L'empire colonial allemand Débuts de la colonisation allemandeMême s'il y eut bien quelques implantations de colonies allemandes de peuplement au XVIIe siècle, notamment en Afriquenote 1, la véritable naissance de l'Empire colonial allemand se situe après l'unification de 18711. Elle fut avant tout le fruit d'initiatives privées qui reçurent l'appui officiel du chancelier Otto von Bismarck. Aussitôt après la victoire sur la France en 1871, quelques journaux réclamèrent l'annexion de certaines colonies françaises, mais Bismarck jugea alors prématuré de se lancer dans une politique coloniale qui eût éveillé la méfiance du Royaume-Uni. L'Empire naissant - qui manquait d'ailleurs des moyens navals nécessaires à une telle entreprise - avait besoin de se renforcer et de se consolider à l'intérieur avant de se jeter dans l'aventure outre-mer. Ce n'est donc qu'après la création de la Kaiserliche Marine que l'Empire allemand amorça véritablement une politique coloniale d'État, arrivant par ailleurs tardivement sur le « marché » colonial — l'Afrique étant déjà pratiquement partagée entre Français et Britanniques.
Cependant, dès 1878 furent créés le Zentralverein für Handelsgeographie und Förderung deutscher Interessen im Auslande ( Association (/société) centrale pour la géopolitique commerciale et l'essor des intérêts allemands à l'étranger ) à Berlin et le Westdeutscher Verein fur Kolonisation und Export ( Association (/société) ouest-allemande pour la colonisation et l'exportation ) à Düsseldorf. Ces groupements lobbyistes s'occupaient de questions économiques et de l'émigration. En 1882, le Reichstag repoussa cependant un premier projet de loi devant apporter une garantie étatique pour une Société d'exploitation des Samoas. Ce vote négatif provoqua une vive réaction dans le petit monde des chantres du colonialisme et le 6 décembre 1882, le prince Hermann zu Hohenlohe-Langenburg fonda l' Union coloniale allemande ( Deutscher Kolonialverein ), groupe d'intérêts remettant en question l'organisation du commerce des denrées coloniales et les frais d'intermédiaires et droits douaniers exorbitants qui grevaient celui-ci, par ailleurs presque exclusivement entre les mains de monopoles britanniques et français.
Otto von Bismarck au Congrès de Berlin en 1884.
Cet aphorisme du chancelier allemand résume parfaitement la ligne de sa politique coloniale des années 1880-1890, peu soucieux qu'il se montrait d'engager les finances impériales dans cette aventure, de heurter l'opinion publique allemande peu intéressée par la chose et de s'attirer l'inimitié du Royaume-Uni et de la France, assoiffée de revanche après la défaite de 1871.
Dans une première phase, l'Empire se limita donc à accorder un protectorat sur les possessions des sociétés coloniales allemandes constituées exclusivement de capitaux privés. Le 24 avril 1884, le premier protectorat d'Empire fut ainsi accordé aux possessions de l'homme d'affaires Luderitz dans le Sud-Ouest Africain. La même année, il fut étendu aux possessions de Nouvelle-Guinée et de l'archipel Bismarck, du Cameroun et du Togo. L'extension de cette mesure à ce dernier donna lieu à une première friction avec le Royaume-Uni qu'un traité régla à l'amiable l'année suivante.
Cette stratégie politique plaçait de fait les consortiums coloniaux allemands sous la tutelle impériale tout en leur laissant leur autonomie administrative et surtout financière, sous la réserve du droit que l'Empereur conservait de modifier leur statut. Le chancelier affirma clairement que « (son) intention, conforme à celle de Sa Majesté, est de laisser à l'activité et à l'esprit d'entreprise de nos concitoyens, navigateurs et commerçants, la responsabilité entière de la fondation et du développement matériel de la colonie. Je ne me servirai pas de la forme de l'annexion de provinces maritimes à l'empire allemand, mais je délivrerai des lettres de franchise semblables aux Royal Charters anglaises. »
La question du partage colonial de l'Afrique - et en particulier de l'Afrique centrale - ayant pris une tournure épineuse au début des années 1880, ce fut précisément en 1884 que le Portugal prit l'initiative de demander la tenue d'une conférence internationale sur le sujet, suggestion immédiatement relayée par Bismarck, qui y vit le moyen politique d'ouvrir cette région aux investissements allemands. La conférence se tint donc à Berlin entre le 15 novembre 1884 et le 26 février 1885, réunissant treize pays européens : l’Allemagne, puissance hôte, la France, le Royaume-uni, l’Espagne, le Portugal, la Belgique, la Russie, la Suède, la Norvège, les Pays-Bas, le Luxembourg, ainsi que les États-Unis (ces derniers étant présents à l'initiative d'Henry Morton Stanley, l'agent américain du roi des Belges Léopold II qui espérait ainsi avoir un allié de poids à ses côtés).
