cité à l'ordre du jour de l'armée. Il serait trop long d'énumérer les palmarès des gradés de rang inférieur et des cavaliers, je ne voudrais cependant pas terminer ce rapide exposé sans leur dire toute mon admiration, leur tirant très bas mon chapeau, en répétant ce mot d'un grand chef: « Ils sont à se mettre à genoux devant! » Wulpen, octobre 1915 Le Pont de Termonde par un officier du 4e d'artillerieLe 28 septembre 1914, le 1er groupe du 4e d'artillerie (capitaine-commandant t'Serstevens), après s'être distingué dans les combats livrés au sud de Termonde, à Saint-Gilles, à Audeghem et à Weize, vint relever à Grembergen les batteries de la 4e brigade mixte. De toutes les positions devant Termonde, celle du pont même, occupée par une pièce destinée à le prendre d'enfilade, à bout portant, était la plus dangereuse; tous les chefs de section du groupe à tour de rôle y prenaient le service. Deux d'entre eux, les sous-lieutenants Hiernaux et Mayat, devaient y laisser la vie. Le premier, Hiernaux, est tombé à sa pièce le 1er octobre, dans la nuit, au cours d'une attaque ennemie. Le pont de Termonde avait été détruit précédemment et un pont de bois avait été construit et miné par une section du génie qui se tenait là, prête à le faire sauter; nous occupions, avec le 13e régiment de ligne et une mitrailleuse, la rive gauche de l'Escaut, et les Allemands tenaient la ville elle-même, bâtie sur la rive opposée; le pont constituait donc un défilé commun et les organisations défensives, de part et d'autre, étaient pareilles et formidables: les rives n'étaient que des tranchées profondes et les maisons les plus proches des blockhaus pour mitrailleuses et petits canons. Nos guetteurs toujours à l'affût, cherchaient à surprendre les moindres préparatifs de l'ennemi dans les ruines déjà familières de la ville incendiée, dont les carcasses des maisons béantes avaient, la nuit, des aspects de squelettes sinistres. De temps en temps, entre les pans de murs, dans un rayon de lune, glissait une ombre aussitôt saluée par le crépitement d'une balle et qui disparaissait dans les décombres. Là-bas aussi, pareils à des feux follets, luisaient sans cesse de petites flammes bleues, coup de feu ennemis de quelques tireurs d'élite prenant comme cibles les têtes qui apparaissaient au-dessus de nos parapets. Cette nuit du 1er octobre était une belle nuit étoilée d'automne; l'artillerie allemande, après un bombardement excessivement violent, qui dura plusieurs heures et qui obligea l'infanterie, très éprouvée, à abandonner la digue et à s'incurver à l'entour du pont, avait ralenti son tir; les troupiers, maintenant adossés aux abris, respiraient l'air frais dans un calme relatif. Tout à coup, une sentinelle vigilante hèle son chef; elle vient de voir rouler une masse noir, épaisse, encore indécise dans la clarté lunaire, qui semble poussée vers le pont. Plus de doute, l'ennemi essaye de franchir le passage. Au signal d'alarme, fantassins, mitrailleurs et canonniers sautent à leurs postes et, à l'instant, se declanche l'orage. Sous la protection d'une fusillade nourrie, partie de la rive droite, une colonne d'assaut débouche de la rue principale de Termonde; les premiers portent des matelas, dont ils cherchent à se faire un bouclier, les autres suivent, en rangs serrés, sans aucun ordre, offrant l'apparence d'un troupeau plutôt que celle d'une troupe constituée. Ils chantent leur fameux cantique Gloria Victoria et semblent totalement ivres. Dès les premières décharges de mousqueterie, la pièce d'artillerie a son personnel hors de combat, à l'exception du sous-lieutenant Hiernaux et du chef de pièce, qui ouvrent à deux le feu sur les assaillants. La mitrailleuse entre également en action pendant que les soldats du 13e de ligne fusillent, presque à bout portant, les troupes allemandes, qui parviennent cependant à s'engager sur le pont. L'officier du génie, qui avait miné le pont, possédait deux mises à feu. Voyant que les assaillants tués sont remplacés instantanément et que l'ennemi menace la rive gauche, ce brave établit le contact de la mise à feu électrique. Stupeur! nulle détonation ne re- tentit! Déjà les Allemands atteignent l'extrémité du pont; sans se troubler, l'officier a saisi la seconde mise à feu: une explosion formidable éclate, projetant au loin des débris du pont, des morceaux d'êtres humains, des objets d'équipement, qui retombent pêle-mêle dans le fleuve et sur les berges, couvrant de sang et de lambeaux humains les soldats qui y sont dissimulés. Devant le désastre, le reste de la colonne d'assaut s'arrête, horrifiée, puis elle reflue en désordre vers la ville, tandis que de grandes flammes s'élèvent deë piles du pont, qui avaient été imbibées de pétrole. La surprise avait échoué; deux faibles essais furent encore brisés par nos obus. Ce fut alors la vengeance habituelle. L'artillerie ennemie concentra son feu sur les abords du pont; nos braves troupes vécurent là un de ces moments critiques où la puissance destructive de la machine humaine n'est vraiment comparable qu'à la grandeur des âmes prêtes au sacrifice. Pendant une longue heure nos soldats subirent une trombe d'acier qui, avec un fracas d'enfer, les menace d'un renouvellement d'attaque. Il fallait cependant vaincre la tension des nerfs, veiller sans cesse, scruter tous ces ouvrages qui se dressaient impénétrables et menaçants sur l'autre rive. Ce fut en examinant, par- dessus le bouclier du canon, les repaires de l'ennemi, que le sous-lieutenant Hiernaux tomba, dans le dénouement de l'action, frappé d'une balle entre les yeux. Et sa belle mort permit de constater une fois de plus tout ce qu'il y a d'énergie, de sang-froid et de courage dans notre cadre subalterne. Le maréchal des logis Francotte, chef de pièce, fit porter le corps de l'officier dans un abri voisin, le couvrit d'une couverture et prit sa place au canon, y maintenant pendant toute la nuit un personnel harassé, alors que les tranchées voisines, envahies par le gaz des explosions d'obus et rendues intenables, avaient été momentanément abandonnées. Le surlendemain, le sous-lieutenant Mayat était de service au pont. Dans l'après-midi, le commandant du groupe et son adjoint vinrent examiner l'organisation de l'adversaire. Les têtes des trois officiers, le sous-lieutenant Mayat au milieu, dépassent un instant le bouclier du canon. C'est une cible de choix pour les bons tireurs d'en face. Une balle siffle, une des têtes s'éclipse; Mayat, sans un cri, s'affaisse sur son chef et un flot de sang rosé, jaillissant de la tempe trouée, inonde son visage subitement livide. Maintenant les deux amis dorment côte à côte leur sommeil de gloire dans le petit cimetière de Grembergen, où nous les avons pieusement enterrés. Un jour viendra où ceux qui connaîtront leur belle mort, et qui, plus heureux, auront été épargnés, pourront aller fleurir leurs tombes et témoigner ainsi leur reconnaissance et leur admiration. Mais, de tous les hommages, aucun ne vaudra les larmes sincères de l'officier appelé à relever le sous-lieutenant Mayat, à la vue de son camarade gisant à son poste, dans la rigidité du dernier sommeil. | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:58 | |
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4 Septembre 1914Ce jour-là, l'état-major de la 5e division avait décidé une reconnaissance offensive qui, partant de Willebroeck, se dirigerait sur Lippelo. Vers 7 heures du matin, nous apprenions que les Allemands arrivaient en force à Breendonck. Aussitôt le commandant C... transmet ce renseignement à l'état-major, lequel, sans doute, le fait vérifier par sa cavalerie, car l'heure fixée pour le départ est depuis longtemps passée et nous sommes toujours-là; les fantassins bâillent derrière les faisceaux, les artilleurs flânent le long des pièces... Enfin, vers 10 heures, l'ordre arrive de partir quand même; seulement l'itinéraire est modifié; on prendra par Sauvegarde et Pullaer, au lieu de sortir de Willebroeck en longeant le réseau des fils de fer barbelés. Et la colonne s'ébranle... La 16e brigade mixte s'avance sur le chemin étroit qui débouche normalement à la ligne des forts; elle se dispose vers 12 heures et demie à prendre une position de rassemblement, quand, tout à coup, quatre détonations retentissent et autant de shrapnells s'en viennent éclater en tête de l'artillerie, tout autour du commandant du groupe, qui voit tomber son cycliste broyé, des hommes blessés, tandis que des chevaux s'abattent ou s'emballent. Le saisissement est si grand qu'un léger trouble se produit. Presque aussitôt survient l'explication: l'ennemi pousse une attaque brusquée contre le double intervalle Breen- donck-Letterheide-Liezelle; suit l'ordre pour l'artillerie: aller occuper vivement les positions organisées pour la défense desdits intervalles. La 84e batterie avait le secteur limité par le canal de Willebroeck et Breendonck; le 83e le secteur compris entre Breendonck et Letterheide; la 82e le secteur Letterheide-Liezele... - Demi-tour!... Et sur ce chemin large comme la main, le demi-tour s'effectue, impeccable. Pendant que les batteries gagnent rapidement les positions, les commandants se rendent non moins vivement à leurs postes d'observation. Celui du commandant de la 83e est merveilleux. A 9 mètres de hauteur, entre deux peupliers, une plate-forme a été dressée, protégée par un bouclier; une énorme échelle y donne accès; le tout vaste et solide, comme il convient à l'homme imposant qui doit s'en servir. Lorsqu'il y arrive, déjà les balles sifflent de tous côtés et les gros shrapnells éclatent au-dessus des forts. Il est évident dès lors que les Allemands brusquent l'attaque par masses et sans préparation préalable par l'artillerie. Le commandant escalade vivement son perchoir et se met à scruter l'horizon de ses jumelles. Dans la direction de Breendonck, le champ de tir est dégagé sur une profondeur de 800 mètres environ, en avant de la ligne des forts; toutes les maisons, sauf une, ont été démolies. Plus loin, à l'arrière-plan, des fermes isolées, les voies d'accès du village, des meules, des bouquets d'arbres; à l'avant-plan, d'immenses champs d'asperges d'un mètre de hauteur. Tout à coup apparaît du mouvement sur la route débouchant du village: une colonne ennemie s'avance par là;... elle se fragmente en petits paquets qui gagnent les couverts... Ce serait le moment de saisir le téléphone et de commander le feu à la batterie là-bas, à 1 700 mètres en arrière... Mais, hélas! le téléphone a été relevé en vue de la reconnaissance de ce matin et le supplice commence pour l'infortuné commandant. Avoir là, devant soi, une masse de plusieurs milliers d'hommes; là, derrière soi, les quatre cracheurs de fer qui pourraient semer la mort et le carnage dans cette masse et ne pouvoir leur faire signe, leur transmettre l'ordre! Tantale n'a rien enduré de semblable! Et les yeux du commandant vont, de l'ennemi qui s'avance, à la plaine où devraient apparaître les téléphonistes déroulant le fil, le précieux fil... Mais il n'aperçoit lui non plus que l'herbe qui verdoie et le soleil qui poudroie... A la fin il n'y tient plus, dégringole de l'observatoire, salué par un vol de balles, qui ne font de mal qu'aux branches des peupliers, court à son cheval caché dans le petit bois, derrière, et file à la charge au-devant des téléphonistes. Les voici; il les presse fiévreusement et du même train revient à son observatoire. Montera-t-il? ne montera-t-il pas? Les balles sifflent et ricochent sur les montants de la vaste échelle. Un! deux! trois! il s'enlève et monte. Le cœur est bien un peu serré... Tant mieux, il offrira d'autant moins de surface à la balle! Et de nouveau l'observateur est à son poste. Seulement, cette fois, il s'étend à plat ventre sur la plate-forme et nerveusement les jumelles scrutent l'horizon devenu familier. Que s'est-il passé depuis tantôt?... Derrière les fermes isolées, derrière les meules, des colonnes ennemies s'avancent en rangs serrés; à l'avant plan, des tirailleurs se glissent en rampant vers les champs d'asperges. Pour sûr, il y en a déjà par centaines qui grouillent là dedans, on le sent... Le commandant rage. Il se rappelle ce soir de chasse où il tenait un superbe dix-cors au bout de son fusil, mais l'animal filait droit sur le poste de son voisin de battue, l'empêchant de tirer par crainte d'atteindre le confrère. Décidément il est né pour jouer les Tantale!... Ces téléphonistes n'arriveront-ils jamais? Pauvres diables, pourvu qu'ils n'aient pas été touchés eux-mêmes!... Non! les voilà! Us franchissent le chemin de fer, à 500 mètres. Qu'ils se baissent surtout, maintenant, qu'ils rampent même, car les balles sifflent sans discontinuer. En attendant, le commendant repère tous les objectifs, note les distances sur sa carte, savoure d'avance la belle joie de massacrer les plus odieux ennemis qui furent jamais, de briser soudain cette attaque qu'ils se flattent encore de mener à bien... Les minutes sont d'une longueur interminable; le sang lui bout et lui bat au cœur, au cerveau... Enfin! les téléphonistes sont au pied de l'échelle, la communication est établie et le premier commandement court commel'éclair... Quelques secondes se passent et la réponse est là: quatre shrapnells rageurs qui éclatent au-dessus des asperges, à la bonne hauteur. Et maintenant, en avant les brisants et en tir rapide! Les rafales se succèdent, arrosant, criblant les champs où fourmillent les Boches et, dans les jumelles, le commandant voit voler en l'air des choses hideuses qui sont des bras, des jambes, des têtes casquées. Il exulte; en même temps que ses commandements, le téléphone transmet à la batterie le résultat du tir et les canonniers croient voir de leurs yeux la magnifique œuvre de mort. Ils s'exaltent, ils rient, ils redoublent d'entrain et de célérité. Après les plants d'asperges, c'est le tour des fermes.Les obus brisants y tombent comme la foudre et les incendies s'allument. Cependant les balles continuent à siffler autour de l'observatoire. Évidemment il y a des tireurs embusqués quelque part et qui s'acharnent. A force de chercher, le commandant finit par découvrir leur poste probable; c'est cette maison unique que le génie n'a point démolie au bord de la route de Breendonck à Lippeloo et qui, depuis deux heures s'est subitement crénelée. Que faire? La bicoque est trop petite pour constituer un objectif de tir indirect; inutile donc de la renseigner à la batterie. Mais le fort de Breendonck pourrait sans difficulté la battre directement. C'est le petit téléphoniste qui vient d'avoir cette idée. Il la communique au commandant qui, de nouveau, a dégringolé de son perchoir devenu intenable. L'idée est excellente, mais comment arriver au fort? Il y a plus de 800 mètres à parcourir et presque tout à découvert... Le téléphoniste est déjà parti! Moins de dix minutes après, le fort ouvre le feu sur la maison et, au troisième coup, elle flambe comme une torche, puis s'écroule dans un immense bouquet d'étincelles... Le commandant regagne son poste aérien, mais la fête est terminée; les routes sont vides, les plants d'asperges, qui toujours ra-pellent sur eux ses jumelles, sont inertes; les fermes incendiées achèvent au loin leur agonie fumeuse; le canon ne gronde plus que comme un orage qui s'éloigne et meurt. Là-bas, derrière le village de Breendonck, on devine la retraite désordonnée des Boches, sauvant leurs canons, entraînant leurs blessés, courant cacher leur honte... Puis c'est la sortie de nos reconnaissances et de nos ambulances. Le bilan funèbre et glorieux de la journée va s'établir peu à peu. Demain, nous apprendrons que dans les champs d'asperges on a récolté 1100 plaques d'identité allemandes et le commandant, qu'on félicite, serrera la main des deux soldats du téléphone en leur disant: « Tout ça, grâce à vous, mes petits! ». La Reprise d'Aerschot par le sous-lieutenant Ch, Dendale, du 7e de ligneLes 7 et 8 septembre, le haut commandement apprit la diminution des forces assiégeant Anvers et il effectua avec toutes les troupes de l'armée de campagne une sortie destinée soit à infliger une défaite à l'ennemi, soit à l'obliger à rappeler sous Anvers une partie des forces dirigées vers la France. La sortie commença le 9 septembre et eut des débuts favorables; le 9, les débouchés du Démer et de la Dyle furent conquis, Aerschot fut prise; le 10, un peloton du 26 chasseurs à cheval pénétra dans Louvain, mais la 2e division fut arrêtée devant Wygmael et Putkapel. L'ennemi rappela alors la 6e division de réserve en marche vers la France. Le 11, la 3 division réussit dans une offensive sur Over de Vaart, la 6e division atteignit le chemin de fer de Malines à Louvain. Le 12, l'ennemi prit l'offensive à son tour, et refoula la 2 division à Rotselaer et Wesemael: ce recul entraîna celui de la 6e division, puis celui de la 3e division et le 13, l'armée se replia vers le camp retranché. Le but principal était atteint. L'adversaire avait été obligé non seulement de rappeler sur le front belge la 6 division du III6 corps, mais aussi de retarder pendant deux journées le IXe corps dans sa marche vers la France, précisément au moment où les armées allemandes, effectuant leur retraite sur la Marne, avaient un besoin urgent de renforts. Ceci n'est pas le compte rendu d'un fait de guerre particulièrement glorieux, mais l'exposé d'impressions ressenties au cours d'un combat qui, tout en étant le moins meurtrier de ceux auxquels j'ai assisté, a pourtant laissé dans ma mémoire le souvenir le plus vivace. Au cours de la deuxième sortie d'Anvers, le 27e régiment, débarqué à Heyst-op-den- Berg, dans la nuit du 8 au 9 septembre, reçut comme premier objectif: Aerschot. Tout le long de la route que nous suivons se détachent lamentablement sur le ciel bleu les ruines des habitations détruites par les incendiaires allemands. De ces débris fumants encore, se dégage une^odeur acre, spéciale, qui prend à la gorge, oppresse, étreint d'un malaise indéfinissable. On n'ose remuer les cendres dans la crainte de mettre à découvert des restes calcinés de martyrs, consumés avec tous leurs biens, sur le lopin de terre où ils ont vu le jour, ont grandi, lutté, souffert, où ils meurent enfin, les yeux emplis de visions d'horreur et d'épouvanté. Nous approchons de la ville; les Boches n'ont pas encore donné signe de vie. Tout à coup, mon attention est attirée par un bonnet de police détachant sa bande rouge sur le vert de la prairie. Je me précipite et m'arrête interdit, troublé. Le bonnet coiffe une petite croix de branchage plantée sur un léger tu-mulus. Mon cœur se serre douloureusement à cette première vision de la tombe anonyme du brave, mort pour la Patrie. Hélas! com- bien en ai-je vus depuis. Je reste là, songeur, et ma pensée va du héros tombé en pleine vie, en pleine lumière, aux pauvres vieux qui là-bas tremblent pour leur enfant, aux pauvres vieux qui ne sauront jamais où repose leur fieu. Nous entrons dans la ville, à la suite de l'avant-garde, qui n'a pas rencontré de résistance sérieuse. Ici, ce ne sont plus des ruines isolées, mais un amoncellement de décombres! Rien n'a échappé à la. rage destructive de l'envahisseur. Tout ce qui n'a pas été consumé par la flamme a été saccagé: les étalages vidés, les meubles éventrés, les glaces brisées, Ies effets jetés en un lamentable tas. Vraiment, on a dû s'acharner des journées entières à coups de bottes, à coups de crosses pour détruire toutes ces choses. Et ce qui étonne, c'est le nombre de bouteilles vides qui jonchent le sol, indice de « kolossales » beuveries. Peut-être, en accomplissant leur sinistre besogne, les soldats ont-ils manqué de courage, peut-être ont-ils senti se réveiller au fond de leur âme quelques sentiments d'honneur et de probité, qu'il a fallu étouffer en buvant jusqu'à en perdre la raison. Petit à petit, un peu de curiosité se mêle à notre émotion. Silencieux, atterrés, nous visitons ces ruines, inépuisable et glorieux reliquaire d'amour et de vertu patriotique. Tout ici, depuis les tombes jusqu'à la moindre pierre, atteste que les Belges préfèrent la mort à une lâche soumission, préfèrent souffrir plutôt que de forfaire à la parole donnée. Une atmosphère d'auguste sacrifice sanctifie ces lieux. Tout à coup, je pousse un cri. Là-haut, au frontispice d'un couvent, un grand drapeau allemand claque insolemment au vent. Je me précipite, déjà des soldats m'ont précédé et le colonel foule aux pieds l'emblème exécré. Nos yeux brillent de joie et d'espérance. Ce spectacle est pour nous un symbole, nous voyons la puissance allemande abattue, le bon droit triomphant! la Belgique libérée! Une confiance sans bornes nous emplit... Pif! Paf! On se bat là-bas. Ces détonations exaspèrent notre énervèment. Spontanément, nous nous élançons en une course folle, désordonnée: « Vive le Roi! ». Les Boches occupent et défendent les hauteurs à la sortie de la ville. Ils accueillent notre avant-garde par une fusillade très nourrie, mais heureusement mal ajustée. Notre bataillon court à la rescousse. Au moment de tourner un coin de rue pour entrer dans la zone battue par les balles, les premiers rangs ont un instant d'hésitation. Alors - oh, je n'oublierai jamais ce spectacle! -le porte-drapeau se précipite, la hampe haute, les trois couleurs déployées. Électrisés, les hommes se ruent en trombe, les clairons halètent l'assaut, une clameur confuse monte et grandit: « Vive la Belgique! » et le flot irrésistible de nos troupiers envahit les hauteurs. Les hommes sont déchaînés, le spectacle des atrocités allemandes les a exaspérés. Ils courent le cœur débordant de rage. « Pas de prisonniers! Pas de quartier! A mort les