S'il n'en résulta pas, contrairement aux idées souvent reçues, un véritable partage de l'Afrique, la Conférence de Berlin aboutit cependant à la mise en place de « sphères d'influence et d'intérêts » et d'un ensemble de règles régissant l’occupation des terres, des côtes aux arrière-pays, selon des codifications mutuellement avantageuses aux nations participantes en vue d'une gestion efficace de l’incommensurable richesse du continent africain - dans la lignée et l'esprit du Traité de Tordesillas qui, en 1494, avait vu le partage du Nouveau Monde entre les grandes puissances maritimes de l'époque, l'Espagne et le Portugal.
L'Allemagne ne possédant pas à l'époque les moyens militaires et navals en vue de conquêtes territoriales de vive force, le chancelier Bismarck se fit en cette occasion le chantre du commerce libre et de la libre entreprise dans la zone centre-africaine, tactique politique qui devait se révéler payante par la suite.
Dans la foulée du congrès, de nouvelles sociétés lobbyistes furent encore créées, en vue notamment de promouvoir la propagande colonialiste au sein de l'opinion publique allemande restée nettement plus indifférente au sujet que celles de France et du Royaume-Uni.
Politique coloniale allemande après BismarckEn 1890, Leo von Caprivi succède au chancelier de fer, écarté du pouvoir par Guillaume II. Sa politique coloniale est plus timorée que celle de son prédécesseur car il craint que les colonies ne deviennent causes de difficultés internationales et financières, la défense rapprochée de l'Allemagne, les questions militaires et l'organisation politique intérieure en vue du renforcement du pouvoir autocratique de Guillaume II, constituant ses principales préoccupations.
Dès son accession au pouvoir, il signe donc avec le Royaume-Uni un traité qui suscite la colère des lobbys coloniaux et par lequel, en échange de vagues zones d'influences en Afrique, mais surtout de l'îlot stratégique d'Heligoland en mer du Nord, l'Empire allemand renonce au sultanat de Vitou, à la côte des Somalis, et reconnaissait le protectorat britannique sur Zanzibar.
En 1893, il est à son tour remplacé au poste de chancelier impérial, changement politique qui marque une nouvelle orientation dans la politique coloniale du versatile Guillaume II. Dès ce moment la course aux colonies s'accélère et l'empire allemand en Afrique se consolide.
Car si l'opinion publique allemande, focalisée sur le contentieux avec la France, reste toujours aussi indifférente à la question coloniale, l'empereur et les autorités politiques ont pris conscience de l'importance économique et stratégique des colonies ainsi que leur impact en matière de prestige national sur la scène diplomatique. La fondation de la Deutscher Flottenverein en 1898 à l'initiative des milieux politiques et industriels s'explique dans ce contexte. C'est au cours des années 1890 que l'Allemagne va s'établir en Chine et au Moyen-Orient et commence à nouer des relations privilégiées avec l'Empire ottoman qui aboutissent en 1914 au ralliement de ce dernier aux puissances centrales.
C'est à cette époque aussi que les autorités politiques du Reich prennent conscience du peu d'efficacité et du faible rendement économique des sociétés coloniales privées. L'intervention étatique s'impose donc, mais sans l'appui de l'opinion publique, faire accepter les rachats de concessions par le Reichstag se révèle une étape délicate à franchir. Par ailleurs, la gestion de l'empire colonial n'avait été attribuée à aucun ministère ou administration particulière dans l'appareil étatique. La révolte des Hereros puis l'affaire de Tanger sont les déclencheurs d'une vaste campagne de propagande patriotique en faveur de la politique coloniale impériale qui porte rapidement ses fruits. Lorsque, fin 1906, le Reichstag refuse les crédits demandés pour indemniser les colons du Sud-Ouest africain, l'opinion allemande fait bloc avec l'empereur, qui proclame la dissolution de l'assemblée. Un ministère autonome des Colonies est créé et M. Dernburg, homme d'affaires énergique et lobbyiste actif de la cause coloniale, en prend la direction.