bandits! » Ces malédictions éclatent de toutes parts; les regards sont durs, farouches, impitoyables! « On les soignera, leurs blessés, et comment! » Je me retourne, notre docteur menace, l'expression de ses yeux m'effraie. Une flambée de haine embrase tous les cœurs. « Oui, nous sommes prêts à tout, nous voulons nous venger! Pas de pitié! Plus de conventions! Tant pis pour eux! Ils l'ont voulu! Ce sera leur châtiment! » Une immense joie nous envahit et nous transporte, la joie d'arracher à l'envahisseur un lambeau du territoire national... Le piteux troupeau des prisonniers allemands fait halte le long de la route. Le soleil darde. Nos hommes, ruisselants de sueur, les entourent curieusement. Mais que vois- je? Non, non, ce n'est pas possible! Les mêmes poilus tantôt ivres de carnage, de rage vengeresse s'empressent auprès des captifs. Celui-ci leur donne une cigarette, celui-là la dernière goutte du café de sa gourde. Notre « féroce » docteur, affairé, leur prodigue ses soins avec le plus grand dévouement et panse jusqu'à la moindre égratignure. Subitement calmés à la vue de la souffrance d'autrui, nous sommes redevenus les bons Belges, simples, accueillants, compatissants, suivant la tradition de la race. Émus de pitié, nous mettons tout en œuvre pour soulager nos ennemis blessés. Je considérais songeur cette scène poignante. Une émotion profonde m'étreignait, mes yeux se mouillaient de larmes, mon cœur se gonflait d'une joie, d'une fierté inexprimables, la joie, la fierté d'être Belge. Hôtel-Dieu, hôpital Albert 1er, le 9-11-13. Une Belle Capture Par le capitaine adjoint d'état-major Courboin 9 septembre 1914. - Aerschot, dévastée et pillée par les Allemands, est tombée au pouvoir des troupes belges, comprenant la division de cavalerie et la 7e brigade mixte. Surpris par l'action rapide des nôtres, les occupants ennemis, telle une bande de moineaux, s'enfuirent vers Louvain; mais, au sud de la ville, des détachements, ignorant sans doute la direction de retraite, résistaient encore. Nos troupes s'étaient rassemblées sur les hauteurs vers Nieuw-Rhode, attendant des ordres; je m'étais éloigné de mon unité et me promenais sur la lisière du S'Hertogerheyde Bosch, lorsqu'un soldat du 27e de ligne me signala que, d'après les dires d'une patrouille, un cavalier du 2e guides était étendu blessé sur le pavé traversant la forêt. Je demandai un fusil et des cartouches et proposai à un aumônier de m'accompagner... Aussitôt vingt soldats s'offrirent et j'eus de la peine à limiter la force de mon escorte à un caporal et à six hommes. Dix minutes après, le cavalier, mort malheureusement, était ramené dans nos lignes; mes hommes avaient essuyé un feu nourri, partant de la lisière sud du bois et attestant la présence d'au moins une compagnie ennemie. Mais les horreurs constatées à Aerschot avaient excité leur colère et ils me supplièrent de retourner en force, afin de venger nos malheureux compatriotes. Je n'aurais pu céder à leurs instances, si une circonstance imprévue n'avait justifié tant bien que mal notre escapade. Une auto-mitrailleuse de la 1re division de cavalerie, qui devait pousser une reconnaissance vers Nieuw-Rhode, réclamait une escorte d'éclaireurs. Je lui offris le concours de notre petite troupe et, peu d'instants après, nous nous aventurions à nouveau dans le Hertoger Heyde. Le bois paraissait évacué; mais, à notre arrivée à la lisière sud, un feu intense, provenant de la crête de Nieuw-Rhode, nous accueillft. Notre auto-mitrailleuse répondit avec usure, tandis que mes hommes fouillaient une à une les habitations bordant la route et s'embusquaient derrière les haies pour viser les têtes des Boches qui, très imprudemment, se profilaient sur le bleu profond de l'horizon. Nous arrivons par bonds jusqu'à une centaine de mètres de la crête. Le feu ennemi a cessé et nous distinguons déjà une quinzaine de blessés, affalés dans un fossé et implorant du secours. Est-ce un piège? Il est trop tard pour être prudent; nous nous sommes aventurés à 3 kilomètres des lignes ennemies; mes hommes sont là, frémissants d'impatience! Il n'y a pas à hésiter: quatre habitations occupent les angles d'un petit carrefour et doivent abriter des blessés et des fuyards. Aucune fenêtre ne donne vers nous; les jardins paraissent exempts de défenseurs, un dernier bond nous permettra de voir ce qui se passe derrière la crête. Arrivé là, je n'eus pas le temps de réfléchir, un cavalier qui, je dois l'avouer, ne semblait plus maître de sa monture, arrivait sur moi à bride abattue. J'épaulai mon fusil... Le Boche mordit la poussière. Le cheval affolé bondit dans les champs; mes hommes tirèrent, la mitrailleuse partit toute seule! Ce moment d'énervement nous sauva; l'ennemi nous crut en force!... Un fusil sup- portant un mouchoir blanc, passa par une lucarne! ils se rendaient! Je criai à tout hasard, en me collant contre le mur de la maison pour ne pas essuyer traîtreusement un coup de feu de la lucarne: « Gewehren heraus! » Un flingot s'abattit sur le pavé, puis un deuxième, puis un troisième... mes hommes comptaient, consternés et ravis: « Vingt, cinquante, cent. » Enfin au cent sixième, arrêt! Un sous-officier allemand sortit en parlementaire et demanda, dans un français très correct, la vie sauve pour le lieutenant, les cinq sous-officiers et les cent six hommes cachés dans la maison. Deux minutes après, le troupeau gris de fer et bleu était aligné sur la route, et un petit lieutenant, très prussien, me remettait son pistolet, qui rejoignit le tas de fusils entassés dans un fossé. Mes hommes n'avaient pas l'air ne se douter un seul instant de la bizarrerie plutôt inquiétante de notre situation: un peu d'énergie de la part de nos prisonniers et les rôles sont intervertis! Je me garde d'ailleurs d'y penser un instant et c'est sur un ton très énergique que je donne l'ordre à mon collègue boche de prendre le commandement de ses hommes. Avec une autorité incontestable, tapotant ses bottes d'un petit stick, le lieutenant com- manda d'un ton très rogue: « Achtung. » Je me demandai à nouveau si, à une de ses injonctions, lancées sur un ton guttural en langue allemande, toute la bande n'allait pas nous tomber dessus!... et instinctivement je serrai la crosse de mon mauser... Mais non, décidément, ces soldats avaient une mentalité spéciale et, subitement, le petit freluquet, sanglé dans son manteau gris, qui marchait à leur tête, me parut répugnant. Je m'imaginais que nos soldats, commandés par un de nos braves camarades, ne seraient pas restés longtemps dans la situation de cette bande de couards qui, ridiculement nombreux, escortés de sept poilus belges, s'acheminaient vers notre quartier général à Aerschot! Prisonniers! ils étaient prisonniers et... heureux. Je m'apprêtai à fermer la marche de la colonne, après avoir promis du secours aux blessés qui, sans discontinuer, gémissaient dans leur fossé: « Artz! Artz! » lorsqu'une grosse main calleuse saisit la mienne et la serra sans façon. C'était le caporal Dethier, du 27, un brave mineur liégeois: « Mon capitaine, me souffle-t-il, nous vous remercions tous! Quant à moi, je suis heureux, car je sens que j'ai été un soldat héroïque. » http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_13.htm | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:58 | |
| http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_14.htm de la revue ‘Revue de la Presse', du No. No. 147, 4 aout 1918 'La Belgique Héroïque et Vaillante' 'Deuxième Sortie d'Anvers 9-12 Septembre 1914' Recueillis par le Baron C. Buffin
Deuxième Sortie d'Anvers - 9-12 Septembre 1914 Épisode de la bataille devant Over-de-Vaert à Haecht par le lieutenant L. Chardonne, du 14e de ligneJ'écris le récit de ce combat dans mon lit, à l'ambulance Elisabeth, souffrant depuis treize mois des blessures que j'ai reçues, j'écris sans prétention comme sans fausse modestie avec le seul souci de dire la vérité. C'était pendant la deuxième sortie de la garnison d'Anvers. Ma compagnie, la 2e divisionnaire de mitrailleuses Hotchkiss de la 3e division d'armée, qui avait passé la nuit du 11 au 12 septembre 1914 contre le talus du chemin de fer Malines-Louvain, à 500 mètres de la station d'Haecht-Wespelaere, reçut à 4 heures l'ordre de se porter en ligne pour soutenir le 14e de ligne. Joyeusement, mes hommes gravissent la pente, franchissent la crête et bientôt les deux pièces de ma section, la 52e et la 53e, s'enchâssent dans les tirailleurs de la compagnie du commandant Magnette, encadrant, à l'extrême gauche, la dernière section d'infanterie. Les tirailleurs ont occupé pendant la nuit une tranchée pour tireurs à genou, qu'ils sont en train d'approfondir. Vers ma droite, je vois leurs silhouettes se perdre dans la brume matinale. En arrière, les obusiers de 15, placés en deçà du chemin de fer, ont sonné le réveil, et aussitôt, sur la gauche, trois batteries de 75 de la 12e brigade reprennent le feu. Vers 8 heures, la brume se dissipe entièrement, découvrant le champ de bataille. Déjà nos pertes sont sensibles: le premier sergent-major Carlens, chef de section aux mitrailleuses, a été tué et Butjens, servant à la 52e, a eu la cuisse traversée. Je me suis réservé la 52e, que je pointe moi-même. Parfois, je crie aux lignards qui tirent au hasard: « Mais sur quoi tirez-vous? Ne tirez que quand vous voyez l'ennemi. » Cependant, pour leur donner confiance, je lâche de temps en temps une bande de trente cartouches sur des points que je suppose occupés, sachant combien le soldats se sent réconforté quand la mitrailleuse l'appuie. Devant nous - mais où? - la fusillade est continue, les Maxims allemands ne cessent pas un instant leur taratarata. Ce n'est qu'à dix heures que j'aperçois enfin les tranchées e.nemies. Jusque-là et pendant six heures, j'ai fouillé le champ de tir avec d'excellentes jumelles sans rien découvrir. Une tête de Boche, émergeant d'une embrasure, me ré- vèle toute la position. Pir.cés! J'éprouve une joie féroce. Du coup je peux régler mon tir, et mon ordonnance, Hubert Massart, me servant d'observateur, je réussis, en trois bandes de trente cartouches, à taper en plein dans le parapet et sur la plongée. Je me hâte de communiquer ma trouvaille à l'infanterie et à ma 53e, et dès lors, notre feu devient plus vif, quoique toujours intermittent. La matinée se passe sans incident notable et j'en profite pour examiner notre position. Devant nous s'étend un glacis, semblable à celui de Saint-Privât, mais dix fois plus meurtrier, étant donné la puissance des armes actuelles. C'est un fer à cheval de feu, bordé de maisons basses et allongées, remplies de défenseurs invisibles et presque invulnérables, et dont le fond est constitué par deux tranchées allemandes, séparées par une maisonnette toute blanche, aux murs de briques lézardés, qui sert d'abri à des légions de Boches. Pendant la matinée, les canons de 75 et les obusiers de 15 s'en prennent aux maisons qu'on renseigne comme occupées par des tireurs de choix ou des mitrailleuses. Nos artilleurs pointent avec une précision merveilleuse, mais leurs obus traversent le premier mur, éclatent dans la première pièce et laissent indemnes les suivantes. Une fois sur trois, nos projectiles allument un incendie, ce qui vaut mieux. Quant à moi, je suis installé derrière la première traverse d'une tranchée allemande abandonnée, légèrement en dehors et en avant de notre ligne, que je peux flanquer, le cas échéant, tout en faisant face à une attaque de flanc. Notez qu'à ma gauche il y a une trouée en face de l'artillerie, mais, de ce côté, on n'aperçoit aucun fantassin. A midi, les braves lignards franchissent tout à coup le parapet de leur tranchée et s'avancent en rampant et en tirant. Tout de suite, la ligne appuie légèrement à droite, ce qui dégage mes deux pièces. A notre tour, nous nous avançons dans le cercle ardent, dont on ne sort que mort ou vainqueur. Je décide de laisser la 53e en place continuer le tir et flanquer l'attaque, pendant que, profitant de la tranchée boche libre, je me porterai en avant avec la 52e et appuierai l'in- fanterie. « Enlevez le fusil, ordonnai-je au sergent Maréchal, fermez les boîtes à cartouches et suivez-moi. » Et je pars reconnaître le chemin à parcourir et l'emplacement de tir à occuper. Comme l'indique le croquis, je n'ai qu'à suivre la tranchée allemande, d'environ 200 mètres de longueur, dont je garde l'extrémité. Arrivé au bout, je constate, d'une part, que l'infanterie avance prodigieusement vite sous un feu de mousqueterie et de mitrailleuses des plus violents, et que, d'autre part, devant moi, sur ma droite, au delà d'un chemin de traverse, se trouve une seconde tranchée boche dont, chose curieuse, le faible profil m'a échappé. Je franchis les 25 mètres qui me séparent du chemin de traverse, dont je longe le fossé, et d'un bond j'atteins la seconde tranchée. Je cours à son extrémité qui forme un petit crochet et constate qu'elle offre une bonne position de tir. Je retourne au plus vite chercher mes hommes; ils étaient déjà parvenus au chemin de traverse. Malheureusement, il n'y a pas eu moyen de dégager le fusil du trépied de la Hotchkiss et, par suite de l'étroitesse du boyau, ce transport nous donne beaucoup de fil à retordre . En nous servant du fossé de la route, nous glissons vers la seconde tranchée allemande. A moitié chemin, je vois à droite, en plein champ, le caporal Boreux, du 14e, qui se traîne, les jambes ensanglantées. « Ne pourrais-je être soigné, mon lieutenant?» me crie-t-il. - « Mon vieux, tu vois bien que c'est impossible, flanque-toi dans le fossé, tu seras pansé dès que le combat sera fini. » Les braves fantassins sont déjà à l'extrémité de la seconde tranchée boche, quand j'y arrive et mets ma pièce en batterie. « Mon lieutenant, dit Maréchal, voilà une mitrailleuse qui tire sur nous. » En effet, à droite de la maisonnette blanche qui nous fait face, une pièce allemande nous envoie sa mitraille, je pointe immédiatement, à 200 mètres. Dès le premier coup, je lui impose silence. Son rôle est fini. Je commence donc à arroser les tranchées boches, à droite et à gauche de la maisonnette ma pièce marche merveilleusement, mes hommes sont d'un calme absolu. Les braves du 14e nous dépassent bientôt; en moins d'un quart d'heure, ils ont franchi 450 mètres. La ligne continue à appuyer à droite. « Maréchal, dis-je, je vous confie une mission de confiance. Allez chercher la 53e et amenez-la.ici ». Je reprends le tir, neutralisant la tranchée de droite. Notre artillerie à dû en effet suspendre le tir de ce côté, mais elle arrose la partie gauche et bat de ses shrapnells les murs et les maisons de la grande route de Louvain à Malines. Les Allemands n'ont pas d'artillerie, ce qui est singulièrement heureux pour nous. Cependant ma 53e n'arrive pas. J'étais résolu, dès qu'elle viendrait me relever, à rejoindre l'aile gauche de mon régiment, pour donner à ces braves, fût-ce au prix d'un sacrifice, le réconfort de la présence d'une mitrailleuse; je voulais les accompagner jusqu'au bout. Craignant d'arriver trop tard, je me décide à avancer: « Allons, mes amis, dis-je; le moment est venu de donner le grand coup. En avant! » J'empoigne le pied droit de ma pièce, Massart prend le gauche, Jaassens la bêche de crosse, Fraikin et Collard les boîtes à cartouches. D'un effort, nous sortons de notre abri et rous nous engageons en plein champ. C'est plus qu'une imprudence, c'est une témérité. Mais mon tir s'est révélé si supérieur à celui des Boches et l'élan de l'attaque me donne de telles espérances! Nous parcourons une dizaine de mètres, entourés d'un essaim de balles. En effet, à droite et à gauche, les tranchées allemandes ont recommencé leur tir; à 300 mètres, les tireurs spéciaux et les mitrailleuses nous prennent à partie. Tout à coup, Massart tombe, étouffant un cri de douleur. Tout le monde se colle à terre; sur nos têtes, le kiss, kiss, kiss bien connu sifflote. « Qui est blessé? C'est toi, Hubert? Où ça? - Au bras, mon lieutenant. » Les autres mitrailleurs rentrent en rampant dans la tran- chée que nous venons de quitter. « Mon lieutenant, ne pourrais-je être soigné de suite? - Par qui do c, mon pauvre Hubert? Sales Boches! je m'en vais les arranger; en atten- dant, traîne-toi près de la tranchée, appuie-toi la tête contre le parapet et ne bouge plus. » Nous croyant morts, le kiss, kiss a cessé. Il a d'autres objectifs. Je me redresse et je recommence le tir, mais je suis seul au milieu d'un cercle de feu. Mon cousin, le lieutenant Fernand Marissal, qui a amené ses pièces sur ma droite, a cessé de tirer pour la seule raison possible: il vient d'être tué; des Boches, embusqués dans une maison, lui ont envoyé à bout portant, une balle dans la tête. Les tirailleurs n'existent plus: le brave commandant Magnette est tué à leur tête. Je dois donc faire face à trois côtés. Je commence par réimposer silence à la tranchée de gauche, et je reçois à la figure une balle qui m'érafle la joue droite et le nez. Choc violent. Mon visage est en sang, heureusement mes yeux sont saufs! Je continue le tir contre les maisons de droite, dont j'arrose avec précision portes, fenêtres et toits, puis je reprends la tranchée qui me tire dessus. Une balle me frappe à l'avant-bras droit, me coupe une veine et provoque une forte hémorragie. Je retrousse la manche de ma vareuse et ma chemise apparaît toute rouge: mes doigts bougent encore, mais difficilement. Je fais payer cela aux embusqués de la grande route. Mon pauvre Hubert s'est traîné jusqu'à la première tranchée et il dit à ses camarades, qui tirent maintenant au fusil: « Comment le lieutenant, déjà blessé deux fois, tire tout seul? N'y aura-t-il personne pour l'aider? » Ce furent ses dernières paroles; blessé mortellement, ce héros consacra son dernier souffle à exhorter ses compagnons au devoir. Janssens sort de la tranchée et vient charger ma pièce; je vais tirer quand je reçois sous le genou un choc tel que je suis jeté à terre: « Tonnerre! Ils m'ont cassé la jambe! » En effet, elle a une position anormale, je la redresse et retends devant moi. Je tire la bande chargée et toutes celles qui restent encore dans la boîte près de moi. C'est tout. Janssens est rentré dans la tranchée. J'enlève mon éperon- droit, qui tord ma jambe brisée, et je me couche sur le dos, la tête sur mon shako, une carte sur le front pour me protéger contre les ardeurs du soleil. Il est 12 h. 30. Le ciel est d'une limpidité profonde, avec, cà et là, des nuages blanchâtres. De temps à autre, des corbeaux passent, d'un vol lent, poussant des cris stridents. - « A vos ordres, mon lieutenant. » Je sursaute; c'est le brave Maréchal qui arrive avec le caporal Treize et le premier soldat van Herck de la 53e. - Eh bien, et la 53e? - Mon lieutenant, elle a refusé de fonctionner. - Où est-elle? - Nous l'avons mise complètement hors d'usage. - Il n'y a donc plus rien à faire? - Si, mon lieutenant, nous allons vous enlever. - Non, mes amis; pendant l'action, on ne relève pas les blessés. Je ne pouvais naturellement pas accepter, pour moi, et que j'avais refusé à deux reprises à des soldats. - Mettez plutôt la pièce hors de service. - Nous la sauverons, mon lieutenant. Profitant d'une accalmie, il saute avec deux hommes sur la pièce et parvient à la traîner dans la tranchée. C'est une joie pour moi. L'assaut a échoué. Derrière la première ligne massacrée, les soutiens se sont arrêtés. En arrière et à droite, la compagnie Darche, du 14e, occupe le chemin de traverse où les deux pièces de mon pauvre cousin ont été remises en action. Plus loin, et à gauche, la compagnie Moreau, en échelon, défend la tranchée Magnette. Les balles de cette com- pagnie, comme celles de l'ennemi, passent au-dessus de ma tête. Avant de s'éloigner avec ma 52e, mes braves insistent affectueusement pour m'emporter. Je refuse catégoriquement, ne voulant pas, moi officier, séparer mon sort de tant de braves soldats tombés comme moi à l'attaque. Je mets une huitième cartouche dans mon browning, décidé à me défendre jusqu'à la mort. J'entends bientôt mon pauvre Hubert Massart râler. Une significative crispation des dorsaux lui bombe la poitrine; son nez s'effile. J'assiste, impuissant, à sa mort. Quant à moi personnellement, je suis heureux et très fier. Je saigne beaucoup et je n'ai pas de sachet de pansement. Heureusement, ma culotte serrante et ma jambière moulée font attelle et je lie, aussi vigoureusement que le permet ma dextre ankylosée, la courroie de mes jumelles autour de ma cuisse. Le combat continue par intermittence. A 5 heures et demie, quelques obus boches tombent çà et là, dans le champ de tir. Un d'eux s'enfonce à quelques mètres sur ma gauche. Les terres projetées par l'explosion me recouvrent en partie. Je résolus de re- joindre la compagnie Darche et commence à me traîner sur le dos, à l'aide de ma jambe et de mes coudes, laissant derrière moi une traînée de sang. De temps à autre, je lève le bras, pour montrer mes galons aux amis et j'entends distinctement crier: « Attention au lieutenant. » J'atteins vers 6 heures et demie le chemin de traverse et je franchis seul, par un prodige, le premier fossé. Un tirailleur me prend par les épaules au moment où j'arrive au second et me traîne le long du fossé jusqu'à la gauche de sa compagnie. Là, se trouvaient déjà le caporal Boreux et d'autres blessés. Nous étions sauvés! http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_14.htm | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:59 | |