Le revirement de l'opinion publique et les réformes politiques et financières entraînent immédiatement une relance économique des possessions allemandes outremer et le développement de nouveaux investissements, notamment au Moyen-Orient après la découverte de gisements pétrolifères et le rapprochement avec la Sublime Porte. L'un de ces projets des plus ambitieux est certainement à cette époque la construction du Chemin de fer Berlin-Bagdad pour lequel la Turquie était déjà entrée en négociations avec l'Allemagne dès 1893 (concession de la ligne Eskisehir-Konya) et dont le contrat est officiellement signé lors de la visite de Guillaume II à Constantinople en 1898, mais qui démarre réellement en 19033.
Le « coup de Tanger » en 1905 et la Conférence d'Algésiras qui en fut la suite en janvier 1906 marquent une nouvelle étape dans la politique colonialiste expansionniste de l'Allemagne et permet à celle-ci de s'immiscer également dans le développement économique de cette partie de l'Afrique.
Les conséquences intérieures directes de cette phase d'expansion du domaine colonial entre 1895 et 1910 et du développement des flottes militaire et marchande qui en résulte se manifestent par le développement des ports de Brême et de Hambourg et de leurs chantiers navals, induisant une forte hausse des commandes à l'industrie sidérurgique et minière. Toutefois elle a aussi malheureusement pour conséquence politique de donner à l'Empire l'illusion de sa toute puissance et de son impunité, ce qui aura de terribles répercussions à l'entame de la décennie.
COLONIES ALLEMANDES
AFRIQUE Burundi (Colonie : 1890-1903 ; Protectorat Afrique orientale allemande : 1903-1919)
Cameroun (Protectorat : 1884-1919)
Congo
Rwanda (Protectorat Afrique orientale allemande : 1890-1914)
Sud-ouest africain (Occupation : 1884-1915)
Tanganyika (Occupation Afrique orientale allemande : 1885-1914)
Togo (Colonie : 1884-1894 ; Protectorat : 1894-1914)
EUROPE
Autriche (Anschluss : 1938-1945)
Belgique (Occupation : 1940-1944)
France (Occupation : 1940-1944)
Hongrie (Occupation : 1941-1945)
Lituanie (Occupation : 1915-1918)
Luxembourg (Occupation : 1914-1918 ; 1940-1944)
Pologne (Occupation : 1939-1945)ASIELa fin du XIXe siècle vit une véritable mise sous tutelle coloniale de l'Empire du Milieu en particulier après la Guerre franco-chinoise et la Première guerre sino-japonaise. Peu soucieuse de demeurer en reste et de se voir exclue du partage des marchés et richesses chinois, l'Allemagne s'imposa comme partenaire dans les négociations du Traité de Shimonoseki en 1896. En 1897, arguant de l'assassinat de deux missionnaires allemands, elle s'empara de facto de la baie de Jiaozhou (Kiao-Tchéou), dans la province de Chan-Toung (Shandong), arrachant au gouvernement chinois une cession à bail pour une durée de 99 ans l'année suivante - concession qu'elle transforma en protectorat - et qui vint s'ajouter à celle obtenue en 1895 à Tientsin.
Ce territoire incluait la ville de Qingdao- Tsingtau en allemand - où la Kaizerliche und Königliche Marine (KuK Marine) va construire une importante base navale destinée à protéger les intérêts allemands en Chine et dans le Pacifique. Sa sphère d'influence en Chine s'étendit par ailleurs rapidement sur toute la région du Shandong et le cours inférieur du fleuve Huang He, notamment par le biais de la construction de chemins de fer (Schandong-Bahn). De fait, l'Allemagne entra ainsi en concurrence économique directe avec le Japon dans cette partie de l'Empire Céleste - situation qui sera à l'origine du ralliement du Japon à la cause des Alliés en 1914 et à l'occupation des territoires allemands par l'armée du Mikado (siège de Tsingtao).