| http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_17.htm de la revue ‘Revue de la Presse', du No. 151, 6 septembre 1918 'La Belgique Héroïque et Vaillante' 'Combat de Wavre-Sainte-Catherine' Recueillis par le Baron C. Buffin soldat allemand dans les ruines du fort de Wavre Ste. Catherine Combat de Wavre-Sainte-Catherine 28 septembre-10 octobre 1914 par le sous-lieutenant Heuroz commandant la 1er compagnie du 1er bataillon du 2 régiment de carabiniers de forteresse Sans cesse harcelés par l'armée belge et inquiets pour le flanc de leur ligne de communication, les Allemands résolurent de s'en prendre à la forteresse d'Anvers, refuge de notre armée après chacune de ses opérations offensives. A la fin du mois de septembre, l'ennemi avait reçu du renfort en troupes de toutes armes, particulièrement en artillerie de siège et en pionniers, rendus disponibles par la chute de Maubeuge. Le 27 septembre, à 7 heures du matin, je reçois l'ordre d'occuper les tranchées avec ma compagnie et de suspendre tous les travaux. Ma compagnie se trouve dans l'intervalle de Dorpveld et du front de Wavre-Sainte-Catherine. Elle est appuyée à droite par la compagnie du capitaine-commandant adjoint d'état-major Havenith, commandant de l'intervalle. Ce jour-là, les Allemands ont commencé à refouler le détachement de la lre division d'armée qui tient les abords de la ligne. Nous savons donc que les Allemands vont nous attaquer, mais nous sommes persuadés que nos positions sont inexpugnables, tant nous les ayons organisées et hérissées d'engins de toute espèce; aussi c'est avec la plus grande confiance que nous attendons le choc. Cette journée est très calme aux alentours du fort; un avion belge est abattu et tombe dans nos lignes, près de notre petit poste. Lundi 28 septembre. - Une belle journée se dessine. Bien loin, au fond, s'élèvent deux ballons captifs boches; ils se balancent au gré des vents, l'air menaçant; des avions font entendre le ronronnement de leurs moteurs: prévisions certaines d'une attaque imminente. Vers 11 heures, un sifflement lointain retentit qui bientôt se transforme en un grondement de tonnerre, sans cesse grandissant, pour se perdre dans une explosion formidable! Par la visière de la tranchée, chacun voit, à 150 mètres en avant du fort, une colonne de fumée d'au moins 20 mètres de haut. C'est un 420 millimètres qui vient d'éclater. Exactement onze minutes après, un second obus, avec le même fracas, tombe à 50 mètres des glacis du fort. Tout le monde est sur pied, tous les yeux fixent le fort avec angoisse; le troisième obus ne se fait pas attendre: onze minutes après, il vient s'écraser en plein sur le fort... « Pauvre Catherine! » disent les hommes. Malgré ses blessures, Catherine continue à cracher sa mitraille. Le feu des 420 se succède à intervalles de onze à douze minutes, durant toute la matinée; dans l'après-midi, il devient plus intense, les obus arrivent alors par salves de deux. Beaucoup manquent leur but, heureusement pour le fort. Cependant sa résistance est sérieusement compromise. Les bétonnements, les cuirassements n'ont du reste été calculés qu'en vue du bombardement par des pièces de 21 centimètres au maximum. Ainsi, voit-on souvent sortir, des souterrains de l'ouvrage, cinq ou six artilleurs, qui rapidement, entre deux rafales, grimpent sur le fort et en toute hâte comblent, au moyen de sacs de terre, les excavations produites par les projectiles, puis filent à toutes jambes à l'approche des bolides. Certains mêmes, bravant ces mastodontes de métal, continuent le travail; ces vaillants donnent aux soldats delà tranchée un bel exemple d'héroïsme; nous les regardons émerveillés, nous sentons notre courage grandir. Le bombardement cesse à 16 heures et demie exactement. La masse de béton du fort est fissurée, les couloirs bouchés par l'odeur écœurante des gaz de trotyle. Aucune victime de part ou d'autre. Le fort de Wavre- Sainte-Catherine a reçu te baptême du feu. Mardi 29 septembre. - Les lre et 2e divisions se trouvent alors dans le 3e secteur, Waelhem-Lierre; les 3e et 6e dans le 4e; Waelhem-Escaut; la 4e division occupe Ter- monde; la 5e forme la réserve générale. Le bombardement recommence à la pointe du jour; bientôt, les grosses marmites tombent dru sur le fort. Parfois une de ces niasses, mal dirigée, éclate dans l'intervalle. C'est un véritable tremblement de terre, le sol oscille, on croirait que la terre va s'entr'ouvrir et nous engloutir. Bientôt le feu redouble d'intensité. A certains moments, le fort est canonné à la vitesse de 20 à 25 coups par minute avec obus de tous calibres. Le fracas, est assourdissant, on s'entend à peine parler. Chacun craint pour le fort et chaque fois qu'un obus est « but », les hommes murmurent: « Pauvre Catherine ». Vers 10 heures, le tir à shrapnells contre les intervalles commence. Ordre m'est donné par le commandant Havenith d'occuper avec une section la tranchée de combat; le restant de ma trou e s'établit dans la tranchée- abri, située à 50 mètres derrière. Pendant ce changement, une volée de shrapnells s'ébat sur le boyau de communication: quatre blessés très légèrement, dont le sergent Claudot, volontaire de guerre, qu'il faut évacuer. Ensuite, c'est au tour du village de Wavre-Sainte-Catherine d' « encaisser ». Plusieurs salves y font assez bien de victimes, dont plusieurs civils. C'est la panique; les gens affolés, terrifiés, se sauvent, emportant quelques objets hâtivement rassemblés; les femmes en pleurs entraînent leurs bambins qui, ne sachant quoi, poussent des cris déchirants. A la nuit tombante, plusieurs maisons sont en flammes. Nous assistons impuissants à ce lamentable tableau, furieux de ne pouvoir venger ces malheureux. De tous côtés, le canon gronde, l'air saiuré de fumée est acre, l'odeur de la poudre nous prend à la gorge. Enfin, peu à peu, tout rentre dans le calme, les sentinelles gagnent leur poste au delà du réseau des fils de fer barbelés. Jusqu'ici la cuisine s'est faite dans la tranchés, à côté d'an abri pour mitrailleuse; pendant le bombardement, un obus malencontreux plonge dans la douche, où cuit la soupe, projetant de toutes parts potage et viande; toutes communications avec l'arrière étant coupées, le ravitaillement est impossible. Je recommande aux soldats de ménager les vivres qu'ils ont encore et de conserver à tout prix leur ration de réserve. Les hommes, toujours calmes, oubliant déjà le danger qu'ils ont couru pendant la journée, ne protestent point; ils se rendent bravement à leur poste d'observation, pendant que leurs camarades vont prendre un peu de repos. La nuit se passe sans incident. Mercredi 30 septembre. - La compagnie occupe toujours la même position. A peine le soleil est-il levé, que le bombardement des forts, de l'intervalle et de la redoute reprend de plus belle. Je reçois un renfort, une compagnie du 6e de ligne qui vient occuper la tranchée-abri. Plus de 300 hommes grouillent dans ce trou. Je prévois un 42 sur cette tranchée! Quel carnage! Je tremble pour mes hommes en songeant au danger qu'ils courent. Mais eux n'y pensent pas; heureux du renfort inattendu, ils ne songent plus qu'à la victoire. Les obus de tous calibres pleuvent de toutes parts, les obus-mines éclatent avec un fracas épouvantable. Les coups se précisent et atteignent notre parapet. La tranchée oscille, va-t-elle s'écrouler? Les éclats d'obus tombent à nos pieds. Tout à coup, un obus tape sur la tranchée. La fumée dissipée, on s'aperçoit avec consternation que plusieurs hommes sont ensevelis sous les décombres! On les entend crier. Au premier moment, personne ne bouge, nous sommes cloues au sol par la stupeur et l'effroi. Enfin, plusieurs volent au secours de leurs camarades, je m'approche et vois avec horreur le pauvre Vander Stappen, complètement décapité. La tête intacte, gît à ses pieds; trois autres, dont le sergent Dooms, sont grièvement blessés. Les obus arrivent par rafales, c'est épouvantable! Les hommes atterés se sont couchés, leur couverture sur la tète pour se protéger des éclats et pour ne rien. voir. A côté de moi, un soldat sort d'un calepin le portrait de sa femme et de ses enfants, ils sont trois groupés autour de leur" mère. Pendant cet infernal bombardement, ce pauvre homme, voyant la mort si proche, aime à revoir les siens; les Larmes aux yeux, il secoue tristement la tête. Je m'assieds à ses côtés, et, après quelques bonnes paroles, je parviens à lui faire reprendre courage. Soudain il se lève, et tendant son poing vers l'ennemi, leur crie: « Arrivez donc, sales Boches, nous allons voir si vous êtes aussi forts à la baïonnette qu'avec vos 42. » A peine a-t-il lancé les derniers mots de son apostrophe qu'une explosion plus formidable que les autres nous fait sursauter. La poudrière du fort vient de sauter. « Pauvre Catherine! » Notre artillerie placée dans les intervalles, bien que soumise, elle aussi, à un bombardement violent, riposte avec vaillance. Nos hommes en sont encouragés; ils se sentent soutenus. Il est exactement 11 h. 45. Une estafette tout essoufflée me tend d'une main tremblante un pli fermé; c'est un ordre du commandant de la position fortifiée d'Anvers. « Malgré le bombardement, et si terrible qu'il soit, il faut résister à outrance, jusqu'à la mort! » On résistera. Je congédie l'estafette, un garçon de dix-huit ans, qui, sans se soucier des obus et des shrapnelles, s'encourt à son poste. Les Allemands bombardent toujours avec acharnement la redoute de Dorpveld. Un 42 s'abat sur une maison située près du fort. Il n'en reste que des décombres; des briques retombent jusque dans notre tranchée. Enfin les heures passent, la journée s'écoule tout doucement. Dans la soirée, la canonnade diminue d'intensité, les soldats en profitent aussitôt pour se promener et se dégourdir les membres. Ils sont gais, contents de se revoir, heureux d'avoir échappé à la mort; et c'est toujours pleins d'espoir qu'ils attendent l'arrivée des Boches. Résultats de la journée: un tué, cinq blessés. Les petits postes placés, chacun veille, personne ne veut se reposer. On croit à une attaque de nuit et tout le monde désire être là, pour donner le premier coup de feu, pour recevoir dignement l'ennemi. Contre toute attente, la nuit se passe sans incident, à part quelques patrouilles aperçues aux environs du village. Jeudi 1er octobre. - La compagnie occupe le même poste. Le bombardement, tant dans les intervalles que sur les positions arrières, recommence plus effroyable encore que les jours précédents; les Boches nous inondent de projectiles de tous calibres. Tout le monde reste inébranlable sous les averses de mitraille. Les batteries ripostent toujours. Seuls les forts se taisent, ils sont complètement détruits. Le bombardement se poursuit avec la dernière violence, comme si l'ennemi voulait nous écraser par les seuls eflets de son artillerie lourde, contre laquelle il nous sait impuissants. Le vacarme est indescriptible. En moins de vingt minutes, je compte trois tués et une dizline de blessés. Ma tranchée menace ruine; à tout prix, il faut la réparer; sur ma demande, quelques volontaires se présentent et malgré le bombardement travaillent avec ardeur. Les pertes sont grandes, mais nul ne songe à lâcher pied. L'ordre est venu de résister à outrance, de tenir malgré tout, nous obéirons, nous sommes résolus à mourir sur place. Les obus pleuvent toujours sans discontinuer. A Wavre-Sainte-Catherine village, les ravages sont terribles, la localité entière tremble dans un bruit continu de tonnerre. C'est dans cet enfer pourtant que doivent demeurer les soldats chargés de la défense. Le sous-lieutenant Blanckaert et ses mitrailleuses tiennent toujours près de l'église; ils s'abritent comme ils peuvent et leur impassibilité dans ce bombardement infernal n'est pas un des spectacles les moins impressionnants. L'artillerie ennemie, toujours avec la même rage sacrilège, vise l'église, qui reste debout; le clocher est à peine touché; des maisons s'écroulent. De temps en temps une explosion plus puissante se fait entendre, quelqu'un déclare alors simplement: « Encore un 42 ». Il est visible que l'ennemi tente, par l'intensité de son bombardement, de rendre nos positions intenables, espérant nous démoraliser. De notre pauvre tranchée qui oscille, qui tangue à donner le mal de mer, le spectacle est effrayant. Chaque fois qu'un obus de gros calibre l'atteint, des positions entières s'éboulent ensevelissant morts, blessés, vivants. Deux, trois, quatre grosses marmites s'y abattent par minute. Le capitaine du 6 de ligne tombe à mes côtés, l'épaule fracassée. Dans les tranchées, les hommes tiennent bon, malgé l'horrible crispation des nerfs, la soif, le spectale de leurs camarades déchiquetés, le gémissement plaintif des blessés. Le sergent-major Démarche est blessé également. Nos batteries tirent à toute volée. Pour- tant elles ont fort à souffrir, car elles sont repérés exactement par les maudits ballons captifs. Des schrapnells brisants, des obus-mines éclatent jusque sur nos pièces; elles sont démolies les unes après les autres et les braves artilleurs gisent à leurs pieds. Hor- rible! la situation devient de plus en plus critique. En l'absence du capitaine du 6e de ligne qui est évacué, je prends le commandement de la tranchée. Il est 14 heures et demie précises. Toui à coup, on aperçoit, à 200 mètres en avant du fort, deux hommes, dans le réseau cfe fils de fer. Pas de doute, ce sont des Boches. Que viennent-ils faire? Leurs obus ne tombent cependant pas loin d'eux. Soudain, trois salves partent des tranchées du capitaine-commandant A. E. M. Havenith; un boche tombe, se relève et tombe une seconde fois, l'autre s'enfuit. Un quart d'heure après, il revient accompagné de deux camarades portant un brancard et agitant un drapeau de la Croix-Rouge. Pas un coup de feu n'est tiré, le blessé est transporté vers les lignes allemandes. Le bombardement continue pour diminuer d'intensité vers la tombée de la nuit. Le commandant du ort, qui avait évacué son ouvrage, profite de cette accalmie pour le ré- occuper, mais celui-ci est à peu près anéanti. Le lourd cuirassement d'une coupole de 15 centimètres a complètement disparu, et l'incendie sévit dans les décombres. Je fais immédiatement ensevelir les morts et emporter les blessés. Vers 17 heures, je reçois l'ordre du commandant de l'intervalle d'occuper la tranchée de combat avec lés deux compagnies. On prévoit une attaque pour cette nuit. Mes sentinelles de surveillance à leur poste, nous attendons bravement l'arrivée des Allemands. Un instant de calme, nous en profitons pour casser une croûte. Les hommes en sont à leur dernière ration de vivres de réserve. Que mangerons-nous demain? Déjà la soif se fait sentir, la gorge brûle, et il n'y a pas d'eau. Des hommes en trouvent derrière la tranchée, elle est un peu trouble, mais qu'importe, cela rafraîchira bien. Devinant que je suis altéré, un brave me tend sa gourde. « Merci, mon vieux. Conserve cela pour demain, et puis je n'ai pas soif. - Mais, mon lieutenant, il y a du sucre avec!!! » Je vais visiter mes petits postes. J'ai à peine fait vingt pas que le caporal arrive en criant: « Mon lieutenant, les Boches sont ià, près des fils de fer ». Je tends l'oreille. Tout à coup les sonnettes accrochées aux fils de fer tintent; pas de doute, ce sont eux. Au commandement de: « Feu à volonté », les hommes ouvrent un tir nourri sur les réseaux. C'est un feu d'enfer. Les balles coupent les fils et font voler des milliers d'étincelles. Alors, la redoute que tout le monde croit morte s'allume comme un brasier et envoie sur l'assaillant des rafales de mitraille. Les hommes crient déjà victoire, heureux de faire le coup de feu, mais furieux de ne pas apercevoir les Boches. Il fait un noir d'encre. Impossible de voir à deux mètres devant soi. Les Allemands, surpris dans leur attaque, rispotent ferme, mais leurs balles, passent au-dessus de nous. De temps en temps, quelques balles ennemies semblent venir s'écraser derrière nous, contre un mur qui n'existe pas. Tout le monde a la même pensée: des balles explosives! Plusieurs patrouilles sont envoyées fouiller les alentours. Je fais reposer les hommes par moitié. Manquant presque totalement de munitions, j'envoie le sergent-major Cnirephout prévenir le commanda ,t Havenith qu'il me faut des cartouches à tout prix. J'ai su après que le sergent-major n'était jamais arrivé. Que lui est-il arrivé? Tué ou disparu? La nuit se passe sans autre événement. 2 octobre. - Le jour venu, la grosse artillerie ennemie reprend son tir d'écrasement. Le pont de Duffel est battu par des pièces de 13 centimètres. La gare reçoit plus de 250 obus en moins de deux heures et demie. Le fort de Wavre-Sainte-Catherine et la redoute Dorpveld sont à nouveau couverts de projectiles. Ce sont les préliminaires d'une attaque d'infanterie. Vers 6 heures trois quarts plus de 200 hommes débouchent en ordre serré de la route de Malines et, à travers champs, se dirigent au pas de course sur la redoute. Je commande aussitôt le feu rapide; à 200 mètres, les hommes tirent juste, des rangs entiers sont balayés, remplacés par d'autres, qui à leur tour tombent sous les coups de nos Mausers. Soudain, toute la bande s'arrête, quelques hommes agitent des drapeaux belges et des drapeaux blancs. Nous distinguons mieux leurs uniformes, ce sont des lignards. « Cessez le feu, ce sont des nôtres », crient les hommes. Malgré tout, j'ordonne de continuer le tir. Violant une fois de plus les lois de la guerre, les Allemands ont revêtu leurs troupes d'uniformes volés dans nos dépôts. La fusillade recommence aussitôt plus violente que jamais. De toutes ces troupes une trentaine parviennent à la redoute et se cachent dans les fossés. L'un d'eux, porteur de pancartes, les place au sommet de la redoute, le côté intérieur dirigé vers l'ennemi; je ne puis distinguer ce genre de signaux. La fusillade cesse; dix minutes après, une des deux pancartes tombe et une vingtaine d'Allemands s'enfuient vers leurs lignes... Quelques instants plus tard, nous entendons le mac... mac de leurs mitrailleuses placées au-dessus de la redoute; bien pointées, leur balles traversent nos créneaux. Le sergent Chaignot, volontaire de guerre, le fusil sur une des mitrailleuses, tombe raide mort, une balle au front. Le brave âgé de dix-sept ans à peine, est fils unique d'une veuve! Une brève accalmie me permet d'évacuer mes blessés. L'ennemi ne bombarde plus que nos positions arrière. Au moment précis où l'artillerie allemande allonge son tir, l'infanterie ennemie, sortie on ne sait d'où, se précipite en hurlant « Hoch! » sur le fort de Wavre-Sainte-Ca-therine. J'ai ordre de tenir jusqu'au bout, mais tourné à ma droite et n'ayant plus guère de cartouches, je vais être entouré. A droite, le capitaine-commandant Havenith débordé se replie en bon ordre; n'ayant donc plus de sûreté de ce côté, je me vois forcé de battre en retraite vers la chapelle, à 500 mètres derrière notre ligne. Le caporal Deron et une dizaine d'hommes restent à faire le coup de feu jusqu'à ce que le dernier soldat ait quitté la tranchée. J'ai à déplorer la perte de beaucoup de victimes. Les maudites mitrailleuses de la redoute me fauchent une vingtaine de combattants. Beaucoup d'entre eux, blessés, ne peuvent être transportés et restent malheureusement aux. mains des Allemands. Arrivés au poste de la chapelle, notre seconde ligne, je donne ordre d'occuper- la nouvelle tranchée. Nous n'en avons pas le temps, une cinquantaine de Teutons, que je n'avais pas vus, nous canardent de flanc, plusieurs des nôtres tombent. Nous devons nous retirer, abandonnant nos blessés. Nous sommes poursuivis jusque Poupelaerstraat, où fatiguée, exténuée, ma compagnie s'arrête pour prendre un léger repos. Nous étions tous heureux d'avoir échappé à l'ennemi: cinq minutes de plus dans la tranchée et nous étions prisonniers. Enfin je me dirige vers Elzenstraat pour joindre le lieu de concentration, le pont de Duffel. A l'entrée du village, je rencontre le capitaine- commandant Havenith; heureux de me revoir après ces terribles journées, il me félicite d'avoir tenu vaillamment avec mes hommes pendant cinq jours, sous un bombardement furieux, et de m'être retiré en bon ordre. Pendant le repos que je donne à mes hommes, je fais un appel général; 75 soldats manquent: tués, blessés et disparus. Deux gradés restent, le premier sergent Coppens et moi. Nous croyons avoir mérité quelques jours de repos à l'arrière, mais dès que nous sommes ravitaillés en cartouches et en vivres, nous recevons l'ordre de reprendre position entre Wavre- Sainte-Catherine et Duffel. Nous y sommes acceuillis par un nouveau bombardement. Contournés à notre droite dans la direction de Waelhem, nous sommes contraints de nous retirer sur Duffel. La traversée de ce village, bombardé par du gros calibre, nous demande longtemps. Bientôt l'ordre nous parvient de nous replier à tout prix. Nous passons au pas accéléré, nous traversons le pont de Duffel, canonné avec frénésie, en trombe et sans avoir perdu un homme, et nous nous arrêtons hors du village. Ordre nous est donné ainsi qu'au commandant Havenith de nous replier sur Linth, où nous arrivons dans la soirée. Le restant du régiment s'y trouve. Là, je fus témoin des félicitations que le chef de corps adressa au sergent Delobbel pour sa belle conduite au feu et sa bravoure pendant le bombardement. Il avait, au péril de sa vie, sauvé son commandant (le commandant Van der Minnen) enseveli dans sa tranchée. Un autre fait est à signaler concernant ce sous-officier: sa compagnie se trouvait immédiatement entre le fort de Koningshoyck et la redoute de Borsbeek; les artilleurs d'une bat-- terie de 75, qui appuyaient la tranchée à gauche, avaient abandonné leurs pièces. Et cependant, ces pièces étaient de la plus grande utilité pour contrebattre les pièces allemandes et l'infanterie boche installée à 800 mètres de la position. Sans hésitation et emporté par son patriotisme, Delobbel, qui savait manier le canon, se présenta pour remettre la batterie en action. Avec trois nommes, dont un artilleur blessé, il gagne la batterie dont toutes les défenses sont bouleversées, et qui n'a plus d'épaule-ment. Sous les feux directs de l'infanterie et des grosses pièces, le sergent Delobbel voulut commencer le tir à 600 mètres avec boîte à balles, mais malheureusement les artilleurs avant de s'enfuir avaient déboulonné les culasses et les tire-feu. Avec les bretelles de leur besace, nos gaillards improvisèrent un nouveau tire- feu et bientôt les pièces ouvrirent un feu d'enfer. Malheureusement, exposés au tir de l'infanterie, deux des servants improvisés sont mis hors de combat; un éclat de schrapnell tue le dernier. Deux pièces sont hors d'usage, qu'importe, notre sous-officier continue seul et les obus tombent dru sur les Boches. Mais bientôt, exténué, canardé à outrance et sa dernière pièce venant d'être i démolie, il est obligé de se terrer et ce n'est que dans la soirée qu'il peut regagner la t tranchée. Inutile de dire s'il y fut bien reçu! http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_17.htm | |