L'Allemagne étendit également son empire colonial dans des îles du Pacifique.OCEANIE Nouvelle-Guinée orientale (Terre de l'Empereur Guillaume) (1885)
Archipel Bismarck
Carolines orientales
Carolines occidentales
Iles Mariannes
Nauru (Occupation : 1888-1914)
Iles Salomon (Occupation : 1885-1893)
Iles Samoa (Occupation : 1880-1899)
Iles Samoa Occidentale (Occupation : 1899-1914)
Dès le milieu des années 1860, des maisons de commerce allemandes établirent des comptoirs en Océanie et notamment à Samoa et en Mélanésie, obtenant des concessions des chefs indigènes pour l'exploitation des richesses locales. Lorsque le Deutscher Kolonialverein chargea le Docteur Finsch d'une mission scientifique en Nouvelle-Guinée - qui constitue stratégiquement le glacis de l'Australie -, la Couronne britannique dépêcha une mission de son côté et à l'issue de négociations bilatérales, l'Allemagne put établir son protectorat sur Kaiser-Wilhems-Land qui formait la partie est/nord-est de la Nouvelle-Guinée en 1884, l'ouest étant occupé par les Néerlandais et le sud-est par les Britanniques, et l'archipel Bismarck au nord-est. Les Allemands y construiront le port de Rabaul, qui deviendra le siège de l'administration impériale locale en 1905.
Elle occupe également à l'époque les îles Samoa; les îles Marshall sont colonisées en 1885, et Nauru en 1888.
Le Reich occupe aussi en 1885 le nord de l'archipel des îles Salomon, où elle impose son protectorat sur ce qui s'appellera les Salomon septentrionales ou Salomon du Nord. Le traité de 1899 les rattachera au protectorat britannique des Salomon méridionales créé en 1893, l'Allemagne conservant toutefois les deux principales îles du nord, l'île Bougainville et l'île Buka
Conformément à la politique pragmatique de Bismarck, de nouvelles sociétés privées sont créées : la Schutzgebiet der Neu-Guinea Kompanie et la Schutzgebiet der Marschall Inseln Verein voient ainsi le jour, les noms de Nouvelle-Bretagne et de Nouvelle-Irlande étant changés contre ceux de Nouvelle-Poméranie (Neu-Pomern) et Nouveau-Mecklembourg (Neu-Mecklenburg).
Après l'occupation de Tsingtau en Chine et la construction de sa grande base navale, l'extension de l'empire colonial allemand dans la zone Pacifique connaît un seconde phase au tournant des XIXe et XXe siècle: les Mariannes - partagées avec les États-Unis - , les îles Palaos et les Carolines sont rachetées à l'Espagne pour une somme de 18 000 000 de marks/or en 1899.
Soldats britanniques et japonais à Tsingtau en 1914
Le domaine colonial allemand dans la zone Pacifique fut essentiellement constitué de colonies d'exploitation des ressources « exotiques » locales : phosphates de Nauru, coprah, caoutchouc, bois tropicaux, café, cacao et perles - la faible densité des populations indigènes très dispersées nécessitant pour l'exploitation des plantations l'importation de main-d'œuvre exogène, principalement chinoise. Horizon lointain de l'empire colonial, ces possessions bénéficièrent également d'une relative autonomie économique et administrative. Compte tenu des distances, elles restèrent en effet peu ouvertes aux importations de produits finis allemands, s'approvisionnant plutôt sur les marchés asiatiques, australiens et sud-américains avec lesquels elles tisseront un important et fructueux réseau de relations commerciales. L'administration se réduisit à la présence de consuls et de quelques fonctionnaires, même si la Marine impériale y maintint une présence plus affirmée. L'ouverture du canal de Panama allait d'ailleurs donner une place importante à ces bases lointaines dans la stratégie navale impériale. Les relations avec les indigènes y furent aussi beaucoup plus correctes que dans le reste de l'Empire, autorités et colons n'hésitant pas à négocier avec les chefs tribaux locaux et les métissages y étant plus fréquents
Le Dr. Wilhelm Solf, Gouverneur des îles Samoa en 1910
Carte de l'Afrique avant la première guerre mondiale
Carte de l'Afrique occidentale française avant la guerre de 14-18
http://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_colonial_allemand
http://drapeaufree.free.fr/COLONIESALL/coloniesall.htm
http://www.souffle-et-chemins.fr/images/afrique21.jpg
http://www.souffle-et-chemins.fr/images/aof21.jpg