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| Sujet: Re: La Belgique et la Grande Guerre Dim Jan 19 2014, 23:59 | |
| http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_18.htm de la revue ‘Revue de la Presse', du No. 151, 6 septembre 1918 'La Belgique Héroïque et Vaillante' 'l'Agonie du Fort de Lierre' Recueillis par le Baron C. Buffin soldats allemands sur la coupole du fort de Lierre l'Agonie du Fort de Lierre par un officier de la garnison
Il ne faut pas chercher dans ce récit une moisson d'impressions. Si la garnison d'un fort paraît très agglomérée dans l'étroite surface occupée par l'ouvrage, elle est en réalité dispersée partout: trois hommes ici, dix là, dans les coupoles, les magasins à munitions, les postes de guet, etc.; chacun est dans son trou et le contact est beaucoup moins intime que les troupes de campagne. Lorsque, par suite de la destruction de certaines parties du fort, la garnison se rassem- blera peu à peu, la tension morale, l'absence de sommeil, l'irrégularité de l'alimentation l'auront transformée en une troupe passive sous l'avalanche des coups, encore capable sans doute de réaction ou d'efforts, mais d'efforts silencieux et machinaux. A part ceux qui ont vécu ces heures, nul ne saura jamais qu'elle intensité de souffrances elles ont value aux défenseurs des forts. 27 septembre 1914. - Le canon gronde dans le lointain et semble se rapprocher. Nous entendons distinctement Waelhem et Wavre-Sainte-Catherine tirer; de grands panaches de fumée blanche montent au-dessus des arbres à l'horizon. La tour de Malines disparaît dans la fumée. Depuis plusieurs jours, tout le monde est à son poste de combat. Des troupes allemandes, des patrouilles probablement,- sont signalées par nos guetteurs, à plus de 8,500 mètres du fort, trop loin pour agir contre elles. L'attaque est proche. Nos hommes sont résolus et ne demandent qu'à ouvrir le feu. La journée et la nuit se passent sans incidents. 28 septembre. - La matinée est calme pour nous. Le canon gronde toujours; des communications téléphoniques nous apprennent que Waelhem et Wavre-Sainte- Catherine sont violemment bombardés. A 14 heures, nos postes d'observation signalent l'occupation, par des groupes ennemis, de localités qui se trouvent dans notre rayon d'action. Les coupoles de 15 centimètres ouvrent le feu, qui se continuera jusqu'à la chute du jour. Notre premier coup de canon fut un véritable soulagement; l'enervement de l'attente a disparu; le fort est rempli d'une animation joyeuse. A 20 heures, bombardement par les forts des agglomérations situées le long de la route d'Aerschot et où l'ennemi est signalé en cantonnement. Ce jour, aucune riposte de l'ennemi. L'aviation nous avait signalé la construction de batteries de siège dans notre secteur de défense; nous ne pouvons rien contre elles à la distance où elles sont placées. 29 septembre. - Hormis notre tir de la veille, la nuit est calme. A 7 heures et demie précices, des sifflements caractéristiques nous avertissent que les obus passent au- dessus du fort; les éclatements ont lieu très loin, à Lierre sans doute; les rideaux d'arbres nous cachent la vue de la ville. Le téléphone nous confirme que des obus tombent à la Porte de Louvain. Nous ne tardons pas à avoir notre tour; des shrapnells d'abord dont l'éclatement strident et métallique étonne les hommes; puis des obus venant éclater surtout dans le massif de la caserne. Notre antenne de T. S. F. est coupée; première phase de l'isolement. Nous répondons avec vigueur au feu de l'ennemi. A 11 heures, suspension du feu. Les hommes apportent au bureau de tir des éclats d'obus et de shrapnells, des balles, des fusées, etc.. Une fusée nous apprend que le réglage des Allemands est fait à 5 200 mètres, ce qui est la moyenne de notre propre réglage sur les batteries signalées. A 14 heures, reprise du feu de part et d'autre. Nous recevons des projectiles de 13 cm. 5, dont un, qui a fusé, vient rouler devant le bureau de tir. La ville de Lierre continue à être bombardée; nous apprenons que l'hospice civil a été atteint et que l'on signale huit tués. A 17 heures, suspension du feu; reprise vers 19 heures et demie, tir de peu de durée et de peu d'efficacité. De tout cela le fort n'a pas trop souffert; des entonnoirs nombreux, surtout sur le massif de la caserne au-dessus de laquelle des simili-coupoles avaient été installées; une coupole de 15 centimètres éraflée, des carreaux cassés; tout va bien et le moral des hommes est bon. Ils s'enhardissent et il faut les empêcher de circuler à découvert. Soixante-quatre obus ont atteint le fort. Nous apprenons le soir par téléphone, que le fort de Wavre-Sainte-Catheriae, écrasé sous les obus formidables, est évacué; du fort de Waelhem, rien. Il aura sans doute subi le même sort. Cette triste nouvelle est annoncée aux officiers seuls. A 11 heures et demie, un observateur signale l'approche d'une colonne par la route d'Aerschot. Nous battons cette route et ses abords par un tir en dispersion jusque vers 1 heure et demie. 30 septembre. - A 3 h. 40, un rassemblement de troupes ennemies est signalé au delà du village de Koningshoyckt. En même temps le fort de ce nom et la redoute de Tollaert, attaqués, demandent l'appui du fort de Lierre. Sur les renseignements et avec l'aide de leurs observatoires d'intervalle, nous ouvrons le feu, qui continuera jusque 6 heures. Nuit blanche pour tout le monde; ce ne sera pas la dernière; à partir de ce moment, il faudra renoncer à tout repos. A 8 heures, le bombardement recommence, non seulement sur le fort de Lierre mais aussi sur les travaux des intervalles et les forts et redoutes à notre droite. Quelques shrapnells d'abord, puis un déluge d'obus de tous calibres. Pas un carreau ne résiste; le sol tremble sous nos pas. Cette sensation du sol élastique persistera plusieurs jours encore après le bombardement. Ail heures, silence complet. Les terre-pleins intérieurs sont bouleversés, la circulation dans le fort devient difficile; notre armement est cependant encore en parfait état. A 12 h. 20, un sifflement sinistre, d'abord, puis un bruit semblable à celui d'un express en marche. Le projectile tombe au-dessus de la caserne et détonne formidablement; une pluie de béton et de maçonnerie tombe sur tout le fort. Nous venons de recevoir le premier obus de 420. Sans relâche, jusque 18 heures, toutes les six minutes, un projec- tile semblable nous arrive. Nous en reçûmes ainsi 57. Les entonnoirs mesurent 8 à 10 mètres de diamètre. Les bouchons de culots sont projetés à 50 mètres de haut et retombent comme un nouveau projectile. Un des premiers obus vient tomber près de nous. Le culot, lancé verticalement, s'abat ensuite sur le bord de l'entonnoir. Les dimensions sont anormales. L'ajusteur reçoit ordre d'aller, après le bombardement, ramasser le culot afin de le peser et de le mesurer. Mais il part aussitôt, sous le bombardement, et, après vingt minutes d'efforts, traîne la pièce au bureau de tir. Semonce pour cette inutile imprudence, le soldat répond simplement: « Mais il n'était plus chaud! » Le culot mesure 388 millimètres de diamètre et pèse 66 kilogrammes; d'autres éclats ramassés sont à bords tranchants; l'un d'eux mesure 85 centimètres de longueur. L'explosion produit une fumée noire, acre, très dense, se déroulant en volutes sur le sol et se dissipant difficilement. Les communications téléphoniques intérieures fonctionnent toujours, sauf avec la batterie annexe du glacis du demi-front de gorge d,e gauche. La caserne est à demi effondrée; le pavillon des officiers est coupé en deux; nous ne nous en préoccupons pas, les locaux ayant été évacués depuis plusieurs jours avec défense d'y séjourner. De la caponnière du front de gorge, on téléphone que la voûte est cravassée, que les embrasures sont obstruées par la terre et les débris de maçonnerie, lancés par les explosions voisines. Cette partie est évacuée. De la coupole de 15 centimètres gauche, on signale que la cuirasse de 5 cm. 7 du saillant I a été projetée en l'air et est retombée à une vingtaine de mètres de la tour. Un obus était tombé devant l'entrée de la poterne, longue d'une cinquantaine de mètres, et la compression de l'air avait produit ce dommage. Un canon de 8 c. 7 disposé pour le tir contre aéroplanes et zeppelins est projeté loin de son emplacement, l'aflût complètement retourné et une roue brisée. Pendant la suspension du bombardement, nous nous précipitons pour constater les dommages pendant que nos canons continuent à tirer pour soulager le fort de Koningshoycht, dont plusieurs pièces sont hors de service, et la redoute de Tallaert menacée d'une attaque frontale. Partout les voûtes sont lézardées; les pavés ont jailli hors du sol qui est crevassé et bombé. Des gaines de communications sont démolies. Le diamètre des entonnoirs est supérieur à la distance qui sépare les pieds-droits; ceux-ci se sont affaissés et les voûtes de béton, privées de leur support, se sont brisées net comme sapées par un gigantesque coup de hache. Ce bombardement avait peu ému les soldats. Lorsque la maçonnerie ou le bétonnage était atteint, une pluie de briques et de galets couvrait le fort, pénétrant avec violence par toutes les ouvertures. La première fois que la chose arriva, deux hommes qui se trouvaient à l'entrée d'une poterne furent contusionnés par les galets. Un loustic fit cette remarque: « Bon! Voilà qu'ils mettent des cailloux dans leurs obus! » Mais des plaintes partent des ruines de la caserne. Nous en retirons un homme blessé et deux tués. Ce sont des ouvriers civils venus pour établir des téléphones haut parleurs. Le blessé nous signale que deux ou trois hommes, dont un soldat, doivent se trouver sous les débris du local qui servait de mess à la troupe. Impossible de les retirer de l'amoncellement de débris. La batterie annexe du glacis a été bouleversée par deux projectiles. Nous n'y trouvons ni morts ni vivants. Qu'est devenu le personnel qui la desservait? Tout n'est pas perdu; sauf la coupole de 5 cm. 7 du saillant I, tous les organes de défense sont encore en bon état et les hommes ne manifestent aucune anxiété. 1e octobre. - Par ordre supérieur, et de concert avec les forts voisins et les batteries d'intervalle, nous ouvrons un feu rapide de vingt minutes de durée, à 2 et à 4 heures, sur les localités et les routes en avant de la ligne de défense. A 7 heures, nous enterrons nos morts. Dès 8 heures, les intervalles, le fort de Koningshoyckt et la redoute de Talîaert sont vivement bombardés. Notre tour n'arrive qu'à 10 h. 15: Neuf projectiles seulement nous sont envoyés. A 13 heures, le bombardement recommence et, comme la veille, toutes les six minutes, un obus nous arrive. Vers 15 heures, la demi-caponnière de droite est atteinte par un coup trop court, le tir ayant été généralement dirigé sur la moitié gauche du fort; la majeure partie du personnel s'y trouvait réfugiée. Aucun blessé, mais la coupole de 15 centimètres est immobilisée par des blocs de béton provenant de la tour à demi démolie; certains blocs mesurent près de 1 mètre cube. Le personnel est évacué rapidement au front de tête. Un canonnier, porteur de bulletins de renseignements arrive alors, couvert de boue. Comme les coupoles avaient été maquillées au moyen de terre détrempée, on crut qu'il avait enlevé le maquillage en rampant sur la coupole et des camarades le lui reprochèrent. Etonnement du brave! Il avait, sous le feti, roulé dans un entonnoir dont il était sorti dans ce bel état. Le bombardement ne cesse pas et nous voyons se restreindre nos abris intacts. Le commandant d'artillerie du fort a fait une chute dans un entonnoir; incapable de marcher, il doit être transporté à l'infirmerie. Le commandant des fusiliers, surmené et intoxiqué par les gaz des explosions, tombe en défaillance. Un des médecins est malade. Les gaz exercent une influence de plus en pius angoissante. Des hommes ont des syn- copes, d'autres pleurent; certains, abattus, semblent attendre l'obus qui les écrasera. Ni exhortations, ni menaces de la part du commandant du fort, aidé par le médecin-chef de service et par l'aumônier, ne parviennent à relever le moral de ces hommes qui attendent la mort comme un bétail inconscient. Vers 19 heures et demie, ce bombardement infernal se ralenti; bientôt, il cesse. Le fort a reçu 60 obus de 420. Le commandant de l'intervalle Lierre-Tallaert annonce une attaque par l'infanterie ennemie appuée par l'artillerie de campagne. Les hommes se ressaisissent, les coupoles sont occupées et la ligne de feu se garnit de mitrailleurs et de fusiliers. La redoute de Tallaert ne peut agir que faiblement et demande du secours. Nous battons avec toutes nos pièces le terrain qui précède les défenses accesoires de l'intervalle. L'attaque ennemie échoue sous ce feu vers 21 heures. Toute la garnison a pris part au combat, même les malades. Le commandant des fusiliers a réoccupé son poste de rempart. Alors le fort est de nouveau bombardé et, à 23 heures, une nouvelle attaque de l'inter- valle se déclanche sans plus de résultat que la première. 2 octobre. - A 2 heures, troisième attaque de l'intervalle. La ligne de feu du front de tête du fort est inondée de balles par les mitrailleurs ennemis. Les fusiliers ripostent avec rage. Leur commandant doit se dépenser pour régulariser le tir. Les fusils échauffés se calent. N'importe! L'Allemand ne passera pas! Nos canons tirent à toute volée, le vacarme est assourdissant. Pendant plus de deux heures, nous vivons au milieu de cet enfer et nous n'entendons même plus les balles ennemies sifflant en essaims autour de nos têtes. Un des canons de la traditore vient d'être mis hors de service par le tir; le second met les bouchées doubles, mais ne tarde pas aussi à ne plus rentrer en batterie. A 4 heures et demie, les fusées rouges de l'ennemi nous apprennent sa retraite. L'inter- valle n'est pas fauché; pas un fil des défenses accessoires n'est coupé. Ce succès rend aux hommes espoir et confiance; ils sont presque joyeux. Cependant leur fatigue est évidente. Aussitôt l'attaque ennemie refoulée, le bureau de tir cesse de répondre aux appels. On va voir; tout le personnel dort; l'officier, écroulé sur une paillase, titube quand il se redresse. Un répit de quelques minutes avait eu lieu et tout le personnel, n'étant plus en éveil, s'était affalé. Le commandant du fort lui-même s'était peu auparavant endormi dans une coupole en pleine action. Le commandant d'artillerie du fort, toujours dans l'impossibilité de marcher, est évacué avec un autre blessé. On distribue des vivres et l'on répare les dégâts. Le réapprovisionnement en munitions des coupoles s'effectue par les gaînes restées intactes. A 7 h. 20, le bombardement reprend de plus belle. Des avions ennemis sont venus se rendre compte de l'état du fort et la destruction devient systématique. Toutes les six minutes, un projectile de 420 nous arrive « le train bloc », disent les hommes. Nous suivons avec anxiété la marche du bombardement. Les projectiles s'annoncent de loin, frappant successivement la gauche et la droite du fort. Les saillants des flancs étant très rapprochés, le coup atteint indifféremment l'un ou l'autre de ces saillants. Des soldats l'ont remarqué et engagent des paris dès que l'arrivée du projectile est signalée. Le saillant I est d'abord copieusement arrosé, puis le tir approche du front de tête. La gaîne de droite du front de tête s'affaisse. Par là s'effectuait le ravitaillement en munitions des coupoles. Combien d'hommes sont restés sous les débris? Un appel est impossible. Nous devons évacuer en partie le front de tête et la moitié du personnel se réfugie dans la demi-caponnière de droite. Toutes les communications téléphoniques et télégraphiques sont coupées; le bureau de Lierre ne répond plus, la ville étant évacuée. Le tir s'approche de la dèmi-caponnière de droite et un obus vient éclater à quinze mètres de l'entrée. Les hommes reçoivent l'ordre de se transporter à l'autre extrémité du fort que le bom- bardement vient d'abandonner. Impossible de prévenir ceux restés à la caponnière du front de tête. Les explosions se succèdent de six en six minutes et le bombardement est systématiquement conduit par série dans un sens invariable. En observant les points de chute, on pouvait donc prévoir le moment où il était temps de partir. Le coup du début était seul dangereux. Dès que les explosions se rapprochaient trop, les hommes se rassemblaient au coup de sifflet, attendaient la chute du projectile, puis filaient vers leur nouvel abri. Cependant ce jeu ne peut durer longtemps. Les projectiles semblent nous suivre, les voûtes s'effondrent au fur et à mesure que nous les abandonnons. Vers 14 heures, ordre est donné au commandant des fusiliers de faire rejoindre ses hommes par groupes et de gagner, dans les intervalles des coups, la poterne d'entrée du fort, qui jusqu'alors est restée intacte. Le mouvement s'exécute dans un ordre parfait. Par miracle, nous passons entre les projectiles. Le tir se maintient pendant tout un temps sur la partie gauche du fort et les hommes se rangent sur la berme contre le talus extérieur du demi-front de gorge de droite. A ce moment était tombé dans l'ouvrage lé deux cent trente-cinquième obus de 420. A part des morceaux de maçonnerie et des éclats qui n'atteignent personne grièvement, la sécurité y paraît assez grande. Vers midi, les projectiles se rapprochent, les hommes qui se trouvent sous la poterne d'entrée et dans le corps de garde sont appelés à l'intérieure. Tous les organes de défense sont à ce moment détruits ou immobilisés. Les couloirs et poternes sont obstrués par de monstrueux blocs de maçonnerie. Seule la coupole de 5 cent. 7 du saillant IV paraissait en bon état; mais il était impossible d'y parvenir. Le dernier abri de la garnison est bientôt menacé à son tour. Un projectile vient éclater au bord du fossé, à quelques mètres au delà de l'entrée du fort, provoquant un moment de panique. Le bombardement continue et ne permet pas de réoccuper l'ouvrage. A 14 heures et demie une détonation formidable et une fumée intense nous font présumer que le fort de Koningshoyckt vient de sauter. Nous voyons le tir de nos batteries de campagne, en position derrière nous, se raccour- cir pour couvrir la retraite des troupes des intervalles et leurs shrapnells éclatent à notre hauteur. Des batteries allemandes viennent s'installer à droite du fort; nous sommes pris entre deux feux. Réintégrer le fort en ruines n'est plus possible. Les obus de 420 continuent à le battre de six en six minutes avec une régularité désespérante. Les vivres de réserve, les cartouches sont ensevelis sous les décombres. Plus d'eau potable, les fusils sont vides et les hommes affamés. Il est encore temps peut-être d'éviter l'encerclement. C'est ce que nous tentons sous une pluie de schrapells. Les hommes sont épuisés et c'est avec un immense sentiment de tristesse et de découragement qu'à 18 heures les officiers se décident à les ramener vers Lierre. La défense avait duré quatre jours interminables, sous un bombardement qui ne laissait aucun repos au personnel et qui ne permettait aucune relève. Escomptant prématurément les effets démoralisateurs de leurs terribles engins, les Alle- mands crurent que, dans la nuit du 1er au 2 octobre, une attaque de vive force les ren- drait maîtres du fort. Leurs trois tentatives d'assaut furent autant d'échecs. Quand, vingt-quatre heures plus tard, ils y pénétrent, c'est un monceau de ruines qui tombe entre leurs mains. Se battre n'est rien! ... à condition qu'on puisse rendre les coups. Or, la portée de l'artillerie ennemie, considérablement supérieure à celle de nos pièces, la mettait à l'abri de notre tir. Nous en étions ainsi réduits à nous croiser les bras et à attendre que la mort voulût bien de nous. Cette attente dans un obscur boyau de maçonnerie, que l'on sait voué à la destruction et qui, toutes les six minutes, risque d'être écrasé par un projectile que l'on entend approcher est une agonie à répétition. Elle agit sur les nerfs les mieux trempés, et l'héroïsme de ceux qui attendirent la mort, uniqvement parce qu'on leur avait dit qu'il le fallait, est d'autant plus admirable qu'il fut déployé dans l'ombre et que nul n'en a jamais rien su! http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_18.htm | |
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